Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.

  Mars 2016 (13 articles)

Humeur de crise-9

  mercredi 30 mars 2016

Plutôt qu’“humeur-de-crise”, d’ailleurs, il faudrait employer cette fois la formule “humeur-de-la-crise”, qui s’impose à mon esprit sans que je sache bien de quelle couleur est cette humeur, – sinon qu'elle ne peut-être qu’une nuance de l’arc crépusculaire qui caractérise la situation du monde. En même temps, toutes les crises qui forment une sorte de floraison du tronc central de la Grande Crise ont effectivement cette coloration crépusculaire. La crise syrienne elle-même, qu’on aurait pu croire éclairée par la reprise de Palmyre à Daesh a montré, par les réactions du Système, que l’antagonisme fondamental entre le bloc-BAO et les autres est plus profond que jamais. Le bloc-BAO est totalement sous la coupe du Système et ne répond plus qu’à ses impulsions maléfiques qui dépassent la mesure humaine.

En Europe, la crise est devenue ontologique et existentielle et affecte toutes les populations, entre crise terroriste et crise des migrants-réfugiés qui opposent des désordres qui touchent aux aspects fondamentaux de ce qu’on nomme “civilisation” (bien que la nôtre soit en vérité contre-civilisation). L’Europe est déchirée entre un courant islamophobe (attentats) et un climat christianophobe (migrants-réfugiés) suscitant non plus le désordre mais le chaos. Aux USA, la crise des présidentielles prend également une allure crépusculaire, avec l’aggravation des tensions, l’impuissance du pouvoir en place et la montée aux extrêmes des factions qui, prétendant remplacer ce pouvoir, sont conduits à des perspectives d’affrontements violents. Là aussi, le désordre de ces derniers mois  est entré dans la phase nouvelle et ultime du chaos, même s’il faut tenter à tout prix de distinguer ce qui est pro-Système et antiSystème. On reviendra très rapidement à ce que je considère comme le phénomène dominant de cette période transitoire : la transformation du désordre, et même de l’hyperdésordre en chaos.

Tout cela est rapidement schématisé, et mon humeur se trouve affectée dans le sens de l’incertitude crépusculaire : savoir où se trouve l’essentiel et où se trouve l’accessoire, accepter l’appréciation du premier dans le travail constant et écarter celle du second dans l’inconnaissance. Il est extrêmement difficile d’empêcher le découragement désespéré et la fureur nihiliste contre le nihilisme d’entropisation du Système. Il faut à tout prix lutter pour conserver son sang-froid, la mesure dans le jugement et surtout la fermeté extrême dans le caractère. Mon humeur-de-crise aujourd’hui est celle d’un grand affrontement pour éviter que la lutte plus que jamais nécessaire que mène l’ordre de l’esprit ne dégénère en désordre de l’esprit. Il faut l’ordre de l’esprit pour reconnaître le chaos et l’explorer comme il doit l’être.  

Incantation postmoderne

  dimanche 27 mars 2016

Je me rappelle les commentaires, enfin quelques-uns dans tous les cas, qui avaient accompagné les premières réactions US à la suite de l’attaque 9/11 contre les tours du World Trade Center, et contre le Pentagone. La direction US éructait d’imprécations terribles, où dominait un mot d’ordre furieux : “guerre à la Terreur !” Nous héritâmes même de l’un ou l’autre acronyme dont le plus fameux fut certainement GWOT (Great War On Terror). L’on commenta donc, pour les gens de bonne raison, qu’il était étrange de déclarer une guerre à un sentiment, une réaction psychologique provoquée par un adversaire. Même l’idée d’une “guerre contre le terrorisme”, qui avance un peu dans la concrétude, reste assez bancale car l’adversaire reste une forme d’activité générale, c’est-à-dire un adversaire non identifié, abstrait, par  conséquent insaisissable et d’une nature sémantique et opérationnelle différente de celle que réclame le besoin de sécurité.

(L’une des rares attitudes intellectuelles qui me satisfasse à cet égard est celle d’un William S. Lind, qui définit une nouvelle “sorte de guerre” en parlant de la “guerre de quatrième génération” [G4G], confrontant des entités données, en général des États, à des activités hostiles ou antagonistes, asymétriques et en général transnationales, etc. L’intérêt de la G4G, dont la définition technique est en constant changement en raison de nouveaux moyens et de nouvelles tactiques constamment ajoutés, est de dégager des enseignements enrichissants pour définir la forme de la lutte en faisant entrer dans l’arsenal de cette sorte de conflit des notions principielles, comme la souveraineté, la légitimité, etc., comme instruments de cette lutte. Ainsi, l’idée de G4G ramène aux grandes idées qui nourrissent principalement les conceptions qu’on trouve sur ce site entre les formes structurées, ou principielles effectivement, contre les formes déstructurantes et dissolvantes. A suivre cette logique, on découvre d’ailleurs rapidement que le terrorisme, qui est un des moyens de la G4G, est souvent une réponse, ou bien au contraire un moyen indirect lorsqu’il y a manipulation comme c’est souvent le cas, d’une autre forme de guerre déstructurante et dissolvante que sont les forces globalisantes de l’hyperlibéralisme, qui peuvent alors apparaître comme les alliés sinon les géniteurs, directes ou indirects c’est selon, du terrorisme... Avec de tels raisonnements, – et c’est la richesse dont je parle, – on n’est pas au bout de ses surprises... Mais non d’ailleurs, quelques années après 9/11, ce ne sont plus des surprises mais une documentation abondante qui doit nourrir l’expérience. C’est bien ainsi que marchent les affaires.)

Mais cette introduction est surtout destinée à une autre forme de raisonnement. Cela concerne le projet, pour ce dimanche, d’une “marche contre la peur” à Bruxelles, à la suite des attentats, eavec la décision finalement de repousser cette marche à plus tard, ... de peur d’incidents, c’est-à-dire d’autres attentats. L’intitulé de la chose, c’est vrai, a arrêté mon attention : “marche contre la peur”...

Bien, on comprend l’intention des citoyens qui ont organisé la chose, – car il s’agit, comme on dit, d’une “initiative citoyenne”. Il s’agit d’affirmer que nous n’avons pas peur, mieux encore, que nous n’avons pas “peur de la peur”, de cette peur qu’on éprouve devant les attentats, et même plus encore devant la possibilité d’attentats. (Dans son discours d’inauguration comme président des USA, en mars 1933, au plus profond de la Grande Dépression, Franklin Delano Roosevelt, déclara fameusement que “ce dont nous devons avoir le plus peur, c’est de la peur elle-même”.) Ma façon de voir implique ma compréhension du phénomène, mais en montrant suffisamment, je crois, qu’il s’agit d’acquérir une psychologie. Il s’agit de reconnaître la peur, de la dominer, de la dompter. Il s’agit d’un combat individuel qui, s’il prend une dimension collective, s’affirmera dans des actes qui montreront que les psychologies ont changé, par l’attitude, le comportement, – c’est-à-dire, dans le cas qui nous occupe, par l’héroïsme, l’abnégation, la fermeté de caractère. Mais une “marche contre la peur”... ?

(Suite)

Nous sommes épuisés...

  mercredi 23 mars 2016

Je n’ai pas l’habitude d’utiliser ce Journal-dde.crisis pour suivre les chemins de l’actualité immédiate, péremptoirement et en prenant la place des autres rubriques. Ce n’est pas sa fonction ; pourtant cette fois je passe outre puisque je veux dire quelques mots sur Bruxelles et ses attentats et que je sais bien qu’“il n’y a rien à dire, ni de Bruxelles ni de l’Europe” qui doive se situer dans le cadre du travail habituel, de l’analyse politique, du commentaire rationnel, de la spéculation et du rangement historiques... Pour l’instant, je veux m’en tenir à des impressions, des perceptions, sans leur donner de valeur fondamentale d'analyse mais en les proposant comme habillées d’un caractère symbolique dont j’espère qu’il sera perçu comme ayant un sens. 

Je n’étais certes pas à Bruxelles hier, ermite comme je suis, replié sur mon lopin de terre. Mais j’ai eu quelques échos de proches, d’amis, qui m’ont décrit le spectacle sinistre, lugubre et terrifiant qui régnait en fin de journée dans ces grandes artères toutes droites, tracées au cordeau et à l’équerre, enserrées dans d’immenses immeubles flambants neufs, de ce qu’ils nomment “le quartier européen” où se trouve la station de métro, ces grandes artères interdites de circulation, désertes, comme abandonnées et comme d’une ville morte d’après la Fin des Temps, et pourtant résonnant encore des bruits des attaques du matin... L’un d’eux, parmi ces amis, est passé, à la tombée de la nuit, près de cette station de métro où avait eu lieu l’explosion et il a pu voir par terre des traces de sang, des débris de vêtements, quelques-uns des restes des instants de secours d’urgence du matin. Il y eut le frisson de l’abattement et du dégoût.

Malgré les scènes qui suivent immédiatement les attentats, dont certaines ont été diffusées et rediffusées comme c’est toujours le cas, ce ne sont ni la panique ni le mouvement et le bruit que je retiens, moi, mais le sentiment écrasant de quelque chose de terrible qui pèse sur nos épaules, – je dis “nos”, parce que moi-même, comme par la transmission des émotions et des perceptions, j’ai ressenti ce poids dont quelques voix amies étaient chargées sans qu’elles le réalisent peut-être. Même la présence des forces diverses de sécurité, des soldats aux pompiers, ne donnaient justement aucun sentiment de sécurité mais ne faisaient que rajouter à l’angoisse diffuse et effectivement écrasante, presque comme une mesure d’une futilité grotesque. Peut-être étaient-ils aussi désarçonnés que les autres...

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Chute libre et molle

  mardi 22 mars 2016

L’Europe est en chute libre, en vrille, tombant comme une pierre et pourtant pleine de mollesse, secouée dans tous les sens au gré de cette trajectoire incertaine bien qu’elle semblerait et devrait être si droite. Les attentats de Bruxelles mesurent son impuissance, comme un ricanement sinistre suivant l’arrestation de Salah Abdeslam et l’échange d’aménités entre Français et Belges sur les capacités antiterroristes des uns et des autres. Ils accompagnent, au nom des migrants, la parfaite capitulation européenne devant la Turquie, par ailleurs excellente et efficace fournisseuse de tout le nécessaire devant permettre aux terroristes de Daesh & Cie de réaliser leur programme d’action, à Bruxelles notamment. La boucle fiévreuse est piteusement bouclée, à laquelle on peut ajouter les épisodes grecs, la politique des sanctions antirusses et la rupture des liens avec la Russie notamment dans le domaine de la lutte antiterroriste, les traités secrets type TTIP qui doivent unifier tout ce beau paysage, les attaques contre l’un ou l’autre pays arabe pour remettre quelque vigueur dans la feuille de route antieuropéenne des terroristes.

Nous allons donc avoir droit à nouveau aux notaires de service, les Hollande, Valls, Michel-de-Belgique, etc., se réunir solennellement pour verser des larmes sur ces horreurs qu’ils jugeront “inqualifiables”, rendre visite aux familles des victimes, promettre une riposte foudroyante, garder l’œil sur les sondages. Leurs efforts pour faire une tragédie de cet immense désordre stupide et sanglant que nous subissons sont pathétiques. Jamais il n’y a eu aussi peu à dire sur des évènements qui sont pourtant le terrible effet d’enchaînements si complexes, de politiques secrètes et absurdes menées depuis des décennies, de manœuvres vicieuses et de fabrication de faux terroristes qui deviennent vrais, de corruptions gigantesques, d’abdication des principes essentiels qui font la force des collectivités.

Il y a des attentats en Europe mais l’Europe a disparu. Elle s’est dissoute en coulant à pic et sans la moindre vigueur, défaite, absurde, clamant ses prétentions civilisatrices en approuvant tous les bombardements possibles et imaginables, en se proclamant héraut de la liberté qui lui permet de s’aligner sur les politiques les plus erratiques du modèle en perdition qui continue de lui servir de mythe de l’Occident du monde.

Il y a des attentats à Bruxelles, au cœur de l’Europe, mais il n’y a rien à dire, ni de Bruxelles ni de l’Europe. La civilisation est menacée par les barbares ? Certes, mais de quelle civilisation parlent-ils ? Et les autres, qui les a fait barbares ? Il ne leur reste plus qu’à proclamer l’union nationale des nations pulvérisées et à décréter la mobilisation générale. Ils mesureront alors le chemin parcouru vers “notre-Europe en paix”, un siècle plus tard, depuis la Grande Guerre.

Archives : Rétrospective du 14/03/2016 au 20/03/2016 

  lundi 21 mars 2016

Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 8 mars 2016 au 14 mars 2016, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaine. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.

« • Comment espérer échapper à l’immense événement en cours actuellement aux USA, et qui n’est pas prêt de s’achever ? • (Certains répondraient, non sans raison : en regardant nos JT, en lisant notre presse-Système et ainsi de suite, etc. Mais quoi, nous sommes sur dedefensa.org.) • Par conséquent, cette semaine fut, une de plus, fortement marquée dans nos parutions par les élections présidentielles US et la plupart de nos articles et analyses lui fut consacré. • Pour opérer tout de même un rangement, on y distingue trois thèmes, dont le premier pourrait être considéré comme concernant les attitudes, réactions et conséquences hors des USA des évènements en cours aux USA : qu’il s’agisse des paniques qui emportent l’esprit de certains en jugeant que c’est la fin du monde qui est en train de s’organiser (7 mars 2016), avec le « Is this the end of the West as we know it? » d’une Ann Applebaum, avec l’angoisse en plus ; qu’il s’agisse de l’observation que l’un des premiers résultats de cette folle saison est l’enterrement quasi-certain des grands traités TPP et TTIP (8 mars 2016 et 11 mars 2016). • Le deuxième thème est l’observation de la puissance quasi-exclusive de la communication, dans la crise comme dans toute l’histoire des USA (9 mars 2016 et 10 mars 2016). • Le troisième thème concerne le sort d’Hillary Clinton, devant la loi aussi bien que lorsqu’elle s’associe avec le Diable-en-personne, George Soros (12 mars 2016 et 13 mars 2016). »

Malaise... (Et conviction)

  dimanche 20 mars 2016

Il est vrai que je ressens, d’une façon diffuse mais insistante, et qui revient par instant avant de s’apaiser en partie, une sorte de malaise devant la crise américaine, ou bien comme on l’a écrit hier la “crise américaine de l’américanisme”. Cet événement retient toute mon attention, peut-être, par certains côtés, contre mon gré, peut-être, au gré de certains, d’une façon trop envahissante. Elle envahit ce Journal dde.crisis, dans certains cas et par instants jusqu’à à une sorte de paralysie, lorsque je voudrais écrire sur autre chose qu’elle et que je n’écris rien, parce que je ne parviens pas à écrire vraiment sur autre chose qu’elle. (On pourra juger d’ailleurs que ce texte du 20 mars est une continuation de “Humeur de crise-8”, qui disait en quelques lignes, en partie, certains éléments de ce que je développe ici.)

Hier également, dans le même texte déjà référencé, je signalais cette particularité qui est aussi une difficulté de l’exceptionnalité de cette crise, mais sans mettre en cause directement, ni dedefensa.org, ni moi-même, comme je veux le faire dans ce texte. Il s’agit de ce passage, au tout début : « Cette crise, particulièrement l’épisode en cours qui est d’une gravité sans précédent, n’est pas un sujet de réflexion qu’on aborde aisément ; cela chez les petits messagers-Système de la presse du même qualificatif, ce qui n’est pas une surprise ; mais aussi chez nombre d’antiSystème, ce qui pourrait être une surprise mais qui ne l’est pas vraiment car nombre de ces antiSystème restent prisonniers d’une fascination (celle de l’Amérique)...

» D’où la difficulté de prendre cette crise vraiment “au sérieux”, – alors qu’au bout du compte, il n’y a qu’elle seule qui compte décisivement en théorie d’une part, et dans le champ crisique actuel du monde d’autre part, et que c’est même la première crise parmi tant d’autres qui pourrait s’avérer décisive. Cela, bien entendu, c’est notre avis, et il ne cesse de se fortifier parce que nous l’avons, latent en nous, avec des espérances (le mot est choisi) soudaines à chaque fois qu’apparaît la possibilité pour cette crise d’être au bon paroxysme, celui qui fait tout bousculer. »

Il faut que je tente de m’en expliquer, et je dis bien “tenter” car je ne suis pas sûr de parvenir à mon but d’une façon satisfaisante ; il le faut parce que dans ce malaise, qu’on pourrait aussi bien nommer “réticence” ou “scepticisme” à certains moments, contrastant avec des analyses qui tentent de démontrer que ces attitudes sont déplacées, dans ce malaise se trouve une partie non négligeable de la crise elle-même. Le domaine affecté, on le comprend, c’est la psychologie essentiellement ; et une psychologie incertaine, qui touche tout le monde d’une façon ou l’autre, c’est la porte ouverte à une complète incontrôlabilité de la crise. (Cela, par contre, n’est pas la plus mauvaise des choses.)

(Suite)

Humeur de crise-8

  mercredi 16 mars 2016

Certes, “humeur de crise” d’entre-deux crises, – les élections US et/ou le retrait russe de Syrie, – et le désarroi qui va avec ; et le résultat étant un soudain déséquilibre de la perception puis du jugement, sinon de l’intelligence. Il est vrai, comme on l’a lu, que toute mon attention ardente s’est portée, ces derniers jours, et même ces dernières semaines, sur les élections US. Il y a, là-dessus, un dossier, argumenté, solide, – qu’on accepte ou pas l’argument central et fondamental qui est que cette crise est, entre toutes, justement la crise centrale et fondamentale. Ce dernier point justifie de mon point de vue la démarche décrite ci-dessus mais n’en fait certes pas une vérité incontestable. Il explique aussi, et dans ce cas au contraire ne justifie en rien le désintérêt que j’ai eu pour ce qui se passait du côté russo-syrien.

On pourrait en effet argumenter que l’une (USA) est plus importante que l’autre (Syrie-Russie), comme c’est et comme cela reste mon avis après un certain rattrapage de mon inattention auprès d’une documentation rapidement consultée sur l’affaire syrienne ; et comme cela est et reste, d’ailleurs, ma conviction.. Mais il ne peut être envisagé que je donne cela comme explication de mon inattention. La seule chose qui vaille est bien que je n’ai, dans les délais raisonnables dans ce genre d’occurrence, rien vu ni rien surtout senti de l’importance de la décision russe, de son écho de communication, de ce qu’elle pouvait dire de l’acte diplomatique et politique, de la politique russe, de l’impolitique occidentaliste-américaniste et toute cette sorte de choses.

Il s’agit d’une bonne leçon et d’une belle démonstration sur la nécessité de la vigilance lorsqu’on se trouve face à un tourbillon crisique de cette importance. J’ai moi-même été pris dans le tourbillon et en ai ressenti tous les symptômes du vertige qui vous aveugle, et vous font oublier pour un instant la règle de l’inconnaissance (un petit peu moins d’immersion de mon attention dans les nouvelles des USA) qui a pour but ultime, au travers de ses préceptes, justement d’éviter ces déséquilibres de l’intelligence à cause d’un désarroi momentané de l’humeur. La leçon et la démonstration sont sans frais puisque l’orientation de mon travail ne s’est pas avérée fautive, dans tous les cas selon mon jugement. Il n’empêche qu’elles étaient complètement justifiées car la faute, elle, était avérée. La reconnaissance de cette faiblesse m’aidera sans nul doute à écarter ce caractère d’entre-deux qui vous déséquilibre ; le fait de la reconnaissance bien tempérée, c'est-à-dire sans nulle complaisance, d’une faiblesse intellectuelle à laquelle vous avez succombé vous donne une force nouvelle.

Message de l’Ange déchu

  lundi 14 mars 2016

Cette fois, je vais immédiatement grimper à bord du site dedefensa.org pour enchaîner directement sur un texte mis hier en ligne ; le fait est qu’il s’agit de George Soros, qui est, depuis longtemps, à mes yeux, un personnage mystérieux et fascinant. Dans ce texte, on ne mégote pas sur les références diaboliques-sataniques, jusqu’au titre, et précisément à propos de Soros. (« Hillary-Soros, le ticket du Diable », où à mon avis, question-Diable, Clinton joue un rôle mineur dans la hiérarchie.) C’est à croire qu’ils ont deviné mes intentions... Car, finalement, qui est donc ce Soros ?

 “Qui est ce Soros ?”, bonne question... Certainement pas un simple faiseur de fric ; il occupe, dans cette époque singulière, une place beaucoup plus complexe, significative, mystérieuse et peut-être, sans doute et sans aucun doute, – effrayante... Spéculateur cherchant à accroître sa fortune en détruisant des institutions structurantes, donc déstructurateur par le fait, mais bien au-delà du simple “faiseur de fric” ; déconstructeur jusqu’à dépenser des sommes importantes pour financer les diverses subversions colorées, déconstructeur jusqu’à sa biographie qui fait de ce juif hongrois qui n’envisage même pas de se présenter de telle façon qu’on pourrait voir en lui une victime de l’Holocauste mais affirme avec le plus complet cynisme qu’il travailla pour le gouvernement Horthy, pour le pillage des biens des juifs hongrois déportés vers les camps d’extermination. Soros se différencie des autres Masters of the Universe par sa passion presque froide à force d'être achevée de la destruction, qui passe tout plan rationnel, par conséquent par sa propension sans compter à déstructurer-dissoudre tout ce qui compte de formes structurantes ; il est, ce vieillard qui semble résister au temps, insatiable de cette “soif  des destruction”, celui qui se rapproche le plus de l’“Ange Noir” (ou Ange déchu) prenant le nom de guerre de Lucifer-Satan

En d’autres temps, nous avions préparé un texte sur Soros, déjà bien documenté mais finalement mis de côté, dans un tiroir qui n’est pas une oubliette. Je vais aller y pêcher quelques passages, tout cela pour mieux préciser quelle forme je veux donner à ma préoccupation. Ce texte faisait référence à deux articles parus dans le même espace de temps qui, justement, me poussaient à une réflexion sur ce personnage de Soros : l’un de F. William Engdahl du 12 juin 2015 qui détaillait “La sale odyssée corruptrice d’un oligarque américain” (« An American Oligarch’s Tale of Corruption ») ;  l’autre de Wayne Medsen le 13 juin 2015 qui s’interrogeait pour savoir si Soros “contrôlait la Maison-Blanche” (« Does George Soros Control the Obama White House? »).

(Suite)

Le réac' et les migrants

  vendredi 11 mars 2016

Cela se passait il y a fort peu, un soir, autour d’une table de restaurant. Gardons le silence et l’anonymat sur les convives, sauf pour mon cas, puisqu’auteur de ces lignes et incontestablement identifié. Le vin est bon, clairet et léger, dans ce lieu dont j’ai aussitôt fait une de mes habitudes parce qu’il y règne une chaleur complice qui apaise l’âme et ses angoisses.

Bref, nous discutions allégrement et je crois bien, sinon sans aucun doute, que les vapeurs de l’alcool m’avaient saisi le premier. Le sujet vint, des “migrants-réfugiés”, de “la Jungle” de Calais récemment déboisée et toutes ces choses que vous imaginez. Le ton monta, et cela tout entier de ma faute ; j’ai la parole emportée autant que la plume maîtrisée, et dans ces moments-là (parole emportée) où je ne m’aime pas vraiment, on m’entend beaucoup trop haut, dans un registre dont le souvenir ne m’est en rien agréable. Dans ce cas, il arrive le plus souvent que je tienne des positions qui ne sont pas vraiment les miennes, si elles sont tout de même une partie des miennes. (Sur les “migrants-réfugiés”, voir par exemple, pour mon sentiment au complet et sans les vapeurs du vin clairet et léger, la chronique de ce journal intitulée « Je veux rentrer en Syrie ».)

Un mot avait été lâché, pour me caractériser sans aucun doute : “réac’”. Je crois bien que ce fut une sorte d’étincelle pour allumer une poudre faite d’un mélange de frustrations courantes et de vapeurs du fameux “vin clairet et léger”. J’aimerais maintenant quitter le pseudo-champ de bataille d’un dîner qui fut en vérité très chaleureux autour de cette passe d’armes où les fleurets étaient je l’espère mouchetés, pour saisir le biais et m’expliquer là-dessus, – sur le mot en question, – car la chose est plus importante qu’une invective parmi d’autres, dont nous sommes tous coutumiers dans ces moments mal surveillés. Donc, “réac’” pour réactionnaire, comme l’on disait et comme l’on dit encore  (Dieu, que les réflexes d’autres temps sont longs à perdre dans cette époque qui se targue de modernité ultra-rapide), – “facho” pour fasciste, “gaucho” pour gauchiste, “coco” ou “bolcho” pour communiste ou bolchévique. (“Nazi”, lui, n’a pas besoin de sa contraction en forme de coup de poing, l’usage conforme et la convenance en ayant fait un coup de poing en soi.)

(Suite)

Humeur de crise-7

  jeudi 10 mars 2016

... Et je dirais plutôt, pour remplacer le mot “humeur“ qui est parfois si neutre, “errements de crise” voire “folie de crise” pour décrire ce sentiment du jour. La variation de mon “humeur de crise” est, pour ce moment du temps, un phénomène remarquable et qui ne cesse de m’intriguer, de m’exalter et de m’abattre absolument. Il faut comprendre qu’avec la “crise américaine”, ou “crise de l’américanisme” selon ce qu’on veut mettre dans la description du phénomène, on est conduit à un rythme insensé : une rapidité extrême et un parcours sinusoïdal proche de la démence. L’esprit est emporté par un jugement qui virevolte, qui fuit et agresse à la fois, qui change dans l’heure, qui s’affirme avec autorité ou qui se dérobe comme le sol sous vos pieds. Cela est dû, je pense, au fait même du sujet de la crise, qui est l’Amérique avec tout ce qu’elle porte de notre contre-civilisation et des réactions qu’on a vis-à-vis de cette contre-civilisation ; tout ce que l’Amérique porte en elle, à la fois du Système et de l’antiSystème ; car l’Amérique, les USA, le système de l’américanisme, tout cela représente, en contractant tout et en exposant tout d’un seul élan, l’essence de notre Grande Crise d’effondrement du Système ; alors, comprenez que tout cela, en situation de crise, crée un “tourbillon crisique” pour le jugement, et malmène l’esprit à mesure.  

C’est dire si je ne sais dire si cette “humeur de crise”, aujourd’hui, est bonne ou mauvaise, enjouée ou abattue. C’est sans doute la première fois, la première fois à ce point et dans une telle continuité, que je ne me sens plus maître de mon humeur de crise. Je suis emportée par elle, comme l’on est dans une mer déchaînée par la fureur du vent et qui va dans tous les sens, qui semble à la fois suivre le sens de la tempête, à la fois aller dans tous les sens sous les coups de la tempête ; parce qu’une tempête c’est bien cela, à la fois une fureur qui semble poursuivre un sens impératif et terrible, à la fois une fureur qui semble insensé et ne se préoccuper nullement d’avoir un sens. Et puis non, en un instant et l’instant d’après, je me crois libre d’elle et nullement contrainte par elle, et d’ailleurs elle-même, la tempête, acceptant fort bien cette position de moi-même ; et moi, simplement en observateur de l’exceptionnalité eschatologique du phénomène.

Cette “humeur de crise” est donc complètement paradoxale dans la signification que je voudrais lui donner ; c’est celle du fétu de paille et celle du spectateur presque confortablement installé. Je suis dans l’humeur de ne pouvoir rien dire d’assuré de mon humeur. Il me semble que l’on peut dire, au travers de ces convulsion et de ces développements de l’humeur, que la Grande Crise progresse ces derniers temps. Elle est comme chez elle, assurée de sa destinée, consciente de sa mission. Jamais la tempête déchaînée n’a été aussi peu gratuite et aussi chargée d’un sens qu’elle est seule à connaître... Elle se développe, finalement, comme si une main ferme (type-“main invisible” pour les adorateurs du marché) la conduisait en sachant parfaitement où l’on va et de quoi l’on parle. L’humeur, elle, n’a qu’à suivre. Voyez comme elle s’exécute.

Comme un torrent

  dimanche 06 mars 2016

J’ai suggéré le titre de ces Notes d’analyse du 3 mars (Notes sur un torrent diluvien) à partir du titre d’un roman et du film qui en fut tiré, Comme un torrent. Je peux même dire que cette expression, qui est restée dans ma mémoire depuis plus d’un demi-siècle, inspira la démarche du texte en question lui-même. L’expression est une traduction approximative du titre Some Came Running, qui est un roman de 1957 de James Jones, adapté au cinéma par Vincente Minnelli sous le même titre (les adaptations françaises des deux portant effectivement le titre Comme un torrent). Je vis le film après avoir lu le livre, et j’ignore bien pourquoi tout cela est resté dans ma mémoire, bien plus que d’autres œuvre, livres ou films, objectivement plus marquants, et de valeur que l’on pourrait juger sans aucun doute supérieure. C’est dire que je parle ici de mémoire mais d’une mémoire qui a symbolisé son objet, à propos de quelque chose qui est resté dans mon esprit, dans mon “âme poétique”, dans ma nostalgie, mais aussi dans ma “conscience politique” si l’on peut parler de cette façon, effectivement comme un symbole d’une très grande force dont je ne sais précisément, ni la signification pour mon compte, ni l’usage précis auquel je le destinais. C’est là un mystère de l’âme poétique et de la nostalgie, et restons-en là pour ce préambule des outils de l’esprit qui vont me permettre de développer mon propos.

Je parle donc de mémoire et n’ait pas été chercher trop loin ce qu’elle avait de juste, et ce qu’elle avait interprété à son avantage, cette mémoire. Toujours est-il que, lorsque je songeai à cette chronique, j’ai été prendre l’une ou l’autre des références déjà indiquées ci-dessus par les mots éclairés d’un URL. L’acteur principal du film est Frank Sinatra, et c’est une occurrence remarquable dans sa carrière, une coïncidence qui est peut-être significative. Après une période de terrible dépression et d’effacement de la vie publique, avec un épisode d’addiction à la drogue, Sinatra retrouva la gloire en tournant un des rôles principaux couronné d’un Oscar du film de 1953 Tant qu'il y aura des hommes (From Here to Eternity) ; Sinatra, Oscar 1954 en poche, a dans Comme un torrent l’air de sortir de Tant qu'il y aura des hommes pour poursuivre la même veine avec le même uniforme, avec, 5 ans plus tard, une adaptation d’un autre roman du même James Jones.

Dans le Wikipédia consulté, confirmée par les synopsis du film qu’on trouve dans d’autres sources, on lit ceci au début de la présentation du récit du film : « Au cours de l'été 1948, Dave Hirsch quitte l'armée tout auréolé d'un glorieux passé guerrier. Romancier en devenir, mais noceur invétéré, il déboule un beau matin en autocar à Parkman, sa ville natale de l'Indiana. » J’ai été complètement surpris par la date dans le récit (1948), autant que par les circonstances. (Comment serait-il resté dans l’armée après l’effondrement incroyable de 1945-1946, et, de toutes les façons, l’“auréole de son glorieux passé guerrier” [terminé dans ce cas en 1945] n’existe plus pour personne en 1948.) D’après mon souvenir de la lecture du livre, et c’est comme cela que j’ai interprété le film car je n’ai aucun souvenir d’aucune allusion précise aux circonstances décrites par le synopsis officiel, Dave Hirsch est en fait démobilisé après deux ou trois ans passées à se battre en Corée (1950-1953), et l’action se situerait donc, selon mon interprétation, plutôt en 1953 ; et le souvenir que j’ai du livre, et cela justifiant le titre, est l’obsession qui est dans l’esprit de Hirsch, des attaques terribles et incessantes des Nord-Coréens et surtout des Chinois à partir de l’automne 1950, lorsque la Chine intervint dans le conflit pour arrêter les armées US (officiellement sous “pavillon” l’ONU) qui avaient repris l’offensive après le débarquement de Inchon, dernière grande manœuvre militaire de grand style, réussie par MacArthur. L’offensive US/ONU fut stoppée par les masses chinoises et la guerre devint une guerre de position d’une cruauté extrême.

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Maturité de l'Américain ?

  samedi 05 mars 2016

Faut-il envisager une sorte de miracle ? Peut-on envisager de pouvoir dire qu’une sorte de maturité inattendue, extraordinaire, a atteint et adoubé le citoyen américain (cette fois le qualificatif s’impose, bien plus que celui d’“américaniste”) dans le chef de la démarche qui est souvent mise en évidence chez ceux qui ont décidé de voter pour Donald Trump ? Je voulais signaler cette hypothèse, apparue dans un extrait du Glossaire.dde sur “l’inconnaissance” de ce jour. Il s’agit du passage suivant, avec l’intertitre “Le complément de 2016 : la crise de l’américanisme” :

« Là-dessus vient se greffer, en 2016, après une préparation tonitruante en 2015 mais que bien peu d’observateurs ont considéré avec sérieux à cause du personnage de “bouffon” et de “fou du roi”, la crise de l’américanisme de 2016. Le choix que cet “‘ensemble puissant, plus haut et au-dessus de nos avatars détaillés’, que nous identifions évidemment et de facto comme extrahumain (ou surhumain)”, a fait de Donald Trump représente un stupéfiant coup de génie par la façon dont l’“apparence signifiante” (signifiant la bouffonnerie) du personnage dissimule complètement l’importance extraordinaire et terrible de la tâche dont il est chargé sans bien entendu qu’il soit nécessaire que lui-même la réalise. Nous ne pouvions imaginer un seul instant que l’effet pourrait être de cette importance, de cette puissance, de cette hauteur...

» L’arrangement sublime avec un Trump est qu’il suscite lui-même chez ses électeurs une stratégie d’inconnaissance parce que sa bouffonnerie initiale a planté le personnage dans une logique où il ne lui est pas demandé d’avoir un discours cohérent (un programme, des promesses, etc.), mais seulement la capacité et la volonté de détruire l’establishment (le système de l’américanisme, le Système, etc.). Les réponses de nombre de votants pro-Trump ont des résonnances renvoyant d’une façon extraordinaire à l’inconnaissance, d’une façon ou l’autre, en ce sens que leur préoccupation n’est en rien de savoir dans le détail ce que Trump veut faire, ni même d’en être d’accord, du moment qu’il conduit sa mission générale ...

» “You may not agree with everything this guy stands for, but you have to respect his candor and principles for blatantly calling out the system for what it is”  (...) “I believe that it is too late for a conventional cure. So, there is Trump. He is indeed a buffoon and a recipe for disaster. If he were to do half of the horrific things he says he would, he would be a catastrophe. He could be a blend of Hitler and Hirohito. That’s why I would vote for him. The last time we crossed paths with a Hitler and/or Hirohito, the country woke up and fought. And won! He might supply us with the shock we need in order to wake up and fight.” (...) “Cela sonne juste : même si Trump gagne, il ne peut pas réussir [à réformer l’Amérique, le Système]. Mais c’est un démolisseur et, à ce point, parvenir à démolir est un succès suffisant. Le MONDE ENTIER doit être secoué comme un prunier.”

» Le résultat est, depuis le début (1er février) des primaires de l’élection présidentielle aux USA une panique diluvienne qui s’est emparée de l’establishment, ditto le Système. Bien entendu, le Système se bat sur des détails, y compris sur des détails anatomiques (Rubio à propos de Trump), et bien entendu à coup de $millions corrupteurs qui ne cessent de renforcer le propos antiSystème de Trump. Par conséquent, le résultat a été jusqu’ici un renforcement constant de Trump. L’inconnaissance ne cesse de l’emporter sur le réductionnisme (idéologique dans ce cas, – le pire des réductionnismes) : ainsi a-t-on une formidable démonstration de la nécessité et de la vertu de l’inconnaissance. Sera-ce l’épreuve finale, la poussée décisive ? On ne peut en aucun cas apporter une réponse à la date où ce texte est écrit et publié. Pour autant, l’on peut constater que l’on n’en a jamais été aussi près, et l’on voit alors la démonstration de l’évolution accélérée de la situation, faisant une place de plus en plus grande à l’inconnaissance. »

Ce sentiment si répandu chez les électeurs de Trump consistant à dire “on se fout de ce qu’il veut faire, l’important est qu’il arrive au bout de son parcours et qu’il les démolisse tous”, il s’agit véritablement d’une “surprise divine” pour qui attend une offensive sérieuse contre le Système. Il était si difficile d’envisager qu’une telle chose arrivât à de si nombreux électeurs américains, ou même de si nombreux Américains tout court puisque nombre des électeurs de Trump se sont faits inscrire pour voter pour la première fois, pour la circonstance. (Le nombre de nouveaux inscrits républicains est un record sans précédent cette années, selon une enquête faite par le Washington Times: « Exit polling shows Mr. Trump has indeed helped build up the party this year, with nearly 10 million people casting ballots in the 15 primaries and caucuses so far, about 4 million more than voted in the same Republican races in 2008. »)

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Humeur de crise-6

  mardi 01 mars 2016

J’ai l’esprit un peu bouffon, pour ces heures courantes ; sans doute pour saluer “le mois des fous” et la crise la plus bouffonne qu’on puisse imaginer, puisque née d’un personnage que tout le monde s’entendait à considérer comme bouffon irrémédiablement bouffonnant. The Donald est apparu comme le bouffon postmoderne de la Grande République et de la Grande Crise réunies enfin dans un seul objet de dérision, et c’est ainsi qu’il a accompli le premier de ses grands exploits de héros antique adapté à la postmodernité. C’en est à ce point, selon le sentiment que j’en ai, que s’il disparaissait aujourd’hui dans un Super Tuesday catastrophique pour lui, comme dans un abracadabra toujours possible mais tout de même si improbable comme une bouffonnerie grossière et suspecte de trop (« A moins que, abracadabra, il disparaisse comme un lapin rentré illico dans le chapeau du patron, battu partout par ces Himalayas de l’intelligence, du brio et de la sincérité que sont Rubio & Cruz »), c’en est au point où l’on pourrait être conduit à constater que Trump a d’ores et déjà semé un trouble si considérable sinon apocalyptique au sein de ce joyau fondamental du Système qu’est le pouvoir-Système washingtonien, que la crise bouffonne vit d’ores et déjà hors de lui-même.

Aussi m’est-il venu, dans ces dernières vingt-quatre heures, une sorte de “légèreté de crise” fort inhabituelle et pas sans déplaisir puisque productrice d’une humeur particulièrement folâtre et ironique. C’est la réalisation, je suppose, de ce qui est noté par ailleurs et toujours selon la même référence, en prêtant bien son attention dans cet extrait à ce que le “depuis quelques jours” concerne bien le “quelque chose d’énorme... en train de se produire”, et nullement la réalisation de la chose venue sous la plume au fil de l’écrit qui est une pensée en soi, comme l’on sait : « Ce que nous éprouvons, nous, c’est la sensation vertigineuse de quelque chose d’énorme qui est, depuis quelques jours, en train de se produire, comme l’on voit une structure puissante en train de se défaire, au risque de la dissolution... ». Ce serait une formidable, une somptueuse gâterie du Ciel si l’engrenage final de la Grande crise démarrait à partir d’une “crise bouffonne” de cette sorte, sous l’impulsion complètement inconsciente, ou spontanée disons, d’un personnage de cette sorte.

The Donald est-il une sorte de “bouffon du roi postmoderne” qui serait un “bouffon de crise”, personnage excentrique, d’une tonitruance bouffonnante, plein de bling-bling, et pourtant mystérieux, étrange et absolument inattendu, qui, par son caractère même, sa formidable capacité à montrer le ridicule caché de cette monstruosité qu’est le Système en l’illustrant d’abord par son propre comportement, détient la clef du Grand Mystère ? Oh certes, sans le vouloir ni le savoir, mais qu’importe. Le “bouffon du roi postmoderne” devenu “bouffon de crise” emmenant, comme le “Joueur de Flûte de Hamelin” mais dans une occurrence invertie et vertueuse (diable, les braves sapiens ne sont pas des rats), le peuple derrière lui pour l’insurrection par les urnes, les sondages et les réseaux sociaux, pour installer la terreur-panique chez ceux qui alimentent aveuglément la Terreur moyennement-soft du Système.