Le Monde tremble, le Temps chancelle

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Le Monde tremble, le Temps chancelle

1er décembre 2025 (18H30) – On peut dire, me semble-t-il, que seuls les Russes restent assez sereins et gardent tout leur calme. Leur seule agitation se manifeste, – mais avec quelle puissance ! –  sur les fronts d’Ukraine où leur avancée jusqu’alors jugée “poussive” et sans espoir apparaît soudain pour ce qu’elle est en vérité : mesurée, contrôlée, coordonnée, impitoyable, écrasante, terrible de détermination. L’armée russe accomplit sa mission qui est d’écraser l’armée ukrainienne comme une noix prise dans un casse-noisette gigantesque, qui ne doit rien à Tchaïkovski. L’armée russe désarme l’Ukraine, si possible, – elle se paye le luxe humanitaire d’y songer, – en tuant le moins possible de “frères” ukrainiens. Eller dénazifie également, de la même façon systématique.

... Mais surtout, elle atteint désormais les limites des buts assignés par le président et la direction russes tandis que le triste Zelenski s’abîme dans les rets d’un colossal scandale de corruption qui ruine totalement son simulacre de réputation de “héros” postmoderne et globaliste, avant de le toucher dans ce qu’il lui reste d’œuvres vives. Washington D.C., surtout le président et le Pentagone ont fait une croix sur ce type et voudraient bien s’en arranger avec Poutine. Le reste, les Européens, de Macron le figurant-narcissique aux folles de Bruxelles, Kallas et van der La Hyène, – tout cela n’amuse plus grand monde. Même Lindsay Graham, dans un habile tête-à-queue, vient d’informer la direction ukrainienne qu’il n’y a plus aucune chance pour l’Ukraine de l’emporter.

Le « démantèlement structurel de l'alliance occidentale »

Cela conduit donc le “Professeur John (Mearsheimer) Talks” à nous donner la mesure de l’événement historique que constitue le sommet de l’OTAN convoqué “d’urgence” :

« Quel est le terme employé par l'OTAN ? Non pas “routinier”, non pas “programmé”, c’est le mot “urgence”. Pour la première fois depuis la Guerre froide, les dirigeants européens prévoient de se réunir à Bruxelles, non pas pour se coordonner avec Washington, mais pour se demander si l’on peut encore faire confiance à Washington.

» Réfléchissez-y. 75 ans. C'est la durée pendant laquelle l'alliance atlantique a tenu bon à travers le mur de Berlin, à travers l'effondrement soviétique, à travers l'Afghanistan, et maintenant, les dirigeants européens posent ouvertement la question qu'ils n'ont jamais osé poser auparavant. L'Amérique est-elle encore un allié fiable ? Pourquoi cela se produit-il ? Parce que ce à quoi nous assistons n'est pas simplement un désaccord diplomatique. Il ne s'agit pas d'un différend politique qui se résoudra de lui-même après un cycle électoral. Ce à quoi nous assistons, c'est au démantèlement structurel de l'alliance occidentale.

» J'ai consacré toute ma carrière à l'étude des alliances, comment elles se forment et comment elles fonctionnent, et je peux vous l'affirmer avec certitude. Ce sommet représentera assurément un tournant que les historiens étudieront pendant des générations. Les signaux en provenance des capitales européennes sont sans équivoque. L'Allemagne discute stratégiquement de son autonomie. La France accélère ses initiatives de défense indépendante. la Pologne, le plus grand allié fidèle des États-Unis en Europe de l'Est, joue la carte de la prudence. Les pays baltes sont terrifiés. »

Pour autant, la vie à Washington D.C. n’est pas de tout repos. Cet abandon en train de se faire de l’OTAN répond aussi bien à un besoin qu’à une évidence. Certes, une terrible opposition à la “politique” de Trump se lève et s’exprime avec fureur, – politique jugée comme une trahison prorusse, as usual, – Quelle “politique” ? Celle de l’évidence et de l’inévitable, prévisible dès le 24 février 2022 et préparée dès 1991 ! Par conséquent, des jours agités nous attendent, et l’OTAN n’est absolument pas assurée d’en profiter, sinon du contraire.

Nous dirions plutôt, et j’abonderais dans ce sens : encore faut-il que d’autres affaires ne prennent pas trop de place d’ici les élections de 2026. Je ne parle même pas du Venezuela, non, mais de politique intérieure... Je parle de l’exemple extraordinaire du Minnesota où s’est constituée une communauté somalienne, refusant toute intégration, toute adaptation aux mœurs américanistes, avec groupes terroristes, gangs, femmes voilées et interdites de caméras, langue anglaise interdite au profit du somalien, rapine des divers aides et services publics et toutes ces sorte de choses. Cela alimente furieusement une des politiques de Trump les plus populaires autant que la profonde crise intérieure des États-Unis.

Le texte de Douguine n’était donc pas si mal venu d’autant que le Minnesota avec le demi-fou et complètement-Woke gouverneur Waltz, colistier de Harris, n’est pas une exception mais la règle des nouvelles normes globalistes complètement appliquée... Et nous nous trouvons au moment où Trump, grâce à son ami Orban, comprend de plus en plus précisément que l’affaire ukrainienne n’a rien à voir avec les prorusses et les antirusses, et toutes les  stupides guerres annexées, et tout avec l’offensive Woke-globaliste... Alors l’OTAN, avec tous ces gouvernements ouvertement globalistes et complètement ouverts à l’immigration, et accumulant contre eux un mécontentement populaire gigantesque ! On retrouvera de plus en plus souvent cet argument dans ce qui dépasse largement l’Ukraine et devient une immense fracture civilisationnelle, une fin de cycle, un changement du Temps lui-même dont il est possible, sinon évident, sinon assuré et quasiment en train de s’opérer, – qu’il provoque des changements révolutionnaires dans les psychologies.

L’Ukraine jugée par un Gustave Le Bon ?

En 1913, le grand psychologue et philosophe Gustave Le Bon publia une nouvelle édition de son essai sur ‘La Révolution Française et la psychologie des révolutions’. Le Bon n’était guère apprécié des cercles académiques, parce qu’il était indépendant, original et audacieux, qu’il avait de grands succès de librairie malgré la difficulté de son sujet, bref parce qu’il fichait leur conformisme cul par-dessus tête.

Dans la nouvelle édition de son essai, il ajouta une nouvelle préface. Il y examinait les nombreuses publications sur la Révolution, les grands courants d’interprétation, les critiques faites à ses propres conceptions également sur la Révolution (notamment la première  édition de son essai).  Il y répondait avec fermeté.

« Cette impuissance d’interprétation m’avait frappé quand je commençai l’étude de la Révolution pour y chercher une application de mes méthodes psychologiques. Il m’apparut très vite que les incertitudes des historiens sur cette grande crise résultaient simplement de l’habitude d’avoir recours aux interprétations rationnelles pour expliquer les événements dictés par des influences mystiques, affectives et collectives étrangères à la raison.

» L’histoire de la Révolution en fournit à chaque page la preuve. La logique collective seule et non la logique rationnelle pouvait révéler pourquoi les assemblées révolutionnaires votaient sans cesse des mesures contraires aux opinions de chacun de leurs membres. [...]

» Nous sommes trop rationalistes en France pour admettre facilement que l’histoire puisse se dérouler en dehors de la raison et souvent mème contre cette raison. Il faudra bien cependant nous résigner à changer entièrement nos méthodes d’interprétation historiques si ,nous voulons arriver à comprendre une foule d’événements que la raison demeure impuissante à expliquer. »

Mettre cette citation ici, à ce moment, ne signifie pas que nous comparions l’actuelle période avec celle de la Révolution Française, du moins dans la facture dynamique et la signification politique et géopolitique des événements. Cela signifie que nous jugeons que l’actuelle période est aussi mystérieuse et puissante, et puissamment mystérieuse, – sinon plus, – que celle de la Révolution, si l’on veut s’en tenir à la raison. Après tout, l’on retrouve des organisations dont manifestement nombre de membres sont en désaccord profond avec la décision finale qui sera prise pourtant à l’unanimité par cette organisation. Même enfin, cette absurde guerre d’Ukraine, toute entière emballée comme un paquet-cadeau dans un formidable simulacre qui est une infranchissables forteresse de mensonges plus grossiers les uns que les autres, – dont beaucoup savent l’existence, – dont si peu, sinon personne ne songe à la dénoncer pour se soumettre à l’imposture générale, sans nécessité, ni de menaces, ni de complots, ni de consigne impérative...

Voilà qui a bien des similitudes avec certaines attitudes incompréhensibles durant la Révolution, – incompréhensibles sauf pour Le Bon et sa m »thodologie. Sans nul doute, un Le Bon nous serait bien utile aujourd’hui pour démêler quelques fils des événements qui filent à quelle allure, alors que le phénomène du système de la communication dans toute sa puissance ouvre plus que jamais la voie à l’explication psychologique et aux hypothèses des « influences mystiques, affectives et collectives étrangères à la raison. »