Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.

Verdun, ou La java du Diable

  samedi 10 novembre 2018

J’ai, comme cela, des instincts enfouis qui me protègent, qui me privent de mes sens, de la force de l’attention, qui me poussent à repousser la chose ; le spectacle, l’image que je ne veux pas voir parce que je la connais trop bien et n’ai nul besoin d’être instruit là-dessus au risque d’une souffrance inutile ; cela va du complètement accessoire sinon presque ridicule (je ne peux supporter de voir une piqure même si je supporte assez bien qu’on m’en fasse, d’où mon regard lointain lors d’une prise de sang) à quelque chose, à l’inverse, de beaucoup plus essentiel pour moi (voir la souffrance brutale des animaux maltraités et torturés par les barbares, nous-mêmes, m’est absolument insupportable). Et puis, il y a les occurrences exceptionnelles, que je ne peux ni ne veux voir également, toujours pour m’épargner cette souffrance... Il y a la souffrance-bouffe, qui est de ne pouvoir supporter BHL, quoique je cède parfois je l’avoue, emporté par son véritable génie comique qui transcende la souffrance en plaisir des dieux-morts-de-rire ; et puis il y a la souffrance-tragique que je veux éviter, celle qui touche également à l’essentiel lors d’une occurrence, lors d’un événement. Ce fut le cas, avant-hier, avec leur cérémonie à Verdun qui ne pouvait être que catastrophique. Je ne me doutais pas qu’elle constituerait un de ces sommets du sacrilège qui vous dit, bien plus qu’une longue analyse, combien l’effondrement dans les abysses est complet, achevé, plié comme ils disent ; le sommet au tréfonds des abysses, voilà quelque prodige bien remarquable de l’inversion... Le Diable est bien parmi eux, mais, pour eux précisément, c’est bien celui de Charles Trenet (La Java du diable), diabolique comme il se doit mais aussi et surtout plein de dérision pour eux, pour ses serviteurs zélés.

Ainsi vais-je vous parler de ce que je n’ai pas vu, sinon entrevu ici et là, quelques images à un JT et un reportage sur les randonnées fun sur le champ de la bataille, et aussi les sacrément chouettes retombés économiques des commémorations sur cette ville “qui change de visage”, qui “modernise la tradition”, qui “songe à son futur grâce à son passé”, qui “se tourne résolument vers l’avenir”, et autres remarques d’une profondeur vertigineuse par les artistes du glauque cloaque caractérisant le balbutiement qui nous sert désormais de langage, – mais qui veille, toujours et encore, à cette même tendance : détruire le passé, et qu’il n’en reste plus rien façon-Hiroshima, et tenter jusqu’à perdre haleine que leur futur singulier devienne l’avenir de tous. Il y eut également un ami qui m’en parla, qui avait vu, qui s’était forcé à voir toute la cérémonie, qui en avait des larmes dans la voix. Il y a aussi ce texte de Robert Redeker, sur Figaro-Vox, ce 30 mai, qui nous dit tout de je ce que n’ai pas vu ni entendu, et qui le dit exactement comme il fallait, en nous restituant l’intensité du souvenir autant que la banalité absolument ordurière du sacrilège commémoratif : au silence méditatif et recueilli d’une cathédrale résonnant des vers de Péguy (« Mère, voici vos fils qui se sont tant battus... ») qui honorent votre âme poétique ont succédé les flons-flons, les tambours noirs et les sauts de cabri des “jeunes” parés de fluo entre les tombes du grand cimetière sous la lune éclipsée. Mais tout cela, je l’ai deviné si aisément. Je n’ai rien vu, rien entendu, par conséquent je vais vous en parler magnifiquement parce que je sais exactement ce qu’ils valent et ce qu’ils font.

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Toutes les forêts du monde

  samedi 10 novembre 2018

10 novembre 2018 – Cela fait plusieurs jours que je soupèse et suppute d’écrire ce texte que je commence ici et ainsi. Il ordonne une belle et bonne rupture avec l’actualité de ces temps amers et désordonnés que nous vivons, emportés par notre tourbillon de crises, frôlant et croisant la folie à chaque instant. Je voulais vous parler de ma forêt dont il m’arriva parfois de dire quelques mots, comme cette fois où je l’entendis chanter de ce bruissement mélodieux venu des cieux, des feuilles qui tombent sans un bruit, sans un souffle de vent...

Justement, il s’agit de la même saison, cette année de plus en plus retardée, la saison de la défeuillaison des arbres. Il est vrai que le rythme des saisons en prend à son aise et la situation actuelle de la forêt, dont je veux vous parler et qui ne cesse de m’enchanter depuis quatre ou cinq jours (je l’ai réalisé samedi dernier), est notablement en retard par rapport à ce que j’avais l’habitude d’en connaître. Plus encore, ce délai qui laisse les feuillages en l’état jusque bien plus tard, permet à la sublime libération des couleurs de l’automne de toucher en même temps toutes les espèces. Le temps étant au grand calme ces derniers jours, quasiment sans le moindre souffle avec le soleil bas qui dispense à l’aube ses premiers rayons sans la moindre entrave, et ainsi le spectacle est-il achevé dans sa plus grande extension possible. “C’est un spectacle total” comme disent incidemment les “artistes-communicants” de l’Art Contemporain (A.C.).

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A propos de “la guerre industrielle”

  vendredi 09 novembre 2018

Dans un très-récent Forum[...] on a un peu glosé sur ce qui a été prestement baptisé “guerre industrielle”. Un argument a été opposé à la thèse que présentait le texte. Je crois pouvoir le résumer en disant que le passé, celui d’avant-le-canon, n’était pas moins destructeur (dans le sens de tuer de gens) que le présent, et que le canon fut après tout et dans certaines circonstances quelque chose de bénéfique, sinon d’humanitaire ou de vertueux à la limite, et ainsi de suite pourrait-on penser, jusqu’à la guerre moderne qui pourrait être jugée selon ce raisonnement finalement moins meurtrière que celle qui fut menée par les hordes de Gengis Khan.

Pour mieux situer le débat, je cite le principal message présentant l’argument à la thèse ; on notera à mon insistance expresse qu’il n’y a rien de personnel dans mon propos, ni de polémique d’ailleurs. Si on le prend dans ce sens on aura bien tort... La citation n’est là que pour mieux poser les termes du débat, et la question du canon et de la poudre figure comme une hyperbole annonçant l’avenir, pour en venir à la “guerre industrielle”. L’on notera aussitôt, comme il est dit dans le texte à plusieurs reprises, par l’Arioste lui-même, et d’ailleurs dans le titre également (“la Fin des Héros”), qu’il n’est point question de prouver une chose selon le nombre des morts et des blessés mais de nous entretenir des vertus que l’homme parvient à montrer dans cet événement terrible qu’est la guerre selon ce qu’il en est de la guerre : le courage, l’héroïsme, le sens de l’honneur, la noblesse du caractère, etc., et j’y ajouterais la “magnanimité” dans le traitement qu’on peut faire aux vaincus, voire même dans la considération haute qu’on peut avoir de l’ennemi (voir la très belle définitiondu mot dans Wikipédia).

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Bataille et guerre révolutionnaires

  jeudi 08 novembre 2018

La Grande Guerre a éclaté parce que la réalité géographique, ethnologique et psychologique de l’Europe était précipitée dans le déséquilibre, parce que la dynamique déterminée par ses composants et exprimée dans sa politique et son économie était devenue insupportable. L’Europe était entraînée dans une dynamique de déstructuration. (“Déstructuration”, qui est l’opération précisée et détaillée d’une “déconstruction” menée dans les parties essentielles, est un mot qu’on retrouvera souvent dans ces pages.) Le phénomène de l’immédiat avant-guerre jusqu’à la Grande Guerre pourrait solliciter l’analogie de la catastrophe tellurique ; il ressemble à ce phénomène de la croûte terrestre qui se craquelle, se fend et éclate enfin sous la pression des forces du feu déchaînées par le cœur en fusion du monde. Les guerres européennes, entre 1815 et 1914, ont des causes humaines et terrestres, référencées, compréhensibles même si elles sont condamnables, exprimées par diverses plumes même si elles ne sont pas à mettre entre toutes les mains. La Grande Guerre – comme peut-être 1870, qui l’annonce – diffère de tout cela. Découvrant la rareté de ces “sources”, comme ils disent, des causes de la guerre, les historiographes assermentés se trouvent emportés dans le scepticisme soupçonneux ; lorsqu’ils rencontrent la suggestion, qui sied parfaitement aux exigences du système, que cette guerre n’a aucun sens, les voilà qui exultent ; l’explication et eux, on ne se quitte plus. Pour mon compte, c’est à l’inverse que je vais aussitôt ; sans cause conjoncturelle décisive, convaincante, exclusive, cette guerre est évidemment compréhensible par une immense cause structurelle ; l’immensité de la catastrophe en répond.

De quelle explication s’agit-il ? La Grande Guerre de 1914-1918, jusqu’à son terme, en 1919 (les Traités), achève un cycle marqué par la montée d’une puissance industrielle et technologique, au point où les composants du phénomène forcés par les pressions paroxystiques de cette situation ne peuvent plus se côtoyer ni, bientôt, se supporter. Les observations les plus remarquables sur cette sorte de “mystère historique” qu’est la cause du déclenchement de la Grande Guerre, ce soi-disant “mystère historique” justifiant après tout pour les historiographes que la guerre soit interprétée comme n’ayant aucun sens, m’ont paru toujours être de l’ordre du psychologique. Cet ordre seul rend compte de la marche inéluctable, et malheureusement justifiée par la puissance même du processus, vers la guerre. L’argument est d’une puissance irrésistible.

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Extraits des Âmes

  mercredi 07 novembre 2018

Oui, pourquoi la Grande Guerre a-t-elle eu lieu ? Continuer à rôder sur les lieux du crime après l’évocation du climat français revient nécessairement à se tourner vers l’Allemagne. Nous restons fidèles à notre méthode, écartant les explications rationnelles recuites aux idéologies coriaces de nos illusions modernistes, nous attachant aux grands révélateurs des tragédies humaines que sont la psychologie et la culture, pour continuer à explorer le “climat” d’une époque comme l’on parle de l’environnement qui enferme certaines âmes et forge les volontés. Il nous semble que cet extrait d’une lettre d’un Allemand à un Allemand, de Rathenau retour d’Angleterre après une visite de plusieurs capitales européennes, adressée au prince von Bülow, sonne comme une description “climatique” qui est comme une réponse à Jules Isaac :

«Il y a un autre facteur important, auquel en Allemagne nous ne prêtons pas toujours attention : c'est l'impression que fait l'Allemagne vue du dehors ; on jette le regard sur cette chaudière européenne (c'est moi qui souligne [écrit von Bulow, en commentaire de la lettre de Rathenau]), on y voit, entourée de nations qui ne bougent plus, un peuple toujours au travail et capable d'une énorme expansion physique ; huit cent mille Allemands de plus chaque année ; à chaque lustre, un accroissement presque égal à la population des pays scandinaves ou de la Suisse ; et l'on se demande combien de temps la France, où se fait le vide, pourra résister à la pression atmosphérique de cette population.»

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La bataille des 3 cercles de l’enfer

  mardi 06 novembre 2018

Le 10 juin 2008, nous publiions une analyse [reprise dans cette série] offrant une nouvelle interprétation de la Première Guerre mondiale, sous le titre: “A un siècle de là”. Aujourd’hui, nous précisons et nous élargissons à la fois notre propos, en le centrant sur la bataille de Verdun, “la plus grande bataille de tous les temps”. C’est une démarche caractéristique du phénomène “contraction-élargissement” qu’on constate par ailleurs à propos de nos crises présentes: contraction (donc, précision) sur un point précis et exemplaire (Verdun) du cas général (la Grande Guerre), élargissement du domaine à la crise générale de la modernité, – soit, Verdun comme une sorte de “point-omega” de la crise générale.

Nous ne cachons pas une seconde que l’expérience vécue, aboutissant au livre et objet d’art photographique Les Âmes de Verdun, dont nous vous avons parlé, a joué un rôle essentiel dans cette réflexion. L’émotion du souvenir, l’émotion esthétique de l’histoire retrouvée dans sa forme tragique reconstituée, sont de formidables moteurs pour l’intuition qui devrait être le grand guide de l’Histoire; certes, nous la préférons, lorsqu’elle s’appuie sur la connaissance bien tempérée, aux décomptes d’apothicaire des instituts universitaires et scientifiques qui prétendent s’emparer de l’histoire et qui nous ont conduits à la catastrophe intellectuelle et historique qu’est notre temps, – là où ils ne comprennent plus rien de ce qui nous arrive tout en prenant l’air entendu à ce propos.

Notre propos est très ambitieux puisqu’il implique une proposition de restructuration complète de l’histoire de notre temps. Il s’agit de cette époque que nous serions tentés de désigner comme l’“ère technologique”, que certains scientifiques ont désignée comme une nouvelle ère géologique marquée par l’action de l’homme. (“Anthropocène”, ère géologique commencée à la fin du XVIIIème siècle avec l’introduction de la machine et de la thermodynamique.) La bataille de Verdun trône au cœur de ce schéma, à la fois référence et illustration.

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Les Américains & 14-18

  lundi 05 novembre 2018

Le texte de William S. Lind, que nous commentions le 17 juin (2008), fait largement référence à Robert A. Doughty, général de l’U.S. Army et chef des services historiques de l’U.S. Army lorsqu’il quitta le service actif en 2005. Doughty a été et reste le maître d’œuvre d’un courant historique révisionniste fondamental aux USA, qui remet en question la vision traditionnelle de la Première Guerre mondiale, – “vision traditionnelle” aux USA, totalement influencée par la propagande anglo-saxonne (britannique), qui fait de la France un second rôle dans ce conflit, perpétuant ainsi l’une des grandes machinations de la tromperie historique du XXème siècle.

De ce point de vue, – une fois n’est pas coutume, – la lumière vient des USA, où l’historiographie officielle et militaire s’est révoltée contre cette déformation qui apparaît flagrante après quelques recherches sur l'histoire du premier conflit mondial. Cette déformation n’est pas qu’historique, elle fait sentir ses effets aujourd’hui, dans le domaine politique. Elle a permis l’entreprise de propagande des néo-conservateurs durant la guerre en Irak et a pesé lourdement sur la situation politique durant ce conflit. Elle continue à influencer la politique et contribue notamment, en France, à alimenter le penchant des intellectuels français pour la perception anglo-saxonne du monde.

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T.C.-63 : Au carrefour des tragédies

  lundi 05 novembre 2018

5 novembre 2018 – Comme toujours depuis que nous sommes dans la phase finale de l’effondrement (depuis 2014), il y a, de plus en vivement et d’une manière de plus en plus pressante, une intégration des crises, une accélération de leurs paroxysmes et, comme dirait l’écrivain, une extension du domaine des crises. Tout s’enroule et se déroule, irrésistiblement telle une secousse sismique furieuse, à la manière d’un tsunami géant qui se déchaîne, toutes ces choses dont on se dit que rien ne peut les arrêter tant elles semblent recéler et exprimer toute la puissance de la nature et du monde lancée dans un spasme qu’on qualifierait finalement de “libérateur”.

Nous sommes là comme des spectateurs car rien d’autre n’est possible dans un monde où les événements évoluent d’eux-mêmes, comme se développent furieusement les grandes catastrophes naturelles. Au moins, nous ne prétendons pas ignorer cet ébranlement du monde, au contraire de ceux de nos contemporains qui continuent à chanter les louanges du triomphe du sapiens postmoderne.

• Vendredi, les ministres des trois “grands” européens (Allemagne, France, UK) et Mogherini de l’UE ont réaffirmé leur volonté d’appliquer, conjointement avec les Russes et les Chinois, le traité JCPOA avec l’Iran. Le même jour, Trump et Pompeo annonçaient l’entrée en vigueur des sanctions contre l’Iran. Quels que soient les aménagements tactiques et les commentaires apaisants que nous réserve la presseSystème, le fait est qu’il s’agit d’une situation de confrontation directe des USA avec l’UE. La chose empirera si et lorsque, comme l’envisage Tom Luongo, les Européens décideront éventuellement (prudence) d’utiliser le système russe SFPS à la place du SWIFT emprisonné par les USA (« Lorsque vous entendrez l’annonce par une banque allemande placée sous la menace de sanctions américaines pour l’achat de de pétrole ou de gaz russes qu’elle va utilisez le SFPS comme système de transfert, vous saurez qu’il s’agit du signal d’avertissement général pour les marchés... »).

D’où ceci, que nous confie WSWS.org : « L'antagonisme croissant entre l'Europe et les États-Unis et la transformation des relations internationales entre États en une maison de fous pour tous contre tous préparent le terrain […] pour une conflagration mondiale qui dépasserait en ampleur même les guerres mondiales du siècle dernier. »

• « Maison de fous » ? L’UE, qui se dresse face aux sanctions US, est menacée elle-même d’implosion, ou “explosion intérieure”, avec l’affaire italienne qui va franchir un pas supplémentaire d’ici quelques jours, en un temps où décidément l’Italie n’est pas la Grèce. Séisme intérieur en devenir, qui montre que nul n’est sûr de ses arrières dans ces affrontements « de tous contre tous » : dans un cas, vous observez que l’Europe pourrait et devrait réagir d’une façon concertée et collective, dans une véritable union ; dans l’autre, vous mesurez combien cette union est fragile et mérite avec bien des raisons d’être secouée jusqu’à se briser.

• « Maisons de fous » certes, et encore plus pour les USA eux-mêmes, absolument en-dedans d’eux-mêmes, mettant en cause leur fondement historique et dévoilant leur ontologie-simulacre... Demain, leurs citoyens votent selon la loi des élections midterms. Le résultat importe-t-il vraiment ? Dans les deux cas (victoire de l’un ou l’autre parti), il semble impossible de prévoir autre chose que l’aggravation de la tension dans ce qui est déjà une “guerre civile froide”, ou « la politique américaine[…] devenue guerre civile par d’autres moyens [que la violence classique] », comme l’écrit James B. Jatras :

« Ceux qui en appellent à plus de civilité et à un retour au discours policé peuvent s’épargner cette peine. Il est beaucoup, beaucoup trop tard. [...] Même si Patrick Buchanan a raison d’observer que le degré de violence intérieure n’atteint pas celui qu’il a connu en 1968, la profondeur de la division existentielle est bien plus grande. »

C’est ce qu’Ilana Mercer nomme The Desunited States of America, en développant un discours radical, encore plus pour une paléo-conservatrice, en allant jusqu’à la faiblesse originelle de cet assemblage qui n’a plus rien d’une nation parce qu’il ne l’a jamais été, – décidément 2020 et ce qui précède ressemble bien à 1860 et ce qui précéda, en plus décisif : « Les USA ne sont pas unis, pas plus que l’Amérique n’est une nation de quelque point de vue qu’on l’observe. Elle ne l’a pas été depuis bien longtemps. [...] L’Amérique est une économie, pas une nation. [...] Une coexistence délicate, et nullement une unité forcée, est le seul espoir pour un retour au calme dans ce pays. Une désunion respectueuse est la seule voie acceptable qui s’ouvre à nous. »

• Là-dedans, observons-nous pour faire un aparté trumpiste, le président Trump est bien le modèle que pressentait Michael Moore et que nous avons toujours privilégié, un « cocktail Molotov humain[...] que les gens lancent sur notre système politique ». En se référant pour l’esprit de la chose au film V for Vendetta, Tom Luongo trouve une autre image, mais complètement similaire, ce qui montre la durabilité et la résilience de la perception de la situation : « Les gens veulent que l'ordre politique actuel soit démantelé. Et ils ont choisi Trump pour faire exactement cela. Lancez un train rempli de dynamite vers le Capitole et faites-le exploser. »

• Les Russes sont-ils “les seuls adultes” dans la « maisons de fous » ? Ils observent, incrédules et stupéfaits, à la fois ces incroyables désordres internes à finalité déstructurante de chacun de leurs “partenaires”, et à la fois ces provocations, menaces, anathèmes que les mêmes, acteurs épuisés d’une civilisation exsangue, ne cessent de leur lancer. Le Saker-US, lui, ne cesse pas de ne pas en revenir, face à un tel désordre, un tel déni, une telle schizophrénie fardée en simulacre : « Un diplomate russe de haut rang confirme que la Russie se prépare à la guerre – Quelqu’un y prête-t-il attention ? ». On connaît certes les divers épisodes, y compris les plus récents et les plus pressants, de la stupéfaction sans fin et de l’incrédulité sans bornes des Russes devant nos agitations ; dans l’article cité, le Saker-US décompte les articles qu’il a publiés depuis 2014 pour dire et redire la même chose dans la « maison de fous » : “Halte au fou !”, – mais c’est comme s’il criait dans le désert...

• Car le lieu peut-être le plus extraordinaire par son exotisme de la « maisons de fous », c’est l’OTAN en ribaude jusqu’à après-demain, en Norvège, bien loin du désert où l’on crie “Halte au fou !”, pour les “grandes manœuvres” Trident Juncture. Le rapport qu’on peut en faire, au milieu de ce qui est quasi-officiellement qualifié de “chaos” dans les opérations de communication, avec assentiment de la presseSystème, concerne le froid glacial de l’affaire d’une part, peut-être comme un signe paradoxal du Ciel et du “réchauffement climatique” ; et, d’autre part et selon une source du meilleur aloi possible, l’atmosphère lugubre qui entoure un milieu, – celui des officiels, des membres zélés et des généraux de l’OTAN, – où « la guerre prochaine avec la Russie est perçue comme inévitable, comme une certitude »

... Tiens, pour cette fois depuis bien longtemps dans un tour de l’horizon crisique, pas un seul mot de la Syrie... Même la crise syrienne ne tient plus le rythme du tourbillon crisique.

Notre 11-novembre & Ferrero

  dimanche 04 novembre 2018

Nota Bene : Ce texte divisé en deux parties comprend un extrait important d’une conférence donnée par l’historien Guglielmo Ferrero à l’hiver 1916-1917. Ce texte est le quatrième d’une série de dix reprises du site dedefensa.org(plus un inédit), concernant la Grande Guerre. Cette série nous mènera jusqu’au 11-novembre, date du centenaire de la fin de ce conflit.

11 novembre 2008 — Nous n’avons ni l’habitude, ni le goût des commémorations. Cette fois, la chose est différente, pour le 90ème anniversaire de la Grande Guerre. Il y a deux raisons à cela.

La première, nos lecteurs en ont déjà lu là-dessus,– certains ont eu même l’aimable sagesse, dont nous les remercions, de passer une commande de son objet. Il s’agit du livre d’histoire et album de photos à la fois, Les Âmes de Verdun. [...]

L’on sait que cet ouvrage, en plus d’être de circonstance, entend marquer une circonstance historique essentielle en lui donnant toute sa puissante actualité. (Bien sûr, dans ce cas, “Verdun c’est bien plus que Verdun”; notre Verdun c’est la Grande Guerre et, en vérité, la Grande Guerre dans la dimension que nous lui donnons ici, qui dépasse très largement cette guerre.) Le 90ème anniversaire de la Grande Guerre apparaît alors comme un événement riche d’une opportunité historique poursuivie jusqu’à nous, en plus d’être la commémoration qu’on sait. C’est toute la thèse du livre et c’est aborder la deuxième raison, le second argument de cet article. Nous estimons en effet que la Grande Guerre est l’événement fondateur de la crise dont nous subissons aujourd’hui les soubresauts gigantesques. Au contraire de l’école de pensée, puisque école et puisque pensée il y a, de l’historiographie moderne ou postmoderne, histoire réduite aux abats dont la quête zélée et constante a été de chercher à réduire l’événement à un monstrueux artefact sociologique ou nationaliste et à le priver de tout sens évidemment, au contraire de cette entreprise réductrice nous estimons que la Grande Guerre est un événement fondamental dont le sens foudroyant éclaire toute la crise de la modernité. La Grande Guerre n’est pas tant essentielle pour avoir provoqué le désordre du XXème siècle que pour avoir révélé avec une brutalité inouïe la crise de la modernité qui s’organisait et montait vers son paroxysme depuis la Renaissance, le XVIIIème siècle, la Révolution française et la “révolution tranquille” de la machine et du choix de la thermodynamique comme source d’énergie pour la civilisation industrielle. A cette lumière et par-dessus le XXème siècle qui fut surtout à partir de son deuxième tiers la tentative de dissimulation de la crise de la modernité derrière le masque sanglant des idéologies, le lien entre elle et nous est droit, clair et sans le moindre pli, bien plus qu’entre tout autre événement du XXème siècle et nous-mêmes. Nous parlons ici de l’esprit, nullement des allégeances idéologiques et du rangement du conformisme qui caractérisent nos élites attachées aux vestiges du XXème siècle, particulièrement celles qui écrivent la Grande Guerre avec leur technique d’historien des abats.

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Commentaires en cours de route

  dimanche 04 novembre 2018

04 novembre 2018 – Voici quelques remarques en marge de la série en cours d’articles sur la Grande Guerre dans ce Journal-dde.crisis. Une réaction d’un de nos plus prolixes lecteurs que la digression ne décourage pas (Voir “Grande envolée” dans le Forum de 14-18 en diagonale) m’en donne l’occasion.

Peut-être devais-je inconsciemment attendre cette occasion pour insister sur l’aspect fondamental qui va suivre... Il s’agit de mieux faire comprendre mon intérêt considérable pour la Grande Guerre, qui n’a rien à voir avec les passions habituelles dont on débat à ce propos : nationalisme, patriotisme, “guerre démocratique”, “boucherie insensée”, etc. Même si tout cela est présent dans tout regard qu’on jette sur ce conflit, cela n’est en rien essentiel ni déterminant pour moi, en rien et en aucune façon.

L’“aspect fondamental” qui explique mon “intérêt considérable” reflète ceci dans mon esprit que 14-18 est beaucoup plus important, beaucoup plus “moderne” au sens ironique de la remarque, que 39-45 qui est le fruit de tant d’exégèses, passions, arguments, de nos postmodernes. Dans leur bouillie mémorielle dont peu de chats feraient leur pitance, pour faire correspondre le passé à notre présent totalitaire, 39-45 est un complet simulacre pour leur narrative ; mais 14-18, beaucoup plus dangereux, redoutable torpille, attaque inattendue, traquenard par complète surprise, et par-dessus tout argument extrêmement “moderne” pour pulvériser l’argumentation de la postmodernité en faveur d’elle-même.

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La globalisation, un siècle plus tôt

  samedi 03 novembre 2018

... Nous enchaînons sur notre “F&C” du 6 mai [2008] développé à partir du texte de Fareed Zakaria, apprécié essentiellement comme une ode à la gloire, à l'efficacité et au bonheur de la globalisation. Nous avons tenté de montrer combien la description que fait Zakaria de la globalisation distille un optimisme structurel, malgré quelques broutilles sûrement jugées comme “conjoncturelles” que concède Zakaria. Nous observons évidemment combien cette analyse contraste avec celle que nous faisons, avec d’autres, à partir d’une appréciation catastrophique de la situation de notre temps historique, de la situation du monde dans sa dynamique de globalisation, tout cela notamment à cause des contraintes qu’impose cette dynamique.

Nous allons renforcer notre argument en le situant dans une perspective historique. Nous publions ci-dessous un extrait d’un travail en cours de préparation [...] qui a pour objet essentiel la bataille de Verdun, et qui s’appuie notamment et bien évidemment sur une appréciation générale de la Grande Guerre et des causes de la Grande Guerre. 

(Suite)

14-18 en diagonale

  vendredi 02 novembre 2018

J’ai acquis à mesure des années passées une perception de plus en plus vive, et aussi de plus en plus chaleureuse et tragique de la Grande Guerre ; une perception gouvernée par une empathie de l’âme qui va jusqu’à l’irrésistible et au sublime ; une perception mesurée par le temps, comme si, en m’éloignant de l’événement terrestre, le temps qui passe me rapprochait de sa substance spirituelle. L’intuition, l’émotion, la compassion extraordinaire que j’éprouve devant tant d’horribles souffrances tiennent une place considérable dans cette perception, que la raison ne dément pas une seule seconde. Chaque fois que je regarde la fin de ce documentaire sur les restes préservés de Verdun (la campagne encore martyrisée malgré la repousse de la nature, telle croix posée ici, une marque commémorative, des restes d’une position d’une pièce d’artillerie, un blockhaus rouillé, des galeries de repos, la trace d’une tranchée, etc.), — la fin avec ce long plan en mouvement lent qui dure près d’une minute, filmant les alignement des tombes de Verdun vers l’Ossuaire entre les rangées d’arbres élancés et espacés, qu’une musique lente, funèbre mais non dénuée d’apaisement accompagne avec une solennité poignante, qu’une voix grave et contenue d’émotion dit le quatrain de Péguy :

«Mère, voici vos fils qui se sont tant battus,

»Qu'ils ne soient pas jugés sur leur seule misère.

»Que Dieu mette avec eux un peu de cette terre

»Qui les a tant perdus et qu'ils ont tant aimée.»

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Retour à Verdun

  jeudi 01 novembre 2018

Ce sont les hasards du calendrier, un vieux projet ressuscité, le goût du retour vers un passé intuitivement deviné comme fondamental qui nous poussent vers Verdun quelques jours après la date symbolique choisie pour la commémoration du 90ème anniversaire de la bataille (les 15-17 novembre 2006 après le 11 novembre). La commémoration n’est pas dans nos habitudes ni dans notre penchant psychologique. C’est le hasard de cette immense bataille qui fait rencontrer, inscrite sur une des voûtes de l’Ossuaire National de Douaumont qui nous apparaît comme un des plus bouleversants monuments qu’on puisse concevoir, la mention d’un presque-homonyme mort pour la France (“Emmanuel de Grasset, brigadier, 6-10-89, 11-10-14”).

L’Ossuaire est écrasant. Il vous laisse sans souffle et sans un mot. Bientôt naît un sentiment diffus que vous retrouverez plus tard, amplifié, bientôt identifié si la visite se passe comme on doit désormais souhaiter et prier qu’elle se passe, — mais ici, certes, je parle pour moi comme si c’était l’auteur qui se parlait à lui-même devenu lecteur… Sentiment diffus, dis-je, et bientôt étrange, et bientôt surprenant. Le sentiment s’élargit, se renforce et se structure. Il se transforme en une méditation profonde et féconde, née de l'intuition et de l'initiation.

On découvre combien, autour de l’Ossuaire et, bientôt, sur tout le vaste territoire géographique de la bataille, celle-ci nous est restituée par l’innombrable présence de constants rappels de tous les événements qui la recomposent, jusqu’aux plus anodins. Une tombe ici, en pleine nature, sans une inscription et pourtant fleurie, un “cimetière” là, qui est un enclos pentu et feuillu, et soigneusement entretenu, d’une vingtaine de mètres de côté sans une seule tombe, avec une croix dressée sur un mausolée en son centre, quelques conifères, le sol herbeux et moussu et coupé ras, lieu à la fois harmonieux, serein et symbolique, d’où sourd un sentiment de paix haut et puissant. L’événement passé nous devient familier sans que nous le reconnaissions, rencontré à chaque détour de sentier. Nous y sommes car nous devenons son contemporain.

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Notre centenaire

  mercredi 31 octobre 2018

31 octobre 2018 – J’ai rappelé hier notre (ici à dedefensa.org) et mon intérêt extrême porté à la Première Guerre mondiale, la Grande Guerre, cela dans la perspective du centième anniversaire de son terme, qu'il s'agisse de la paix ou de la victoire.  Le même propos peut évidemment introduire cette page d’aujourd’hui, d’ailleurs brièvement annoncée hier :

« J’imagine qu’on a déjà identifié chez l’auteur de ces lignes une plume particulièrement sensible à la Grande Guerre, dans toutes ses nombreuses et exceptionnelles dimensions. On sait que nous approchons à grand pas du centième anniversaire de l’armistice et que Notre-Président, historien fameux et moraliste sans égal, célébrera la paix et nullement “la victoire”. »

D’où cette décision de commémorer à notre manière ce centième anniversaire, par un procédé bien simple qui tient de la reprise et du rappel des choses. Il y a de très nombreux textes sur la Grande Guerre dans les archives de dedefensa.org. Il est assez simple d’y accéder mais, souvent, le lecteur peut passer outre, remettre à plus tard, oublier d’y revenir, etc., bref perdre de vue le texte qu’il aurait voulu consulter. Nous allons nous “rafraîchir” la mémoire par un procédé très simple et qui ne gênera personne sans trop interférer sur notre travail quotidien : une reprise quotidienne, dans ce Journal-dde.crisis, de dix textes déjà publiés, terminant par un onzième qui sera inédit, jusqu’au 11-novembre. (On en dira plus, le temps venu, sur ce texte inédit.)

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Le sacrifice des élites

  mardi 30 octobre 2018

30 octobre 2018 – J’imagine qu’on a déjà identifié chez l’auteur de ces lignes une plume particulièrement sensible à la Grande Guerre, dans toutes ses nombreuses et exceptionnelles dimensions. On sait que nous approchons à grand pas du centième anniversaire de l’armistice et que Notre-Président, historien fameux et moraliste sans égal, célébrera la paix et nullement “la victoire”.

(...Drôle de paix comme l’on dit “la drôle de guerre”, selon Keynes et Bainville qui publièrent aussitôt à ce propos, presque parallèlement pour des essais presque parallèles, et brandirent chacun à sa façon leurs prophéties des catastrophes que la chose monstrueuse, la paix de Versailles, nous préparait, – l’un Les conséquences économiques de la paix [1919] et l’autre Les conséquences politiques de la paix [1920].)

Cette proximité fait renaître le prurit de l’affectivisme qui constitue le principal moteur de la fabrication constante et en série du simulacre nommé “récriture de l’histoire” ; notre époque est passée maîtresse dans cet art de la manipulation au nom de ses affects chargés de vertueux sentiments et de sentiments orientés. Ainsi reparle-t-on de tous les lieux communs de cette horrible boucherie que fut la Grande Guerre, des hommes, – je parle des “poilus”, simples soldats, – lancés là-dedans comme “chair à canon” tandis que les généraux se gobergent loin du front et que les officiers d’en-dessous essuient leurs monocles qu’un peu de boue encrasse. Même des gens aussi intelligents qu’un Stanley Kubrick mordent à belles dents à cet hameçon si tentant (Les sentiers de la gloire), provoquant en retour la stupide attitude censureuse de la bureaucratie française.

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Une histoire belge : le choix des Belges

  dimanche 28 octobre 2018

28 octobre 2018 – La pensée même de cet article m’épuise absolument, et je ne m’y mets, je vous l’avoue, qu’après avoir tant repoussé l’instant de m’y mettre : parler du JSF (F-35), de la Belgique, du choix que ce pays vient de nous annoncer (le F-35), du mécontentement discret mais un peu goguenard des Français, du “Je regrette” de Macron, – tant de médiocre bassesse repousse ma plume qui se refuse à se tremper d’une encre si médiocre. Je chancelle sous le poids de leur surhumaine sottise, avec presque de l’admiration dans mon exaspération : “Comment peut-on l’être autant, si longtemps, si complètement, si décidément, si joyeusement, si content-de-soi ?”

Car enfin, comment, aujourd’hui, avec tout ce que l’on sait hors des virements et donations mensuelles de Lockheed Martin, oui comment peut-on choisir cet incroyable fer à repasser et badigeonner sur son fuselage “avion de combat”, cela pour avertir les Russes qu’il s’agit bien d’un combat aérien qui s’engage ? Comment peut-on croire les Américains sur leurs promesses alors qu’ils se conduisent partout en pirates, faussaires, faux-frères, traîtres et parjures, scandaleux escrocs empilant leur montagne de faux talbins (*) ? Le plus fort, non le plus éclatant et le plus évident, c’est que les Belges ne sont pas de “mauvais Européens”, comme les Français le laissent entendre parce que ce qu’ils ont fait, qui est de faire leur petite commission face aux Yankees de façon à ce que se poursuive le tango transatlantique, eh bien il n’y a vraiment rien de plus “bon Européen” selon l’esprit de Notre-Europe. Tous leurs matamores de l’UE ne font pas autrement, et quant au Macron.

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T.C.62 : les USA survivront-ils en 2019 ?

  jeudi 25 octobre 2018

A chaque fois, chaque occasion, chaque éclat, je m’interroge : est-il temps de dire que la situation est d’une ultime gravité aux USA ? Ou bien : quel crédit faut-il accorder à cette “guerre civile de communication” qui les déchire depuis l’été 2015, avec une violence verbale et gestuelle plutôt qu’active, inimaginable d’intensité ? On peut donc s’interroger dans ce sens, en toute candeur et sans hésitation, sur la valeur évènementielle de cette campagne de “colis suspects” entamée le 24 octobre contre les vedettes du mouvement progressiste-sociétal, d’Obama-Hillary à Robert de Niro, en passant par CNN.

L’hystérisation de l’atmosphère politique aux USA rend cette atmosphère irrespirable et fait suffoquer les psychologies, et s’amplifier les jugements. Tous les éléments de l’affrontement postmoderne sont réunis, avec des accusations diverses volant d’un camp à l’autre, avec une rupture complète de “civilité”, du sens de l’appartenance à la même patrie, de la solidarité courante. On dirait que le diable tourbillonne comme la Grande Crise, pour enfin trouver l’échappée qui transformera le paroxysme psychologique en événement catastrophique : comment faire, enfin, pour que la “guerre civile” s’institue en véritable catastrophe !

A la “crise” des migrants venant par “caravanes” (au moins deux désormais) au travers du Mexique jusqu’à la frontière des USA où Mattis envoie d’ores et déjà ses Marines, sans doute le jour des élections midterm car la chorégraphie est bien réglée, s’est ajoutée, selon une logique implacable et une chronologie impeccable qui font songer certains à une diversion, cette étrange campagne de “colis suspects”. L’affaire est suffisamment trouble, pressante et paroxystiquement mise en évidence, avec l’inévitable grain de Soros (Soros Junior dans ce cas), pour ouvrir le champ aux accusations d’une vraie vague terroriste comme à celles du coup monté (l’inévitable  “false flag”) pour favoriser les démocrates dans 15 jours. D’ici là, si vous avez du temps à perdre, consultez le New York Times qui publie une comptine de Zoe Sharp vous expliquant comment enfin l’on a fini par assassiner Donald Trump.

Historien et contributeur de la chaîne archi-sociétale et très populaire MSNBC, Jon Meacham, lui, n’a aucun doute là-dessus, – et l’on remarquera que sa référence n’est plus JFK mais Lincoln, c’est-à-dire la “guerre civile”... « C’est, je pense, l’attaque la plus importante contre la vie de hauts responsables américains, et qui pourrait même la dépasser en ampleur, depuis le complot pour l’assassinat d’Abraham Lincoln en 1865. Le potentiel de catastrophe de cette attaque était énorme, son ampleur est fascinante et je pense que tout cela nous dit qu’à chaque époque de grande querelle politique dans ce pays, il y a une manifestation équivalente de cette querelle en termes de violence... »

Ces faits ont-ils pourtant l’air bien futile ?... La futilité des faits exacerbe la psychologie et conduit au jugement catastrophique. Pourquoi ne serait-ce pas là que se cache la vérité-de-situation ? 

Le chroniqueur y songe, sa plume s’interroge...

T.C.-61 : Déstructuration et déconstruction métahistoriques

  dimanche 21 octobre 2018

21 octobre 2018 – La crise-Khashoggi, car c’est bien d’une crise qu’on peut désormais parler, menace un des axes fondamentaux de cette chose-USA qui se représente comme “empire”. Il s’agit bien sûr de l’axe moyen-oriental conduisant à ce que Brzezinski nommait en 1979 “l’arc de crise”, du Soudan à l’Inde. 

Parallèlement, dans un sens géométrique comme dans un sens chronologique, l’intention annoncée par Trump de sortir du traité INF de 1987, c’est-à-dire de le détruire puisqu’il ne comporte que deux signataires avec l’URSS devenue Russie, menace dans ses effets l’autre axe fondamental du même “empire”, l’axe transatlantique. Cette seconde crise annonce une situation chaotique pour la sécurité européenne.

Chacune de ces deux crises a ses raisons d’être, ses dynamiques propres, ses “accidents” internes, voire ses desseins et destins spécifiques pour suggérer une explication propre mais qui ne reste que circonstancielle. Dans l’état présent des choses qui ne préjuge pas de l’avenir et si elles sont prises ensemble comme elles doivent l’être, leur véritable signification est celle d’une déstructuration de la forme et de la charpente de sécurité mises en place et maintenues par les USA durant le deuxième moitié du XXème siècle pour projeter la protection de leur sécurité en imposant l’ordre du monde qu’ils jugeaient nécessaire.

Du point de vue de la posture stratégique, il s’agit de la déconstruction la plus essentielle possible de la forme de la géostratégie du monde, et une déconstruction dont nul ne sait la cause majeure et centrale, ni les conséquences fondamentales. On comprend, du fait de leur importance comme de leur correspondance, que ces deux crises ne peuvent être perçues que comme les éléments d’une seule et même Grande Crise, celle qui institue l’Effondrement du Système.

Tout cela se fait à deux semaines d’une électionmidterm que certains qualifient de “la plus importante de toute l’histoire des USA”. Nul, même pas les acteurs de ces événements, ne peut dire si le lien qu’on est conduit à faire entre ces différents événements, – les deux axes en danger de rupture et les élections midterm, – a été voulu et/ou manigancé par des conceptions et des manœuvres humaines embrassant tous leurs caractères jusqu’à leur signification commune. Il reste que ce lien, même de simple coïncidence, apparaît aussi brutalement que les événements qu’il tient ensemble et qu’il est sans aucun doute de l'essence même des grands événements métahistoriques de l’histoire du monde.

Compteur et clin d'oeil pour dedefensa.org

  samedi 20 octobre 2018

20 octobre 2018 – D’abord, je vous annonce, amis lecteurs, une nouvelle dont vous avez peut-être, sans doute, repéré la manifestation écrite : sur le bandeau au-dessus de chaque article (nom de la rubrique, la date, “Forum”, etc.), une nouvelle indication, avec un petit œil et un chiffre qui varie, qui vous indique le nombre de fois que l’article a été “ouvert”, en principe et je l’espère, pour une lecture attentive et bienveillante. C’est une grande innovation pour nous !

Bien entendu, j’entends les rires et sourires. Tout le monde fait cela ou presque, et voilà que le père-PhG s’imagine faire entrer dedefensa.org dans le grand domaine des innovations technologiques avec ce clin d’œil. On avait déjà installé des compteurs Facebook et quelques autres mais je dois avouer que je n’appréciais qu’à demi cette comptabilité boiteuse des initiatives accessoires, d’autant que je n’utilise ni Facebook, ni Tweeter. Je suis un peu un fossile, un dinosaure amaigri perdu dans le grand champ postmoderne de l’internet ; aussi préhistorique que les plus antiques traditions... Et puis, récemment, j’ai eu assez de ces FacebookTweeter, etc., avec leurs frasques honteuses, insupportable présence des délateurs & censeurs.

J’ai fait sauter tout cela, puis j’ai songé à faire installer un compteur direct sur les accès aux articles, hors de toutes ces simulacres de réseaux sociaux manipulés par le Système. J’ai donc fait un grand pas, la chose fonctionne depuis le 14 octobre, accessible à tous depuis hier. Figurez-vous que cette innovation de diplodocus m’a apporté un aussi grand plaisir qu’elle a constitué un grand pas à faire. Cette comptabilité sans intermédiaire, directement du lecteur au site comme si le lecteur m’adressait un clin d’œil d’encouragement, m’a apporté une réelle satisfaction psychologique et morale..  Que vous le croyez ou pas, que vous trouviez cela étrange ou non, sachez bien que cette toute petite initiative qu’on trouve partout ailleurs a contribué fortement à repousser, voire à briser la solitude que je ressens parfois, à mon établi d’écrivaillon, devant mon écran vide que je noircis constamment de mes élucubrations électroniques, qu’il faut que je nettoie régulièrement, avec plus ou moins de succès pardonnez-moi, de ses innombrables coquilles.

Voilà, c’est tout, un peu de solitude vaincue...

Là-dessus et pour terminer ce message sans prétention, et l’occasion faisant le larron, je fais ce que je n’ai jamais fait dans ce Journal-dde.crisis, puisque le 19, jour où la comptabilité des articles vous a été ouverte, lançait l’habituelle campagne de fin de la donation mensuelle. Je fais un appel à votre soutien, alors que notre démarrage est bien lent ce mois-ci.

Vous avez lu hier, dans ces pages, une modeste contribution à la dénonciation du racket-Système que les censeurs-à-gage infligent aux résistants du samizdat. C’est bien assez pour vous rappeler la précarité de la situation de la presse-antiSystème, dont nous sommes de fervents acteurs, avec nos possibilités, nos capacités. Aidez dedefensa.org, amis lecteurs, on peut dire qu’il le mérite.

Salut-à-toi, Nouveau-Samizdat

  vendredi 19 octobre 2018

Les petits freluquets au visage bien net malgré les pseudo-barbes de certains, – Sartre aurait pu écrire “petits salopards” a peine au sens sartrien du terme, et plutôt au sens nihiliste finalement, – les freluquets, donc, arrivent à un résultat significatif et nous apparaissent tels qu’en eux-mêmes : censeurs diaboliques à gentille frimousse d’ado baladant leurs tee-shirts parsemés de $milliards. Je n’imaginais pas qu’on puisse accomplir son ambition et sa réussite exceptionnelle en singeant la fraîcheur de l’esprit de l’adolescence prolongée, dans la posture de balance céleste, de donneur cosmique, de délateur étoilé, dans la position assumée d’auxiliaire zélé des forces officielles du déchaînement de la MatièreIls y sont, pourtant.

(Je parle de Zuckerberg et toute sa bande, au cas où il nous faudrait un téléprompteur pour bien nous comprendre. Je conchie cette époque des GAFA-censeurs où l’âme semble se dévorer elle-même avec voracité, en dévorant tout ce qui est inversion et subversion pour nourrir l’appétit du complet simulacre de la vertu.)

Dans l’hypothèse où nous ne nous le serions pas dit, qu'on sache tous que le mois d’octobre a vu une avancée redoutable de leur contre-civilisationFacebook en tête et le reste suivant à la queue-leu-leu. Ce ne sont pas les loups qui sont entrés dans Paris, camarade, ce sont les censeurs ; ils agissent au nom du Système ou de ses représentants appointés. A côté, les inquisiteurs avaient au moins l’allure de la langue et de l’ordre, et ils ne se cachaient pas d’être ce qu’ils étaient. Les censeurs postmoderne sont des pue-la-mort fardés en jeunes gens entreprenants, aussi secs que la terre devenue poussière des grandes sécheresses capitalistes, sans culture, sans le moindre caractère ; comme je fais de leur époque je les conchie roborativement et sans retenir ma peine, et sans véritable colère mais comme une chose allant de soi.

(Suite)