Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.

  Juin 2018 (10 articles)

Pfaff le visionnaire

  vendredi 29 juin 2018

29 juin 2018 – Puisque l’ami Bonnal a eu l’idée de publier la traduction d’un de ces textes visionnaires et de haute culture que l’historien et commentateur William Pfaff avait l’habitude d’écrire du temps où la presse US qui se veut de qualité l’était encore un peu avant de dégringoler dans le marigot pourri et puant de la presseSystème, je m’y mets aussi.

Mon propos est de republier le texte que j’écrivis le 5 mai 2015 pour saluer celui que je crois pouvoir désigner comme l’“ami précieux” pour mon esprit qu’il avait été, par la lecture de ses articles, pendant au moins deux décennies pour mon compte. Comme on le lira, ou le relira, j’avais rencontré Pfaff à quelques reprises et si nous avions des relations épisodiques assez rares, elles valaient bien, puisque le sens de “rare” désigne aussi la haute qualité de certaines choses, d'être le signe d'une “amitié” dans le sens de l’estime et du respect réciproques.

(Suite)

Tourbillon crisique-54 : notre Guerre Civile soft

  mercredi 27 juin 2018

27 juin 2018 – Les “Tourbillon crisique” (je parle de la rubrique, proclamée invariable) tourbillonnent, se suivent et s’imposent, et se ressemblent d’une certaine façon tout en étant chaque fois différentes. Elles s’accumulent, ces rubriques, tentant péniblement de rendre compte d’un mouvement devenu fou, fait de dynamiques folles rassemblant des acteurs déments, chaque jour dévoilant sa folie particulière... Même les esprits les plus déterminés ne s’y reconnaissent plus. Prenez un Obrador, dont on nous dit qu’il sera élu dimanche président du Mexique et dont l’élection devrait déclencher une phase de tension terrible avec les USA, sinon une guerre civile, – et le voilà qui doit se dire : “Ces gringos-yankees, ils sont fous ! Ils n’ont même pas attendu mon élection pour commencer ‘leur’ guerre civile ! Ont-ils besoin de moi pour ça ?”

Il faut dire que la Grande République s’est à nouveau enflammée comme une torche mal éteinte, – non, pardon, qui ne s’éteint jamais, qui attend chaque instant d’occasion pour faire éruption à nouveau. C’est la torche du “désordre éclairant le monde”. L’affaire des enfants migrants séparés de leurs parents, mis dans des camps différents, d’ailleurs selon des législations héritées de l’époque Obama, a lancé une nouvelle phase de l’insurrection absolument increvable, sans fin, impossible à stopper, contre le clown-bouffon (et Messie ?) qui les dirige, – qui prétend les diriger, qui ne dirige personne, qui s’en fout d’ailleurs parce qu’il n’en fait qu’à sa tête... On a les présidents qu’on peut dans ces Temps du Grand Trouble, la France de la Fête de la musique à l’Élysée et d’autres fleurons de notre civilisation peuvent en témoigner.

Un parlementaire de la Chambre a posté un tweet : « America is heading in the direction of another Harpers Ferry. After that comes Ft. Sumter » (Consultez vos Wikipédia : Harpers Ferry et Fort Sumter sont deux épisodes menant à la Guerre de Sécession.) Ils sont tous d’accord, c’est vraiment le sentiment et le jugement qui importent aujourd’hui, et il est complètement inutile de se donner la peine de traduire tant ces mots-là résonnent dans nos esprits. « I think we’re at the beginning of a soft civil war. … I don’t know if the country gets out of it whole », dit le “political scientist” Thomas Schaller ; et le professeur Glenn Harlan Reynolds interroge “Est-ce que l’Amérique se dirige vers une guerre civile ?”, pour répondre, après avoir répondu que oui, que cette guerre civile est d’ailleurs d’ores et déjà en marche “à un bon rythme” : « Will it get worse? Probably. » L’auteur Tom Ricks approuve tout cela, et moi, voyez-vous, je ne suis pas d’un avis très différent.

.... Ce à quoi ajoute, fort justement, notre ami James Howard Kunstler : « Le problème est que les entités qui sont dans l’attente pour remplacer à la fois ces démocrates et ces républicains devenus inutiles, irresponsables et sans le moindre courage, sont le chaos et la violence, et non des partis constitués avec des programmes politiques cohérents. Les États-Unis, et en réalité toutes les nations dites avancées sur terre, se dirigent vers une ère de pénurie et d'austérité qui risque de se présenter comme un terrible et meurtrier désordre. »

Kunstler a raison de parler de “toutes les nations dites avancées” car nous sommes dans le même luxueux paquebot à la coque criblée de voies d'eau pleines de flots d’immigrants, – le Titanic dans sa version postmoderne, on s’en serait douté. Nous, en Europe, dans le chef de nos irresponsables dirigeants, sommes complètement responsables, bien sûr sous la magistère de nos maîtres d’Outre-Atlantique et spécifiquement du progressiste-sociétal Obama lui-même, – et ceci explique cela, – donc, complètement responsables par nos guerres infâmes de cette crise migratoire. (Voyez l’article d’Eric Zuesse.) Ce qui est à la fois sympathique et ironique, c’est que le Système a ainsi tracé des avenues impériales pour nos terrifiants populistes, dont certains s’avèrent drôlement pugnaces et terriblement activistes (voyez l’Italien Salvini), et qui plongent dans leur 19th Nervous Breakdown les distinguées journalistes-dames de la BBC interviewant dans un état d’une terrible et indescriptible indignation un ministre du gouvernement Orban stupéfait par cette intrusion télévisuelle. Tel autre sage nous disait bien que la libération de la femmes apporterait enfin un peu de sagesse, de tendresse et de bienveillance dans ce monde plein de brutes et de fureur, raconté par un mec obtus et qui ne signifie rien.

J’irais vers ma conclusion en vous signalant la délicieuse aventure de l’ancien secrétaire général de l’OTAN et Haut Représentant de l’UE Javier Solana qui s’est vu refuser un visa pour les USA pour une série de séminaires et de conférences parce qu’il s’était rendu en Iran. C’est indubitable, il y est allé, en Iran, puisqu’il a négocié l’accord avec les Iraniens au nom de l’UE, avec ses amis américains et russes. On s’est quand même un peu inquiété de la chose, à “D.C.-la-folle” et l’on a découvert que le décisionnaire-suprême pour la délivrance des visas était un algorithme du temps d’Obama. (Mais certains jugent, et on les comprend, que l’actuel POTUS-clown-bouffon a une grande part de responsabilité là-dedans.)

Cela a été à un point que notre ancien ambassadeur à l’ONU puis aux USA Gérard Arraud, pourtant fort élégant et fort ami de “our American friends”, a tweeté, en American-English comme il se doit : « Strange that our American friends are discovering only now this Obama regulation. Scores of European scholars, parlementarians and business people have already faced the same constraints. »

Enfin, croyez-vous qu’il soit utile de tenter d’approcher une vérité-de-situation, même sur ce cas accessoire mais si symbolique du Solana, qui nous montre que la crise de l’immigration avait précédé Trump ? Tout comme de savoir si l’immigration, d’ailleurs enfantée par notre propre barbarie guerrière où trônent bien haut, vertu au vent, ces mêmes progressistes-interventionnistes qui nous jettent en pleine poire l’insupportabilité de leur vertu offensée, finira effectivement par une guerre civile (“soft”, certes) ? Mais non mais non, inutile démarche,  parce que la guerre civile s’est depuis longtemps constituée en un tourbillon crisique (le vrai, pas la rubrique), qui tourne dans leurs têtes et nullement à nos frontières.

Il y a un signe de Dieu, qui pourrait bien être en train de se réveiller pour faire ses comptes, dans cette correspondance des deux crises sur le même thème selon des origines complètement différentes, sur les deux rives de notre Atlantique commune, pour des avatars complètement différents, et pourtant toutes deux dans le même sens et selon un destin qui se révèle commun. La solidarité transatlantique mène à tout, y compris à la Chute commune.

Tourbillon crisique-53 : Merkel, isolationnisme, Panmunjom 

  dimanche 17 juin 2018

17 juin 2018 –Le recours à la “rubrique dans la rubrique” (Tourbillon crisique dans le Journal-dde.crisique) s’impose de plus à moi, comme les évènements eux-mêmes. (Cette abondance justifiant l’apparition de titres accompagnant la rubrique numérotée.) C’est le signe de la maturation à une très grande vitesse de la Grande Crise d’Effondrement du Système (GCES) dont le moyen opérationnel est évidemment l’accélération du tourbillon crisique. Dont acte, même s’il s’agit d’une confirmation de ce que j’écrivais dans le Tourbillon crisique-49.

L’illustration sollicite ici trois évènements, qu’ils soient directs ou décrits par un commentaire.Ils sont liés les uns aux autres, ils ne peuvent être que liés parce que c’est la raison d’être à la fois météorologique et métahistorique du “tourbillon crisique” : tout se touche, tout se tient, tout influence tout, tout s’explique par tout. Une vision intégrée de la GCES est, sinon chaque jour, dans tous les cas constamment nécessaire pour permettre une juste appréciation de l’événement dès qu’un événement d’importance se produit. Plus que jamais, chaque jour davantage, l’actuel (“l’actualité”) renvoie directement à la métahistoire.

Le premier cas est celui de Merkel, dont a déjà vu qu’elle est plongée dans une grave crise interne. Kai Whittaker, un député de son parti (la CDU), – cette fois, ce n’est pas un canard (FakeNews, comme disent les zombies), – a résumé hier la situation : « Nous sommes dans une situation grave parce que la question de la crise migratoire est devenue une question de pouvoir ... La question est de savoir qui dirige le gouvernement ?Est-ce Angela Merkel ou est-ce Horst Seehofer ? Tout le monde reste sur ses positions... [...] [...I]l se pourrait bien qu’à la fin de la semaine prochaine nous ayons une situation nouvelle. Probablement un nouveau chancelier. »

Imagine-t-on ce que signifierait le départ de Merkel dans de telles conditions, alors que Seehofer, patron de le CSU bavaroise, fait face à des élections régionales au début de l’automne et, craignant de ne plus avoir la majorité avec un AfD triomphant, ne cesse de radicaliser sa position ? C’est la possibilité du basculement de l’Allemagne dans ce qu’on doit désormais nommer “le camp populiste”.

Le deuxième cas est un article de l’ancien diplomate et conseiller républicain au Congrès, James George Jatras, « It’s Time for America to Cut Loose Our Useless So-Called ‘Allies’ ». L’intérêt de cet article est à mon sens d’être archétypique d’une vision isolationniste d’un type absolument nouveau, que je qualifierais d’“activiste” dans le sens d’une rupture réaliste mais complète des liens “privilégiés” sans nombre qui unissent les USA à des régions et à des partenaires (dont les Européens au premier rang) au nom de principes et d’intérêts vieux de près de trois-quarts de siècle, – une sorte assez curieuse sinon audacieuse, et nouvelle certes, d’“isolationnisme engagé”...

Je m’arrête à cet article car il faut bien essayer, d’un instant à l’autre , de comprendre la profondeur et la vitesse des changements en cours. Il se pourrait bien qu’on trouve là la description de l’Amérique telle que le comportement fait pour être imprévisible, la brutalité, le caractère hypomaniaque (maniaque contrôlé) associé à une vision extrêmement réaliste de l’économie de Trump sont en train de la modifier profondément. Tout se passe comme si Jatras nos offrait une clef pour comprendre des conséquences extraordinaires mais désormais concevables du désordre trumpiste qui est, désormais lui aussi, la principale dynamique dans le tourbillon crisique, secouant avec une fureur étonnante le très vieux “Nouvel Ordre Mondial” que l’establishment atlantiste n’a cessé de nous offrir depuis quelque part entre 1945 et 1950.

Parmi les bruits de cette fureur, il y a les échos de la rencontre de Singapour, entre Trump et Kim, qu’un républicain anti-Trump cité par Jatras qualifie d’“axe des trous du cul”, ou “CRANK” (*), – pour China-Russia-America-North-Korea. Drôle d’alliance, non ? Cette rencontre, ce « Trump-Kim geopolitical reality-TV show » a ouvert un nouveau front de crise à Washington, pour la simple cause, nous dit Pépé Escobar, de la présence du point 3 du communiqué commun : « La réaffirmation de la ‘Déclaration de Panmunjom’ du 27 avril 2018 où [la Corée du Nord] s’engage à travailler à la complète dénucléarisation de la péninsule coréenne ». Cet engagement implique bien entendu la dénucléarisation de la Corée du Nord, mais aussi celle de la Corée du Sud, c’est-à-dire le départ des forces US de Corée du Sud.

Voilà pourquoi “D.C.-la-folle” résonne d’une nouvelle polémique furieuse à la suite du reality-show historique de Singapour, parce que tout ce qui se rapproche d’une perspective de paix et de stabilité dans le monde, notamment mais essentiellement par le moyen du retrait de troupes US, est dans la capitale du Système un motif de profonde terreur. Une crise de plus dans la suite crisique interminable, comme une basse continue démente, qui règne à “D.C.-la-folle” : ainsi le clown-et-bouffon, The-Donalds’avère-t-il aussi un véritable terroriste, de la pire espèce. Qui arrêtera jamais le tourbillon crisique ?

Note

(*) “Crank” : on dit que ce mot, outre de désigner une manivelle, désigne une “personne stupide”, “complètement tombée sur la tête”.

Le modèle collapsologique ukrainien

  jeudi 14 juin 2018

14 juin 2018 – On a assez peu l’habitude sur ce site d’intervenir directement à propos d’un texte d’un collaborateur ou d’un chroniqueur extérieur qu’on y publie. Parfois, l’exception vient confirmer la règle, et pour mon compte, pour cette fois, c’est à propos du texte d’Orlov sur l’Ukraine de ce même 14 juin 2018, « Mort et résurrection d’un blogueur ».

Ce texte repose sur une trouvaille brillante, c’est-à-dire la conceptualisation de l’idée que l’Ukraine est un modèle grandeur nature de l’effondrement, du collapsus qui est le thème de la discipline développée par Orlov de la collapsologie : « ...un laboratoire in vivo et en temps réel du processus de l’effondrement ». D’une certaine façon, on pourrait exposer l’hypothèse que le destin de l’Ukraine est sans doute un des modèles de ce qui nous attend...

D’autres pays se sont effondrés, – on les appelle des “failed States”, – mais aucun ne l’a fait, ou plutôt n’est en train de le faire, de lui-même, sans intervention brutale décisive de l’extérieur ; et certains d’eux sont éventuellement capables de se relever lorsqu’une cause extérieure majeure sera annihilée. Ce n’est pas le cas de l’Ukraine. Littéralement, l’Ukraine se déstructure et se dissout d’elle-même, parce qu’elle dispose de tous les “ingrédients collapsologiques” que produit le Système dans le développement de son équation surpuissance-autodestruction.

Il n’y a pas eu d’attaques extérieures très violentes et destructrices, comme en Irak ou en Libye par exemple, ni de multitudes de conflits internes très violents alimentés par de nombreux acteurs extérieurs, comme en Syrie, ni de guerre civile de forte intensité, ni d’invasion, ni de campagne d’annihilation, ni d’installation importante de contingents étrangers armés importants, ni de groupes transnationaux de désordre ou de terreur actifs, etc. Il y aurait pu y avoir l’un ou l’autre de ces éléments, et il y a eu comme on dit des “départs de feu” dans ce sens, mais rien de décisif et l’Ukraine a été laissée à elle-même. D’où cet aspect de “laboratoire”, sans aucun doute.

Le sort actuel de l’Ukraine a été préparée et développée par une intervention déstabilisatrice initiale de l’Union Européenne (novembre 2013), un coup d’État complètement manipulé par les USA (février 2014), un conflit interne (depuis avril 2014) qui aurait pu devenir une sorte de “guerre d’Espagne” postmoderne mais qui s’est transmuté en une sorte de sécession stagnante, une sécession rapide et décisive (mars 2014) qui a provoqué une rupture sans riposte (la Crimée), une agitation de groupes extrémistes armés (extrême-droite néo-nazis) quasi-permanente mais qui ne s’est jamais transmutée en une action de désordre organisée significative. Il y a eu des interventions diverses des acteurs extérieurs principaux (UE, USA, Russie), mais toutes assez dissimulées, par des moyens indirects, aucune ne prenant l’aspect d’une intervention puissante, visible, ni décisive en aucune façon.

(Suite)

Justin, gare au Red Plan

  lundi 11 juin 2018

11 juin 2018 – Le jeune Trudeau est entré dans la catégorie des haines irrémédiables du président des États-Unis (POTUS n°45). C’est simple, on lui promet l’enfer, tandis que son père, lui, n’avait eu droit qu’à un très classique “son of a bitch” de Nixon en 1972, et encore resté en petit comité et resté classifié jusqu’en 2008 ; l’inimitié entre Kennedy et Diefenbaker était également connue...

Le fait est que les relations entre les USA et le Canada (anglophone), qui sont entrées dans un nouvel épisode épique, n’ont jamais été si faciles qu’elles paraîtraient si l’on se fie à leurs liens divers, notamment culturel (l’anglosphère), notamment économique (l’accord ALENA, aujourd’hui remis en cause par Trump),notamment de sécurité (par exemple la défense aérienne du Canada et des USA est entièrement intégrée à l’avantage évidemment des seconds, au sein de NORAD, – North American Aerospace Defense). Sans remonter aux origines (des USA) où insurgents, Français, Anglais et certaines tribus indiennes s’affrontèrent dans des conflits divers, le XXème siècle lui-même a été le théâtre d’un épisode dépassant largement le stade de l’insulte, classified ou tweetée. L’histoire du Red Plan mérite un rappel parce qu’il bouleverse et même pulvérise le sentiment unitaire irrésistible, et suprémaciste cela va de soi, que le monde anglo-saxon, l’anglosphère, entend répandre autour de lui.

(Suite)

Tourbillon-crisique-52 – Sapiens au milieu des ruines

  lundi 11 juin 2018

11 juin 2018 – Le bloc-BAO, la civilisation occidentale, l’anglosphère, l’américanisation-globalisation, le Système enfin, appelez la chose comme vous voulez, est devenu décidément un immense champ de ruines qui semble se poursuivre au-delà de l’horizon, en fait comme privé d’horizon pour le limiter. Le G7, ou G7-1, peu importe, nous a offert un spectacle sans précédent de désintégration accélérée d’un ensemble qui tient toutes les structures politico-économiques depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

« Ce qui se déroule est un effondrement historique des relations diplomatiques et économiques entre les grandes puissances impérialistes. Pendant les trois quarts de siècle qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, la classe dirigeante a largement reconnu que les guerres commerciales de la Grande Dépression des années 1930 ont joué un rôle majeur dans le déclenchement de cette guerre et que les guerres commerciales devaient être évitées à tout prix. Ce consensus est maintenant rompu.

Les conflits explosifs et l'incertitude dominent l'économie mondiale. Les États-Unis, l’UE et le Canada préparent des tarifs qui auront des répercussions sur des milliards de dollars de marchandises et qui menaceront des dizaines de millions d'emplois dans le monde. Comme le montrent les propos de Trudeau et Trump, les menaces tarifaires américaines mettent en branle une spirale ascendante de tarifs et de contre-tarifs aux conséquences potentiellement dévastatrices. » (Alex Lantier, WSWS.org, le 11 juin 2018.)

Un premier fait essentiel est que nous sommes un certain nombre à observer en parfaite conscience et directement, instant pour instant, comme l’on dit “en temps réel”, à cet événement de l’effondrement. La majorité du public est encore dans la caverne de Platon, certes, puisque le programme reste des plus attractifs mais l’affluence commence à se réduire et, surtout, à se réduire la croyance que le programme projeté représente l’essentialité et la vérité des évènements fondamentaux. 

Désormais une majorité, – ceux qui y pensent intensément, ceux qui ne veulent pas trop y penser mais qui le savent, ceux qui ne pensent pas mais ne s’en contentent plus, etc., – une majorité sait qu’il se passe des choses terribles et que nous le savons bien, et que nous voyons la chose même si nous ne comprenons pas tous comme cela doit l’être, même si nous nous perdons dans les interprétations diverses ; mais l’ébranlement, lui, est ressenti par toutes et par tous. C’est comme un énorme frisson du monde que nous identifions parfaitement et qui nous saisit, parcourt notre colonne vertébrale et serre notre âme de l’affreuse incertitude de l’inconnu...

Au début de son essai Chronique de l’ébranlement – Des tours de Manhattan aux jardins de l’Élysée (Mols, 2003), PhG, qui ne tenait pas encore son Journal-dde.crisis comme je le fais désormis, écrivait :

« D'abord, il y a ceci: en même temps que nous subissions cet événement d'une force et d'une ampleur extrêmes, nous observions cet événement en train de s'accomplir et, plus encore, nous nous observions les uns les autres en train d'observer cet événement. L'histoire se fait, soudain dans un déroulement explosif et brutal, nous la regardons se faire et nous nous regardons en train de la regarder se faire. On sait également que ceux qui ont décidé et réalisé cette attaque l'ont fait parce qu'ils savaient qu'existe cet énorme phénomène d'observation des choses en train de se faire, et de nous-mêmes en train d'observer. Le monde est comme une addition de poupées russes, une duplication de la réalité en plusieurs réalités emboîtées les unes sur les autres.

» Nous ne pouvons prétendre sortir indemnes de tout cela... »

Ce commentaire concernait, on l’a deviné, l’attaque du 11 septembre 2001. Depuis, le phénomène ainsi décrit se poursuit, au jour le jour, heure après heure, charge à nous de débrouiller le faux infiniment faux du vrai perdu dans des vérités-de-situation... Sauf que ce week-end, lors du G7 devenu l’espace de deux ou trois tweets ravageurs de qui-l’on-sait G7-1, tout le monde a vu toujours dans ce même temps réel, devenu le Temps-métahistorique, cette extraordinaire implosion de la structure fondamentale de l’ordre du monde devenu désordre indescriptible, – Les hommes au milieu des ruines, écrivait Julius Evola, qui n’avait encore rien vu même s’il en devinait pas mal... Il y avait longtemps que cela n’était plus arrivé dans ce déluge de nouvelles fausses et de discours trompeurs : nous avons tous vu la même chose, en même temps, se produire sous nos yeux.

Le plus remarquable de ce week-end magique au Québec, ce fut la façon dont les composants de la réunion d’habitude si contrôlée et si bornée brisèrent toutes les normes et tous les cloisonnements. En un instant, l’événement devint cosmique, général, concernant le Système dans son entièreté. A part celui du bouffon de Dieu ou du Diable, ou des deux qui sait, qui s’était déjà envolé pour d’autres désordres, tous les visages exprimaient la même extraordinaire incertitude : Et maintenant, qu’allons-nous faire ? Et maintenant, que va-t-il se passer ?

A l’autre bout du monde, en Chine, Xi et Poutine échangeaient des avis culinaires sur des gâteries chinoises dans une salle d’une immensité dont seul le régime communiste chinois a le secret. La réunion de l’Organisation de Coopération de Shanghai se déroulait dans un ordre parfait, comme un contrepoint moqueur au désordre de l’autre côté. Les deux hommes échangeaient des sourires complices et ironiques. La réunion s’est fort bien passée, à la satisfaction de tous. Je n’ai pas une seconde eu l’impression qu’ils étaient là pour clamer : “Nous voilà, nous allons vous remplacer !” Ils semblaient dire plutôt : “Eh bien, nous vous l’avions bien dit. Voilà les ruines désormais partout éparses. Et maintenant, qu’allez-vous faire ? Et maintenant, que va-t-il se passer ?

Valsez, les G !

  samedi 09 juin 2018

9 juin 2018 – Au départ, c’était net, clair, digne et d’une cooltitude infinie puisque émanant de Sa Grâce Insurmontable, Barack H. Obama : on liquidait les Russes du G8 et on passait au G7, point-barre, point-Barack. C’était en 2014, du temps où il y avait encore quelques restes épars de civilisation-Système, c'est-à-dire un peu d'ordre dans les rangs. Cela faisait sérieux. C’était planté net dans un tapis de ces FakeNews-là qui n’avaient pas encore reçu leur nom de baptême, auxquelles il était de bonne tenue de croire. Le bon ton était enfin de conclure : “Enfin, nous voilà ensemble, entre amis et complices, sans trouble-fête suspect. Nous allons pouvoir faire du bon travail et sauver la civilisation.”

Comme The Times they are a changin’... Voyez comment se passe une vraie jam session aujourd’hui, simplement en préparation de la réunion des G, et goûtez la différence.

D’abord, il y a Bruno Lemaire sortant de la réunion des ministres, une semaine avant le pow-wow des grands chefs, et contenant difficilement son ire, pour finalement lâcher la flèche du Parthe : “On pourrait tout aussi bien faire un G6+1 !” (C’est-à-dire, voulait-il dire : un G7-1, ce serait plus juste.) A partir de là, tout alla très, très vite.

(Suite)

Tourbillon crisique-51

  jeudi 07 juin 2018

7 juin 2018 – Quand vous avez deux gentils jeunes hommes comme Macron et Trudeau qui discutent et que le premier dit au second, comme pour le rassurer( ?), « Aucun dirigeant n’est éternel », et cela parlant du président Trump, vous êtes fondé à vous dire qu’il se passe des choses peu communes et qu’ils iront tous demain à la réunion du G7 avec un pistolet à la ceinture. On dit même que Merkel est décidée à dire toutes ses vérités à Trump, et la liste est impressionnante. On ajoute même que ce G7 pourrait bien se terminer sans communiqué commun, marquant l’extraordinaire désunion de ce que nous nommons “bloc-BAO”.

Un monsieur qui se nomme Ian Bremner et qui dirige l’Eurasia Group, une forme de consultance pour les prises de risques politiques, juge le G7 de demain comme le plus dysfonctionnel et le plus antagoniste qui ait jamais eu lieu. Son commentaire est le suivant : « L’ordre ancien est mort. Ce pour quoi nous nous nous battons aujourd’hui, alors qu’émerge un ordre nouveau, c’est autour de la question qui est posée de savoir si les USA occuperont la place la plus importante autour de la table ou non. D’ores et déjà pour moi, la réponse est non. »

Encore parle-t-il d’une réunion où des puissances telles que la Russie, la Chine, l’Inde sont absentes, c’est-à-dire les puissances qui s’affirment déjà comme dominantes, sans lesquelles rien ne peut être fait... Mais faire quoi d’ailleurs ? A la Maison-Blanche, on dit : “Mais non, tout ne va pas si mal”, tout en peaufinant une nouvelle opération de protectionnisme. Quoi qu’il sorte de ce G7, il est déjà historique simplement, – rien de moins ! – parce qu’est apparu le sentiment de la réalisation que le monde est entré dans la phase finale de l’effondrement du Système.

Ce qui ne paraît étrange et presqu’irréel, c’est que, disant cela, je m’aperçois qu’il n’y a plus grand chose à ajouter, plus de commentaire qui s’impose, plus aucune orientation à donner à la réflexion. La crise d’effondrement, c’est bien la plongée dans le trou noir et le G7 où nous accueille le gentil Trudeau qui vient d’indirectement insulter Trump est le premier marquoir de la chute. L’importance de ce G7 qui semble inutile dans les échanges et les décisions qu’on pourrait y prendre le précède et le dépasse, elle existe avant même qu’il ait lieu et quoi qu’il se passe pendant qu’il aura lieu

L’importance de l’événement qu’est ce G7 existe déjà et quel que soit cet événement au niveau de ses participants, d’ores et déjà dépassés. Des forces obscures ou lumineuses, et certainement très puissantes, agissent désormais sans intermédiaires. La puissance de l’événement (cette réunion) est au-dessus et au-delà de la réunion. Nous sommes entrés directement dans le grand domaine de la métahistoire de la crise de l’effondrement, dans une bataille qui est comme un “jugement de Dieu”, comme l’on disait dans les Temps Anciens.

Le D-Day de l’éternel présent

  jeudi 07 juin 2018

7 juin 2018 ... • On a posé une question indiscrète à la porte-parole du département d’État sur les relations entre les USA et l’Allemagne à cause de la “guerre commerciale”. • La porte-parole se récrie : “Mais non, nous sommes les meilleures amis du monde !”. • A preuve ? Les cérémonies de commémorations du D-Day du 6 juin 1944 où USA et l’Allemagne se tiennent par la main comme deux amoureux si touchants et si Sieg Heil. • Comme on sait, le jour commémore en effet leur grande amitié. • Par ailleurs, tout le monde se fout bien que telles conneries soient dites, alors j’en profite...

D’une façon générale, le département d’État n’a pas vraiment de chances avec ses porte-paroles, depuis quelques années, au moins depuis Victoria Nuland qui quitta cette fonction en février 2013 pour aller préparer, – fort bien d’ailleurs, je m’en rappelle, avec une élégance de bulldozer, – le “coup de Kiev” de février 2014.

(Suite)

Alors, l’Auteur, où sont Les Âmes ? A Verdun ?

  samedi 02 juin 2018

2 juin 2018 – Une fois de plus (voir “FN au Kosovo”, c’est sûr ?), j’ai attendu bien longtemps pour consulter l’auteur sur le lancement d’un livre où il est partie prenante. Cette fois, il est question des Âmes qui se trouveraient à Verdun, dans le cadre incontestable des Âmes de Verdun, et non plus de Nietzsche effectivement repéré au Kosovo.

Cette fois, présentation un peu plus courte, avec reprise pure et simple des citations de départ de la première interviewsur cette sorte de “série” d’articles destinée à faire, sans fausse honte ni dissimulation de l’appât du gain. (Pensez ! €5,80 le prix du volume, frais de port compris, il y de quoi se régaler, un festin de roi...) : « Enfin, jouons le jeu : PhG c’est moi, “l’Auteur” c’est un peu lui-moi, quelque chose dans ce goût-là… […] Avec[…] mon don peu commun d’ubiquité, je me suis donc transformé en intervieweur de l’“Auteur”, et c’est la substance de la chose que je veux vous restituer ici... »

C’est-à-dire qu’avec l’aide de quelques questions et les réponses de l’“Auteur”, nous allons faire la description de la situation à laquelle nous sommes arrivés. Quelque peu et diablement morose ou désenchanté par les premiers résultats du lancement du volume, comme d’habitude en quelque sorte, au point qu’il s’agirait presque d’un sujet de plaisanterie, sinon de paradoxale bonne santé... (“Moins tu vends plus tu vaux et mieux tu te portes”, quelque chose comme ça.)  Car l’Auteur, contrairement aux préoccupations d’un lecteur si attentif et bienveillant, reste gaillard parce qu’il est l’Auteur et qu’il doit bien ça à l’ouvrage, parce que ce fut pour lui, et je le comprends ô combien, ce fut un honneur de sa vie d’être l’Auteur dans la galère nommée Les Âmes de Verdun.

(Suite)