Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.

  Mai 2022 (8 articles)

Poutine, Civilisation & Progrès

  mardi 31 mai 2022

31 mai 2022 (09H45) – Enterrant un instant sa hargne contre tout ce qui n’est pas politiquement du parti de la Sainte-Russie, – et une hargne que j’éprouve parfois dans un sens inverse pour ce qui est du sentiment éprouvé par moi pour la France qui détruit absolument ce que fut la France, – Andrei Martianov extrait du dernier article (30 mai) de Kunstler, ce jugement du sociologue américain et observateur d’une impitoyable ironie de la décomposition américaniste :

« Eh bien, d'une part, il semble que nous soyons dans une course serrée entre la démolition contrôlée de l'économie mondiale par Klaus et les élections américaines de mi-mandat en novembre prochain, et peut-être que le Gang perçoit que cela ne va pas si bien se passer pour eux. Leur projet-clef dans l'offensive de 2022, la guerre en Ukraine, ne fonctionne pas non plus. L'idée, semble-t-il, était d'embourber et d'humilier les Russes afin de provoquer la défenestration de M. Poutine, qui, croyez-le ou non et malgré les tsunamis d'infamies déversés sur lui par les propagandistes financés par le WEF, est étrangement et réellement un défenseur de la civilisation occidentale. Oui, je sais, c'est stupéfiant, non ? (Dieu travaille de façon mystérieuse, – mais les gangsters de Davos ne croient pas en Lui / en Elle / en Il-Elle transgenré). »

Et Martianov commente, puis cite Roger Scruton, ce conservateur britannique mort récemment et dont il (Martianov) rappelle qu’il était russophobe, – cela montrant que cette affaire dépasse infiniment les engagements et les opinions terrestres de notre siècle, et du précédent, et ainsi de suite jusqu’au temps de la mort du Christ...

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Victoria au Pays du Fuckland

  vendredi 27 mai 2022

27 mai 2022 (17h25) –  On doit se rappeler, car c’est un grand moment d’observation de l’activité débridée et déchaînée de l’irrésistible Victoria Nuland, de ce long coup de fil entre l’ambassadeur US à Kiev à cette époque Geoffrey Pyat et elle-même. (Voir le 7 février 2014, sur l’incident qui fut grand bruit mais ne modifia guère l’avis général sur la vertu américaniste alors et aujourd’hui.)

Quoi qu’il en soit, le moment fut exotique, marqué notamment par son « Fuck the UE » (« Que l’UE aille se faire foutre »), qui alla même jusqu’à faire s’excuser la Nuland auprès des vertueuses collectivités de la direction-UE. Pour autant (bis et re-bis), cela “ne modifia guère l’avis général sur la vertu américaniste alors et aujourd’hui”.

Mais bon, cela resta dans les annales... Et voilà que l’on apprend que le non-moins vertueux ‘YouTube’ vient de faire sauter l’enregistrement de son catalogue. Singulière manœuvre qui a le curieux effet à contre-temps pour le censeur imbécile, en pleine Ukrisis, de nous rappeler qui en est la cause première dans la séquence présente, sans pour autant faire disparaître la pièce à conviction qui a été sécurisée de tous les côtés. Je pense que les algorithmes-censureuses sont encore plus imbéciles si c’est possible que les censeurs eux-mêmes et n’ont de cesse de rendre ces mêmes censeurs qui les ont activés, eux-mêmes encore plus imbéciles. De ce point de vue, ils se perdront irrésistiblement dans leur Mer des Sargasses-imbéciles.

Tout cela pour constater que ‘ConsortiumNews’ (CN), ayant odentifié le forfait, s’est empressé d’éditer une version écrite de l’entretien, pour que l’échange Nuland-Pyatt reste dans les archives. L’article de CN) qui nous présente l’affaire, reprend la version de la transcription de la BBC, postée le 7 février 2014 qui est, elle, toujours en ligne. (C’était le temps où la BBC conservait, épars, quelques débris de la BBC qu’on a oubliés de “canceller”.) La vidéo de l’entretien qui a été retirée, avait été postée le 29 avril 2014 et avait bénéficié de 181 533 vues ; sauvegardée par CN, on la trouve donc toujours accessible à cet url, mise en place par le même CN, et non encore censurée... Qui plus est, un ‘addendum’ à l’article original de CN signale qu’il existe une version de l’entretien avec des sous-titres en russe, qui bat, et de loin, tous les records de vision : près de 1,5 million de vues (1 480 875).

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Le corps-mort de la diplomatie

  lundi 23 mai 2022

23 mai 2022 (17H25) – Il y a eu un des débats semi-annuels dits-‘Munsk’, à Toronto, au Canada, datant du 12 mai et dont la diffusion sur YouTube a eu lieu ce jour du  23 mai 2022. Deux groupes de deux personnalités du monde de la diplomatie, certains fort peu idéologisées et d’autres idéologisées au maximum possible du cynisme, étaient, comme l’on dit, “opposés”. Je vais simplifier les étiquettes, mais suis sûr que l’on me comprendra à demi-mot.

•  D’un côté, les “réalistes”, certainement pas antirusses d’une foi assurée du Seigneur, pas du tout non plus prorusses sans nuances, mais enfin qu’on trouve parmi ceux qui trouvent beaucoup, beaucoup à redire dans l’actuelle politique du bloc-BAO dans Ukrisis. Les deux hommes sont deux universitaires célèbres, US bien entendu, qui se sont illustrés en mettant à nu l’influence du lobby israélien sur la politique extérieure US : le professeur en relations internationales de Harvard Stephen Walt et le politologue John Mearsheimer. Bien qu’honorables, et parce qu’honorables, ces personnages chargés de titres et de diplômes sont pourtant rien d’autre et rien de moins que des ‘dissidents’.

• De l’autre côté, deux diplomates si l’on peut dire puisque l’un fut ambassadeur des USA à Moscou et l’autre ministre des affaires étrangères de Pologne (mais avec de fort liens avec les USA, puisqu’époux de l’hyper-pétroleuse Ann Applebaum, historienne et chroniqueuse de Washington ‘Post’), – respectivement Michael McFaul et Radoslaw Sikorski avec son parcours sinueux. Ces deux-là sont des vedettes de la communication postmoderne, personnages au moins beaucoup plus médiatiques que diplomatiques, du fait de leurs interventions souvent très... médiatiques et parfois même brutales (Sikorski lorsqu’il parlait du ‘blowjob’ au profit des USA et de la fonction de ‘total suckers’ assignée aux Polonais à l’égard de leurs confrères américanistes, – traduction non cataloguée mais retournement de veste dudit Sikorski assuré). Quoi qu’il en soit, les deux vedettes médiatiques sont, dans cette séquence en Ukrisis où se déroule une terrible attaque contre l’humanisme et la civilisation en cours, – elles sont parfaitement bien alignées-neocon dans un antirussisme absolu et c’est bien le rôle qu’ils tiennent dans le débat.

Salut à ConsortiumNews

  jeudi 19 mai 2022

19 mai 2022 (18h10) – Je crois que nos lecteurs auront bien senti combien cette Ukrisis sème le trouble dans les consciences dissidentes, pour choisir de quel côté la vérité à le plus besoin de notre aide, – toujours cette quête de la vérité nommée par nous avec la plus extrême modestie vérité-de-situation. Je parle bien des consciences “dissidentes” ; les autres, les tranquilles, les satisfaites d’elles-mêmes et du temps qui va, gobent tout ce que la presseSystème & affidés leur déverse à grandes pelletés. On laisse ceux-là de côté, à leur destin sans malice ni cas de conscience.

J’observe l’aspect américaniste de la dissidence parce qu’elle est incontestablement la “mère de toutes les dissidences” sur l’internet, – cela, de façon logique, puisque cette activité est apparue alors que le véritable visage de la subversion totale de l’américanisme se dressait devant nous, passé abruptement l’épisode communiste réduit à poussières diverses. C’est chez eux, aux États-Unis, aujourd’hui en temps d’Ukrisis, que se manifeste le plus durement, d’une façon souvent déchirante, ce trouble des consciences. Michael Brenner nous a parlé il y a peu de ce problème qui est à la fois un dilemme et sujet de terreur, – « La dissidence américaine dans les ténèbres », – et nous parlant aussi de ce poids terrible de ceux qui prennent le risque d’en avoir pleine conscience et de ne pas désarmer, de rester lucide, de ne céder en rien à la tentation du Système, – comme on dit “la tentation du Diable”, avec la menace de la dépression ou de la folie, ou de la solitude meurtrière :

« Impression qu’être critique et sceptique ce n’était plus engager un dialogue mais lancer ses opinions et ses pensées dans une sorte de vide... En effet, un vide parce que le discours tel qu’il s’est cristallisé et auquel je suis confronté est non seulement uniforme et impénétrable d’une certaine manière, mais il est à bien des égards insensé, dépourvu de toute sorte de logique interne, que l'on soit d'accord ou non avec les prémisses et les objectifs formellement énoncés.

» En fait, j’ai découvert que c’est un nihilisme intellectuel et politique. Alors, on ne peut apporter aucune contribution pour essayer de corriger cela simplement par des moyens conventionnels. J'ai donc senti pour la première fois que je ne faisais pas partie de ce monde... »

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Pour quelques millions de plus...

  mercredi 18 mai 2022

18 mai 2022 ( 15h50) – C’est la chronique d’Orlov, son texte sur la commémoration de la Victoire dans ce que les Russes nomment la Grande Guerre Patriotique, les défilés d’une ampleur patriotique inouïe  de leur “Bataillon Sacré”, qui m’a engagé sur cette voie du raisonnement, par intuition dirais-je, aidé en cela, guidé dirais-je même, par les “événements” auxquels j’accorde l’importance spirituelle qu’on sait.

(En aparté : « A ce propos et cherchant une expression qui rende compte, en termes “opérationnels” pour nous, de l’idée que je veux exprimer, je parlerais même, d’une “souveraineté spirituelle des événements”. »)

Je pressentais aussitôt, ayant lu Orlov puis Finkelstein comme on va le voir, qu’il y a quelque chose de considérable, aujourd’hui, en 2022 avec Ukrisis, dans cette grande question de la mémoire de la Grande Guerre Patriotique. Je crois qu’une longue conversation de Norman Finkelstein avec Briahna Joy Gray, qui fut l’attachée de presse de Bernie Sanders lors de la campagne de 2020 (lors de l’émission radiodiffusée du programme ‘Bad Faith’ le 8 avril 2022) éclaire le thème que je voudrais développer ici.

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« L’empire romain devenu fou »

  samedi 14 mai 2022

14 mai 2022 (16h50) – Je médite ce paragraphe, cette phrase dite par un activiste quasiment antiaméricaniste, un antiguerre certifié de gauche qui ne reconnaît plus rien, ni de son pays, ni de la plupart de ses amis combattants-activistes :

« Parce que c'est vraiment de cela dont nous parlons ici, c'est une notion d'assimilation de l'hégémonie américaine avec l'illumination, la civilisation, la démocratie, la liberté et quiconque la conteste,  – ce que fait clairement la Chine, et la Russie, certainement, – qui devien[nen]t l’ennemi de civilisation. C'est le message effrayant ici. C'est un peu l'empire romain devenu fou. »

En décidant de reprendre cette “conversation” entre Robert Scheer et le professeur Michael Brennan, je ne me doutais pas de la profondeur quasiment métahistorique de leurs propos. Lire cela, un peu en diagonale, puis décider de le reprendre, c’est encore n’avoir pas mesuré l’ampleur lumineuse de cette profondeur ; le relire, le détailler, pour ébarber la traduction automatique, traquer un contresens ici ou là, trouver une autre expression française pour restituer le sel de l’expression anglaise, vous y fait vous plonger. Ainsi ai-je débusqué des observations, des jugements, des réflexions, qui rendent, – dans tous les cas de mon, point de vue, pour qu’on le sache, – rcette conversation éblouissante et qui enrichissent considérablement la perception qu’on en peut avoir si l’on est aux aguets.

Je ne connaissais ni Scheer ni Brennan, sinon ici ou là, en passant, ou peut-être de nom. Enfin, nous y voilà et je voulais aussitôt vous confier les réactions de la pensée que la chose a fait naître en moi ; tout cela sous le patronage de cette idée sublime, qui massacre en bataille la référence et l’emblème que tous les valets & laquais Système se plaisent à savourer en jouant aux lettrés... “L’Amérique, la Rome moderne !” Certes, mais alors « c'est un peu l'empire romain devenu fou ».

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Limites de l’hollywoodisme

  mercredi 11 mai 2022

11  mai 2022 (10h55) – Il y a déjà longtemps que les “guerres” sont vécues comme des films évidemment hollywoodiens. Cela passe tellement bien dans nos perceptions aguerries dans les fauteuils des “salles obscures”, nous autres habitués à encaisser les rudes coups et les scènes terriblement sanguinolentes de Rambo à Terminator, et même, pour hausser un peu et s’aventurer dans la qualité presque artistique, – mais le cinoche reste le cinoche, – du ‘Massacre de Fort Apache’ à ‘Apocalypse Now’. On eut à l’esprit cette idée des “guerres” comme films hollywoodiens, cette fois sans fard ni dissimulation, ni véritables victimes, ni dégâts collatéraux pour notre compte,  “comme un bon film” quoi, avec la première Guerre du Golfe. J’allais écrire “qui ne se rappelle...”, – mais non, c’est déjà si loin, et les mémoires courtes du temps n’en gardent rien...

Eh bien moi, si ! Je me rappelle que la transmission en quasi-continu des images des attaques aériennes par films automatiques à partir des avions US (‘what else ?’), ciblant tel char, tel poste de commandement, tel mariage par erreur (oups), suscitaient des rassemblements devant les postes TV ouverts au public. On était au cinoche en ‘zap-in’, équivalent postmoderne du ‘drive-in’. Je n’invente rien, je revois encore cette scène dans le grand hall de l’OTAN, en janvier-février 1991, où l’on aurait cru à une ré-invention de la guerre, avec tous ces héroïques fonctionnaires et planificateurs au bout de l’effort de lever le cul de leurs fauteuils pour assister “en direct” au résultat superbe de ceux qui “ont bien fait le job” grâce à leur labeur de fourmis du Monde Libre.

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Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se défait

  mardi 03 mai 2022

3 mai 2022 (18H20) – Dans son dernier texte (“Strategic-Culture.org”, le 2 mai 2022), Alastair Crooke analyse avec un désenchantement profond mais élégant, sans laisser apparaître la moindre rancune, la situation française avec la ré-élection d’un président exceptionnellement impopulaire et souvent détesté jusqu’à la haine ; puis élargissant son propos à l’UE, qu’il décrit comme plongée dans une atonie surpuissante, impossible d’aller de l’avant dans un simulacre de solidarité absolument faussaire, impossible de revenir en arrière, immobilisée dans une immonde Mer des Sargasses conceptuelles et communicationnelle.

Il constate une complète paralysie, – « Les impasses aveugles de la politique européenne », – dans une situation où les crises s’empilent et se développent à une rapidité extrême, dégradant à mesure la situation générale. Son analyse concerne essentiellement les conséquences et les effets de Ukrisis, beaucoup plus que les questions internes ; mais l’extraordinaire paralysie et le furieux immobilisme, – à la fois narcissique, bienpensant et terrorisé, – des pouvoirs concernés sont une marque commune de ces deux niveaux de situation. Il s’agit bien d’une in-activité politique surpuissante et incandescente pour un sur-place hystérique, illustrée par l’affairement et le bouillonnement d’une formidable activité communicationnelle, évoluant entre le “non-Être et le Néant”, « aplatie par l’énorme poids du rien » (selon la belle formule de Joseph de Maistre, si à mon goût par sa capacité d’adaptation illustrative de nos ‘temps-devenus-fous’).

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