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27 décembre 2025 (02h00) – La guerre en Ukraine se déroulant bien autant sur les fronts de l’information et sur celui des bêtises des dirigeants occidentaux, – deux batailles qui se regroupent au sein du système de la communication, – l’on comprend la difficulté qu’il y a à la suivre de façon à la fois précise et mesurée, hors des écarts de nos humeurs partisanes. Comme nous l’avons souvent suggéré à nos lecteurs, et comme, sans doute, ils s’en sont aperçus eux-mêmes, nous avons fait nos choix quant à nos sources.
Ainsi, lorsque Alexandre Mercouris se décide à faire ce qu’on peut considérer comme un éditorial (autour de 25 minutes alors que ses émissions sont habituellement autour d’une heure et 20’, sujet général ‘Ukrisis’ pris comme composant actuel et opérationnel de la GrandeCrise), il est fondé d’y voir la tentative d’une sorte d’appréciation et conclusion globales, pour tout notre système, – ou notre chaos, selon la tournure des évènements actuels et à venir. Le grand maître du suivi de cette crise se risque, avec sa prudence et sa précision coutumières, à en tirer les enseignements fondamentaux pour notre destin métahistorique.
Il faut enfin signaler que cette vidéo de Mercouris a été réalisée dans des conditions particulières qui “ébarbent” la diction de Mercouris, pourtant déjà très claire et d’un impeccable anglais, des diverses onomatopées que l’on entend d’habitude. Cela donne un discours extrêmement clair et, par conséquent, d’une réelle puissance. Cette particularité est signalée comme suit :
« Cette vidéo a été réalisée avec l'aide de l'intelligence artificielle à des fins de narration et de présentation. Notre objectif premier n'est pas de falsifier ou de déformer l'information, mais de mettre en lumière et de soutenir les analyses et les points de vue d'Alexander Mercouris, afin que ses analyses touchent un public plus large et reçoivent l'attention qu'elles méritent. »
Nous plaçons ici ce passager où Mercouris dessine le contexte global où se place la crise de l’Ukraine (‘Ukrisis’) ; et d’autre part, la vastitude et la durabilité de ses effets qui constituent en fait le passage à une nouvelle époque. On remarquera la prudence bienvenue de Mercouris qui se garde bien de définir, ni même de proposer des hypothèses pour décrire ce “contexte global”. Il sait, quoi qu’il parvienne à lire avec une certaine assurance la réalité des événements en cours, la difficulté, et même l’impossibilité d’espérer toucher à une prévision cohérente. Il le sait parce qu’il a l’expérience d’avoir vécu, quotidiennement, les extraordinaires événements, totalement imprévus et inattendus, et brusquement surgis, qui ont accompagné t accompagnent encore cette crise ukrainienne, et en fait toutes les affaires internationales depuis dix ans.
« Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un moment qui cristallise tous les problèmes de la stratégie occidentale en Ukraine. Alors que l'aide militaire américaine chute de façon spectaculaire, 77 fois par rapport aux mesures originales, les forces russes ont entamé ce qui semble être une campagne systématique visant à couper totalement l'Ukraine de la mer.
» La question que nous devons nous poser est la suivante : assistons-nous à l'effondrement final du projet occidental en Ukraine ou simplement à sa phase la plus dangereuse à ce jour ? Les chiffres, examinés de près, révèlent une histoire d'abandon stratégique que même les observateurs les plus optimistes ne peuvent plus ignorer.
» Mais il se passe quelque chose de bien plus inquiétant. Quelque chose qui témoigne de changements fondamentaux dans la dynamique du pouvoir mondial qui va remodeler l'ordre international pour les décennies à venir. Ce qui rend ce moment particulièrement significatif est la convergence de multiples crises que les planificateurs occidentaux semblent incapables de gérer simultanément. Nous avons une crise financière du soutien à l'Ukraine, une crise militaire sur plusieurs fronts, une crise diplomatique avec des alliés qui remettent de plus en plus en question le leadership américain et, peut-être plus crucial encore, une crise de crédibilité qui s'étend bien au-delà de la zone de conflit immédiate. »
Une opération qui prend la forme d’une “campagne stratégique”, entamée il y a une quinzaine de jours avec une percée terrestre mais surtout une orientation cataclysmique des attaques extrêmement précises et dévastatrices des points de fonctionnement économiques au sens large de missiles et drones sur la région d’Odessa, conduit la pensée de Mercouris. C’est elle qui lui fait avancer la possibilité d’une issue victorieuse de la guerre, en résumant ce triomphe stratégique, du fait de la neutralisation du grand port d’Odessa (et sa prise très probable), comme le concept offensif qui résume pour la Russie l’avantage stratégique net qu’elle obtiendrait (Poutine disant : “Nous allons couper l’accès à la mer de l’Ukraine”).
Mercouris est frappé de l’aspect de cette campagne : un bruit phénoménal, des offensive d’engins en cascade, mais dans un tel chaos une précision exceptionnelle qui évite les dégâts inutiles et les pertes humaines déplorables. C’est une formule où la destruction économique précise et portant sur les moyens techniques de contrôle et de direction comme moyen de remporter la victoire est obtenue par l’exploitation du potentiel technique de cette destruction ; c’est-à-dire, une formule “vertueuse”, presque “humanitariste” sortant d’une guerre sanglante et enfermée dans la boue et le fer. Que l’on puisse argumenter que cette guerre qui nous faisait d’abord penser aux tranchées de 14-18 débouche sur une conception aussi nette et aussi volage, aussi nouvelle et presque “moderne” comme d’une modernité invertie et donc heureuse pour mieux écraser la postmodernité, – voilà une bonne mesure de sa puissance et de son originalité, comme une guerre d’une époque nouvelle dont nous ne savons rien.
« ...Mais surtout, nous assistons à l'émergence de ce que les spécialistes appelleront probablement la “doctrine Odessa”, soit le recours à la guerre économique pour atteindre des objectifs politiques que la conquête militaire pourrait réaliser à un coût plus élevé.
» En menaçant l'accès maritime de l'Ukraine, la Russie se crée un levier que l'occupation territoriale ne pourrait lui apporter, tout en évitant la condamnation internationale qu'engendrerait une guerre urbaine de grande ampleur. Les implications stratégiques vont bien au-delà du conflit immédiat. La Chine observe attentivement la manière dont les États-Unis gèrent leur engagement envers un partenaire majeur en matière de sécurité. L'Iran observe si les promesses de protection occidentales sont fondées. La Corée du Nord évalue si la dissuasion nucléaire offre une sécurité que l'appartenance à une alliance ne peut garantir. Chacune de ces observations influence les futurs scénarios de conflit.
» Les dirigeants européens sont, quant à eux, confrontés à un dilemme politique intérieur impossible. Leurs populations confrontent des difficultés économiques en partie liées au régime de sanctions contre la Russie. Le coût de l'énergie reste élevé. Les dépenses de défense augmentent. Pourtant, on leur demande d'assumer le fardeau financier de l'Ukraine que l'Amérique elle-même abandonne. C'est une recette pour l'instabilité politique que Poutine prend sans aucun doute en compte dans sa planification. »
Quelques leçons pour le futur
Si effectivement, le mouvement sur la zone d’Odessa et la ville elle-même aboutit à cette victoire stratégique que décrit hypothétiquement Mercouris, il s’agira encore plus d’une défaite stratégique de l’Occident-compulsif que d’une victoire stratégique de la Russie, – toute significative qu’elle soit.
Il s’agit en effet d’un échec qui recouvre de son ombre toutes les formules triomphantes de l’ordre occidental, allant du libéralisme à cette sorte étonnante de politique mensongère à la moraline de midinette donnant nécessairement l’avantage moral et l’“esprit de Croisade” aux Occidentaux, quoi qu’ils fassent.
En ce sens, si la chose se réalise et si la réalité reprend tous ses droits, cet échec est aussi celui du simulacre qu’est la postmodernité, qui a voulu sceller le triomphe de la religion républicaine et laïque sous les auspices d’un Être Suprême révolutionnaire (circa 1790), rédacteur-en-chef de la Constitution des États-Unis d’Amérique avec la devise « Les Lumières c’est désormais l’industrie » (1825 et cris d’horreur de Stendhal)... Sans aucun doute, nous n’en pouvons plus douter : c’est tout cela qui est en jeu aujourd’hui, en Ukraine, du côté d’Odessa.
Les Occidentaux de l’Ouest et de l’Ouest de l’Ouest ont vu trop grand, brusquement réveillés, impotents, interrogeant de toute urgence leurs directeurs de communication trop vite partis aux sports d’hiver, du côté de Davos.
« Les semaines à venir détermineront probablement non seulement le sort de l'Ukraine, mais aussi l'évolution plus générale de l'ordre international. si la Russie parvient à démontrer que les engagements occidentaux en matière de sécurité sont conditionnels et réversibles, les autres puissances régionales en tireront les conclusions qui s'imposent. Si la guerre économique s'avère plus efficace que la conquête militaire, les conflits futurs tiendront compte de cette leçon.
» Ce à quoi nous assistons en substance, c'est à la faillite pratique de l'architecture sécuritaire post-guerre froide. Les hypothèses selon lesquelles la politique occidentale a été maintenue pendant trois décennies, que l'intégration économique empêche les conflits, que la supériorité militaire garantit des résultats, que la cohésion des alliances reste constante, s'avèrent inadaptées aux réalités actuelles. [...]
» L'ironie suprême réside peut-être dans le fait qu’en refusant d'accepter des limites réalistes à leurs objectifs, les dirigeants occidentaux ont obtenu des résultats bien pires que ceux qu’ils auraient obtenus. La crédibilité de l'OTAN sera mise à mal, une dissuasion efficace aurait pu l'éviter. L'influence de la Russie s'étendra au-delà de ce que la reconnaissance de ses intérêts légitimes aurait permis. »
... Car, bien entendu, tout cela débouche sur la fin en piteuse fanfare de l’‘American Dream’...
« Les leçons plus générales de cet échec stratégique se feront sentir pendant des décennies. Les historiens futurs pourraient considérer cette période comme le moment où l'hégémonie américaine en Europe a pris fin, non pas par une défaite militaire, mais par l'abandon volontaire d'engagements que les alliés croyaient permanents. Le précédent établi selon lequel le soutien américain peut être retiré unilatéralement indépendamment des engagements antérieurs affectera inévitablement les calculs dans tous les points chauds mondiaux où les garanties de sécurité américaines assurent actuellement la stabilité. »
On s’attache, si l’on veut me le permettre, plus particulièrement à cette phrase de Mercouris où l’on trouve rassemblées un certain nombre de crises autour et dans la crise ukrainienne, parallèles à elle, la précédant ou bien encore procréées pare elle comme l’on dit de bâtards que le Roi tout-puissant et agonisant serait forcé de reconnaître...
« Ce qui rend ce moment particulièrement significatif est la convergence de multiples crises que les planificateurs occidentaux semblent incapables de gérer simultanément.
Car cela me rappelle ceci, que l’on retrouve dans le ‘Glossaire.dde’, dans le sujet ‘Structure crisique’ dont ce texte était le ‘chapo’. Ceci était écrit avant l’Ukraine, d’ailleurs quelques semaines (le 18 décembre 2021) avant l’Ukraine transformée en une crise totale intégrable dans la GrandeCrise, faisant alors encore partie « du reste ».
« • Quelle époque ! Et dans quels temps vivons-nous ? • L’on pourrait répondre : “dans nos temps-devenus-fous”, mais ce serait insuffisant, indication du caractère principal de “nos temps” mais nullement leur description ni leur explication. • Nous développons donc ici une explication conceptuelle plus ambitieuse, que nous avons déjà souvent effleurée en décrivant tel ou tel aspect de “la crise”, “des crises”, etc. • Notre hypothèse est celle de la “structure crisique”, c’est-à-dire l’idée que le temps et la forme des événements, et par conséquent l’espace également, ne sont que crisiques et rien d’autre. • Il s’agit au fond d’une adaptation de la composante dynamique de l’univers (temps, espace et matière) transposée à une période tout à fait particulière, si particulière que la torsion des trois composants (temps, événements, espace) institue une autre dimension, nous faisant passer en une “période métahistorique”, métaphysique directement accessible. • Nous offrons une description de la structure crisique, composée de crises diverses qui, dans cette séquence, n’ont ni début ni fin, mais dépendent toutes de la GrandeCrise d’Effondrement du Système, cette GCES devenant une sorte de “crise-Dieu” à laquelle tout nous renvoie. • Pour nous, cette révolution structurelle décisive, préparée par divers événements (diverses crises) s’est faite avec l’ensemble Covid-wokenisme apparu en 2020, – dont il est évidemment complètement inutile de chercher une explication historique et rationnelle, – ni du Covid, ni du wokenisme, ni du reste. »
Je pense que ce développement s’adapte parfaitement aux remarques de Mercouris, surtout dans la façon dont l’Ukraine, qui pouvait être au départ facilement une crise-guerre réduite à sa régionalité, – tout comme elle pouvait être évidemment évitée, – s’est développée, multipliée, aggravée irrésistiblement, englobant le monde entier en déclenchant ou accentuant et développant sans arrêt tant d’autres crises, celles qui « n’ont ni début ni fin ».
Qui plus est et pour achever l’observation, la “structure crisique” qui embrasse et enflamme tant de crises en effectuant la torsion de ses composants, « institu[ant] une autre dimension, nous faisant passer en une “période métahistorique”, métaphysique directement accessible », – cette “structure crisique” est une véritable dynamique explosive comme de la dynamite. Les crises qu’elle suscite sont elles-mêmes porteuses d’autres crises inattendues en plus de celles qu’elle porte naturellement, puisqu’événement métahistorique. Je veux parler de cette “doctrine Odessa” proposée par Mercouris comme nouveau facteur de la guerre, et facteur révolutionnant la guerre sans passer par les éternels ‘game-chengers’ technologiques de l’armement que l’on a l’habitude de débusquer pour les ignorer l’instant d’après.
Ce que Mercouris fait là, c’est ouvrir une fenêtre sur l’avenir pour nous en faire deviner la vastitude, l’hermétisme et le mystère. C’est la découverte que “le brouillard de l’après-guerre” vaut bien largement, si pas plus que ‘the fog of the war’.