Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
• En marge des événements de Budapest et alentour, ou plutôt au-dessus d’eux, quelques considérations du philosophe le plus impliqué et le plus lucide sur notre temps. • Alexandre Douguine est Russe, bien entendu, il ne cesse de ;le faire savoir. \• Mais il est aussi, et bien au-dessus, un antimoderne traditionnaliste. • Ses analyses des événements autour des sous-crises composant la GrandeCrise, et bien entendu l’Ukraine en tête, constituent un précieux bagages pour embrasser dans toute leur instantanéité les événements en cours.
_________________________
On peut en dire beaucoup sur les derniers et fantasques épisodes de l’affaire ukrainienne, et surtout à propos des mœurs et de la psychologie extra-atmosphérique de Trump, son absence de scrupules, son goût du mensonge immédiat et sans suite, son ignorance totale de la vérité et du respect de la parole donnée, etc. On notera simplement, pour tracer les possibilités de développement du côté russe, cette remarque de Mercouris dans son programme d’hier, où il dit, après avoir détaillé les observations extrêmement dures de Medvedev (du type : “Il n’y a plus qu’une chose à faire : la victoire par les armes, et durement !”) :
« Je n'ai donc aucun doute que Medvedev représente un courant d'opinion fort. Je vais même plus loin. Un courant d'opinion dominant actuellement à Moscou. Vu le fonctionnement politique du Kremlin, s'il ne l'avait pas été, il n’aurait pas écrit de cette façon. Car, soyons clairs, c'est, sinon une critique de Poutine, du moins une critique de sa méthode quand Medvedev évoque les nombreux commentateurs qui nourrissent encore des illusions. Eh bien, la personne qui a passé la plupart de son temps à avoir huit conversations téléphoniques avec Trump et à le rencontrer en Alaska, la personne qui a nourri ces illusions, c'est Vladimir Poutine lui-même. »
On sait comment fonctionne le pouvoir au Kremlin, au contraire des fantasmes de la plupart des Occidentaux incapables de penser plus loin qu’un Hitler perché sur le bout de leur nez . Devant cette mise en minorité quasi-démocratique et devant l’évidence de l’infamie américaniste, Poutine va ajuster, si ce n’est déjà fait, sa position dans le sens suggéré par Medvedev : plus dur, beaucoup plus dur. D’où, déjà, sa promesse d’une riposte sévère, plus-que-sévère, « carrément stupéfiante », – le terme est saisisssant, – en cas d’emploi de ‘Tomahawk’ contre son pays :
« S'adressant aux journalistes après une réunion à Moscou, Poutine a averti que toute utilisation de missiles Tomahawk contre le territoire russe provoquerait une réaction violente. “Il s'agit d'une tentative d'escalade”, a-t-il déclaré. “Mais si de telles armes sont utilisées pour frapper le territoire russe, la réponse sera très grave, voire carrément stupéfiante. Qu'ils y réfléchissent.” »
Voilà où nous en sommes après cette extraordinaire succession de volte-face d’un homme (Trump) paralysé autant par sa procrastination que par les pressions qu’on exerce prétendument sur lui, que par son inculture géopolitique et métapolitique, que par ses habitudes brutales et ineptes de business appliquées à la diplomatie.
C’est-à-dire qu’il nous faut penser le conflit dans un sens toujours plus large et plus profond, cela que nous avions envisagé dès l’origine lorsque nous expliquions l’emploi du mot composé “Ukrisis”. Rien, absolument rien des méthodes courantes et humaines, fussent-elles brillantes, n’est capable d’arrêter la marche du destin. Qui emportera la guerre d’Ukraine ? Aucune importance. De toutes les façons, le vainqueur qui est déjà connu n’installera pas la paix, il aura franchi un échelon de plus de la GrandeCrise et se trouvera devant le vaste espace de l’affrontement civilisationnel.
Pour illustrer la situation actuelle à partir de la hauteur qui importe, sans vaine polémique et sans trop s’attarder aux personnages, nous empruntons, – une fois de plus car c’est décidément un philosophe indispensable, – quelques considérations d’Alexandre Douguine, au cours d’un entretien pour l’émission ‘Escalade’ du réseau TV de Spoutnik. Il est interrogé par le présentateur Alexandre Boukarev. Douguine examine les grandes sous-crises de l’heure, celles qui forment la GrandeCrise, effectivement comme un affrontement civilisationnel. La présentation de l’entretien nous dit :
« Alexandre Douguine imagine un monde arrivé à un point de rupture: l'influence d'Israël sur l'Amérique s'amenuise, Trump joue au poker nucléaire, et l'Occident dépérit comme un cadavre en décomposition, tandis que l'Eurasie prépare sa résurrection. »
En effet, Douguine a pour l’Occident des jugements terribles et apocalyptiques, où se mêlent dans une danse effrénée l’effondrement, le nihilisme et le pourrissement accéléré. C’est dire si, tout en jugeant Poutine avec une grande considération et comprenant sa volonté de tout tenter pour éviter la rudesse et la brutalité de la violence, Douguine ne croit pas une seconde à un apaisement qui permettrait une sorte ce transition “en douceur”. Car, dit-il, on ne peut rien faire de l’Occident et encore lmoins avec l’Occident, dont l’état de décomposition et de pourrissement est absolument dramatique et complètement sans retour.
Sa description du sort de l’Occident-convulsif est particulièrement impressionnante, saisissante, quasiment médicale, mais d’une terrible médecine de la métaphysique et de la poésie de l’horreur, – quelque chose de Edgar Allan Poe et de H. P. Lovecraft, deux auteurs “maudits” et absolument américains dans leurs racines, et suffisamment pour dénoncer avec une force inouïe, comme une immonde trahison, l’américanisme créateur de la modernité déchaînée dans le cadre satanique de la globalisation qui dénie aux êtres leur identité... (Soros, Trump, grimés en personnages d’un des romans de Lovecraft, avec sa galerie de monstres difformes !)
Humez donc le fumet terrible et terrifiant, et plein d’un écœurement sans fin, de ce que nous offre Douguine !
« L’élite mondiale se dégrade: certains sombrent dans la démence, d’autres deviennent toxicomanes, changent de sexe ou se transforment en monstres.
» L’Occident perd son visage humain. Soros est un monstre; Trump en est un autre, incapable de distinguer les rêves de la réalité. L’Occident décline, entraînant dans sa tourmente notre propre guerre civile avec le mouvement Antifa, les marxistes, les transgenres, la mode furry. Ils exportent cette apocalypse zombie, infectant l’humanité avec le venin de la folie. C’est extrêmement dangereux: l’Occident possède des bases, des armes et le désir de mourir lors d’un spectacle, comme la tour de Babel qui s’effondre et secoue la terre. »
« L’Occident est mort, et plus on s’en rapproche, plus il devient dangereux. Que son déclin soit rapide ou lent n’a pas d’importance. La clé, c’est de pratiquer sans retard le découplage, de couper tous liens avec ce monstre toxique. L’Occident a toujours eu une tendance à la dégénérescence, mais il a maintenant atteint le stade terminal, celui d’un déclin irréversible. Si cela se décompose plus rapidement, c’est peut-être même mieux. L’important, c’est d'isoler cette baraque infecte appelée “société occidentale éclairée”, de mettre entre elle et nous un mur infranchissable.
» L’humanité doit se sauver de l’Occident. Quiconque reste lié à cette “fiancée étrusque” en décomposition est condamné : le poison se répandra, vite ou lentement, peu importe, mais la maladie qu'il apporte est inévitable. La rupture aurait dû se produire il y a cent ans, deux cents ans. Nous repoussons toujours cela, en pensant que l’Occident ne se décomposera pas ou que son déclin sera d’une certaine manière agréable. Les élites contaminées par une pensée à court terme poursuivent le plaisir immédiat, ignorant les conséquences. La contamination a pénétré notre culture et notre sang. La question n’est pas de savoir si un déclin rapide ou lent nous avantage, mais de savoir qu’il doit se produire sans nous. Nous avons fait beaucoup pour nous en détacher, mais il reste encore beaucoup à faire: l’infection est profonde. »
Quant à cette “fiancée étrusque” dont Douguine nous parle, il la présentait quelques lignes plus haut dans sa réponse, et elle nous apparaît comme la torture la plus inimaginable de néantisation de l’être qu’on puisse envisager. Lisez cela et demandez-vous si le philosophe n’a pas trouvé la définition la plus exacte de la menace que l’Occident fait peser sur le monde... Tant il est vrai que la civilisation occidentale devrait avoir passé la main il y a deux siècles au moins, à la façon dont Toynbee imaginait la succession des civilisations. Elle ne le fit pas à cause de la puissance que lui donna la machine à vapeur (1784) et la suite, cette puissance maléfique de la machine par quoi elle périra, – ce « déchaînement de la Matière » auquel elle ne résistera évidemment pas.
Bien... “La fiancée étrusque” maintenant, pour apprendre quelle est la torture la plus symbolique, la plus efficace et la plus monstrueuse du monde, – une torture par attouchements quasiment sexuels avec la pourriture du monde transformée en perversité contagieuse, – le Covid 19 de la pourriture.
« Ce qui compte, c’est que l’Occident pourrisse sans nous. Il existe une torture appelée “la fiancée étrusque” : attacher un cadavre à une personne vivante de façon à ce que la putréfaction pénètre dans la chair vivante. L’occidentalisme, le libéralisme, la globalisation, la numérisation, le désir d’imiter l’Occident : c’est cela, cette “fiancée étrusque”. »
Ci-après, donc, les considérations de Douguine. Nous avons amputé l’interview de sa première partie consacrée à Israël, à Gaza, au jeu de Trump dans cette sous-crise. Ce n’est pas que cette partie manque d’intérêt, – sans aucun doute et l’on peut s’y reporter, – mais il nous a semblé plus cohérent, par rapport aux événements en cours, de concentrer l’essentiel du texte sur la Russie et l’Ukraine.
Ce texte (du 21 octobre) est d’autant plus intéressant qu’il a paru pendant deux ou trois jours complètement dépassé, sinon contredit par les événements, lorsqu’il fut question du sommet de Budapest et d’une entente Trump-Poutine. Depuis, les pendules, – pardon, les horloges, – ont été remises à l’heure de l’effondrement civilisationnel avec le brusque retournement de Trump, bien conforme à la norme.
_________________________
Présentateur Alexandre Boukarev : « Passons à un autre sujet international concernant Donald Trump mais qui concerne cette fois directement la Russie. Je voudrais en savoir plus non pas sur les missiles Tomahawk en soi, mais sur le dialogue indirect qui se déroule via les déclarations de Vladimir Poutine et Donald Trump. Récemment, Trump a mentionné les Tomahawk, puis Poutine a parlé d’Anchorage, soulignant que nous restons fidèles à nos accords et que cette ligne se poursuivra. Trump n’a pas commenté directement, mais a dit qu’il comptait appeler Poutine avant de prendre une décision concernant les Tomahawk. Il semble qu’il y ait deux courants: l'un, caché, invisible pour nous, et l'autre qui implique Zelenski, Macron et d’autres qui discutent des Tomahawk. »
Alexandre Douguine : « La situation est extrêmement grave et ne doit pas être sous-estimée. Trump, sûr de sa capacité à exercer des pressions, des chantages et à forcer les autres à accepter ce qu’il appelle la “paix”, manipule diverses parties, y compris le puissant lobby pro-israélien et Netanyahu, lobby qui est une force profondément enracinée dans la politique américaine. Ses méthodes coercitives fonctionnent souvent et c’est alarmant. D’un côté, cela le satisfait: c’est un homme des cycles courts, ce n'est pas un stratège. Il résout les problèmes instantanément, encaissant immédiatement les profits. C’est une approche entrepreneuriale: gagner tout de suite, le lendemain n’a pas d’importance. On peut tout perdre au casino, en échangeant des gains à long terme contre des gains rapides. C’est la mentalité d’un entrepreneur américain: la valeur est dans la transaction qui s'effectue ici et maintenant.
Les conséquences? Il n’a pas de temps de s'attarder sur elles: le rythme doit s’accélèrer. Et ça, c’est dangereux, car jusqu’à présent, cela a fonctionné pour lui. Il applique maintenant cette méthode à la Russie, mais ici, ce n’est pas approprié. Il s’agit de projets à long terme, de grandes stratégies, de géopolitique, toutes choses que Trump évite. Il agit dans l'instant, et cela est forcément risqué. En tentant d’imposer un principe commercial – “Allez, Poutine, faisons la paix à mes conditions” – il entend la réponse de Poutine: “Non, ce ne sont pas mes conditions à moi”. Trump répond alors par des menaces: “D’accord, alors – nous couperons les ponts, enverrons des Tomahawks, de nouvelles armes”. Cette intimidation envers la Russie, tout comme envers la Chine, est extrêmement dangereuse et vaine.
Selon moi, Poutine agit avec la plus grande délicatesse: il ne cède pas sur les questions stratégiques, ne fait pas de compromis sur des intérêts vitaux, et les défend avec fermeté, mais il est prêt à continuer ce jeu désagréable et risqué. L’histoire des Tomahawks, c'est comme au poker. Poutine joue des stratégies complexes; Trump joue au poker, où seuls le bluff et les gestes rapides comptent. Mais si, lors de négociations difficiles, la mise monte, l’apparence de “simple jeu” de notre part disparaîtra.
Pechkov l’a affirmé clairement, et nos politiciens ont dit la même chose: nous avons tracé des lignes rouges; l’Occident les a dépassées, et nous n’avons pas réagi. L’Occident croit à tort que nous ne réagirons jamais. Livrer des Tomahawks à Kiev signifie, du point de vue technique-militaire, que du personnel américain attaquera en profondeur le territoire russe: il n’y a pas d’autre moyen, comme le confirment les experts. Trump, avec son style “dur”, lance un ultimatum qui mène directement à un conflit militaire avec nous. Il refuse clairement de penser à une escalade nucléaire, en supposant que cela se déroulera comme avec l’Iran: les États-Unis attaqueront la Russie pour forcer un accord rapide sur l’Ukraine. »
Présentateur Alexandre Boukarev : « Comme avec l’Iran ? »
Alexandre Douguine : « L’Iran, éloigné d’Israël, soutient les chiites. Pour l’Iran, la situation était complexe mais elle n'était pas vitale. Pour la Russie, c’est différent: cela touche nos intérêts directs. En jouant à la roulette russe avec l’escalade pour perspective, Trump joue avec le feu. Si nous cédons, si nous ne répondons pas aux attaques avec des Tomahawks sur notre territoire, et si on ne sait pas ce qu’ils pourraient transporter dans leurs ogives, cela annulerait tous nos succès, sacrifices et souffrances. Il ne s’agit pas de la menace d’une contre-offensive ukrainienne, que nous avons à peine réussi à gérer. C’est quelque chose de bien plus grave. Si nous ne répondons pas aux attaques directes américaines, ils pourront nous faire tout ce qu’ils veulent.
Le monde est dans le chaos; chacun tire dans sa propre direction; il n'y a personne sur qui compter. Nous sommes seuls: ou nous repoussons l’agression américaine, qui pourrait commencer à tout moment, ou une guerre avec les États-Unis sera inévitable. Trump, avec son arrogance agressive, a dépassé une limite que même Biden et les mondialistes ne voulaient pas franchir. Il ne s’agit pas seulement d’Anchorage. C’est du poker géopolitique, où une partie déclare: ”Maintenant, on passe à la roulette russe”. »
Présentateur Alexandre Boukarev : « Directement à la roulette russe, tel est le nouveau facteur ? »
Alexandre Douguine : « Oui. Les Tomahawks sont un nouveau facteur dans l'escalade. Il ne s’agit pas de la victoire de l’Ukraine ou de la défaite de la Russie, mais du début d’un affrontement militaire direct entre la Russie et les États-Unis, le seuil de la troisième guerre mondiale. Nous nous sommes approchés de cette ligne à plusieurs reprises et avons fait marche arrière, mais Trump accélère les événements, alimentant les tensions.
Melania Trump tente de réfuter les fausses informations concernant les enfants ukrainiens, tandis que Maria Lvova-Belova (photo) a démontré de manière convaincante aux Américains l’absurdité des accusations contre notre président et contre elle-même. Nous y sommes parvenus, mais nous ne pouvons arrêter cette escalade maniaque de Trump, déguisée en pacification.
Le prix Nobel de la paix a été décerné à un agent obscur de Soros pour une révolution colorée ratée au Venezuela: une honte absolue pour ce prix. Pourquoi Trump a-t-il besoin de ce prix discrédité? Son image de pacificateur est fausse, fruit de la sénilité et de l’absurdité.
La fragilité de la situation s’accroît, et les Tomahawks la rendent mortellement dangereuse. Zelenski se féliciterait si l’Amérique commençait à se battre pour lui: ce serait sa victoire à lui. Pendant quatre ans, il a cherché à entraîner l’Occident dans un conflit direct avec la Russie; il pourra ensuite se retirer, même si son pays est détruit.
L’élite mondiale se dégrade: certains sombrent dans la démence, d’autres deviennent toxicomanes, changent de sexe ou se transforment en monstres.
L’Occident perd son visage humain. Soros est un monstre; Trump en est un autre, incapable de distinguer les rêves de la réalité. L’Occident décline, entraînant dans sa tourmente notre propre guerre civile avec le mouvement Antifa, les marxistes, les transgenres, la mode furry. Ils exportent cette apocalypse zombie, infectant l’humanité avec le venin de la folie. C’est extrêmement dangereux: l’Occident possède des bases, des armes et le désir de mourir lors d’un spectacle, comme la tour de Babel qui s’effondre et secoue la terre. »
Présentateur Alexandre Boukarev : « Permettez-moi d’aborder le cadre philosophique, puisque vous avez mentionné le Prix Nobel de la Paix. Certains soutiennent que le déclin de l’Occident profite à la Russie seulement si cela se produit lentement, afin que ses effets centrifuges ne déstabilisent pas le monde entier. Comment voyez-vous cela ? »
Alexandre Douguine : « Ce qui compte, c’est que l’Occident pourrisse sans nous. Il existe une torture appelée «la fiancée étrusque»: attacher un cadavre à une personne vivante de façon à ce que la putréfaction pénètre dans la chair vivante. L’occidentalisme, le libéralisme, la mondialisation, la numérisation, le désir d’imiter l’Occident: c’est cela, cette «fiancée étrusque».
L’Occident est mort, et plus on s’en rapproche, plus il devient dangereux. Que son déclin soit rapide ou lent n’a pas d’importance. La clé, c’est de pratiquer sans retard le découplage, de couper tous liens avec ce monstre toxique. L’Occident a toujours eu une tendance à la dégénérescence, mais il a maintenant atteint le stade terminal, celui d’un déclin irréversible. Si cela se décompose plus rapidement, c’est peut-être même mieux. L’important, c’est d'isoler cette baraque infectée appelée “société occidentale éclairée”, de mettre entre elle et nous un mur infranchissable.
L’humanité doit se sauver de l’Occident. Quiconque reste lié à cette «fiancée étrusque» en décomposition est condamné: le poison se répandra, vite ou lentement, peu importe, mais la maladie qu'il apporte est inévitable. La rupture aurait dû se produire il y a cent ans, deux cents ans. Nous repoussons toujours cela, en pensant que l’Occident ne se décomposera pas ou que son déclin sera d’une certaine manière agréable. Les élites contaminées par une pensée à court terme poursuivent le plaisir immédiat, ignorant les conséquences. La contamination a pénétré notre culture et notre sang. La question n’est pas de savoir si un déclin rapide ou lent nous avantage, mais de savoir qu’il doit se produire sans nous. Nous avons fait beaucoup pour nous en détacher, mais il reste encore beaucoup à faire: l’infection est profonde. »
Présentateur Alexandre Boukarev : « Passons maintenant à ce que nous avons fait et à ce que nous faisons, passons au dernier sujet d’aujourd’hui: le sommet des chefs d’État de la CEI au Tadjikistan et le discours de Vladimir Poutine. De nombreuses questions ont été abordées. Je voudrais demander quelles sont les perspectives de la CEI en ce qui concerne la coopération de la Russie avec les autres pays du Commonwealth. Poutine a cité la Biélorussie comme un exemple de coopération avec nos voisins géographiques et historiques. Que voulait-il dire en faisant une analogie entre la Biélorussie et les autres pays de la CEI dans le cadre de projets communs ? »
Alexandre Douguine : « Poutine voulait souligner la nécessité de construire, à la place de la CEI, un État unifié de l’Union eurasiatique selon le modèle de l’Union Russie-Biélorussie. C’est notre seule voie.
Ses paroles peuvent être interprétées de plusieurs manières, mais je n’en vois qu’une seule: de ce qui a été dit et non dit, de la logique de l’histoire géopolitique, il en découle que nous devons agir ensemble comme un seul pôle – les peuples de l’Empire russe, de l’ancienne Union soviétique, partie indissociable de la civilisation eurasienne: notre peuple, notre culture, notre société – ou nous nous retrouverons entourés d’États hostiles, non souverains et marionnettes comme l’Ukraine, sous l’influence d’acteurs extérieurs, pas nécessairement occidentaux. Il pourrait s’agir du pôle islamique, de la Chine ou d’autres centres de pouvoir. La souveraineté n’est possible que pour de grands blocs civilisationnels: la Russie, la Chine, l’Inde et le monde islamique. La souveraineté du monde islamique, comme on le voit à Gaza et en Palestine, est faible. Cependant, elle pourrait se réorganiser, peut-être sous l’influence du facteur palestinien, dans un nouveau type de califat. Alors, l’Asie centrale deviendrait une zone de conflit entre le pôle islamique, la Russie et la Chine: c'est là une perspective sombre.
Poutine lance un dernier avertissement: soit la CEI se transforme en une véritable Union eurasiatique, soit le destin des États semi-souverains post-soviétiques sera tragique. Il n’est pas nécessaire d’atteindre une unification totale comme avec la Biélorussie, mais un partenariat militaire, économique, politique et culturel sous forme d’union devrait servir d’exemple à tous les États de la CEI, y compris l’Ukraine. La guerre en Ukraine est le résultat du refus de cette voie, tout comme en Moldavie et en Géorgie. Il manque encore un argument: la conquête de Kiev. Quand nous conquerrons Kiev, les paroles de Poutine auront du poids. Nous devons démontrer la nécessité de l’État de l’Union par un acte décisif et irréversible. Sinon, augmenter la tonalité de la rhétorique ne servira à rien. »
[Cf. également le site ‘multipolarpress.com’]