Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.
5 janvier 2019 – L’on sait l’importance qu’on accorde ici, à dedefensa.org, et moi-même sans aucun doute et avec une insistance extrême, à la communication sous sa forme la plus large du “système de la communication”. (Voir le plus récemment sur cette question, le Glossaire.dde sur Notre-Méthodologie.) Un ensemble de facteurs, des événements très significatifs, une évolution structurelle depuis l’apparition notamment du concept de déterminisme-narrativiste, conduisent à proposer un nouveau concept général sous forme de doctrine qui ferait le pendant du technologisme.
(Technologisme bien entendu pour la technologie, l’une des deux forces principales avec la communication constitutives de la puissance aujourd’hui. Donc technologisme et communicationnisme [je préempte], côte-à-côte ou bien plutôt face à face, c’est selon.)
Je propose d’adopter le mot, déjà existant, de “communicationnisme”, sous l’éventuelle réserve d’en trouver un plus satisfaisant pour définir le seul sens que je veux lui donner ici. Cette page du Journal dde-crisis est une esquisse, un banc d’essai, pour une idée recouvrant une situation évidente, qui sera très certainement développée ; le développement du concept et de l’idée éclairera la situation et fera sans doute apparaître des dimensions cachées.
(Suite)
4 janvier 2019 – Il est en train de se créer autour de Trump ce que l’on pourrait effectivement qualifier de “tourbillon-crisique”, l’intitulé même de cette rubrique (T.C.) à l’intérieur du Journal-dde.crisis. C’est-à-dire, un événement dynamique essentiellement sinon de pure communication, tournoyant par l’addition d’actes crisiques qui s’alimentent les uns les autres, créant un “climat” spécifique (et crisique naturellement), lequel active une modification de la tendance politique, puis de la situation politique elle-même. Cela concerne l’un des deux volets principaux (avec la lutte contre l’immigration illégale) des promesses électorales spécifiques de Trump, qui est la voie de l’attaque, sinon de la destruction de l’interventionnisme américaniste. Le tourbillon a pris naissance bien entendu à partir de la décision du retrait de Syrie suivi de la démission de Mattis.
Le point le plus remarquable, le plus puissamment significatif par son symbolisme, toujours au niveau de la communication, c’est le commentaire historique de Trump fait avant-hier sur un ton presque anecdotique, affirmant ou rappelant c’est selon que l’intervention de l’URSS en Afghanistan (en décembre 1979) conduisit le régime soviétique à la banqueroute. C’est reprendre la thèse que cette intervention est un des facteurs importants de l’effondrement de l’URSS, et que l’analogie vaudrait bien aussi pour les USA ; effondrement d’un “empire” par excès d’extension dans les deux cas...
Ce jugement historique contredit la narrative “officielle” et complètement faussaire du War Party, affirmant que ce sont les dépenses de la pseudo-“course aux armements” des années 1980 qui eurent la peau de l’“empire” soviétique, face au dynamisme imaginatif et prodigue (IDS, ou “guerre des étoiles”) du Pentagone. Le signe de l’importance de cette déclaration “anecdotique” se trouve dans la réaction furieuse de la presseSystème, et jusqu’à un commentaire d’un des directeurs de l’AEI, le think tank des néo-conservateurs martelant avec une égale fureur que l’intervention soviétique en Afghanistan n’eut qu’en effet mineur sur le PIB soviétique, donc ne peut être considérée comme une des causes essentielles de l’effondrement de l’URSS.
Ainsi le War Party est-il mis sur la défensive, du jamais-vu à Washington D.C. et à “D.C.-la-folle” depuis le Vietnam.
L’affirmation n’est pas justifiée par cette seule passe d’armes. D’autres signes de communication la justifient, comme cette déclaration de Trump sur la Syrie à nouveau, où les USA ne récoltent selon lui « que du sable et de la mort » ; ou cette autre, encore plus remarquable parce qu’elle signale son désintérêt nouveau pour une politique de confrontation avec l’Iran, où Trump observe que « les Iraniens peuvent faire ce qu’ils veulent en Syrie », – littéralement, que ce n’est pas, que ce n’est plus l’affaire des USA... Il y a même ce cas, qui fait grand bruit parce qu’il sort du seul domaine favori des antitrumpistes, des lubies deThe-Donald, pour jaillir du cœur même, sacré et religieux, de la presseSystème : la démission tonitruante, lundi, du présentateur et analyste prestigieux de la NBC William Arkin, explicitement justifiée par l’hérétique lui-même, par l’emprisonnement volontaire du réseau dans la narrative du War Party et dans la promotion des “guerres sans fin”.
Que se passe-t-il chez Trump ? Est-ce simplement un caprice, une foucade, un tour de valse de plus ? Peut-être et possible mais pas complètement assuré si l’on considère la constance et la fermeté de sa trajectoire des dernières semaines et la liquidation des “généraux” qui étaient là en principe pour tenir la bestiole, et la tenir dans la ligne... D’autre part, certaines interventions de Trump, notamment celle sur l’URSS en Afghanistan, révèlent une culture politique qui ne lui est pas naturelle. A moins que notre héros se soit mis à lire les bons auteurs ou que Bolton soit soudain devenu fou, on parierait plutôt sur une influence majeure hors du cadre connu. Cette hypothèse n’est pas gratuite.
L’on chuchote de plus en plus fort qu’il y a là l’effet de l’influence d’un homme, ami de Trump et joueur de golf comme lui et avec lui, et “en même temps” anti-interventionniste désormais bien installé et disposant d’une formation de grande qualité. Il s’agit du sénateur Rand Paul, fils de Ron et chef de file à bonne école et au Sénat des antiwar. Ce n’est pas pour rien ni pour le goût des coïncidences, bien entendu, que le directeur de cabinet adjoint de Paul Sergio Gor a diffusé le communiqué suivant, après une intervention du sénateur contre Mitt Romney qui vient de publier une critique acerbe de Trump :
« Le sénateur Rand Paul considère le président Trump comme un ami, mais il est également ravi de sa politique conservatrice, qui comprend des réductions d'impôt historiques, des réductions massives de la réglementation, la nomination de juristes, et la mise en œuvre d'une politique étrangère ‘America First’ en mettant l'accent sur l'Amérique et pas sur tous les problèmes dans le monde. Ce président tient ses promesses, et les républicains modérés devraient travailler avec lui pour accomplir encore plus. »
Ron Paul n’aurait pas dit mieux... Certains commencent à marmonner, à “D.C.-la-folle”, que tout se passe comme si nous avions “le président Rand Paul”. Ils pourraient aussi bien dire “Président Ron Paul”, ce qui est un juste retour des choses si l’on considère la campagne électorale sabotée de Ron en 2012. Par conséquent, les chuchotements qui aiment bien vaticiner dans leur boule de cristal nous disent aussi que Trump offrirait la vice-présidence à Rand en 2020, s’il est réélu, c’est-à-dire quand il sera réélu puisqu’il ne doute de rien, de façon à lancer un Rand Paul-2024 à la Maison-Blanche.
On verra, on verra car tout cela est bien loin et tant de choses se passent si vite par ces temps qui courent à bride abattue... En attendant, la possible/probable évolution des choses pour le plus court qui nous importe, loin de conduire à une victoire et à un apaisement, conduit exactement au contraire : l’intensification de la “Guerre civile froide” aux USA, et de la folie à “D.C.-la-folle”. Voyez par exemple combien les ordres de désengagement ne sont pas aussitôt suivis d’effets, et l’on est passé de un mois à trois mois pour évacuer les soldats US de Syrie, manœuvre évidente du Pentagone.
On observera alors, plus simplement et plus sobrement, mais avec une étincelle festive au bout de la plume : de plus en plus de désordre et la validité renforcée de l’analogie collapsologique entre l’URSS et les USA.
30 décembre 2018 –J’avoue avoir complètement raté cette intervention de Merkel : « Les États-nations doivent aujourd’hui être prêts à renoncer à leur souveraineté »... Surprenante dans sa simplicité, épatante dans sa pureté cristalline, abrupte dans son impérative signification, cette intervention ; d’une certaine façon, comme si l’on découvrait que le roi est nu, bien qu’il s’agisse de rien moins que de notre Kaiserin.
Elle dit d’autres choses dans le même genre qui est de songer à bannir toute souveraineté, la transmission de cette souveraineté vers des organes adéquats (UE, Globalisation Inc., New-New World Order) devant se faire dans l’ordre et la discipline, comme au bon temps où la Stasi faisait fleurir la RDA, ou la Wehrmacht les grandes steppes de l’Est. En même temps, Merkel fait un panégyrique du traité de Marrakech, dont nous apprenons qu’il est le produit d’un travail de sape et d’un labeur-expert à l’ONU des mêmes Allemands du groupe-Merkel, depuis 2016 après l’expérience très concluante de l’ouverture des frontières de l’Allemagne de 2015. (*)
Si je reviens sur cette sortie de Merkel qui date d’un mois (*), c’est parce qu’elle s’inscrit dans une attitude nouvelle de cette chose immense et déchaînée que je nomme “Système” ; une attitude qui se renforce chaque jour trois ou quatre mois, voire quelques semaines, et qui nous dit que le Système ne prend plus de gants, ni ne songe à garder plus longtemps son masque. Il y a trois ou six mois encore, une personne du rang de Merkel, placée dans la situation où elle se trouve, n’aurait pas songé à dire une telle chose, si crûment, si abruptement, comme l’on agite un chiffon rouge devant un Gilet-Jaune.
(Suite)
29 décembre 2018 – Il y a longtemps que se développe le jugement selon lequel le développement des technologies de communication et du numérique tend à créer un monde artificiel dans lequel seraient plongées des foules laissées sans direction par la globalisation du néocapitalisme, et ainsi mises dans une atonie qui les priverait de tout sens et laisserait libre cours aux événements suscités par le Système. Par conséquent, c’est avec une certaine surprise puis avec une surprise certainement heureuse que l’on découvre, que je découvre que l’atonie de ces foules sans-direction et privée de sens s’est muée en une colère d’une puissance et d’une résilience extraordinaires.
(Bien entendu, je note cela en référence à la crise des Gilets-Jaunes, mais aussi à divers mouvements de type “populiste” et apparentés qu’on dénombre depuis les années 2015-2016.)
Où est passé l’atonie de ces foules qu’on observait comme abruties par les smartphones du Système et du néocapitalisme ? Au désordre par atonie que cherche à répandre dans les foules privées de sens le néocapitalisme entropique se dresse et s’oppose le désordre des rues par les peuples qui jugent trouver un sens dans le choix de suivre les impulsions nées de leur colère ; le désordre par atonie se désintègre sur le désordre par la colère. Désordre contre désordre, ou comment “faire aïkido” et transmuter, selon le mot de Victor Hugo qu’on reprend beaucoup ces temps-ci, les “foules” heureuses d’être sans direction ni le moindre sens en “peuples” cherchant avec colère à retrouver une direction et un sens qui soient les siens.
(Suite)
23 décembre 2018 – Il est vrai que nous sommes sollicités de toutes parts, avec toutes les crises qui ne cessent de jaillir, de surgir, pour s’insérer dans le tourbillon crisique qui opérationnalise la Grande Crise Générale. Nous, en France et alentour, les GJ et tout ce qui va avec retiennent notre attention, et il nous reste peu de temps pour le reste. Pourtant non, faites un effort !
Je veux dire : tournez-vous vers Washington, ma “D.C.-la-folle” dont il était écrit il y a deux jours, notamment et fort justement à mon sens, et tant pis pour ce qu’on dira de ce jugement qui est mien sur un texte de ce site qui est un peu moi-même :
« On pourrait dire, si l’on voulait rendre compte du sur-surréalisme de la situation, tentant d’à nouveau peser bien nos mots, que “D.C.-la-folle” est devenue folle, que sa folie est elle-même touchée par une sorte d’hyper-folie... [...]
» ...et l’on a là un signe de plus du désordre qui règne, – non pas en Syrie mais à Washington D.C.[...]
» ...Ainsi la crise, qu’on croyait située en Syrie, revient à son point d’orgue et à sa matrice, à Washington D.C. et alentours. »
La décision de Trump sur la Syrie a plusieurs aspects : les effets sur la crise et l’affreuse guerre syriennes, sur les équilibres généraux et les positions diverses des divers acteurs (Russie, Turquie, plus quelques pensées pour les stupides moutons, type-France-macronique), sur la situation politique de Trump et dans son administration, toutes ces choses d’une infinie importance... Mais non, le plus important, le plus stupéfiant, c’est bien ce qui se passe à Washington, dans l’air du temps !
(Suite)
19 décembre 2018 – Pour une fois, je vous parlerai de la Belgique où je réside, par les étranges chemins de fortune et de l’Histoire, depuis la fin de 1967. J’en ai donc vu des crises, absolument pas intéressé par la chose, les incroyables nœuds gordiens des querelles communautaires. Si je fais le compte du temps où je restais avec une demie-oreille attentive au brouhaha politique, – c’est-à-dire jusqu’à la fin de la décennie des années 1990, – je ne me suis vraiment intéressé qu’à trois reprises aux soubresauts politiques belges :
• lors du choix des avions de combat (deux épisodes que je mets ensemble, 1974-1975 lors du choix du F-16, et 1986-1989 avec l’offre-Rafale de la France, et éventuellement today si on reparle du JSFvs Rafale puisque les partisans jusqu’à l’os de l’avion US, autour du ministre flamand à la défense, ont quitté le vaisseau et que la décision du pseudo-choix n’a été que pseudo-formelle) ;
(Suite)
18 décembre 2018 – D’une façon extrêmement originale et d’un héroïsme hors-sol comme on cause aujourd’hui, nos chouettes petits révolutionnaires label Mai-68 , — « Ils finiront tous notaires », avait prédit Jouhandeau, se gourant totalement, cet homo encombré d’une infernale sorcière d’épouse, puisqu’ils finirent pipole sur les plateaux-TV à €15 000 du mois, – donc nos chouettes petits-héros criaient à la face du monde, se référant à l’implacable Dany qui continue à nous traquer dans l’étrange-lucarne, avec le très-beau (coiffure) Luc Ferry sur LCI le dimanche, – « Nous sommes tous des juifs-allemands ». (Fin de la phrase, passons à autre chose.)
Je suggère, moi, à nos GJ-ringards en quête d’identité de se proclamer : « Nous sommes tous des FakeNews. » Tout le monde sera content, la BBC, le chef-député En Marche monsieur Le Gendre expliquant l’erreur de son groupe, “Nous avons été tous trop-intelligents, trop-subtils pour leur expliquer nos réformes” ; France3 qui corrige les fautes des panneaux des bouseux-GJ, Integrity Initiative, qui nous transmet les tonnantes et étonnantes trouvailles-GJ/Poutine (entre autres) du MI6. La célébrité internationale ayant fait son travail, les GJ accèdent au statut de grande star, avec nomination d’études détaillées de la désinformation russe dans divers médias anglophones plus ou moins antiSystème, – sans parler de Shamir, certes. Enfin, tout est en place, tous “les éléments de langage” en mission de torpillage dans le bon sens après quelques errances du départ où l’on oublia les Russes, vous expliquant en détails comment les ploucs-GJ mettent en gravissime danger Notre-Démocratie-à-nous et les bastions de la Liberté-Universelle, en se faisant complices de Moscou..
(Suite)
16 décembre 2018 – Avec l'affaire des Gilets-Jaunes (GJ) -français qui bouleverse l’ordre des arrangements entre le Système et les élitesSystème et l’affaire Khashoggi dans ses suites princières qui implique Mohamed ben Salmane (MbS) d’Arabie et met en cause toute la chaîne de la puissance pseudo-impériale du Système dans le chef de son exécutant principal que sont les USA, une nouvelle sorte de crise prend forme. Nommons-là “crise-rhizome”, ce qui rappelle un texte précédent concernant les GJ... Voici donc deux crises-rhizome inaugurant la catégorie, la crise-GJ et la crise-MbS ; et leur caractère, ce qui fait leur intérêt spécifique et l’intérêt objectif de les classer en un rangement nouveau et commun, renvoyant à la chose fameuse des déconstructeurs ainsi décrite dans le texte référencé qui s’appliquait aux GJ mais vaut pour la nouvelle catégorie crisique ainsi proposée :
« Car cette diffusion aux mille branches dont nul ne sait ni la racine, ni le tronc, ni la subordination, ni la hiérarchie, qui caractérise ce mouvement étrange et déroutant des “Gilets-Jaunes” du 17 novembre, est la parfaite incarnation du rhizome de Deleuze-Guattari, les déconstructeurs-nés. »
Plus encore, bien plus... Ce sont deux crises formidables à cause des choses et des processus qu’elles touchent, menacent et ébranlent, des crises d’une importance paroxystique. Il s’agit de les comprendre pour ce qu’elles sont profondément, et non pour ce qu’elles paraissent être, une fois surmontée l’incompréhension initiale et ce passage obligé où la raison-subvertie tente de nous donner une explication rassurante parce que compréhensible, y compris avec tel et tel complots ici et là puisque le complotisme, décidément, sied à tous les acteurs de la pièce.
La crise-JG s’attaque au Pouvoir-en-soi, c’est-à-dire à la courroie de transmission vitale du Système ; la crise-MbS s’attaque à l’“Empire”-en-soi, c’est-à-dire à une des poutres-maîtresses de l’activisme entropique du Système. Si ces deux crises sont bien d’une “importance paroxystique”, on ne sait par quel bout les prendre parce qu’elles n’ont pas de bout comme tout rhizome de bonne compagnie, et elles sont difficilement compréhensibles parce qu’il n’y a rien de rationnel à comprendre par rapport au fonctionnement normal des choses auquel nous sommes habitués.
Face à elles, on ne dit mot, ou bien l’on se noie dans des détails techniques, ou bien l’on dessine de grandes perspectives illusoires où elles n’ont plus leur place, ou bien l’on ne dit mot à nouveau. Mais elles restent là, tranquillement entêtées et comme sûres d’elles, leurs places faites et hors de toute contestation possible. Finalement, ces deux crises semblent faire du sur-place tout en ourdissant sans doute, – moi-même y croit sans aucun doute, – de nouveaux et formidables bouleversements que produit une agitation profonde et cachée dont nous avons par hoquets, par instants inattendus, des signes de la puissance tout aussi formidable...
On ne s’étonnera pas que, déjà à ce point ou plutôt enfin à ce point, on introduise l’élément de la psychologie par la perception, pour lui donner une place fondamentale. Je ne parle pas une seconde de cette psychologie maîtrisée sur laquelle s’appuient les comportements intéressés, la psychologie de façade, mais celle qui agit en profondeur et dont nous sommes pas les maîtres parce qu’elle est l’interlocutrice privilégiée des forces du dehors et du dessus qui vont directement, comme fait une intuition, se loger dans les espaces privilégiés de l’esprit. Cette psychologie-là est touchée de plein fouet par cette nouvelle sorte de crise, sans que l’on n’en sache rien ; et ainsi, faisant naître dans notre arrière-conscience, avant que nous en ayons pleinement conscience, le sens de l’attaque au cœur du Système, de son autodestruction, sous la pression de ces crises-rhizomes, tapies et immobiles, qui désintègrent silencieusement les structures de l’empire du Système sur le monde.
“Nous autres, Système, nous savons désormais que nous sommes mortels”...
La crise-rhizome est la crise parvenue à son stade ultime, celui de la légitimité et de l’institutionnalisation. Elle est le produit ultime du Système, le produit inévitable de sa surpuissance sans vergogne ni retenue, et par conséquent la représentation opérationnelle de son autodestruction.
10 décembre 2018 – Comme beaucoup d’entre vous, je crois, j’ai vu défiler au hasard des réseaux-TV nombre de divers Gilets-jaunes qui sont des usagers des réseaux-sociaux. Dans cette bataille de l’influence, sans préjuger de l’orientation, on a pu voir que les réseaux-TV sont à la traîne des réseaux-sociaux ; les seconds qui sont le vrai “nouveau-monde” fomentent l’événement comme ils veulent, les premiers qui sont du simulacre de pseudo-“nouveau-monde” les commentent comme ils peuvent.
Ainsi les réseaux-TV, encombrés de leurs commentateurs consultants-attitrés mille fois entendus débitant leurs sornettes en rond comme du saucisson, ont-ils depuis un mois de plus en plus souvent sollicité les Gilets-jaunes à leurs luxueuses tables-rondes, ou ovales, ou rectangulaires, peu importe. D’une certaine façon, il me semble que je les ai vus évoluer, les Gilets-jaunes, dans leur discours (la façon de faire plus que ce qu’on fait), dans leur attitude, dans leur comportement. Au début, on les sentait gênés, gauches (sans suggestion politique), hésitants, maladroits, parfois incohérents ou piteux ; à mesure que les événements se déroulaient et montraient leur cohésion désordonnée, qu’ils étaient invités plus nombreux, ils se raffermissaient, ils gagnaient en assurance, non pas comme des professionnels mais plutôt comme des humblement-inspirés, des illuminés sans prétention ; ces derniers jours, ils avaient installé leur présence et lorsqu’ils parlent désormais, ils disent des choses et on les écoute encore plus que de les entendre. Parfois, lorsqu’ils parlent, ce sont les autres, les professionnels du discours-appointé, qui ont l’air de faire tapisserie.
Il y a de véritables dialogues du cœur et de l’âme qui s’établissent par instant. Lorsqu’Emmanuel Todd dit (autour de 05'45”), très ému, « ...parce qu’ils [les Gilets-jaune] m’ont rendu ma fierté d’être Français », le courant d’une certaine grandeur d’au-delà de la logique vous parcourt, et les Gilets-jaunes qui sont en face de lui, avec tous les autres derrière eux, en sont la cause. Il m’est venu à l’esprit, de cette façon fortuite et inconsciente, qu’une sorte de psychologie nouvelle est ainsi née devant nos yeux.
Sommes-nous à la veille d’un coup d’État ? Si l’on était en d’autres temps où ce genre de choses étaient envisagés avec des éléments sérieux et probants comme en 1958 (13-Mai et opération Résurrection), en 1961 (putsch d'avril des généraux à Alger) et même en 1968 (Mai-68 et de Gaulle à Baden-Baden), ce serait une tragédie en cours de structuration ; dans notre temps qui cultive si intensément le goût des montages et du simulacre, ce pourrait être aussi une tragédie-bouffe de la sorte qui en est la marque. Le paradoxe bien malheureux quant aux circonstances de la journée de demain de cette flambée d’alarmes et d’urgences montée d’abord en simulacre paniquard, c’est que cela pourrait donner ou avoir donné des idées aux quelques groupes et individus à l’esprit lunatique et un peu dérangé, et enfiévré de diverses illusions de violence destructrice et révolutionnaire ; ceux-là qui comptent se manifester demain à leur façon et pourraient croire alors que le Grand Soir couronnera leur journée, et qu’ils pourront ainsi créer “leur propre réalité”.
... Comme disait Karl Rove en 2002 (déjà) à Ron Suskind : « [...Q]uand nous agissons nous créons notre propre réalité. Et alors que vous étudierez cette réalité, – judicieusement, si vous voulez, – nous agirons de nouveau, créant d’autres nouvelles réalités... » Et je me dis que cette époque est si complètement surréaliste dans ses rapports avec une réalité totalement désintégrée qu’il pourrait y avoir eu dans ce climat le déclenchement d’une telle mécanique menant à de telles folles ambitions... Qui pourrait croire cela, qui l’aurait cru il y a dix jours ? Les temps sont fous, et les êtres à mesure.
(Suite)
2 décembre 2018 – ... On aura traduit, j’espère, nous qui sommes des latinistes patentés : Secessio Plebis signifie “sécession de la plèbe”. Je me demandais comment les Romains auraient traduit “Gilets-jaunes” et je m’aperçois que “Gilets-jaunes” est peut-être bien la traduction en code de Secessio Plebis.
Rendons à César, – car c’est bien le cas de le dire... Je n’ai pas sorti cette expression de “sécession de la plèbe” de ma belle imagination et de ma vaste culture. Je l’ai entendue (hier en fin d’après-midi, sur RT) de la bouche de monsieur Lucien Leclercq, rédacteur-en-chef de Nouveau Cénacle, parlant des trois événements, des trois “sécessions de la plèbe”, expression consacrée, qui marquèrent l’histoire de Rome, successivement en 494, 449 et 293 avant notre ère. Si l’on veut, la “plèbe”, la foule, le peuple, “démissionnait” d’être ce qu’on disait qu’elle était et avec la façon dont on la traitait, mécontente de ses élites corrompues, et elle faisait sécession, quittant Rome pour s’installer sur une hauteur avoisinante. Monsieur Leclercq traçait un parallèle entre ces événements et les Gilets-jaunes, ces derniers représentant le peuple qui fait sécession, à sa manière et avec les moyens du bord, de ses élites et des institutions qu’elles (les élites) sont censées représenter et servir. L’image me va comme un gant, même si le processus diffère ; il est vrai que je résiste mal à une citation latine.
(Suite)
30 novembre 2018 – J’admire la perfection tactique de l’évolution de ce mouvement des Gilets-jaunes, car en vérité je ne peux faire que l’admirer. C’est là un devoir de plume et une obligation de conscience.
Il me paraît de plus en plus incontestable et évident que ce mouvement agit effectivement selon ce qu’on nommerait un “dessein supérieur”, ou un “plan divin”, pour désigner avec une certaine emphase qui dévoile ma conception fondamentale quelque chose qui les dépasse (eux, les Gilets-jaunes) en les unifiant en une unité fondamentale ; qui fait d’eux à la fois une entité, à la fois une chose organisatrice presque minutieuse de la plus complète désorganisation. Je ne peux qu’admirer qu’en une quinzaine de jours d’intenses pressions de tous les côtés, de la communication, du commentaire, des sollicitations, des menaces, d’interviews, de rencontres officieuses et officielles, etc., ce qu’ils ont paru être à l’origine (dans tous les cas à mes yeux) a tenu bon et même ne cesse de se renforcer, – comme si l’organisation de la désorganisation se perfectionnait dans la plus grande vertu possible de l’organisation.
(Ce qu’ils m’ont paru être à l’origine : « C’est parfaitement l’impression que l’on recueille lorsqu’on écoute les dinosaures-Système des talkshows, accompagnés des jeunes termites aux dents longues piaffant de faire carrière dans le Système, qui y perdent leur triste latin de bas-Empire. Que veulent donc ces “Gilets-jaunes” ? Le prix du gazole-essence, certes, mais on est largement au-delà, avec des revendications de plus en plus indistinctes, fantasmagoriques et inatteignables ? Quels sont leurs chefs, à qui peut-on parler ? A qui le gouvernement macronicien, ou même ‘Necronomiconien’ comme dirait Lovecraft, va-t-il pouvoir s’adresser pour les rouler dans la farine ? Pas de réponse devant cette sorte de Désert des Tartares civique, silence consterné et sidération contenue. »)
(Suite)
29 novembre 2018 – Un mouvement général de dissolution est en marche, succédant aux puissants processus de déstructuration. Il frappe indistinctement nombre de pays et d’entités, sans réelle référence d’orientation mais avec cet effet commun de la dissolution des ensembles plus ou moins établis, et plutôt certes en équilibre déjà précaire. Il s’agit bien entendu de l’effet sur toutes les parties du processus d’effondrement du Système.
Avec le mouvement des “gilet-jaunes”, la France a retrouvé une place de choix, presque d’inspiratrice, dans ce mouvement généralde contestation, ressuscitant pour ce pays une position historique classique centrale dans les grands moments historiques de rupture. Bien entendu, cette dynamique se fait contre et en dépits de directions et de personnels politiques parvenus au bout de leur effondrement intellectuel et psychologique, avec l’influence à mesure. Même La France Insoumise, qui prétendait être le parti de l’avenir du souverainisme de gauche et pouvait être jugée antiSystème, se révèle être bureaucratique et parcouru de tensions internes de dissolution rupturielles. Le départ ce 28 novembrede Djordje Kurmanovic, souverainiste de gauche et conseiller pour les affaires extérieures de Mélanchon, est un signal puissant de cette crise.
Quoi qu’il en soit, après les événements négatifs et les impasses de ces derniers jours depuis samedi, il apparaît que le mouvement des gilets-jaunes est lancé sur une course quasi-révolutionnaire, mais dans un contexte postmoderne et antiSystème qui ne trouve aucune référence dans l’Histoire, et se réfère directement à l’Histoire (métahistoire). Voici le constat de Arnaud Benedetti, déjà-vu, assez modéré dans sa conclusion ultime mais dans le sens que nous (*) disons :
« La macronie, ultime reflet d'un Impérium technocratique qui a peut-être présumé de ses forces, n'a pas vu venir cette “drôle de révolte” sur les ailes de réseaux sociaux, qui ont révolutionné l'espace public en rendant possible son accès à tout un chacun, en facilitant des agrégations inédites et rapides , en démocratisant l'expression et la prise de paroles. D'une certaine manière, cette réappropriation de l'enjeu démocratique, enjeu fiscal aidant, a trouvé dans le gilet son signe de ralliement et dans le rond-point sa nouvelle agora. Une révolution? Peut-être pas encore ; un tournant assurément ...»
Évolution internationale aussi, avec la dissolution progressive de l’ordre de bataille US, essentiellement par le biais de l’énorme ébranlement saoudien (l’affaire MbS-Khashoggi) qui affaiblit toute la structure hégémonique des USA et réduit d’autant leur stature... Il y a bien entendu directement les effets de MbS-Khashoggi sur la démarche mercantiliste de Trump mais il y a d’autres tensions liées à cette affaire, qui accélèrent en même temps la dissolution interne du système de l’américanisme.
C’est le cas remarquable et complètement inhabituel par rapport à la posture belliciste de l’establishment, du puissant rassemblement bipartisan constitué au Sénat, du progressiste (démocrate) Sanders au libertarien isolationniste (républicain) Rand Paul pour aller vers une législation ligotant la politique étrangère des USA vis-à-vis de l’action saoudienne au Yemen. Le cas est d’autant plus remarquable qu’il se fait contre l’avis des organes de sécurité (DoD, State) et malgré l’hostilité d’Israël à toute mesure risquant de déstabiliser l’Arabie...
« Malgré l’opposition du Département d’État et du Pentagone, le Sénat a voté à 63 voix contre 37 pour permettre un vote de l’assemblée sur la résolution 54, une proposition bipartite visant à bloquer tout soutien américain à la coalition menée par le gouvernement saoudien au Yémen depuis 2015. Adoptée réellement par le Sénat avec une majorité à l'épreuve du veto, cette résolution obligerait l'administration Trump à mettre fin à tout soutien logistique et autre à la coalition saoudienne, et nécessiterait l'autorisation du Congrès avant que ce soutien ne soit accordé. »
En Russie, il s’agit de la possible dissolution de la politique d’arrangement relatif jusqu’ici pratiquée par Poutine, cette possibilité marquée par la fragilisation du président et la réduction de son autorité déjà évoquées à l’occasion de l’incident de la Mer d’Azov. Pour nous, il est beaucoup moins question de la possibilité d’une révolution de couleur que, bien au contraire, d’une intervention directe ou indirecte, sous une forme ou l’autre, de l’appareil de sécurité (armée, renseignement) contre les libéraux de la direction, avec développement d’une politique de fermeté comme on l’a vue dans le même incident de la Mer d’Azov, directement ou imposée à Poutine.
Il ne s’agit pas ici de juger de la justification de cette politique mais de prendre acte de sa possibilité. D’une façon quasi-automatique, compte tenu de la pression communicationnelle et géopolitique exercée sur la Russie d’une part, et d’autre part et au contraire de l’efficacité grandissante de la puissance militaire rassemblée par la Russie, cette évolution conduirait à un durcissement considérable de la dynamique politico-militaire russe, conduisant nécessairement et désormais sans hésitation de la part de la Russie à la possibilité d’un affrontement avec le bloc-BAO.
Pour l’appareil de sécurité russe, il y a convergence des nécessités. D’un point de vue opérationnel, il s’agit de prévenir le déploiement de nouveaux missiles US de missiles de portée intermédiaires en Europe, après sortie des USA du traité FNI, – soit une “fenêtre d’opportunité” de deux ans au plus. Toutes ces conditions vont imposer une terrible pression sur l’Europe, par ailleurs elle-même en décomposition, pour envisager le choix de rester ou non dans l’orbite US. Le test central à cet égard prendra la forme de l’acceptation ou du refus par les Européens de l’implantation de missiles US, sur leurs territoires justement et évidemment.
(*) Bien qu’inclus dans le Journal dde.crisis de PhG, les textes “T.C.” (“tourbillon crisique”) qui sont des points de situation générale emploieront plutôt le “nous” propre à dedefensa.org plutôt que le “je” impertinent de PhG. La chose s’est imposée à mesure du développement de la “rubrique”-T.C. Nous/je restons (reste) pour autant dans la même galère.
24 novembre 2018 (à 07H35) – Je ne cesse de me chapitrer à propos de cette vague considérable des gilets-jaunes qui prend son temps, qui s’étale sans être étale, qui se transforme en une marée improbable et pourtant entêtée, et qui monte sans paraître suivre les règles habituelles de la chose... Je n’aurais pas parié un seul de mes piètres euros sur cet étrange-événement, il y a seulement deux semaines, sinon une semaine d’ailleurs ; d’ailleurs, je n’en parierais pas plus aujourd’hui sur sa durée ni rien du tout dans la prospective, preuve que je suis complètement et de plus en plus égaré, confus, incertain quant à juger et jauger l’étrange-événement.
(C’est une excellente nouvelle, du point de vue de ma ligne antiSystème : c’est parce que je m’avère complètement impuissant dans la prévision que viendra l’inattendu que nous attendons tous sans rien en prévoir. Au diable, mes piètres euros !)
(Suite)
18 novembre 2018 – Le discours de Macron au Bundestag, hier, au sonnant de midi + 1, voulait rendre un ton solennel, plein d’une espérance forcée et grandiose au bord d’un précipice dont tout le monde ressent la proximité. Cela se lit dans la phrase qui a rencontré une certaine unanimité de la citation : « L’Europe et en son sein le couple franco-allemand, se trouvent investis de cette obligation de ne pas laisser le monde glisser vers le chaos. »
Pour cette rude tâche, Macron a longuement encensé l’Allemagne pour ses capacités inégalées de repentance, et il a exalté l’avenir suggéré par cet exemple en citant Goethe qui nous ramène nécessairement à la nostalgie d’un passé disparu, lorsque l’Europe existait vraiment, – je veux dire dans les âmes et dans les grands esprits, pas chez les comptables et chez les courtisans. Il a évoqué les poètes morts injustement à la guerre déclenchée selon lui (Macron) par les folies nationalistes des nations et, pour illustrer cet exemple du côté français, il a choisi Charles Péguy, le poète mort au champ d’honneur le 5 septembre 1914 pour la défense de la nation française (« Et puisla mystique du nationalismel’a saisi... », selon Bainville). “En même temps”, comme dit notre-président.
Solennité, gravité certes, mais que de bien frêles épaules craquant sous la pression des contradictions qu’il a énoncées, en alignant avec une imperturbable conviction des vérités métahistoriques sorties du dictionnaire des citations, des analyses du plus complet simulacre et des conclusions authentifiées par la bureaucratie de Bruxelles. “En même temps” qu’il encensait l’Allemagne, Macron critiquait la France pour son indiscipline et, peut-être bien, pour ses poètes qui meurent au champ d’honneur pour la défense de la nation française ; car “en même temps”, de fait, la France craquait de toutes parts sous les coups des “gilets-jaunes” alors que tout le monde se posait la question : que nous annoncent ces “gilets-jaunes” ? Que vont-ils devenir ? Où vont-ils nous emporter ?
C’est à croire que la France a retrouvé son rang, pendant que son président poursuivait au Bundestag son errance mémorielle (mémoire de l’illusion européenne dans la République Universelle) commencée à Verdun... Par “son rang”, j’entends sa place dans les rangs de la contestation qu’on me permettra de qualifier d’antiSystème. Cela n’est nullement une spécialité française, contrairement à ce que les “experts”-Système se plaisent à répéter, puisqu’on comprend aisément que c’est le monde qui craque de toutes parts sous la violence de ses contestations-antiSystème, le monde qui, on nous l’a dit, « glisse vers le chaos », – à moins que l’Europe, l’Allemagne & Macron, certes...
La situation du monde, cela est juste comme l’observe d’un œil d’aigle le président français, se trouve sur une trajectoire chaotique d’une puissance et d’une détermination qu’on peut qualifier une fois de plus de “sans précédent”, – sans prendre de risque, ce jugement. Voyez, même la Ligue des Déstructurateurs que nous avions vu récemment se former entre les usual suspects dans le but de semer le chaos à coups de regime change, se trouve confrontée à une sorte de chaos interne puisque les États-Unis, l’Arabie Saoudite et Israël en dernier arrivé, chacun à sa façon, développe sa propre crise intérieure. Le monde brûle comme la Californie se consume, il assume ses décisions populaires à la façon du Brexit transformé en un nœud gordien, il menace, tempête et rêve d’une Grande Guerre Mondiale pour éliminer les fauteurs de trouble sans troubler vraiment le désordre bien tempéré du chaos qui poursuit sa glissade en attendant l’Europe. Et tant d’autres situations, vérités-de-situation...
Le monde avec sa Grande Crise d’Effondrement forment une énigme d’un poids que les frêles épaules de ce Macron né de la modernité ne peuvent prétendre porter ni supporter. Le discours de Macron était comme l’on trempe son doigt de pied dans l’eau brûlante (“le monde qui glisse”) pour l’en ressortir aussitôt en affirmant qu’elle est fort tiède finalement, grâce à ce qu’on est et ce qu’on lui promet. En un sens, j’ai trouvé ce Macron-là à la fois grandiose et grandiloquent dans son pathétisme, ce qui signifie à la fois, selon les deux sens de ce qui est pathétique, émouvant et désolant.
... Car enfin, je veux croire, moi, qu’il croit à ce qu’il dit, et alors, devant un tel simulacre involontaire de culture et une telle inversion inconsciente de la logique, on peut gager pour peu de risque que « L’Europe et en son sein le couple franco-allemand, se trouvent investis de cette obligation » d’accompagner le monde dans sa glissade vers le chaos. Ainsi se rachèteront-ils, Macron et le couple franco-allemand avec “en son sein l’Europe”, car ainsi auront-ils prêté une main secourable à la survenue du chaos qui est désormais le destin incontestable du monde, et le signe du destin fatal de cette contre-civilisation devenue obscène à force d'imposture.
18 novembre 2018 – Hier, j’avais très mal au dos, attaque pernicieuse et violente à la fois d’une sciatique irréfragable, une du grand âge.... Alors, j’ai sacrifié pas mal de mon temps sur un fauteuil à dossier très droit et, avec peu de courage pour lire, j’ai laissé aller l’“étrange lucarne”. Il n’était question que de cette “journée en jaune”
Je me fixe sur le “centre de crise” de la chaîne, Arlette Chabot aux commandes, conduisant un talk-show permanent avec deux vieilles badernes de ma génération, dont l’incurablement pontifiant d’Orcival, de Valeurs Actuelles, avec en arrière-plan les reportages constants sur les divers points stratégiques choisis comme références de cette “journée en jaune”.
Vers la fin de l’après-midi, l’habituel “tour de France” des correspondants était ramené aux points d’ébullition de la capitale, comme font en général ces adeptes de la décentralisation. On discutait : et comment, et pourquoi, et qu’est-ce qu’ils veulent, qui commande, qui coordonne, quels sont leurs mots d’ordre, et blablabla ...
Dans un de ces moments, alors que d’Orcival expliquait avec calme et sang-froid le sens fondamental de l’événement, Chabot interrompt son petit monde une fois de plus et indique la retransmission en arrière plan où l’on voit les fameux “gilets-jaunes”, dont certains sans gilets, qui semblent reprendre ensemble une déclamation, avec une certaine coordination si rarement atteinte, – peut-être scandent-ils des slogans explicatifs... Chabot dit alors “Excusez-moi de vous interrompre, mais nous allons écouter, cela semble être des slogans qu’ils reprennent tous, enfin nous allons peut-être savoir ce qu’ils réclament... Écoutons... ” Et nous écoutâmes la foule clamer...
(Suite)
15 novembre 2018 – Les immenses incendies qui détruisent la Californie, outre de constituer une catastrophe d’une puissance peu commune, nous offrent un événement symbolique qui ne l’est pas moins, de cette “puissance peu commune”, tant il s’applique parfaitement à la situation politique et métahistorique des États-Unis. C’est comme si Les raisins de la colère étaient inversés, et cette fois il s’agit de la colère du Ciel et des dieux qui y résident.
(Un parallèle pourrait être tracé en effet pour les USA, où une catastrophe naturelle souligne une crise intérieure extrêmement grave. Le terrible Dust Bowl de 1933, – les Dirty Thirties, – ravagea les États intérieurs de la bordure centrale du Sud alors que le pays se trouvait au fond terrifiant de la Grande Dépression. Mais si l’on veut accepter l’analogie, il faut la hausser à la mesure de ce que je crois être l’ampleur du cataclysme : l’incendie de la Californie comme mesure symbolique et maléfique de la Grande Crise d’Effondrement du Système, bien plus grave bien entendu que la Grande Dépression ; et il faut aussi l’inverser : dans ces années-là, la Californie était la Terre Promise et trompeuse des Raisins de la colère, aujourd’hui c’est la terre brûlée de quelque chose comme les “raisins de la terreur” [ou “raisins du simulacre”, après tout ?].)
(Suite)
13 novembre 2018 – Soudain, les dernières brumes arrangées et mises en scène de la célébration du centenaire de la fin de la Grande Guerre dissipées sous l’Arc de Triomphe, je m’avise que la chose ne m’est pas indifférente, – puisqu’effectivement, malgré la lourdeur du jeu des mots, “Gilets Jaunes” rime avec “Maillot Jaune”, – car c’est bien de cette chose annoncée du 17 novembre dont je parle ici. Même Ségala ressorti du grenier, empaillé séquence-Mitterrand-1981 (“La force tranquille” sur fond de clocher mauriacien et maurrassien, vous kifez ?) et invité en table-talk-show hier soir sur LCI, – décidément ma référence-Système en fait de réseauSystème, – même Ségala dis-je, trouve ça parfaitement d’une grandiose importance... Car cette diffusion aux mille branches dont nul ne sait ni la racine, ni le tronc, ni la subordination, ni la hiérarchie, qui caractérise ce mouvement étrange et déroutant des “Gilets-Jaunes” du 17 novembre, est la parfaite incarnation du rhizome de Deleuze-Guattari, les déconstructeurs-nés.
Petit aparté wikipédiesque : « Dans la théorie philosophique de Gilles Deleuze et Félix Guattari, un rhizome est un modèle descriptif et épistémologique dans lequel l'organisation des éléments ne suit pas une ligne de subordination (comme dans une hiérarchie) – avec une base (ou une racine, un tronc), offrant l'origine de plusieurs branchements, selon le modèle de l'Arbre de Porphyre –, mais où tout élément peut affecter ou influencer tout autre... »
Selon Mattéi, son ennemi intime mais néanmoins loyal dans son jugement, – constatez-le, il n’y a que du beau monde : « Deleuze est simplement une réincarnation du Sophiste qui affronte Platon. (“Nous ne nous trompons pas beaucoup en considérant Gilles Deleuze comme la moderne réplique de Protagoras. A l’image du grand sophiste d’Abdère, Deleuze introduit dans le discours des simulacres un brio rhétorique et une virtuosité hautaine que l’on pourrait qualifier d’aristocratiques.”) Toute la pensée de Deleuze revient à réaliser l’inversion de Platon, et, également, à réaliser l’inversion de Nietzsche qui figure ainsi, par jugement par antithèse, comme l’un des grands vis-à-vis de Platon, et en vérité continuateur de Platon pour qui sait le lire sans l’inverser, pour satisfaire on ne sait quel obscur dessein, – ou bien, le connaît-on trop, ce dessein ? »
(Suite)
11 novembre 2018 – Tout avait commencé par les propos cavaliers et sabre au clair du président Macron, qui semblerait parfois se prendre fort au sérieux. Voici ce qu’en disait dedefensa.org dans le texte consacré à Castelnau :
« La polémique est rude et, surtout, couvre un vaste territoire parcouru par le plus complet désordre où l'on rencontre tous les sujets... Il est vrai que Régis de Castelnau n’a sans aucun doute pas tort, dans son texte, de juger “sidérant” le propos de Macron plaidant pour une armée européenne à cause de la présence de la Russie “sur nos frontières”. Il aurait pu ajouter pour en rajouter dans la sidération que c’est aussi pour nous “protéger” de quelque chose de menaçant, – outre de la Chine également citée, – venue des USA... “Very insulting”, a tweeté The-Donald au début de son escapade parisienne : mais il semble qu’il parlait plus gros-sous que trahison, impliquant qu’il est “insultant” de vouloir faire une armée européenne quand on participe si peu aux frais de fonctionnement de la superbe OTAN. D'ailleurs, deux ou trois heures plus tard, ou un peu plus qui sait, il serrait Macron dans ses bras et l'instituait “grand ami à la vision très proche” de la sienne. »
On ne s’arrête pas là puisqu’entretemps les deux grands chefs d’État ont discuté en tête-à-tête de très-grande stratégie et que, vraiment, ce n’est pas mon propos. Il faut donc se précipiter sur n’importe quel texte, – mais choisissons RT-USApar amour des FakeNews et pour saluer le titre superbe que je me garderais absolument de traduire : « One-way love: Trump remains frigid to Macron’s caress at Paris visit (VIDEO) ». (RT-français s’en est finalement inspiré sans oser aller jusqu’au bout : « Amour à sens unique ? Trump peu réceptif aux caresses de Macron (VIDEO) ».)
(Suite)
11 novembre 2018 – Je sais au moins un lecteur, très actif sur notre Forum et d’une façon très souvent inventive et intrigante, et qui a plus d’une fois évoqué le Tome-III de La Grâce de l’Histoire, demandant si l’on y trouverait telle précision, telle évolution, telle réponse à une question évoquée par l’Auteur-PhG. Cela suppose qu’il y aura un Tome-III et je lui suis extrêmement reconnaissant de sembler n’en pas douter un instant car j’avoue platement, et avec une honte que certains pourraient juger “prométhéenne”, qu’il m’arrive de connaître, la triste et angoissante pesanteur de l’incertitude à cet égard, – oh certes dans des moments plus dépressifs que d’autre.
Une certitude, par contre, est bien celle de savoir que je ne sais pas grand’chose de ce que sera ou serait ce Tome-III, s’il se fait. Je ne manque ni de matériels ni d’idées qui prétendent répondre à un rangement et à une logique, mais pour l’instant dans un certain chaos qui ne cesse de discréditer rangement et logique ; ce n’est pas pour me décourager pour autant car je sais que si je fais ce Tome-III (la seule question essentielle), les choses trouveront leur ordre en suivant la plume, – laquelle, je le soupçonne, sait déjà... Quoi qu’il en soit, qu’on se rassure pour ceux qui s’inquièteraient, les choses sont déjà en route. C’est à ce propos que je mets en page ci-après un extrait de ce qui est déjà fait, pour prouver ma bonne foi en quelque sorte...
(Suite)