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• Le sentiment général, de plus en plus aigu, est bien entendu que notre civilisation, et notre monde en un mot, se dirige vers un terme catastrophique ou/et bouleversant. • On envisage ici deux termes de cette sorte, l’un par une dictature de la technologie agissant comme une égrégore autonome, l’autre par une Troisième Guerre mondiale qui serait notre Armageddon postmoderne. • Alexandre Douguine, très churchillien, nous décrit la deuxième options en nous promettant du feu, du sang et des larmes comme épreuves nécessaires pour clore cette époque maudite.
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11 octobre 2025 (18H15) – Quand l’on dit “notre fin”, – et c’est l’explication des guillemets, – on a à l’esprit que cette expression peut avoir des sens très variés, voire opposés, dans tous les cas selon l’esprit où nous l’envisageons. Il se trouve que la chose est aujourd’hui très souvent envisagée, au point où l’on peut dire que cette question sur “notre fin” est devenue une sorte d’objet d’hypothèses et de supputation quasiment universel, – “en temps réel”, comme l’on dit, sans esprit de complotisme ou de dérangement mental.
• “Notre fin” peut signifier la fin de l’espèce humaine en tant que telle, telle que nous la connaissons, avec ses ornements sympathiques, – le libre-arbitre, la liberté, le sens et l’organisation d’une civilisation, les interrogations sur les causes premières et les fins dernières, toutes ces sortes de choses. C’est vraiment “la fin”, le terminus du Tout à la station finale du Rien.
• “Notre fin” peut signifier, de façon extrêmement différente, sinon opposée, la fin de notre civilisation parvenue au terme de sa décadence. Cette “fin” serait vécue, ou devrait l’être, comme une libération, un soulagement, un triomphe, etc., bien qu’elle dût se faire éventuellement par une Très-Grande Guerre où nous souffrirons beaucoup.
Nous sommes dans une époque bien singulière pour que cette question soit devenue la question principale, littéralement d’actualité, influant sur nos jugements, sur nos décisions, et sur les événements dont on peut penser, – et on l’ose de plus en plus souvent, – qu’ils sont mus par d’autres forces que les nôtres que certains croiraient et croyaient pourtant maîtresses d’elles-mêmes comme de l’univers. De même, la singularité se trouve dans le crédit grandissant que nous accordons à une interprétation extra-humaine du comportement de certains groupes humains, et de certaines individualités. Il est désormais presque courant, disons “sur la pointe des pieds”, d’avancer comme hypothèse que tel groupe, tel individu, se trouvent sous une influence diabolique ; ce qui ne signifie pas d’ailleurs un machiavélisme brillant et d’une intelligence imprévisible mais au contraire, et le plus souvent, une consternante stupidité.
Guénon : « L’on dit même que le diable, quand il veut, est fort bon théologien ; il est vrai, pourtant, qu’il ne peut s’empêcher de laisser échapper toujours quelque [bêtise], qui est comme sa signature... »
La première perspective se retrouve dans une prospective lugubre caractérisée par une prise de pouvoir d’une technocratie, voire de la technologie elle-même qui acquerrait une conscience et une autonomie d’action. Ajoutée à sa formidable puissance supposée, cette action aurait raison de la conscience et de l’autonomie humaines, qu’en quelque sorte la technologie s’approprierait. Cette piste bouleversante se nourrit évidemment au miel de l’intelligence artificielle mais semble faire l’impasse sur les nombreuses possibilités de blocage de la technologie comme on en voit de plus en plus souvent dans certains domaines, voire, – s’il y a conscience et autonomie, – la folie qui pourrait s’emparer de l’égrégore technologique, dans des circonstances rappelant les mythes flamboyant et foisonnant de l’Antiquité.
Le philosophe finlandais Markku Siira est une bonne source pour mesurer les “progrès” et les avatars d’une telle “fin de l’espèce humaine”. On peut lire notamment deux articles récents, le 18 septembre 2025 (« L’essor du technofascisme dans l’Amérique de Trump ») et le 10 octobre 2025 (« L’horizon déclinant de l’humanité: la dystopie techno-capitaliste de Nick Land »). Dans le second, il décrit le parcours du philosophe Nick Land, illustrant parfaitement ce type d’avatar qui nous renvoie à nos origines, y compris par le moyen d’une technologie hyper-triomphante (pour remonter le temps, par exemple, et retrouver nos traditions, non ?) :
« Ses vues, qui anticipaient autrefois la fin de la politique depuis la perspective de la rupture technologique, se sont rapprochées au fil des ans de la pensée conservatrice traditionnelle, ce qui se reflète aujourd’hui aussi dans ses commentaires, par exemple sur l’état de l’Église d’Angleterre et ses allusions aux profondeurs secrètes de l’histoire de la modernité. Il est étonnant que Land ne voie pas lui-même la contradiction entre le progressisme technologique et le traditionalisme réactionnaire – ou peut-être que ce paradoxe est justement le cœur de sa philosophie. »
Le dernier membre de phrase, avec le “peut-être”, est si intéressant et correspond si joliment aux pétillements caractérisant notre époque pleine de surprise. Il est bien possible, – et cela serait une joyeuse farce-bouffe, – que l’hyper-technologie, à force d’être hyper, achève sa révolution (orbitale, selon la remarque d’Hanna Arendt) à son point de départ, dans les bras de la tradition.
Il s’agit ici de suivre la voie très-traditionnelle, dont tout le monde parle, d’une Grande Guerre finale, disons “une sorte” de Troisième Guerre mondiale qui s’avèrerait être une Armageddon hyper-classique où les restes puants de notre civilisations termineraient en lambeaux poussiéreux et honteux. Il faut noter que, dans l’hypothèse précédente, une secousse guerrière de cette dimension, pourtant bien probable et certes considérable, n’est nullement prise en compte.
C’est donc une fin “heureuse”, qui semble inévitable dans la situation présente où le diable a effectué une purge radicale de nos directions de l’Occident-convulsif pour les peupler des imbéciles les plus achevés et si contents d’eux-mêmes qu’ils ne changeront rien jusqu’à l’effondrement final.
Pour avoir un récit de cette fin cruelle mais heureuse, nous faisons appel à un philosophe qui affectionne les visions titanesques, en la personne d’Alexander Douguine. Il est remarquable qu’il n’ait pas attribué un rôle particulier à sa chère-Russie dans sa description, ce qui montre qu’il s’est placé du point de vue le plus objectif possible. La catastrophe n’en est pas moins sévère...
De même, il ne précise nullement que cette guerre pourrait déboucher sur un affrontement nucléaire d’anéantissement, comme si les guerres commencées ces dernières années nous avaient habitués à ne pas nous laisser tenter par cette issue (ce qui est envisageable avec l’arrivée des missiles hypersoniques qui font autant de dégâts sur la cible qu’une arme nucléaire sans les immenses dégâts collatéraux ni la peste des radiations).
Son titre original (« L’humanité sera confrontée à des épreuves terribles »), que nous nous sommes permis de raccourcir tout en gardant l’idée principale, nous donne une idée de ce qui nous attend. Bien entendu, nous n’en sommes qu’au début mais le phénomène a effectivement commencé ; il est donc peu utile, même s’il faut y travailler, d’attendre des deux guerres en cours (Ukraine et Israël) qu’elles débouchent sur des arrangements durables... On l’aurait parié sans grand risque :
« Pour l’instant, il ne s’agit que d’un avant-goût de cette grande et fondamentale guerre qui sera menée pour la redistribution de la véritable souveraineté entre les forces en train de naître aujourd’hui. »
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Les changements dans l’ordre mondial se produisent généralement par la guerre. Il est très rare que ceux qui détiennent le pouvoir absolu acceptent de s’en défaire volontairement. En général, ils s’y accrochent jusqu’au bout, jusqu’à être détruits et réduits en cendres. Il ne fait aucun doute que c’est également le cas aujourd’hui.
Bien sûr, l’histoire prend parfois des tournures inattendues. Par conséquent, on ne peut qu’hypothétiquement compter, espérer ou, du moins, souhaiter que les dirigeants occidentaux renoncent volontairement à leur hégémonie. Mais tout nous dit que cela est peu probable. Et si cela n’arrive pas, il y aura la guerre. Cette guerre a déjà commencé: la guerre en Ukraine et les conflits au Moyen-Orient en sont le prélude. Mais elle n’a pas encore atteint son plein développement. Pour l’instant, il ne s’agit que d’un avant-goût de cette grande et fondamentale guerre qui sera menée pour la redistribution de la véritable souveraineté entre les forces en train de naître aujourd’hui.
Aujourd’hui, nous disons souvent que nous vivons dans un monde multipolaire, que le monde n’est plus unipolaire, que les BRICS sont en ascension et qu’ils représentent « la plus grande partie de l’humanité ». Pourtant, nous voyons que l’hégémonie du système unipolaire demeure très forte, bien qu’elle soit en déclin et que la société occidentale soit confrontée à une crise interne, une implosion plutôt qu’une explosion, qui menace de détruire sa civilisation.
Mais, dans un certain sens, malgré une nette tendance à la baisse, l’hégémonie occidentale reste plus forte que la multipolarité.
Soyons honnêtes : elle est encore capable, par exemple, de restructurer l’équilibre des pouvoirs dans l’espace post-soviétique.
Il est évident que les globalistes agissent depuis trois décennies en Ukraine, en Moldavie, dans le Caucase du Sud et en Asie centrale. Mais c’est nous qui le leur avons permis.
Et malgré les divisions qui affectent actuellement l’Occident, divisé en deux ou trois forces distinctes — les globalistes de l’Union européenne, Trump et le mouvement MAGA — leur pouvoir est tel qu’ils parviennent à influencer les élections en Roumanie, à éliminer les candidats qui ne leur conviennent pas, à tuer une dizaine de candidats d’« Alternative pour l’Allemagne » en faisant passer cela pour des « accidents » et, enfin, à manipuler les élections en Moldavie. Parallèlement, la guerre en Ukraine se poursuit, l’Occident ne recule pas et il nous est très difficile de remporter une victoire décisive. Autrement dit, il est prématuré d’affirmer que le monde occidental unipolaire n’existe plus. Il existe toujours, même s’il est à l’agonie.
Et, bien sûr, il est très probable que si le monde unipolaire ne s’effondre pas prochainement, tout finira par nous conduire à une grande guerre.
Je ne sais pas où elle aura lieu. Dans le Pacifique contre la Chine, contre l’Inde, au Moyen-Orient ou avec notre implication directe? Il est tout à fait possible que tout commence précisément chez nous. Ainsi, ce qui se passe en Ukraine pourrait être le début d’une guerre bien plus vaste et grave. Car c’est précisément la Russie — avec nos armes nucléaires, nos territoires, notre identité historique, notre capacité à comprendre les processus mondiaux — qui est de plusieurs pas en avance, même sur la Chine.
La Chine ne devient que maintenant une puissance véritablement mondiale, ce qui représente une nouvelle qualité, une nouvelle situation pour elle. Il n’est pas certain qu’elle puisse y faire face. Nous avons été une grande puissance mondiale aussi bien au 20ème siècle (une des deux) qu’au 19ème (une parmi plusieurs). La grandeur de la Chine remonte à l’Antiquité. Bien que la Chine soit aujourd’hui sans aucun doute une puissance de premier plan, l’une des deux ou trois qui gouvernent le monde, c’est une expérience nouvelle pour la Chine contemporaine. Il faut s’y préparer, car de nombreuses erreurs peuvent être commises. Dans notre cas, cette expérience est très vivante, et c’est pourquoi la Russie est le principal obstacle pour les globalistes et leur principal ennemi. Voilà pourquoi c’est nous, et pas d’autres, qui sommes les principaux adversaires dans cette guerre, le paratonnerre à travers lequel circule l’histoire mondiale. C’est nous qui construisons ce monde multipolaire.
La grande question est de savoir si, dans ces circonstances, il sera possible d’éviter une troisième guerre mondiale. Pour l’instant, la seule proposition réaliste serait notre capitulation, c’est-à-dire mettre fin à la guerre volontairement, lever le drapeau blanc à l’avance et nous livrer à la merci des vainqueurs. Mais reconnaître volontairement la défaite ne signifie pas la fin de la guerre. Nous avons encore la volonté et les forces de combattre, et nous ne nous dirigeons pas vers la défaite, mais vers la victoire. Donc, si la seule façon d’éviter une grande guerre est la défaite, ce n’est pas ce que nous voulons, et cette option est donc exclue. Ce n’est pas à nous de décider s’il y aura guerre ou non, il ne nous reste qu’à observer comment le monde unipolaire déplacera les pièces de cette confrontation.
Donc, dans l’ensemble je suis d’accord avec l’analyse selon laquelle nous ne pourrons pas éviter une grande guerre mondiale. Et dans ce cas, la Chine sera impliquée, et probablement aussi l’Inde, tout le Moyen-Orient et le monde islamique. Bien entendu, cela aura aussi des répercussions en Afrique et en Amérique latine, où des coalitions se forment également en faveur de l’unipolarité ou de la multipolarité.
C’est pourquoi l’humanité sera confrontée à des épreuves terribles. Nous en vivons déjà certaines. Mais en comparaison de ce qui nous attend, ce que nous subissons aujourd’hui semblera un jeu d’enfants. Je ne m’en réjouis pas, ni ne m’en félicite, comme il est naturel pour toute personne normale. C’est simplement que, presque toujours, tout le monde dit ne pas vouloir la guerre, mais les guerres adviennent malgré tout. Que l’on le veuille ou non. Il y a dans l’histoire une certaine logique à laquelle il est pratiquement impossible d’échapper.