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16 octobre 2025 à 08H00 – Depuis des années, bien depuis 2017, je suis un auditeur régulier de ‘TheDuran’, le duo Mercouris-Christoforou. Il y a 4 ou 5 ans, ils ont commencé une rubrique où ils débattent ensemble d’un point bien précis, en général moins longuement que chacune de leurs émissions personnelles. Cette émission “à deux” est souvent une sorte d’interview de Mercouris par Christoforou, la maîtrise du premier dans le traitement en profondeur et très documenté des problèmes traités étant largement reconnue. Chaque fois, les interventions de l’un ou de l’autre sont salués par une approbation chez son interlocuteur, ou de simples précisions ou légères mises au point...
Pas ce 14 octobre 2025, où le ton contestataire de Christoforou est brusquement monté tandis que Mercouris s’enlisait dans une explication verbeuse où transparaissaient son admiration pour Poutine et sa difficulté à reconnaître, – il n’en doutait pourtant pas un instant, – que ce même Poutine persistait d’une façon déraisonnable et se trouvait pris par des journalistes en flagrant délit, pour la première fois aussi mauvais et détestable dans une conférence de presse. Celle-ci avait lieu en clôture de la conférence du CIS, à Dushanbe, au Tajikistan.
Mercouris : « On le bousculait (Poutine) et on lui disait : “Vous savez ce que vous pouvez dire, vous ne pouvez pas vous en tenir là, vous ne pouvez pas vous enfuir”. On a donc pu constater que Poutine était mis au défi lors de cette conférence de presse d'une manière qui est pour le moins, extrêmement inhabituelle dans le monde médiatique russe. Euh, vous savez, avec les conférences de presse où Lavrov et Medvedev interviennent, c'est la pagaille générale. Les journalistes peuvent poser toutes les questions qu'ils veulent. Mais avec Poutine, c'est généralement beaucoup plus respectueux. C'est un exemple où, comme je l'ai dit, les médias, le groupe de médias, qui sont tous des journalistes russes, d'ailleurs… Il ne répond qu'aux questions de certains médias russes. Ils sont de plus en plus exaspérés par cette situation. Bref, c'est Poutine... »
Christoforou : « Puis-je juste dire : Eh bien, les journalistes font leur travail, Alexander ! Ils font leur travail ! C'est parfaitement normal de remettre en question... »
Mercouris : « Non, non, non. Je ne conteste pas. Absolument. Les gens devraient remettre en question Poutine. Oui, c'est le dirigeant du pays et je pense que les journalistes font leur travail. Mais le fait est, comme je l'ai dit, que cela se fait maintenant d’une manière beaucoup plus agressive, comme je n’ai jamais vu. Et cela vient, comme je l'ai dit, des médias. Et les médias expriment clairement des frustrations plus profondes au sein de la société russe et de certains dirigeants russes. Quoi qu'il en soit, il s'accroche toujours à l'idée qu'il peut arranger les choses avec Donald Trump. »
Les points d’exclamation ont du mal à rendre compter du ton véhément de Christoforou. C’était tellement inhabituel pour un tel duo, alors qu’ils étaient au fond d’accord tous deux, mais l’un avec beaucoup trop peu de vigueur au goût de l’autre. Il est aussi inhabituel qu’un tel débat si véhément ait lieu à propos du comportement de la presse russe vis-à-vis de son président, dont on peut donc constater qu’elle vaut largement et même dépasse en liberté de ton et de critique du président celui de la presse américaniste, et à un propos bien plus cohérent, sans tartuferie ni lâcheté !
On sait de quoi il s’agit : comment Poutine continue-t-il à transiger, à jouer aux clins d’yeux, à nomme Trump “Donald” dans ses interventions, dans l’espoir de séduire et d’emporter le président US dans son camp ? Alors que ce dont il s’agit est fondamentalement de la plus haute et dangereuse politique. ? Les ‘Tomahawk’ sont des missiles à portée stratégique, et capables d’emporter des armes nucléaires aussi bien que des explosifs conventionnels sans que rien n'en donne la moindre indication. Qu’ils soient faciles à abattre pour les Ruses comme on l’a vu hier n’est pas le problème, juste une question de quincaillerie. Seul compte le fait d’une attaque stratégique ayant une capacité nucléaire théorique, maniée évidemment par des servants américanistes puisqu’il n’est pas question de confier ces engins aux Ukrainiens. Comment Poutine ne hausse-t-il pas le problème à ce niveau qui est le sien ? Qu’espère-t-il donc de Trump, qui est totalement et fondamentalement incontrôlable, et ne redevient sérieux que pour retrouver l’arrogance et l’inconscience du chef de guerre instruit (!) par les neocon du type-Kellogg ?
Le titre de cette tribune Mercouris-Christoforou qui vit une agitation si inhabituelle était bien :
« Poutine contesté sur le déploiement des Tomahawk par Trump en Ukraine »
C’est une polémique qui est d’ailleurs générale, particulièrement dans les interventions, les débats, les vidéos, de la presse alternative, celle de ‘notre Samizdat’. Habituellement, Poutine fait l’unanimité ; ce n’est plus, mais plus du tout le cas.et pour une “affaire ” des plus étranges, qui ne devrait poser aucun problème.
On a détaillé partout, hors la presseSystème et le reste des déchets sans importance sinon odoriférante, combien les ‘Tomahawk’, théoriquement et politiquement armes du plus haut niveau de gravité stratégique, sont en réalité complètement dépassés. On en a parlé hier, et tant d’autres le font. Citons un expert russe et ses observations politiques et stratégiques :
« Le Kremlin a répété à plusieurs reprises que l'Ukraine ne pouvait pas lancer seule des Tomahawks. “Chaque Tomahawk tiré sur la Russie depuis un système de fabrication américaine par des équipages américains marquerait le début d'une guerre entre les États-Unis et la Russie”, déclare Alexander Mikhaïlov, chef du Bureau des Analyses Politico-militaires..
» L'idée que des Tomahawks de fabrication américaine frappent des infrastructures énergétiques en Russie est un fantasme.
» Un tel acte franchirait une ligne rouge qui déclencherait une riposte à laquelle les États-Unis ne sont absolument pas prêts.
» La doctrine nucléaire russe actualisée stipule explicitement qu'une attaque massive de missiles de croisière (comme une volée de Tomahawks) peut entraîner une riposte NUCLÉAIRE.
» Les Américains sont-ils prêts à “mourir collectivement” pour cela ? L'expert est formel : “J'en suis absolument certain, non”. »
De quelque côté que l’on se tourne, les ‘Tomahawk’ ne font pas le poids. C’est l’acte politique et stratégique qui importe et demande une réponse à mesure. En laissant faire sans dénoncer cet acte politique et stratégique avant même que les ‘Tomahawk’ soient déployés, c’est accorder à cet armement complètement dépassé une importance apocalyptique.
La tendance de Poutine à poursuivre une sorte de ‘bromance’ à distance avec Trump, en espérant instiller à celui-ci des qualités de volonté et de caractère qu’il n’a pas et ne peut avoir, c’est courir derrière une chimère. Trump lui-même montre à Poutine que ses excellents sentiments pour le président russe ne l’empêchent nullement de poursuivre des actes directement hostiles à la Russie ; pourquoi le président russe ne prend-il pas exemple sur son excellent ami ?
Poutine peut très bien dire : “Les ‘Tomahawk’ déployés en Ukraine ouvriraient une crise nucléaire majeure et sans précédent, y compris Cuba-1962, entre la Russie et les USA. Nous prenons donc dès aujourd’hui les mesures de préparation à une riposte correspondant non pas aux ‘Tomahawk’ mais à l’acte politico-stratégique que leur déploiement implique, et ces mesures du plus haut niveau concevable qui seront activées dès que ce déploiement commencera. Nous sommes certains que ce cher Donald, dont nous sommes si proches et chérissons les vertus, comprendra notre geste et fera en sorte qu’il ne soit pas justifié. Notre estime lui est acquise, tout comme notre détermination à la riposte.”
Il est certain que Poutine doit s’attendre à une attaque en règle au sein du Conseil National de Sécurité et de Défense, lorsque Medvedev, actuellement en Corée du Nord, sera rentré à Moscou et en convoquera sans doute une session en tant que vice-président de ce Conseil faisant office de président. Il est difficile de voir comment Poutine, de plus en plus isolé sur cette affaire, pourra résister au rassemblement des “durs” qui s’estiment en réalité être les pragmatiques de la crise.
Comment expliquer son attitude, selon la logique de ceux qui vont accentuer leur pression sur lui pour qu’il évolue ? Qu’on soit de tel ou tel parti, il est vrai qu’on est obligé de reconnaître que, du point de vue de Poutine et des intérêts de la Russie, son comportement, entre laxisme et attentisme, a toutes les raisons pour éveiller la critique.
Que peut-on dire de lui, selon ce point de vue ? Poutine, intelligence brillante et dirigeant de grande raison, semble accepter de se faire piéger, peut-être involontairement dans le chef du coupable, par un homme à l’intelligence complètement dévoyée, déformée et complètement réduite par la déraison, et au caractère dévoré par un narcissisme tournant à un nombrilisme créateur de simulacres extraordinaires. Poutine ne se fait certainement aucune illusion excessive sur le niveau mental (pathologique) et moral de Trump. Peut-être imagine-t-il pouvoir le sauvegarder de cette ornière par les liens qu’il a établis avec lui, et la façon dont il le flatte, en le prenant par la main ou quelque chose comme ça ? Peut-être est-il malgré tout fasciné par ce que fut l’Amérique et voit-il Trump comme son ultime avatar ?
Le mystère est difficile à percer. Il est dommage, toujours du même point de vue, que cette même brillante raison ne lui suggère pas l’idée d’un électro-choc amical pour éveiller chez son ami “The-Donald” un goût du retour à la réalité. Par exemple, il pourrait imiter son autre ami (un vrai, celui-là) Xi, pourtant si mesuré et retenu, et pourtant avec ses mesures d’avant-hier de restrictions draconiennes à l’encontre des USA pour les “terres rares”, pour entraver gravement la production de certains systèmes militaires aux USA. Alors, les USA, Trump en premier, hurlent à la mort et éclatent de colère ; mais, s’il le faut, et si l’occasion s’en présente, ils sauront bien rentrer la tête pour passer sous les fourches caudines des Chinois pour l’apaisement lucratif de leur complexe militaro-industriel. Et alors, Xi et Trump s’étreindront.