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10 novembtr 2025 – Nous atteignons actuellement le pire du pire de la dégradation de la politique de sécurité nationale des Etats-Unis sous la direction de Donald Trump, ce si-étrange président, étrange bien au-delà des prospectives idéologiques ou des
Le Brésilien Alkhorshid, directeur et animateur de ‘Dialogue Works’ est l’une des chaînes indépendantes les plus populaires et il interroge un invité. Nous sommes le 9 novembre 2025, interrogeant Scott Ritter (à partir de 14’ 15”), ancien major du Corps des Marines, officier du renseignement, spécialiste des questions de limitation des armements, un des grands noms parmi les commentateurs indépendants. Cet entretien suit les essais des missiles à propulsion nucléaires Bоurevestnik et ‘Poseidon’, c’est-à-dire des essais d’armes pouvant porter des têtes nucléaires, – mais nullement des essais nucléaires, avec l’explosion d’une charge.
Ritter nous explique l’évidence qui concerne la viabilité du premier grand accord de limitation des armements, – l’essai sur la limitation/l’interdiction des tests d’explosions atomiques en air libre annoncé par le président Kennedy lors de son plus grand discours d’août 1963, trois mois avant son assassinat. Ce discours et cet accord sanctionnaient un accord complet entre Kennedy et Krouchtchev à la suite de la crise des missiles de Cuba en octobre 1962.
Cet ensemble d’éléments décrits par Ritter fixe l’essentiel de la crise qui se développe autour des structures de contrôle des armements, – ou, du moins ce qu’il en reste. Cet accord est, si l’on peut dire, le nadir des sous-crises formant la GrandeCrise, puisqu’affectant le sommet absolu des armements de destruction massive créés par les sociétés humaines depuis un siècle. Au-delà de cet accord, c’est l’inconnu, le désert, la terra incognita dévastée ou bien s’ouvrant sur quelque chose de complètement différent.
Ce qui est décrit de Donald Trump par Scott Ritter est entièrement, absolument exact, et d’une simplicité confondante, – et effrayante, certes. Un imbécile détient aujourd’hui le monopole de la pensée théorique et de l’action opérationnelle des USA.
Nima R. Alkhorshid : « Le président des États-Unis a déclaré lors de son interview à 60 minutes que la Russie et la Chine testaient des bombes nucléaires, une sorte d'essai nucléaire qu'il mènerait et ils n'en disent rien. En coulisse, ils le font en secret. Dans la même interview, ils ont montré le commandant qui l'avait informé. Il savait ce qui se passait avec la Russie et la Chine en matière d'essai nucléaire. Je ne me souviens plus de son nom, mais il a dit qu'il n'y avait aucune preuve que la Russie et la Chine testent des bombes nucléaires. Et Vladimir Poutine a réagi à la rhétorique nucléaire de Donald Trump qualifiant cela de sujets sérieux. Il a chargé le Conseil de sécurité et les agences de défense de la Russie d'analyser les déclarations américaines et de préparer des propositions sur une éventuelle préparation à des essais nucléaires. Que se passe-t-il, Scott ? Je pense que tu es l'une des personnes les plus qualifiées pour parler de ces questions en matière de contrôle des armements, de bombes nucléaires et de politique nucléaire. Quelle est ton opinion là-dessus ? »
Scott Ritter : « Selon moi, les États-Unis d'Amérique sont dirigés par l'un des hommes les plus stupides du monde, quelqu'un qui ne comprend pas le pouvoir des mots. Avant de s'exprimer sur des sujets comme celui-ci, il devrait sans doute être mieux informé. C'est un homme à qui l'on a dit que les Russes avaient effectué deux essais nucléaires. L'un concernant le missile de croisière à propulsion nucléaire Bоurevestnik et l'autre le drone sous-marin à propulsion nucléaire Poséidon. Ces deux engins sont capables d'emporter des ogives nucléaires, mais les essais portaient sur les systèmes de propulsion nucléaire. Et d'une manière ou d'une autre, dans son esprit, il a décidé d'appeler cela des essais d'armes nucléaires. Non, il s'agit de test de vecteurs de livraison nucléaire qui se trouve à propulsion nucléaire. Peut-être que cela fait simplement trop de nucléaire pour que le cerveau de Trump puisse suivre. Mais en fin de compte, il a pris la parole et a dit “Ils font des tests, donc je vais ordonner des tests”.
» Voici maintenant la partie importante. Il a dit “Je vais ordonner au secrétaire à la guerre, ce serait Pete Hegeth, de réaliser un essai d'armes nucléaires similaire à ce qui a été fait.” Et tout le monde a paniqué en pensant “Oh mon dieu, ça signifie que les États-Unis vont violer le traité d'interdiction complète des essais nucléaires et commencer à tester de véritables ogives nucléaires”. »
Pour une fois, peut-être les guillemets sont-ils de trop et les experts en question, bien qu’ils soient des américanistes, ont réagi dans un sens évident, – pour résumer : “Mais cette idée de faire des tests d’explosion nucléaire est tout simplement catastrophique”.
Un long article de ‘Defense News’, publication dont on ne peut soupçonner une seule seconde qu’elle ne soit pas alignée sur la ligne de la pensée officielle, développe longuement les réactions des experts après le tir d’un missile ‘Minuteman III’, expérience classique et sans le moindre risque, mais présentée comme l’ouverture d’une campagne menant à des essais réels, en atmosphère libre, d’explosions nucléaires.
Un simple rappel du titre et du sous-titre, pourtant exprimés dans des termes d’une extrême retenue, suffit à résumer la teneur de cette longue dissertation, extrêmement technique, condamnant le démarche de Trump. Il faut noter que l’expression ‘The House of Dynamite’, du titre d’un film dont nous avons parlé comme d’une réalisation fort peu appréciée du Pentagone, est employé dans le cours du récit. Cela donne la couleur de l’envoi.
« Des experts avertissent que des essais nucléaires à grande échelle seraient contre-productifs pour les États-Unis
» Des experts préviennent que la reprise d'essais nucléaires à grande échelle est inutile et compromettrait les efforts des États-Unis pour dissuader les autres nations de procéder à leurs propres essais nucléaires. »
Maintenant, nous abordons un autre aspect de cette étrange décision complètement folle. Essentiellement, nous utilisons pour expliquer cette démarche trumpiste une vidéo de Christoforou-Mercouris qui va chercher les origines mêmes de cette démarche trumpiste. C’est Mercouris qui parle surtout, en faisant appel à l’influence et à la démence des neocon dont Trump s’est entouré et qui forment désormais l’essentiel de la politique de sécurité nationale de Trump, – non pas “marionnette” manipulée, mais énorme narcissisme qui trouve dans la démence- neocon de quoi se satisfaire, comme d’un bain de Jouvence.
A Christoforou qui avait avancé deux hypothèses pour expliquer la démarche trumpiste, dont la deuxième envisageait une certaine rationalité tactique, – aussitôt écartée par Mercouris.
« Je partage l'avis selon lequel Trump a en effet accepté la première partie de ce que vous avez dit, à savoir que le président Reagan a gagné la Guerre froide en forçant les Russes à des concessions décisives parce que l'expansion militaire américaine qui a eu lieu dans les années 1980 a exercé une pression si énorme sur l'économie soviétique de l'époque qu'elle a fini par céder. Je ne vais pas m'étendre sur l'histoire de cela. Je dirai simplement que c'est faux. »
C’est évidemment complètement notre point de vue (voir « Le Trou Noir de la postmodernuité »), nous qui accordons une importance fondamentale à la psychologie, et bien plus à la ‘glasnost’ qu’à la ‘perestroïka’ de Gorbatchev. Pour ce qui concerne la quincaillerie, on se reporte notre texte du 30 avril 2010, sur cette période complètement marquée par les rêveries hollywoodiennes-neocon de la “guerre des étoiles” de Reagan, – qui fut d’ailleurs l’idée de Reagan lui-même et seul, qui, au départ comme l’a expliqué son conseiller scientifique, voulait en faire un instrument commun (éventuellement avec transfert de technologies à l’URSS) pour liquider une fois pour toutes la folie de la dissuasion nucléaire (les deux adversaires qui se regardent, chacun en appuyant sur la tempe de l’autre le canon de son revolver nucléaire).
« Ainsi apparaît peu à peu la réalité de la fin de la Guerre froide. Jusqu’ici, la narrative nous donnait à penser, dans le sens conformiste des choses de type neocons, Cold Warriors et assimilés, que les USA avaient conduit dans les années 1980 une forme de la course à l’armement (ce qu’ils ont fait de leur côté, et avec assiduité mais seuls…). L’idée est que les Soviétiques avaient essayé de suivre, s’étaient épuisés et s’étaient effondrés. La recette était donc trouvée: développez les armements au maximum et vous emporterez la victoire, et vous assurerez l’hégémonie des USA.
» C’est sur cette idée que fut développée toute la politique maximaliste et belliciste de l’administration GW Bush dans les années 2000, après une ouverture non négligeable de l’administration Clinton dans les années 1996-2000. C’est sur cette idée fondamentale que repose toute la logique de la politique expansionniste, hégémoniste et belliciste des USA depuis effectivement les années 1990 (par exemple, depuis le document Wolfowitz de mars 1992 dont un exemplaire fut donnée au New York Times à cette époque et fit grand bruit, – voir le texte ‘To Finish in a Burlesque of an Empire’, de William Pfaff datant de mars 1992 et mis en ligne sur ce site le 23 novembre 2003). Ainsi toute la politique développée depuis la fin de la Guerre froide repose sur un gigantesque montage fait à ciel ouvert, sans “complot particulier”; cela ne surprendra que ceux dont la profession, dans le métier d’analyste et de journaliste, semble être d’être en général surpris par les mises à jour des montages sans nombre qui constituent l’essentiel de la politique américaniste-occidentaliste et se résument à une déformation sans vergogne de l’Histoire. »
Développant cette thèse du “Trump refait du Reagan” et après avoir clairement déclaré, tout à fait selon notre jugement, que l’interprétation-neocon de Reagan est fausse, Mercouris joue au jeu du “Faisons tout de même comme si cette interprétation était juste”. Même dans ce cas, il démontre aisément que les USA se trouveraient en position d’infériorité, à tous égards, – militaire et nucléaire sans aucun doute, – mais également du point de vue économique et budgétaire.
« Le point essentiel est que la situation actuelle est complètement différente car les États-Unis ne sont pas confrontés à une seule superpuissance. Ils sont confrontés à deux. Ces deux superpuissances, la Chine et la Russie, travaillent en étroite collaboration entre elles. La Chine dispose d'une base industrielle plus importante nettement plus importante que celle des États-Unis. Elle possède une base technologique qui est au moins égale, à certains égard à celle des États-Unis également. Et il ne faut pas sous-estimer les Russes dans ce contexte. Ensemble ces deux puissances sont au moins égales et probablement supérieures aux États-Unis.
» Et si l'on parle de charges fiscales, ce sont les États-Unis qui, me semble-t-il, sont plus confrontés à des difficultés budgétaires, plus importantes en termes de dépenses actuellement que la Chine, et la Russie. Comme quoi, l'histoire ne se répète jamais. Et même si vous pensez sincèrement que ce que Reagan est censé avoir fait dans les années 1980 a fonctionné à l'époque, il ne s'ensuit pas que cela fonctionnerait aujourd'hui, car les conditions actuelles sont totalement différentes. »
Ayant exposé ces vérités évidentes, à la fois sur l’interprétation de la décennie Reagan, à la fois sur l’interprétation qu’en font les neocon, Mercouris poursuit en mettant en évidence la seule vérité des neocon : ils ont raison et rien de ce qu’ils disent ne peut changer. Ils disent que l’Amérique est la première puissance du monde, cela veut dire qu’ils disent que l’Amérique sera toujours la première puissance du monde. Rien ne viendra jamais interférer dans leur course, rien ni personne ne pourra jamais conduire à ce que l’Amérique ne soit plus ce qu’elle a toujours été et qu’elle sera toujours.
Mercouris donne donc une explication, non pas idéologique, non pas géopolitique ni rien de la sorte des neocon mais bien une explication psychiatrique et pathologique. Il se trouve évidemment que cette interprétation rencontre absolument les caractéristiques les plus remarquables de la psychologie de Trump, soit son narcissisme exacerbé, et au-delà notre “politiqueSystème” ; accompagné d’un intellect assez proche d’une idiotie stabilisée, l’ensemble nous donne une sorte de Narcisso-Dementio trumpisto-neocon.
« Oui, mais vous savez, les néoconservateurs pensent eh bien, exactement et “la paix à travers la force”, tout ça reste absolument valable. Absolument. Parce que c'est ce qu'il faut toujours comprendre à propos des néoconservateurs et vous savez-vous que je lis leurs articles tout le temps, vous savez, les choses qu'ils supposent, ils croient toujours que les États-Unis ont des ressources illimitées. Ils supposent toujours que les États-Unis peuvent surpasser l’adversaire quoi qu’il fasse. Je veux dire que c'est une hypothèse profondément ancrée, ils ont toujours la conviction qu'ils ont toujours eue et dont ils ne se débarrasseront jamais. Je pense qu’il faudrait une énorme crise économique aux États-Unis pour les forcer à reconsidérer ce point de vue et même alors, je pense que ils auraient du mal à le faire. Donc ils ne vont pas, je veux dire, ils ne parlent presque jamais d'économie.
» C'est une chose à dire sur les néo-conservateurs. Ils ne discutent presque jamais, je veux dire, ils ne discutent jamais des questions industrielles ou technologiques. Ils arrivent toujours et disent simplement que les Etats-Unis doivent faire ceci et cela et encore autre chose géostratégiques, en termes de grande stratégie et ils supposent toujours que les ressources sont là pour écraser les Russes en les surpassant en armes nucléaires. »
Et pour terminer, terminons, cela s’impose, par le terme de la conversation entre les deux compères, qui ressemblent alors à deux scénaristes de Disney ou de Netflix (moins ces temps-ci), qui peaufinent leur fiction sur les aventures du président Donald au Pays des Pieds-Nickelés. Il y est question de guerre nucléaire, dira-t-on, – et alors ? répondra-t-on, quelle importance finalement ? Dans notre univers plein de charme et de clin d’yeux malicieux et complices, la préparation d’une bonne guerre nucléaire recèle un charme tout particulier. Elle le recèle surtout, c’est notre cas, lorsqu’elle reprend à son compte la grandiose décennie des années1980, lorsque le slogan, original déjà et encore de Reagan bien entendu, était “America is Back Again”.
Vous verrez, la conversation a une petite allure primesautière qui vaut le déplacement. Vous imaginez Trump, déguisé en Donald de l’époque Reagan, recevant gravement les conseils des neocon, ces bolides de la pensée géostratégiques, qui savent si bien parler au président en le câlinant. Ce qu’il y a de plus drôle et de plus excitant, n'est-ce pas, c’est que tout cela pourrait bien être véridique, et les conversations Trump-neocon, – après tout, avoir cette allure-là...
Mercouris : « “Imposer aux russes une énorme course aux armements nucléaires qui les brisera comme Reagan l'a fait dans les années 1980. Cela a fonctionné à l'époque, cela fonctionnera maintenant. Monsieur le Président, vous devez nous croire sur ce point, car après tout, nous parlons des États-Unis. Il est impossible que les États-Unis, s'ils ont la volonté de le faire, puissent échouer”. Et je crains que Trump soit très, très sensible à ce genre d'argument. »
Christoforou : « Oui, je vois bien. Les maintenir embourbés en Ukraine. L'Ukraine va devenir leur Afghanistan. Couper leurs revenus pétroliers russes et les maintenir dans une course aux armements nucléaires. Tout ce qu'ils croient que Reagan a utilisé pour abattre le mur et briser l'Union soviétique. »
Mercouris : « Oui. Ils disent à Trump : “Vous pouvez faire pareil”. »
Christoforou : «Oui, oui. »
Mercouris : « Et vous briserez la Russie. »
Christoforou : « Oui. »
Mercouris : « Oui. Exactement. Je vois bien. Oui. »
Christoforou : «D'accord. Bref, je le vois aussi bien assez pour y croire. »
Mercouris : «Absolument. Sans aucun doute. Oui. Très bien. »
Et nous aussi, que diable, on voit bien les choses s’arranger de la sorte ! “Oui oui, absolument, sans aucun doute, oui très bien, d’accord, je vois bien les choses, oui oui, America is Great-Back again !”