Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.
Octobre 2025 (10 articles)
28 octobre 2025 – L’énigme, c’est Poutine ; l’impasse, c’est la situation internationale bloquée dans des situations de possibilités de conflits ou de fins de conflits, sans que rien ne bouge vraiment. On le sait, on l’a déjà vu à plusieurs reprises et encore récemment dans un sens et l’autre, la position de Poutine est aujourd’hui assez incertaine et l’objet de très fortes critiques pour complaisances et faiblesses vis-à-vis des Occidentaux-compulsifs.
On sait que l’un des grands meneurs de cet assaut critique est Dimitri Medvedev, infiniment plus dur et que de nombreux commentateurs désignent comme le successeur de Poutine. Medvedev, on l’a déjà dit, a abandonné son ton polémique et agressif des trois premières années de la guerre pour adopter un ton critique beaucoup plus mesuré et argumenté, mais qui justement le rend beaucoup plus sérieux dans son système critique, – et cela venant justement venant du fait qu’on approche du terme opérationnel de la guerre, et du moment où des décisions importantes devront être prises pour la suite. On peut le voir dans son dernier message sur ‘Telegram’ du 23 octobre.
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25 octobre 2025 – La psychologie et le comportement de Poutine (tout comme ceux de Trump) constituent un des principaux facteurs de la situation ukrainienne. On sait que Poutine tient une position qu’on dirait paradoxalement “maximaliste” de recherche d’arrangement avec les USA, ou plutôt Trump en particulier, mais il a été jusqu’ici grandement et régulièrement déçu. On peut penser qu’on parvient actuellement, après le nième revirement de Trump, l’un des plus radicaux dans le sens d’un retour dans le camp des neocon maximalistes, n’est pas loin de porter le coup mortel et fatal aux conceptions de Poutine, comme si Anchorage n’avait jamais eu lieu. Cela est dit désormais de façon publique, comme nous le notions hier :
« Car, soyons clairs, c'est, sinon une critique de Poutine, du moins une critique de sa méthode quand Medvedev évoque les nombreux commentateurs qui nourrissent encore des illusions. Eh bien, la personne qui a passé la plupart de son temps à avoir huit conversations téléphoniques avec Trump et à le rencontrer en Alaska, la personne qui a nourri ces illusions, c'est Vladimir Poutine lui-même. »
Et l’on observait une première remarque de Poutine marquant un durcissement de sa position. Comme l’avait précédemment dit Mercouris, décrivant le “fonctionnement” de Poutine :
« Lorsqu’il se sent vraiment en minorité au milieu de sa direction et qu’il constate que les événements justifient leur position, Poutine infléchit petit à petit sa position pour se retrouver au sein de cette majorité... »
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17 octobre 2025 (0815) – Dans une très intéressante interview que nous publierons/publions parallèlement au complet, le philosophe russe Alexandre Douguine aborde trois problèmes “transversaux” de notre époque, – c’est-à-dire affectant différents pays et régions parce qu’ils constituent des marques générales d’une époque de bouleversements révolutionnaires où l’affrontement se fait entre globalistes et néo-traditionnalistes. Il s’agit successivement de la “philosophie de la complexité” qui sous-tend l’action de Poutine en faveur de la multipolarité (et de la définition de la multipolarité pour l’occasion) ; de la “révolution de couleur” ; enfin, de la “Grande Europe de l’Est” en formation.
L’intérêt du travail de Douguine est surtout qu’il rend très concret à partir d’exemples et de situations précises dans notre temps des concepts le plus souvent sinon systématiquement demeurés à l’état théorique. Il se dit d’ailleurs lui-même géopoliticien métaphysique, et il ne l’est nullement en théorie.
J’ai trouvé intéressant d’isoler l’un des trois sujets traités, celui de la “révolution de couleur”, ou la mécanique du ‘regime change’, – constamment d’actualité dépits vingt ans. Ce phénomène subversif politique qui me semblait à l’origine être un phénomène ayant constamment existé sous des formes variables mais selon des principes bien connus, est devenu une technique opérative d’acteurs nouveaux (ONG notamment) depuis la chute du Mur surtout, manipulés par des organisations de sécurité d’État bien connues pour être constamment actives dans les domaines de l’influence et de la manipulation. Il y eut des théoriciens de cette forme d’action et des techniques fondées sur les structures étatiques, collatérales ou indirectes. Il y a des historiques de ce phénomène, le plus souvent soigneusement orientés dans un sens progressiste et pseudo-“révolutionnaire” comme l’est par exemple la page Wikipedia. Le caractère idéologique-médiocre de ces interprétations est évident et suit les grandes tendances supranationales regroupées sous le terme ‘globalisme’ ; cette approche est elle-même une “révolution de couleur” de l’esprit et ne peut se concevoir que selon une référence à la modernité que l’on tenterait de sauver par l’apport d’une technologie d’un “hyperlibéralisme” nourri, voire abreuvé jusqu’à l’ivresse par un individualisme total autant que totalitaire.
Douguine adopte une approche complètement différente et que je découvre comme novatrice. Répondant à une tendance nouvelle et ignorée de beaucoup, Il injecte justement le regard du philosophe et du métaphysicien sur des événements bien précis et très actuels, et il donne des explications dépassant le cadre idéologique que je qualifie de médiocre, qui est le courant des esprits de l’époque. Ainsi, le philosophe désintègre le simulacre de la désinformation, littéralement “sans prendre parti”.
16 octobre 2025 à 08H00 – Depuis des années, bien depuis 2017, je suis un auditeur régulier de ‘TheDuran’, le duo Mercouris-Christoforou. Il y a 4 ou 5 ans, ils ont commencé une rubrique où ils débattent ensemble d’un point bien précis, en général moins longuement que chacune de leurs émissions personnelles. Cette émission “à deux” est souvent une sorte d’interview de Mercouris par Christoforou, la maîtrise du premier dans le traitement en profondeur et très documenté des problèmes traités étant largement reconnue. Chaque fois, les interventions de l’un ou de l’autre sont salués par une approbation chez son interlocuteur, ou de simples précisions ou légères mises au point...
Pas ce 14 octobre 2025, où le ton contestataire de Christoforou est brusquement monté tandis que Mercouris s’enlisait dans une explication verbeuse où transparaissaient son admiration pour Poutine et sa difficulté à reconnaître, – il n’en doutait pourtant pas un instant, – que ce même Poutine persistait d’une façon déraisonnable et se trouvait pris par des journalistes en flagrant délit, pour la première fois aussi mauvais et détestable dans une conférence de presse. Celle-ci avait lieu en clôture de la conférence du CIS, à Dushanbe, au Tajikistan.
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13 octobre 2025 (12H45) – Il y a bien longtemps que je ne lis plus ‘The Guardian’ ; un peu par manque de temps et beaucoup parce que je sais bien ce qu’ils vont écrire, dans quel sens, avec quel sérieux et ainsi de suite. Si je me trompe ou bien n’accomplis pas assez bien ma tâche, – mais qu’on en juge sur pièces, sur ce que j’ai écrit, – eh bien, à Dieu vat !. D’ailleurs, qu’on se rassure, j’ai tout de même pris quelque précautions ; je veux dire qu’il y a des amis inconnus mais très sûrs, qui continuent à lire ces titres prestigieux, d’un œil acéré et très critique, et je m’en remets à eux.
Ainsi, Larry C. Johnson, sur son site ‘sonar21.com’, le 12 octobre, qui s’intéresse à Boris Johnson via ‘The Guardian’. L’article choisi n’est pas tendre pour Boris ! Vous direz : pourtant, lui et eux c’est le même combat ? Oui, mais Boris est conservateur, et ‘The Guardian’ est vertueux... Alors.
Il y a notamment cette reprise verbatim d’un extrait de l’article de ‘The Guardian’ par Johnson, dont le titre est : « Boris Johnson a-t-il accepté un pot-de-vin pour maintenir la guerre en Ukraine ? »... Et comme on dit : “Poser la question, c’est y répondre...”
« À son embarquement dans le train de nuit pour l'Ukraine, Boris Johnson était accompagné de son entourage habituel, composé d'assistants et de gardes du corps, sans oublier l'homme qui lui avait donné 1 million de livres sterling.
» Moins d'un an s'était écoulé depuis que Johnson avait accepté ce qui est considéré comme le don le plus important jamais fait à un député. Il provenait de Christopher Harborne, l'un des donateurs politiques les plus importants et les plus privés du Royaume-Uni.
» Harborne, dont les millions ont contribué au financement du Brexit, a versé le paiement à une société privée créée par Johnson après sa démission du poste de Premier ministre. Des documents fuités révèlent que Johnson, défenseur de l'Ukraine pendant et après son mandat, était accompagné de son bienfaiteur en septembre 2023 pour une visite de deux jours, incluant des rencontres avec de hauts responsables. »
C’est le 10 octobre que ‘The Guardian’ a publié son article à partir de documents piratés “à partir de déni de secrets distribués” selon la formule consacrée, et qui sont disponibles ici, sous l’intitulé ‘Boris files’. D’autres documents sont accessibles et dans cet ensemble on trouve les principaux détails des relations entre Boris Johnson et Harborne.
Aussitôt vient la question : qui est ce Harfborne, puisqu’on connaît bien Boris... ?
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12 octobre 2025 (15H30) – Comme nous sommes d’une profonde inculture que je prends soin de ranger avec habileté dans la case féconde de l’inconnaissance, nous ne connaissions rien de Nick Land avant que le philosophe finlandais Markku Siira ne nous en parle, – pas plus tard qu’hier. Un petit rappel pour situer notre démarche ;
« Le 10 octobre 2025 Siira décrit le parcours du philosophe Nick Land, illustrant parfaitement ce type d’avatar qui nous renvoie à nos origines, y compris par le moyen d’une technologie hyper-triomphante (pour remonter le temps, par exemple, et retrouver nos traditions, non ?) :
» [...] “Il est étonnant que Land ne voie pas lui-même la contradiction entre le progressisme technologique et le traditionalisme réactionnaire – ou peut-être que ce paradoxe est justement le cœur de sa philosophie.”
» Le dernier membre de phrase, avec le “peut-être”, est si intéressant et correspond si joliment aux pétillements caractérisant notre époque pleine de surprise. Il est bien possible, – et cela serait une joyeuse farce-bouffe, – que l’hyper-technologie, à force d’être hyper, achève sa révolution (orbitale, selon la remarque d’Hanna Arendt) à son point de départ, dans les bras de la tradition. »
Aujourd’hui, nous retrouvons Siira qui, lui, retrouve Nick Land après une lecture plus attentive de ses derniers écrits. Ses découvertes sont particulièrement exaltantes, pour ce site et pour PhG lui-même, par exemple lorsqu’on relit tant de textes comme celui du 29 mars 2018 (« Conversations avec des forces surhumaines ») ou celui du 7 novembre 2023 (« A la recherche d’une conscience perdue »), sans remonter aux origines de “l’intuition de Verdun”’ (24 novembre 2006).
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10 octobre 2025 (15H30) – Il y a eu, ces derniers jours, une inflexion assez évidente de la présentation de la politique étrangère russe par le président Poutine. Cette inflexion était en préparation chez Poutine depuis la rencontre d’Anchorage où il avait longuement fait l’éloge des “retrouvailles” russo-américanistes. Il allait falloir juger sur pièces, dans les actes, sur le théâtre ukrainien dans l’immédiat (bien que les “retrouvailles” fussent destinées à bien d’autres domaines), si cette satisfaction était justifiée. Il ne faisait aucun doute que Poutine se trouvait sur son terrain de prédilection de l’amélioration et de l’apaisement des relations au plus haut niveau, fondée sur l’espèce d’estime qu’il éprouve pour Trump, lui-même grand admirateur de Poutine.
On a vu que la chose ne s’est pas réalisée, bien que l’affaire fondamentale de la livraison de missiles de croisière ‘Tomahawk’ (ou ‘Typhoon’ si l’on parle de la version sol-sol) à l’Ukraine ne soit pas réglée du fait des palinodies de Trump. Poutine s’était aperçu aussitôt après Anchorage de la difficulté de son ambition de l’amélioration des relations avec les USA. Comme l’indique Alexander Mercouris (on voit le passage plus complet plus loin), qui a de nombreux contacts avec la Russie :
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7 octobre 2025 (20H30) – Cela fait bien longtemps que je ne trouve plus grand intérêt à discourir de la France, c’est-à-dire de mon pays. La “Grande Nation” a perdu à mes yeux attristés toute dignité et abdiqué son rang sans coup férir. Elle se perd et se trahit elle-même, silencieuse et honteuse derrière les incessants bavardages de ses parasites et de ses imposteurs si prompts à encenser le Prince. Elle est cette Nation dont le Prince n'est qu'illusion.
Je ne l’ai pas aimé dès la première heure, me suis forcé une fois ou l’autre à le respecter, et vite découragé par cet effort surhumain. L’illusion n’était qu’un nuage diaphane d’une fumée hâbleuse et médicastre, bagatelle inconsistante et insignifiante. On commence à mesurer aujourd’hui la profondeur de l’esboufre et de la perfidie. Il y a même d’anciens larbins soumis qui y voient une psychopathie de type narcissique et réclament un internement rapide. Cela avait déjà été dit et rien ne l’en a fait dévier. La vertu des esprits impérieux et des pathologies de la psychologie et de l’esprit est plus forte que toutes nos exigences.
C’est dire s’il y a bien peu à dire dans mon chef, sinon que notre Prince a réussi cet exploit de fomenter, – par inadvertance ou pas, qui sait, – une situation de crise qui n’a pas de précédent dans l’histoire moderne de la Grande Nation devenue République très moyenne, et une crise qui est d’ailleurs d’une grande originalité. Il faut lui reconnaitre ça, au Prince, qu’une illusion accouchant d’un tel simulacre représente une circonstance qui sort de la banalité. Il faut également noter que, pendant ce temps-là, il en oublie son attaque de la Russie, – et l’on entend d’ici le soupir de soulagement de Poutine.
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5 octobre 2025 (16H15) – Pour introduire les prémisses de la tragédie qui n’est bouffe (tragédie-bouffe) qu’à cause des erreurs extraordinaires, complètement surréalistes, de mesure de la réalité par ses acteurs, on prendra la conclusion d’un article d’Elena Panina qui termine une présentation implacable de la crise de l’UE, – entre sa “guerre” et sa “puissance” économique, – par Viktor Orban, puis un détour vers le projet de saisir les milliards russes détenus par ‘Euroclear’ qui rencontre une insurrection résolue de la Belgique (où se trouve cette organisation) avec le soutien de la Banque Centrale Européenne.
Voici cette conclusion exposant les dilemmes qui frappent d’ailleurs tous les grands acteurs, y compris les USA qui s’emploient à traire la vache à lait européenne mais en prenant le risque d’un véritable conflit de très-haute intensité avec la Russie... Tout le monde saute dans les sables mouvants !
Mais bon, avant la conclusion, pour nous mettre en bouche :
« Et, de manière générale, l'Europe mise tout sur la sécurité. Pour elle, la situation est soit désastreuse, soit vouée à l'échec. Les anciens approvisionnements en ressources énergétiques russes sont perdus à jamais : Washington ne permettra pas une reprise. De plus, les États-Unis exigent que l’Europe achètent pour 250 milliards de dollars de produits énergétiques américains par an. La compétitivité de l'UE décline en raison du coût élevé de l'énergie, et l'Union elle-même est progressivement reléguée à la périphérie du système occidental, perdant ainsi son industrie. »
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er octobre 2025 – Aux tout débuts de ce site, en 1999, nous avions entamé une nouvelle définition de ce qu’était en train de devenir l’information grâce à la formidable extension, qui ne faisait que débuter avec les véritables débuts de l’internet, du système de la communication.
La guerre du Kosovo fut pour moi l’occasion de faire abondant usage du terme “virtualisme”, c’est-à-dire la fabrication consciente et élaborée d’une autre réalité que la réalité. C’est ainsi qu’à mes yeux et nos yeux, le Kosovo devint la première “guerre virtualiste”. De ce fait même, la “presse” alternative (Résistance), née grâce à l’internet qui, tel Janus, nourrissait et nourrit les deux partis adverses, devint “notre Samizdat” à la gloire sans cesse réaffirmée.
Sans doute, dès ces débuts, je le reconnais sans hésitation : nous n’avions pas assez insisté, – mais cela nous paraissait évident, – sur l’importance de tous les réseaux d’information dissidents “ouverts”, dont nous sommes nous-mêmes partie prenante. Avec la guerre en Ukraine, cette attitude s’est modifiée et nous reconnaissons aujourd’hui pleinement cette importance, encore plus grande que ce que nous imaginions lorsque nous envisagions une situation de type-Kosovo achevée et donc grandement multipliée. En effet, aujourd’hui, cette situation a complètement révolutionné les services de renseignement, comme le souligne un texte du 28 septembre du site Telegram ‘InfoDefense’, titré (longuement) :
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