Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.

Ils ont tous peur, moi aussi

  samedi 28 mai 2016

Oui, je crois qu’ils ont tous peur, monsieur Bibi Fricotin, Mélenchon, Trump et tous les autres, et moi aussi comme je l’écris. Dommage qu’on ne puisse écrire “ils ont tous angoisse, et moi aussi”, car c’est de l’inconnu terrible qui nous enveloppe impitoyablement que nous avons peur, et pour moi la peur de l’inconnu se nomme angoisse. (Seuls n’ont pas peur les hallucinés comme Hillary et les gastéropodes comme le président-poire, mais ils n’importent en rien ici et nous leur disons, comme disait Montherlant qui a droit de cité et de re-cité : « Va jouer avec cette poussière. » Notre dérision est un instant de détente et de grâce que nous nous accordons dans le cours de ce compte-rendu assez sombre.)

Cette page contrastera notablement sinon radicalement avec la précédente, sur “le Système”, où je développais une démarche construite, faite d’une réelle fermeté sur laquelle j’appuie mon antidote divin à la peur/angoisse, fait d’un élan et d’une ardeur qui sont comme une respiration qui est le souffle de la vie qui ne craint rien, même pas la mort, – pas du tout la mort, avec laquelle je ne craindrais même pas, s’il le fallait, d’avoir un rendez-vous fixé précisément et que, “fidèle à la parole donnée” comme dit Seeger, je ne manquerais pas... Mais il y a des moments où l’on s’essouffle, et ils ne sont pas rares dans ces temps maudits, et alors la peur, cette vieille compagne que je nomme angoisse comme pour me rassurer, réapparaît, toujours aussi sûre d’elle et presque méprisante... Tremble, carcasse, tu n’est que le jouet d’un destin dont je sais des choses que tu n’imagines pas ; l’inconnu qui habite ces menaces, voilà qui me glace ; et je m’insurge, en mesurant la vanité de l’insurrection, ce qui redouble l’angoisse.

Moi aussi, j’ai vu Mélenchon lors de l’émission (A2, jeudi soir, mais en enregistrement hier) qu’évoque monsieur Bibi Fricotin et, en vérité, je l’ai perçu plus comme angoissé que fatigué, c’est-à-dire habité par la peur. Mais l’on dira justement que la fatigue est une forme subtile et indirecte de la peur, alors il n’y a pas de véritable désaccord de perception. De même, j’estime que Trump a cédé à une certaine forme de peur, celle que lui ont instillée ses conseillers lorsqu’ils l’ont convaincu d’abandonner le face-à-face qu’il avait proposé à Sanders, et qui était un bel acte antiSystème d’une complicité nécessaire entre les deux. Cette peur qui est nôtre également, c’est celle du Système, et dans ce cas du Système et de ses convenances puisque c’est pour des motifs de convenance-Système qu’il (Trump) justifie son retrait d’un événement qu’il avait lui-même lancé en le justifiant par les manigances du parti démocrate contre Sanders, alors qu’il donne désormais quitus au parti adverse de ses manigances (“Maintenant que je suis le candidat quasi-officiel du parti républicaine, il me semble inapproprié de débattre avec le second [de l’autre camp]”). Deux heures avant ce communiqué, il proclamait devant une foule rassemblée à Fresno : « I’d love to debate Bernie ! » Sanders a beau jeu, et il a bien raison, de ridiculiser Trump en la circonstance, et Trump le mérite bien, qui devrait songer à ne pas trop écouter ni ses conseillers, ni la voix de sa pauvre raison de milliardaire soudain placé devant ce mystère non côté en Bourse qu’on nomme destin :

« In recent days, Donald Trump has said he wants to debate, he doesn't want to debate, he wants to debate and, now, he doesn't want to debatet. Given that there are several television networks prepared to carry this debate and donate funds to charity, I hope that he changes his mind once again and comes on board. »

(Suite)

Le Système et « les forces de l’Esprit »

  mercredi 25 mai 2016

Maintenant que l’ouragan dans notre petit monde (celui des commentaires sur ce Forum) est apaisé, maintenant qu’il apparaît fixé que le rythme et le style des commentaires sur dedefensa.org tels qu’ils sont constituent plus un signe de bonne santé qu’une sorte de repliement, je peux revenir (on dirait : paradoxalement ?) à un de ces commentaires qui m’avait arrêté dans la mesure où il ouvre la voie sur un sujet mille rabâché mais dont je crois qu’il est bon de l’aborder dans le cadre du Journal-dde.crisis, – ce qui n’a pas été fait jusqu’ici, en tant que tel, aussi précisément. Le commentaire est celui de Mr. Bryan Carreyron, que je reprends complètement, qui pose une question à laquelle il me demande donc d’apporter une réponse qui recoupe tant de textes de dedefensa.org, mais qui ajoute cette dimension d’être personnelle :

« Vous voulez des commentaires ? En voilà un ! Qu'en ferez-vous ?

» Le Système est.

» Mais, qui fait fonctionner le système, l'utilise et dans quel but ?

» Voilà qui va vous faire sortir de votre paradigme rotatif. »

Réponse, donc, parce qu’il m’intéresse diablement de préciser, pour mon compte personnel et plus seulement dans la forme plus impersonnelle courante des textes de dedefensa.org, le sujet qu’aborde la question... Donc, le Système, – ou plutôt, “toi, le Système”, comme disait le titre du film (Toi, le venin). On en parle tant, on utilise tant le mot, on reconnaît tellement son existence (“Le Système est” coupe péremptoirement notre lecteur) que jamais une explication supplémentaire à son propos n’est inutile.

Pour faire court sur son historique selon ma conception et mon rangement : le Système est l’organisation technologique et de communication du monde à partir du noyau suprémaciste BAO, mais surtout anglo-saxon, qui est une sorte d’opérationnalisation de l’événement nommé “déchaînement de la Matière”, constituant pour ma conception une rupture aussi nette que la chute du couteau de la guillotine dans l’histoire-tout-court (ou histoire-Système) contemplée par la métaphysique (c’est-à-dire métahistoire) ; qui est le moment où tout bascule, de ce qui était une civilisation, en une contre-civilisation. Vous trouvez tout cela dans une kyrielle de textes sur les près de 12.000 (11.837 exactement non compris celui-ci) figurant dans la bibliothèque-documentaire virtuelle du site ; et, bien sûr, vous trouvez tout cela dans La Grâce de l’Histoire (Tome I).

Dans mon esprit également, et toujours pour faire court, le Système c’est le Mal, et le “déchaînement de la Matière” c’est la prise du pouvoir par le Mal, avec tous les pouvoirs bientôt délégués au Système, souverain absolu et totalitaire. Disant “le Mal”, je parle évidemment du point de vue de la métaphysique. Ma représentation des effets et de l’action du Mal n’a rien à voir avec la morale, la justice, etc., mais avec les valeurs métaphysiques inverties que constitue la trilogie chronologique déstructuration-dissolution-entropisation (le “fameux” dd&e). Si l’on veut représenter cela d’une façon extrêmement concrète, presque palpable, je dirais que le Mal a pour but de déstructurer, de dissoudre les débris nés de la déstructuration, et de réduire le tout à l’état d’entropie conçu également d’un point de vue métaphysique, – c’est-à-dire le Rien, le Néant (ce pourquoi je parle également de néantisation). Cela implique que je perçois tout ce qui n’est pas le Mal, c’est-à-dire le monde tel qu’il est lorsque le Mal ne se manifeste pas, nullement en termes de morale ni de justice, mais en termes de formes qui réunissent ce que l’esprit humain traduit par des vertus telles qu’amour, bonté, esthétique, etc... Ces formes sont également une triade : harmonie-équilibre-ordre. On doit retrouver cette triade partout, comme constitutive de l’univers, et pour notre existence et notre histoire, notamment dans les plus grandes œuvres d’art, que ce soit une cathédrale, une Messe de Bach ou même le Balzac de Rodin.

(Suite)

Humeur de crise-13

  dimanche 22 mai 2016

Mazette ! Les humeurs se suivent rapprochées et ne se ressemblent pas pour autant. (Deux “humeur de crise” à la suite, du jamais-vu.) Pour cette fois, humeur étonnée et respectueuse, quoique de crise : je ne pouvais laisser passer sans m’y arrêter cet Humeur de crise-12 où les 17 commentaires (un quasi-record pour un texte) font, en volume quantitatif, combien de fois le volume du texte du texte qu'ils commentent, – 7 fois ? 8 fois ? Du jamais-vu (suite) sur ce site où il est de notoriété publique que le commentaire est rare. Un des premiers commentateurs, Mr. Bryan Carreyron, s’exclamait, emporté par sa plume : « Vous voulez des commentaires ? En voilà un ! Qu'en ferez-vous ? »

Le fait est que je ne disais nullement que j’en voulais, des commentaires, si l’on se rappelle bien ma phrase puisque je demande qu’on lise dedefensa.org pour ce qu’il y est écrit : « Ce site, cette “publication”, dedefensa.org, est absolument remarquable par le très petit nombre de commentaires par rapport au nombre de visites (en moyenne, un peu plus de 7.000/jour). Je ne sais ce que je dois en penser, mais passons... » Les lecteurs, eux, n’ont pas “passé”. Je ne dirais pas que je m’en plains car l’expérience fut du plus grand intérêt et d’une réelle qualité mais je n’en demanderais pas autant à chaque occasion, sachant d’ailleurs que la qualité est une chose trop précieuse pour qu’on y prétende au moindre réflexe.

Je dois même à la vérité de préciser que j’avais, dans une première version de ce texte (ou plutôt d’un autre texte à venir du Journal-dde.crisis où j’avais intégré ces remarques que j’ai finalement retirées pour en faire un texte à part), fait suivre la citation ci-dessus d’une parenthèse où j’écrivais ceci : “Là, j’ai été plutôt aimable car si je m’écoutais, comme plus d’une fois je me suis menacé moi-même de le faire en me traitant de nouille de n’en rien faire, je supprimerais les Forums. Mais ce serait injuste pour une partie des commentaires, autre que celle dont je parle dans ce texte, ces commentaires où il se fait sans aucun doute que l’on y dit des choses brillantes et très intéressantes.” Il est juste de dire que j’écrivais cela au 6ème commentaire alors qu’il y en a eu 17 jusqu’à cette heure, et que l’intérêt, très diversifié, n’a pas décru.

Bien, c’est une sorte d’événement inattendu, une rencontre soudaine et nécessairement imprévue, peut-être un peu miraculeuse, où les choses se mettent à leur place et s’enchaînent, où les plumes se délient, où l’esprit règne. Cela ne modifie par fondamentalement les principes de ce site ni ne modifiera, je pense, la marche courante des commentaires autour de dedefensa.org, dont certains ont fourni des explications importantes à cette occasion. C’est un moment chaleureux, qui montre qu’une humeur de crise peut être chaleureuse elle-même, malgré la crise. Tout est donc bien : nous nous sommes parlés et, je crois, nous sommes bien entendus les uns et les autres.

Humeur de crise-12

  vendredi 20 mai 2016

 Ce site, cette “publication”, dedefensa.org, est absolument remarquable par le très petit nombre de commentaires par rapport au nombre de visites (en moyenne, un peu plus de 7.000/jour). Je ne sais ce que je dois en penser, mais passons. Dans les commentaires qu’il y a tout de même, il existe une veine extrêmement tenace qui consiste en des remarques, souvent critiques, qui s’attaquent à des points, des affirmations, etc., qui n’ont rien à voir avec le sens du texte.

Je ne veux rien faire qui soit ad hominem, parce que je n’ai pas de temps pour la polémique et que ce serait contredire le sens de cette courte intervention. Je résume donc sous une forme caricaturale ou symbolique : “Vous dites que le Système s’effondre mais je ne vois rien de la sorte, il n’y a pas ‘badaboum’ et le Système est plus fort que jamais”. (La thèse de dedefensa.org est que l’effondrement se fait par en-dedans et ne peut se faire que parce que le Système est au sommet de sa surpuissance et donc “plus fort que jamais”, – cela a été dit combien de fois !) Ou encore : vous citez ceci ou cela comme signe de dissolution, mais “ceci” ou “cela” ne représente nullement un revers du Système puisqu’en réalité “ceci” ou “cela” ne représente aucun réel recul du Système. (La thèse de dedefensa.org est que ce qui compte n’est pas la réalité d’un acte, – la réalité n’existe plus, – mais la perception qu’on en a, et dans les cas cités la perception est qu’il y a recul, ou chaos à l’intérieur du Système,– donc il y a recul et chaos.)

Pourquoi mettre tout cela dans une “Humeur de crise“ ? Parce que ces remarques entretiennent la crise des esprits, notamment la mienne éventuellement, dans le sens où il y a le constat qu’il semblerait qu’écrire et encore écrire ne sert pas à grand’chose pour certains, qui ne veulent lire que ce qu’ils veulent et croient lire. L’“Humeur de crise” concerne le fait de la lecture, c’est-à-dire le bon usage notamment de la communication sans parler de l’esprit, – et, dans ce cas, nombre d’antiSystème ne sont pas en reste, loin de là, très loin de là.

Je sais bien que dedefensa.org n’est pas particulièrement fun à lire, je veux dire du point de vue des paillettes, des illustrations, des lampes clignotantes-fluo. On fait dans le genre austère, ce qui est une humeur de crise en soi, mais pour mon compte vive l’humeur de crise. (Certains auront noté que cela n’empêche pas l’ironie.) Bref, si vous lisez dedefensa.org, lisez-le tel qu’il est écrit ; s’il vous fatigue ou n’écrit pas ce que vous voulez et croyez qu’il écrit, passez outre s’il vous plaît et,éventuellement, votre chemin.

Fragments mémoriels préliminaires...

  lundi 16 mai 2016

D’abord et pour me mettre en règle, et pour bien comprendre de quoi l’on parle, et surtout de quoi je veux parler, je rappelle ce passage du petit texte consacré à mon Humeur de crise-11, dont je renforce encore si cela est possible, en le citant, l’importance de l’évènement intellectuel qu’il signale, dans tous les cas dans la perception que j’en ai. Vous voyez que cela nous conduit hors de toute spéculation hasardeuse, et que cela me permet de vous parler d’Algérie sans avoir à présenter quelque justification personnelle qui trahirait, dès les premiers mots, le sens que je veux imprimer à ces réflexions, ou bien au contraire qui ferait croire à autre chose qui ne serait pas nécessairement justifié...

« Un autre aspect du bouleversement en cours, c’est la “révision mémorielle” en cours de la guerre d’Algérie. (Pour ça, voir l’‘Historiquement Show’ 238 du 15 avril, particulièrement Stéphane Courtois parlant du livre de Jean Birnbaum, ‘Un silence religieux, la gauche face au djihadisme’.) C’est un bouleversement qui intéresse ma propre mémoire, et j’y reviendrai un jour ou l’autre. Pour la situation intellectuelle française, c’est également, même si d’une autre façon, un bouleversement parce que la guerre d’Algérie dans le récit officiel actuel (la narrative, pour le coup) est la poutre-maîtresse de la dynamique intellectuelle en cours de la susdite-intelligence française. »

Notez le “C’est un bouleversement qui intéresse ma propre mémoire, et j’y reviendrai un jour ou l’autre”, et admettez que je ne perds pas de temps. Le vrai est que, depuis quelques temps, disons quelques semaines, et comme parallèlement au mouvement intellectuel général d’une réelle importance qui est signalé dans la citation, revient en moi une conscience enfouie, ou plutôt écartée, mise à part, mise en réserve, qui est la conscience que je n’en ai pas eue lorsque survinrent ces évènements terribles de la fin de cette terre, de mon Algérie-perdue.

Il est vrai, en effet, que je vécus tous ces évènements, disons des années 1958-1964, avec une sorte de détachement qui m’était venu naturellement et que je juge aujourd’hui extraordinaire, hors du commun, certains pourraient dire “insouciant”, “désinvolte” sinon “insensible” ; mais détachement qui n’est plus désormais et pour mon compte, inexplicable comme l’on aurait pu en juger sur l’instant. Depuis, il m’est arrivé bien entendu de parler notamment d’Algérie, directement ou indirectement et selon des approches qui évitaient de trop m’attarder aux évènements sinon à l’événement lui-même, qui concernaient essentiellement mes propres sentiments, les effets sur ma perception et mes conceptions générales. Rien de tout cela ne peut être renié, sans aucun doute, et même, au contraire, tout cela peut et doit se trouver renforcé, enrichi, consolidé...

(Suite)

Les incontinences de François H., le rappeur de l’Élysée

  jeudi 12 mai 2016

En un sens, ce type, François H., est plus “performant” en fait de déconstruction qu’un Robespierre ou qu’un Lénine. Il a l’air bonasse du notaire de province rougissant et un peu moite qui va au boxon tirer son coup en douce, mais c’est désormais un habitué. Dans tout ce qu’il fait, François H. parvient à une quasi-perfection dans l’acte maléfique, et surtout dans l’auto-dissimulation de cet agir-là qu’il réalise comme on tire la chasse, en catimini et en col-cravate. Bref, c’est pas mon genre...

Tout cela pour dire qu’il a réussi à me faire signer une pétition, pour la première fois de ma vie. (Je suis le citoyen démocratique modèle tel que je le rêve : j’ai voté une fois dans ma vie, j’ai signé une pétition une fois dans ma vie, et cela à l’un et l’autre bout de ma vie.) Déjà, avant-hier, en lisant ceci sur RT-français, j’étais un peu mal à l’aise, – vous savez, comme lorsqu’on va s’indigner de quelque chose et que l’on ne va pas plus loin, – “à quoi bon ?”, se dit-on, épuisé de tant d’indignations diverses, et puis appelé à une tâche urgente que vous prépariez déjà... Tout de même me disais-je encore, choisir un rappeur pour célébrer Verdun, tout de même ... Et puis, autre chose à faire...

(RT : « Afin de commémorer le centenaire de la plus meurtrière des batailles de la Première Guerre mondiale, le gouvernement a décidé d’organiser un concert de rap le 29 mai. [...] L’Elysée souhaitait un rendez-vous populaire qui fasse la part belle à la jeunesse. Il a donc organisé un concert gratuit pour commémorer les cent ans de la terrible bataille de Verdun. Jusque-là, rien de bien clivant. Sauf que la tête d’affiche n’est pas pour plaire à tout le monde. C’est Black M, rappeur issu du groupe Sexion d’Assaut, qui a été choisi. Accompagné de Lefa et Abou Debeing, il chantera le 29 mai au Parc de Londres, à Verdun. »)

Hier matin, je reçois un message annonçant une pétition et m’invitant à la signer, et alors là, c’est vrai, la chose explose silencieusement dans mon esprit, se réalise, s’impose complètement et je n’y tiens plus ! Je signe aussitôt, et, pour faire suivre à qui le voudra, envoies la pétition ici ou là ; ce moment-là, à cet instant, était absolument opportun. Soudain, tout s’est assemblé dans mon esprit, et ce qu’est Verdun pour moi, et les voir là, qui ont trouvé cette trouvaille de “communicant” trouveur-de-trouvaille, absolument atroce, signe affreux d’un caractère complètement dissous, – même pas dissolu, non dissous, – d’une colonne vertébrale aussi ferme qu’un éclair au chocolat, d’un cœur sec comme un coup de trique, d’une âme aussi inspirée qu’une endive, d’une érection extrêmement molle jusqu’à pouvoir figurer comme “création contemporaine” dans un atelier d’exposition démocratique de l’Art Contemporain (AC).

(Imaginez que Monsieur Bernard Arnault, Président-directeur général de LVMH, Président de la Fondation Louis Vuitton et grand mécène devant l’éternel de l’A.C., et enfin élégant cornac et pygmalion de sa Fondation, nous dise, entre flute à champagne, cravate en soie et Mercédès coupée à sa taille : « François H. a conçu un projet grandiose, pertinent et enchanteur, fruit d’un dialogue véritable avec sa propre “bite à érection extrêmement molle”. Son œuvre répond magnifiquement à l’architecture dans la continuité d’un travail, initié dès les années 1970, où se croisent couleurs, transparence et lumière. » Si vous voulez, le travail de l’artiste dit-“bite à érection extrêmement molle” comme équivalent A.C.-postmoderne de la cathédrale gothique, – voilà, c’est cela, bite-molle versus cathédrale gothique... Le marché tranchera, on sait bien dans quel sens.)

(Suite)

Le pessimisme salvateur

  mardi 10 mai 2016

J’avais d’abord intitulé cette chose “Je ne suis vraiment PAS un optimiste”, avant de réaliser, au fil de la plume, combien le pessimisme doit avoir une place triomphante, et par conséquent figurer dans le titre. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’entamer le propos en clamant bien haut, effectivement, que je ne suis ni optimisme, ni “ni un optimiste”...

Je ne fais pas de référence ad hominem pour montrer tout autant ma bonne fois que mes bonnes intentions : point de polémique, point de “duel” intellectuel, artificiel et infécond. Je prends un courant de remarques générales assez dominant (Forum) s’adressant à dedefensa.org ou à moi (c’est un peu la même chose), pour juger d’un trop grand optimisme vis-à-vis de l’état du Système et de son sort. C’est bien cela dont je veux débattre, sous la forme d’une identification et d’une clarification de ma démarche ; et cette démarche, guidée plus par mon caractère dont la raison et le jugement ne sont que des aspects, avec comme moteur l’interprétation des évènements bien plus que les références à des théories intellectuelles qui relèvent plutôt, à mon sens, de l’hybris de l’esprit et de la faiblesse de la psychologie. J’y ajoutera un élément particulier qui se nomme “la foi”, mais dans son interprétation la plus large qui est “la confiance” (fides), qui n’a aucun rapport avec l’optimisme dans l’idée que je m’en fais, mais plutôt avec la raison d’être et la raison de vivre ; l’optimisme est alors un jugement et une humeur, tandis que “raison d’être” et “raison de vivre” font partie du domaine de l’élan vital. Voilà les éléments de base.

Mon caractère est tout le contraire de l’optimisme. Si l’on voulait en juger objectivement et sans se rapporter au produit de ma raison, je dirais que je suis profondément, affreusement pessimiste. Il suffit de demander à mon entourage, où d’ailleurs personne ne me lit ; j’y suis vu en général comme un prophète de l’apocalypse à la vision lugubre et terrible, – même si je ne suis pas d’un commerce désagréable, tant s’en faut et sans crainte du paradoxe. Un optimiste, pour moi, est quelqu’un qui n’est fondamentalement pas mécontent de l’état du monde et qui est conduit à nous assurer, toutes choses acquises par ailleurs, que les choses, justement et finalement, s’amélioreront. Lorsque je dis “toutes choses acquises par ailleurs”, cela signifie précisément, “sapiens aux commandes, et ‘nos valeurs’ humanistes effectivement respectées parce que fondamentalement justes” ; pour faire bref et sommaire, l’optimiste est celui qui croit au Progrès tel qu’il est défini selon cette situation (“sapiens aux commandes...”, etc.). Rien, absolument rien de cela n’est dans mes conceptions, – et j’imagine, non j’espère qu’on s’en est aperçu.

... Donc, pessimiste et non pas optimiste, sans le moindre doute ; alors, pourquoi certains me perçoivent-ils comme optimiste ? La réponse est évidente : parce que je crois profondément à l’effondrement du Système. Nous sommes alors dans le quiproquo. Si j’étais optimiste et parce que je fais malgré tout partie du Système, je croirais que le Système, malgré ses défauts et ses effets catastrophique, reste réformable et contient un potentiel de bienfait qui l’absout de tous ses faux-pas et impostures. Je suis profondément, je dirais dans ce cas absolument et spirituellement pessimiste, et je ne vois rien et d’ailleurs je ne veux rien voir qui puisse absoudre et sauver le Système. Je ne veux rien de leur espoir, de cette “doctrine de l’optimisme” (comme l’on disait dans les années 1920, aux USA). J’ai cette attitude volontariste (“je ne veux rien voir...”) parce que je ne veux rien de ce Système, parce que je crois profondément, et je dirais même absolument et spirituellement que le Système porte le Mal en soi, – ce que je définis opérationnellement par la formule dd&e, soit la recherche de la déstructuration, de la dissolution et de l’entropisation. Ainsi l’essentiel est-il dit, à savoir qu’avec de tels sentiments, dans ce monde qui est évidemment emprisonné, régulé, abaissé par le Système, il m’est absolument et spirituellement impossible d’être optimiste. Je veux la mort du Système, je ne veux absolument aucune concession avec lui, donc je suis absolument pessimiste dans le cadre du monde que m’impose le Système, – et ainsi, à côté de mon humeur crépusculaire, suis-je parfois plein de feu et d’élan, et parfois paradoxalement plein d’une joie à peine dissimulée sinon dans l’ironie que j’essaie de mettre dans mes écrits, comme s’il s’agissait du souffle fondamental de ma vie, d’être dans de telles dispositions. Ainsi suis-je totalement en accord avec mon pessimisme, et l’on pourrait dire bien courtement mais avec le gout du paradoxe qu’on me croirait optimiste à force d’être dans cet état d’accord avec moi-même. On le dirait mais on raterait que ce pessimisme pèse aussi d’un poids terrible autant qu'il est d'une nécessité absoilue.

Maintenant, voici mes considérations tactiques à l’intérieur du pessimisme général de mon jugement. A ce stade, mon jugement est que le Système ne parviendra pas à ses buts et, ne parvenant pas à ses buts, se détruira lui-même. (C’est l’équation surpuissance-autodestruction.) Ce n’est pas de l’optimisme ni du pessimisme, c’est de la spéculation fondée sur diverses approches dont on trouve nombre d’exemple sur ce site. D’autre part, c’est le produit de ma “doctrine”, ou de ma méthode de travail si vous voulez, qui est de faire directement de la métahistoire à partir des événements courants du temps crisique que nous vivons. Ce pessimisme-là n’est pas vraiment original, il est au contraire de plus en plus répandu.

(Suite)

Humeur de crise-11

  mardi 10 mai 2016

Pour une très rare fois, je dis quelques mots sur la situation française ; situation crisique, évidemment, et situation du domaine intellectuelle. Je ne suis pas un gros lecteur des choses de la vie politique et culturelle française, ne serait-ce qu’à cause des extrêmes-basses eaux où elle croupit. Disons que je me tiens au courant, et picore de-ci de-là ; notamment avec, sur la chaîne Histoire, l’émission Historiquement Show : pas de polémique style-talk-show, pas de BHL mais un bon suivi de l’actualité, histoire et histoire des idées... Et voilà qu’une petite musique a sonné à mes oreilles.

Pour faire court, cette impression de crise profonde arrivant à son point de basculement, fin d’un règne intellectuel qui a débouché sur les pires productions sociétales de la postmodernité, et dégradé le caractère français vers les culs de basse-fosse. (La grande intelligence française mise au service de la canaille de salon, pire production de l’asservissement au Système.) Ce commentaire de Jean-Pierre Le Goff, à propos de son livre Malaise dans la démocratie : « On est à la fin de ce cycle historique... On voit très bien que les fractures sont là, qu’on ne peut plus continuer sur cette espèce d’hégémonisme de ce que j’ai appelé le gauchisme culturel qui est battu en brèche.. On ne voit pas forcément sur quoi tout cela va déboucher... » Dans cette émission si classique, qui paraît si apaisée et donc s’inscrirait selon le sens commun dans l’architecture du Système, le second invité, Jean-François Colosimo, présent dans l’émission sur  Le Goff, a eu cette remarque venue comme naturellement : « Il y a Paul Yonnet, qui paiera quasiment de sa vie, il faut le dire, le fit d’avoir été le premier à dénoncer l’imposture de “SOS Racisme” puisqu’il subira l’ostracisme de la gauche, le premier dans les années 1990. Il paye pour avoir dit la vérité... » A la question de savoir s’il existe en France une “police de la pensée”, tout le monde acquiesça. Tout cela est si inhabituel dans le fait de venir si naturellement, sans calcul ni arrière-pensée politique, qu’il s’agirait du signe d’une évolution significative des psychologies

Un autre aspect du bouleversement en cours, c’est la “révision mémorielle” en cours de la guerre d’Algérie. (Pour ça, voir l’Historiquement Show 238 du 15 avril, particulièrement Stéphane Courtois parlant du livre de Jean Birnbaum, Un silence religieux, la gauche face au djihadisme.) C’est un bouleversement qui intéresse ma propre mémoire, et j’y reviendrai un jour ou l’autre. Pour la situation intellectuelle française, c’est également, même si d’une autre façon, un bouleversement parce que la guerre d’Algérie dans le récit officiel actuel (la narrative, pour le coup) est la poutre-maîtresse de la dynamique intellectuelle en cours de la susdite-intelligence française.

Ma conviction est qu’est en jeu un bouleversement qui peut changer une situation dont les racines remontent très-loin, si loin, – songez à la Révolution, à l’affaire Dreyfus, – mais qui fleurissait toujours avec autant de couleur. Si la chose commence à se faner, les conséquences seront mesurées en tonnes de certitudes qui s’effondrent. Je l’avoue, pour un instant dans tous les cas, mon humeur est printanière.

Le 4ème pouvoir de l’ex-4ème pouvoir

  vendredi 06 mai 2016

Les élections US nous révèlent un secret bien gardé, ou bien dirais-je plus volontiers, mal-compris... Mais commençons pas le commencement : il était une fois un temps où la presse était, notamment aux USA, le “quatrième pouvoir” (après le juridique, le législatif et l’exécutif). Ce temps est révolu, enterré, décomposé et humilié, la presse devenue presse-Système et valet de pied des trois autres pouvoirs, selon les consignes et œillades du Système. Mais ce que je vais vous révéler, – même si le mot paraît un peu forcé, – c’est que cet ex-4ème pouvoir contient tout de même, lui-même, quatre pouvoirs dont un lui échappe complètement et échappe par conséquent aux trois autres principaux pouvoirs et au Système dont la presse-Système, ex-4ème pouvoir principal, est devenue le valet-de-pied... Et c’est comme si, miracle du système de la communication dans son monde-Janus, ce “4ème pouvoir de l’ex-4ème pouvoir” remplaçait à lui seul l’“ex-4ème pouvoir” devenu valet-de-pied, bref le ressuscitait à lui seul,  – tour de passe-passe du système de la communication.

Mais d’abord, quelques explications sur les attendus de mon propos. Je distingue donc quatre pouvoir dans cet ancien 4ème pouvoir que fut la presse et que n’est plus la presse-Système.

• Le premier de ces 4 pouvoirs, c’est la propriété et la direction. Ceux qui possèdent l’organe de presse ou de communication et nomment ceux qui les dirigent, ceux dont le Système dit qu’ils sont tous “des nôtres”. Ce pouvoir s’intéresse à l’argent certes, en premier, toujours en premier ; évidemment aussi à la politique, par le biais de l’influence que lui donne l’outil qu’il possède, qui va dans le sens qu’on comprend sans explication nécessaire.

• Le deuxième pouvoir est celui de l’argent à nouveau, mais du rapport de l’argent : celui de la publicité, de toutes les activités mercantiles autour de ce support qu’est l’organe de presse/de communication, le pouvoir qui vend et se vend. Celui-là, ce pouvoir-là, est toujours écouté parce qu’il est la clef de l’argent.

• Le troisième pouvoir avait auparavant un rôle très grand et tout de même assez glorieux. Il s’agit du contenu de la chose, nommons cela “rédaction” si vous voulez : ceux qui écrivent, qui parlent, qui enquêtent, qui informent, qui commentent ... Mais tous ceux-là, que sont-ils devenus sous l’influence terrible de l’argent que font peser sur lui les deux précédents pouvoirs, que sont-ils devenus sous l’influence du Système qui rassemble le tout ? Ils sont dans une prison dorée qu’ils ont eux-mêmes dressée, en apparence obéissant à des consignes, en vérité suivant leur propre servilité volontaire, leur don presque magique pour l’autocensure, leur goût presque addictif pour la soumission au discours-Système.

Ce sont les trois pouvoirs classiques qui, dans l’état où on les décrit, ne sont plus que des débris de ce qu’ils furent, et le “quatrième pouvoir” tant célébré aux USA réduit à sa plus simple expression de l’inversion parfaitement réalisée. Mais j’ai précisé qu’il y avait quatre pouvoirs différents à l’intérieur de cet “ex-4ème pouvoir” (“Le 4ème pouvoir de l’ex-4ème pouvoir”). C’est celui-là qui m’intéresse...

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L'adieu au simulacre

  lundi 02 mai 2016

Il commence ainsi son discours, sur un ton incroyablement cool, au sommet de sa forme : « Vous avez l'air superbes. La fin de la République n'a jamais eu autant de classe! » Il marque une pause. « Ce sera ma dernière intervention à ce dîner, et ce sera peut-être aussi le dernier de vos dîners! » Ainsi le président des États-Unis (POTUS) commença-t-il son discours, vendredi soir, lors de l’annuel WHCD (White House Correspondant Dinner), offert par le président aux journalistes accrédités à la Maison-Blanche ; c’est-à-dire quelques journalistes et le tout-Washington style-House of Cards gloussant et ricanant lors de cette occasion qu’Obama a transformée en une démonstration éblouissante de sa “cooltitude” : BHO n’a jamais eu autant de classe !

... Car le fou du Roi est beaucoup plus drôle, enjoué, plein d’entrain, lucide sans aucun doute et sans autre forme de procès, disert et maître du verbe argotique sans vulgarité, beaucoup plus que le Roi lui-même. Il est vrai qu’avec lui, et comme selon un tour de magie de la postmodernité, tout s’explique lorsqu’on découvre que “fou-du-Roi” et “Roi” ne font qu’une seule et même personne. Obama est tout à la fois, lui-même et le fou de lui-même ; cela rend la matière extrêmement complexe, on en conviendra, mais finalement assez compréhensible une fois qu’on a trouvé la clef de la formule... Le personnage se débarrasse un instant pour ses adieux à la presse de la pesante et superflue tunique de Nessus qui l’accable depuis 2008, qui le charge d’une morgue et d’une pompe parfois insupportables, qui l’oblige constamment à proclamer l’exceptionnalisme de la Grande République.

J’ai été entraîné joyeusement et un peu mais heureusement stupéfié par ce discours, dit avec une telle aisance, une telle maîtrise de soi et un art certain des effets et des formules, et disant certaines énormes vérités-de-situation sur le Système et sur lui-même, sans en avoir l’air, et surtout sans pompe ni cérémonie. Obama y dénonce tout le monde, et lui-même par conséquent, mais tout de même commençant par sa favorite, celle qu’il soutient en la détestant absolument, lorsqu’il glisse aussitôt après l’entrée en matière quelque chose comme ceci, – “si ce truc (ce discours) marche bien, je le vendrai l’année prochaine à Goldman Sachs, et il me faudra du lourd”....  (« “If this material works well, I'm gonna use it at Goldman Sachs next year. Earn me some serious Tubmans,” said Obama, hitting on Clinton's high Wall Street corporation speaking fees and the recent Treasury Department announcement that escaped slave Harriet Tubman will appear on the $20 bill starting in a few years. »)

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L’énergie accumulée des psychologies furieuses

  dimanche 01 mai 2016

J’ai assisté, dans ma longue existence, à quelques soi-disant “révolutions” ou bifurcations brusques du “récit historique” : mai 58, mai 68 notamment, ayant notamment et évidemment vécu les périodes conduisant à ces épisodes... Je n’ai jamais rien ressenti de pareil, à la fois dans la densité et dans la durée, à ce que je ressens aujourd’hui, à la fois de tension, de désordre, de fureur, et d’impossibilité de sortir de cette cage, tout cela exprimé diversement mais, à cause de “cette cage” qu’est l’action du Système, se concentrant formidablement sans occurrence évènementielle de se réaliser pleinement. Dans les deux occurrences citées (mai 58 et mai 68), je n’avais rien vu venir et, autour de moi, on n’avait pas vu grand’chose de plus même s’il paraissait assez évident (pour mai 58, essentiellement) que quelque chose devrait se produire (“Something has to give”). A part cela, personne ne fut étonné et les “révolutions”, au fond d’une durée à peu près égale dans les deux cas, se déroulèrent selon le schéma très-classique d’une tragédie montant jusqu’au sommet du paroxysme, et qui rompt et se rompt brusquement, tandis que les acteurs, les protagonistes et les issues possibles et probables étaient connues. Il y avait de l’inconnu sur les précisions, sinon les circonstances, mais d’inattendu, d’imprévu, d’insupportable, pas vraiment... C’est-à-dire, rien qui ressemblât en quoi que ce soit à ce qui se passe aujourd’hui, — en France, bien entendu, puisque c’est de cela que je parle, mais ailleurs aussi, partout, comme dans une marée qui monte irrésistiblement. (Et ce dernier point faisant la différence, et une différence extraordinaire entre aujourd’hui et les références données comme exemples.)

(J'aurais pu ajouter, autre exemple, novembre 1989 et la chute du Mur, pour élargir le propos au-delà de l'horizon français. Les constats sur les conditions de formation de l'évènement, puis de réalisation paroxystique, seraient les mêmes. La aussi, l'on ne prévoit rien même si l'on conçoit vzguement que quelque chose doit se passer, et la chose se passe effectivement selon le schéma d'une tragédie, avec son paroxysme qui est évidemment une rupture. La tension de la psychologie n'a guère l'occasion de former une accumulation d'énergie par le fait de ne pas rencontrer l'évènement qui l'exprime, puisque l'évènement est déjà là...) 

Le fait est qu’on ne voit pas précisément sinon selon des hypothèses diverses et incertaines ce qui pourrait rompre et fournir l’équivalent du paroxysme révolutionnaire, et qu’on ne voit pas, encore moins et encore plus fortement, comment une telle situation pourrait durer très-longtemps sans trouver quelque chose qui rompe et qui fournisse “l’équivalent du paroxysme révolutionnaire”. Vous savez, c’est comme cette histoire que les historiens américanistes se font un délice de glisser lorsque leur travail aborde le domaine, cette anecdote de l’officier de l’US Navy contemplant les cuirassés en train de brûler ou quille à l’air à Pearl Harbor, dans l’après-midi du 7 décembre 1941, et maugréant : “Je sais bien que nous allons gagner cette putain de guerre (‘fucking war’) mais je me demande bien (‘I fucking wonder’) comment”. Je reste, je l’avoue, ébahi devant les experts, les futurologues, les équipes et les services qui font des prévisions à dix ans, vingt ans, trente ans, pour déterminer les problèmes que nous aurons alors, qui sont les mêmes que nous avons multipliés par cent avec en prime une pincée d’espérance par une révolution robotique ou l’autre pour éclairer le tout d’une lumière charmeuse, – sans ajouter en conclusion à ces prévisions : “Mais il doit bien être entendu que tout cela n’a strictement aucune valeur car d’ici là, une chose, mille choses, dix mille choses, sans compter la plus terrifiante de toutes, seront survenues pour absolument bouleverser eschatologiquement le monde jusqu’à changer d’univers.”

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De Tchernobyl-1986 à Tchernobyl-2016

  lundi 25 avril 2016

Je voudrais donner ici quelques indications, dans mon souvenir et aussi avec l’aide d’une consultation rapide des numéros de dedefensa & eurostratégie (dd&e, Lettre d’Analyse/papier) de l’époque, des conditions que nous connûmes, dans le monde de ce que nous ne nommions pas encore “la communication”, selon la connaissance progressive que nous eûmes de la catastrophe de Tchernobyl. Bien que nous ayons été informés quelques jours plus tard que la première explosion datait du 25 avril (aujourd’hui, on donne la date du 26), rien ne fut porté à notre connaissance commune et diverse avant le 28, d’abord par une annonce en Suède d’une certaine augmentation du taux de radioactivité dans l’atmosphère avec hypothèse que “quelque chose s’était passé en URSS”, ensuite quelques heures plus tard le même jour, par une nouvelle de l’agence Tass annonçant l’accident avec très peu de détails.

Ainsi la catastrophe de Tchernobyl prit peu à peu de la consistance dans l’espace d’une semaine sinon d’une décade, au contraire des catastrophes qui sont aujourd’hui connues dans l’heure sinon dans la minute. Elle eut d’abord une connotation essentiellement politique, bien plus qu’environnementale. Les premières questions soulevées concernaient l’état du régime en URSS vis-à-vis de l’information, alors que Gorbatchev se trouvait engagé dans une terrible bataille, d’abord pour la glasnost (“transparence”, ou “publicité des nouvelles”) qui supposait la libre circulation de l’information. Ces deux-trois jours de délais entre l’accident et la première annonce furent d’abord perçus comme le signe de l’échec de sa tentative jusqu’alors, sinon, pour les esprits les plus bienveillants, comme le signe que son projet de glasnost n’était que de la propagande qui ne changeait rien au régime. Pourtant, il apparut rapidement que ce délai ne faisait que refléter en réalité l’état complet de désorganisation et de désordre qui régnait alors en URSS, et il semble bien que les nouvelles de Tchernobyl mirent un certain temps à arriver au Kremlin, et que la dépêche de Tass du 28 ne faisait que témoigner de cette lenteur. Ensuite mais aussitôt, les Russes, alors-Soviétiques, ne furent pas avares de déclarations en URSS mais aussi dans les pays occidentaux de la part des ambassades et jusqu’à des interviews à des organes de presse étrangers. (Vitali Chourkine, ambassadeur à Washington, répondant à une commission de l’administration Reagan le 30 avril ; le diplomate A.I. Chegaeev faisant des “confidences” à un ingénieur ouest-allemand reproduites dans la presse le 2 mai ; Eltsine, alors secrétaire du PC de Moscou, parlant à la TV ouest-allemande ARD le 2 mai ; Youry Kvitsinki, ambassadeur en RFA, répondant à une interview de Bild Zeitung le 3 mai, etc...) Les réponses étaient très souvent différentes, même contradictoires, témoignant là aussi de l’état de désordre du pays et les intervenants soviétiques ne cherchant pas à le dissimuler.

Ce désordre n’était pas du à Gorbatchev, il ne faisait que témoigner de l’état de décrépitude du régime tel qu’il s’était développé pendant des décennies, tel que l’avait trouvé Gorbatchev, et il en témoignait justement parce que la doctrine de Gorbatchev, bon an mal an, commençait à se développer, et que l’information commençait à rendre compte des réalités (évidemment catastrophiques) de l’état de l’URSS. Bien que Gorbatchev ait qualifié la catastrophe de Tchernobyl comme l’une des “moments les plus graves et les plus tendus de sa présidence”, la façon dont la chose fut relayée par la communication montra en vérité que la glasnost était en marche, et le désordre qui était ainsi montré constitua finalement un des arguments pour cette dynamique.

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La haine du Diable et le mépris de la hauteur

  samedi 23 avril 2016

D’une certaine façon, mais plutôt buissonnière et marquée par l’humeur et la psychologie intuitive, voici un enchaînement sur “l’humeur de crise-10” d’hier, concernant l’épouvantable climat régnant entre les USA, en tant que tels c’est-à-dire dans le chef de leurs élites-Système absolument plongées dans une pathologie de l’hystérie, et la Russie qui semble proche de ne plus supporter ses “partenaires”. Il s’agit d’une sorte de dialogue sans se connaître, par l’intermédiaire fort aimable du système de la communication. Le site Russia Insider a eu l’idée, certainement suggérée par l’un des dialogueurs (devinez lequel ?), de mettre en opposition un extrait d’une interview de Madeleine Albright au site autrichien DiePress.com et un commentaire de l’inimitable aventurier-écrivain-activiste russe Édouard Limonov (voir son histoire extraordinaire dans l’excellent Limonov, du fils d’Hélène Carrère d’Encausse).

(Pour Albright, je veux dire le visage d’Albright, qui a son importance dans le dialogue, choisir plutôt celui que présente Russia Insider, assez corsé et telle que la dame est devenue aujourd’hui, découvrant le vrai visage de la mission qui lui avait été assignée et qu’elle a remplie, plutôt que celui, un peu trop flatteur conformément aux consignes, du Wikipédia.)

Voici le dialogue qui est en fait un anti-dialogue...

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Humeur de crise-10

  vendredi 22 avril 2016

Depuis quelques heures pour moi, depuis deux jours me semble-t-il dans sa vérité-de-situation (depuis la rencontre OTAN-Russie du 20 avril), l’atmosphère du monde comme je la ressens est soudain devenue d’un poids extraordinaire, je dirais presque insupportable. Pour mon compte, ceci, du nouveau SACEUR (*), au Sénat US hier après-midi, lu ce matin (ces “quelques heures”), répondant à l’inévitable McCain qu’en cas d’incident type Cook-Su-24, il faudrait “riposter” (« Top U.S. commander says it’s time to give Russia a taste of its own tactics »), cette déclaration a cristallisé cette tension qui pèse d’un tel poids. L’incident entre le Cook et les Su-24 est d’une importance qu’on n’appréciait pas nécessairement au premier chef, je le crois chaque jour davantage ; la clique américaniste est dans une fureur noire mais aussi, plus sérieusement encore, les Russes ont montré leur détermination. D’une façon plus générale : la haine du Système pour la Russie est quelque chose d’inouïe, d’indescriptible, qui passe toute raison et toute description.

Pour l’instant, je ne sais comment analyser ce sentiment à la lumière des nouvelles, d’une manière structurée, éventuellement rationnelle, éventuellement avec quelques éclairs d’intuition si je suis dans un bon jour. Alors, je m’en tiens à cette intrusion dans la série “humeur de crise”, qui ne relève pas comme à l’habitude de la pure psychologie de l’auteur qui a absorbé certaines perceptions et les a malaxées à sa sauce, mais qui traduit un fait de la même psychologie confrontée directement à la perception de certains évènements de communication.

“Quelques heures”, pas plus. Je viens de lire le Weekly Comment d’Alastair Crooke, qui est lugubre comme une fin des temps et prévoit que quelque chose sera tenté pour que le/la futur(e) président(e) US se trouve engagé(e) dans un conflit avant même d’entrer en fonction. Sputnik donne une interview du dramaturge allemand Rolf Hochhuth, qui publie à 85 ans son livre Ausstieg aus der Nato oder Finis Germaniae (quelque chose comme “l’Allemagne doit sortir de l’OTAN ou elle sera détruite”). Dans la psychologie, dans l’humeur, voire dans l’esprit même, la perception de la tension se déplace comme la flamme d'une traînée de poudre... Rien n’est dit, c’est peut-être un feu de paille, il y a eu tant d’évènements psychologiques de cette sorte depuis que nous sommes dans cette époque folle ; pourtant, c’est chaque fois un peu plus fort, chaque fois la flamme gronde plus haut, chaque fois l’on se dit avec toujours plus d’insistance que “quelque chose doit se passer”. La puissance de cette haine, de cette fureur, de cette hystérie du rien, – “Something’s got to give”...

 

Note

(*) Le général Curtis Scaparrotti, de l'US Army, à la place du Général Breedlove, de l'USAF.

Censure-Système et histoire d’une guerre UK-USA

  mercredi 20 avril 2016

D’abord, les circonstances qui me conduisent à cette page assez longue (qu’on me pardonne) du Journal dde.crisis : d’une part, je suis en train de lire Histoire secrète de l’oligarchie anglo-américaine, du professeur Carroll Quigley, publié en 1981 après la mort de Quigley, traduit en français et publié en 2015 par les éditions Retour aux Sources. Cette source est citée dans le texte du 18 avril 2016, à propos des excentricités de la famille Saoud, dans le passage suivant qui, en quelque sorte, non seulement amorce le fond de la réflexion qui va suivre après quelques précisions d’ordre historique, mais en donne déjà la conclusion :

« On peut observer également que la puissance anglo-saxonne, – justement au travers de ces liens incestueux qui concernent les USA et le Royaume-Uni d’une part, l’Arabie d’autre part, par le biais des affaires 9/11 et Yamamah, – est ainsi soumise, d’une façon bien différente jusqu'à l'inversion des autorités de la puissance de l’ombre et de l’influence civilisationnelle directrice qu’on lui prête, à de bien étranges liens qui exerce sur elle des contraintes d’une puissance considérable. L’Arabie est, à cet égard, comme une sorte de caricature monstrueuse du Système, sortie des sables pour se couvrir elle-même de pétrole, de $milliards et de terrorismes sans fin, quelque chose qui nous donne une parfaite indication de la répartition des forces qui soutiennent le Système et auxquelles le Système délègue sa puissance. Les USA, comme le Royaume-Uni, sont ligotés dans ces rets, et l’empire de l’anglosaxonisme que détaillait superbement, par exemple, le professeur Quigley, apparaît comme une sorte d’énorme foire d’empoigne de la corruption où le soi-disant indiscutable suprémacisme de l'anglosaxonisme se trouve réduite à des décomptes d’épicier en $milliards où ses dirigeants sont généralement perdants, avec une politique influencée à mesure de ce rapport de forces comptabilisé en comptes en banque et en activités subversives. »

Une autre circonstance conduit à ce même texte du Journal dde.crisis, une courte nouvelle extraite récemment du blog de LewRockwell.com, qui est un site de tendance libertarienne considéré comme une référence de cette tendance. (Le site LewRockwell.com est une excellente source pour les voies et interprétations historiques en général bannies sinon censurées par le Système, dont fait partie le thème développé ici ; comme référence et exemple à cet égard, on observera que Peter Dale Scott est un des historiens favoris du site. Lew Rockwell lui-même est un ami de Ron Paul.) Le blog fonctionne donc pour les différents auteurs et collaborateurs, dont, ici, Charles Burris le 30 mars 2016. Ce jour-là, Burris publie une petite nouvelle concernant un DVD en référence, The War Red Plan, qui détaille un plan de guerre des USA contre le Royaume-Uni et certains pays du Commonwealth, dont le Canada ; cela se passe à la fin des années 1920 et la référence écrite principale de Burris est le journaliste-auteur-historien Ludwell Denny. Le titre du texte est « America’s Planned War on Great Britain »

« Here is an interesting documentary on War Plan Red — the US contingency war plans against the British Empire in the early 1930s. However, the researchers poorly researched the political-economic background for this possible war.  Although little known to the general public today, this is a topic of which I have been familiar with since the 1970s through the fascinating works of journalist Ludwell Denny. Denny wrote two excellent books during this period, We Fight For Oil (1928), and America Conquers Britain: A Record of Economic War (1930). Here is a link to both books online. This possible war between the British Empire and the United States was not as farfetched as many would believe today with the on-going mainstream media propaganda of “the special relationship.”

» Murray Rothbard touched slightly on these matters in his seminal Wall Street, Banks, and American Foreign Policy. Especially beware of the documentary making the requisite establishment court historian slur of noninterventionist Charles Lindbergh and the American First Committee as pro-Nazi.

» The conflict was essentially based on economic warfare between Britain’s Royal Dutch-Shell (headed by Sir Henri Deterding) versus Rockefeller’s Standard Oil empire (headed by Walter Teagle). Deterding later threw in with the Nazis, as did Standard Oil with I. G. Farben. Four good follow-up books are F. William Engdahl, A Century of War: Anglo-American Oil Politics and the New World Order; Glyn Roberts, The Most Powerful Man in the World: The Life of Sir Henri Deterding; Charles Higham, Trading with the Enemy: An Exposé of The Nazi American Money Plot 1933–1949; and James Pool, Who Financed Hitler: The Secret Funding of Hitler’s Rise to Power 1919–1933. »

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Le bouffon tragique ou la tragédie-bouffe

  mercredi 20 avril 2016

Une des circonstances remarquables dans cette étrange époque qui n’en manque pas, qui m’arrête et me laisse sans voix un moment avant de retrouver ma plume vengeresse et tout ce qui va avec, c’est l’extraordinaire proximité dans les évènements entre la bouffonnerie et la tragédie. Vous pouvez basculer de la bouffonnerie (dans le sens des bouffes-parisiennes, d’une autre culture que celle de nos intellectuels de banlieue qui affectionnent le mot) à la tragédie avec une incroyable facilité et une vitesse non moins stupéfiante.

On a certes des exemples historiques de la proximité des bouffes et de la tragédie. Ainsi, le spectacle offert par Paris en 1866-1870 où tout ce qui comptait d’esprit moderne et progressiste avait applaudi à l’écrasement de l’Autriche-Hongrie à Sadowa par la Prusse moderniste et progressiste, avant le retour de bâton de 1870 (et toutes les tragédies qui en découlèrent jusqu’en 1945 et sous l’égide de l’“idéal de puissance” pangermaniste). Voici la chose selon Jacques Bainville, cité dans un texte mis en ligne en 2011 mais sorti, selon ce qui est dit et dont je témoigne le vrai, des “Archives PhG” sous le titre “De Sadowa à Bismarck”, – où je souligne de gras l’observation si bienvenue :

« A Paris, c’est le triomphe de ‘La Grande Duchesse de Gerolstein’, et cela compte plus que Sadowa et les exhortations des autres Européens. Bainville écrit avec une subtile ironie chargée de dérision, et, tout au fond, d’un mépris complet : “La France, en 1866, a crié : ‘bon débarra’ à ce vieux particularisme allemand rossé par la Prusse; nous paierions cher pour le ressusciter aujourd'hui [N.B. : écrit en 1924], et nous saluerions avec plaisir sa renaissance. Mais il avait paru plaisant que ces vestiges d'un autre âge eussent été balayés si énergiquement par le Prussien, champion des ‘idées modernes’. Deux hommes d'esprit saisiront ce comique, et La Grande Duchesse de Gerolstein eut un grand succès de rire. Le général Boum, le baron Grog, l’électeur de Steis-Stein-Steis, tout ce que Bismarck venait de mettre en déroute chanta et dansa, pour le grand amusement de Paris et des provinces, sur la scène des Variétés. Sadowa devenait un opéra-bouffe, tandis que déjà Bismarck avait signé des conventions militaires secrètes avec les États du Sud, battus mais subjugués. La Grande Duchesse de Gerolstein, c’était la circulaire de Lavalette mise en musique par Offenbach. Elle eut beaucoup plus de succès que les nouvelles prophéties de Thiers...” (Thiers, in illo tempore sensible à la fascination prussienne contre l’alliance autrichienne, revenu sur terre en 1866 pour dénoncer l'irrésistible marche prussienne. Dans ‘Cette étrange guerre de 1870’, Henri Guillemin ne lui pardonnera pas cette lucidité tardive, qu’il jugera à la fois tordue, machiavélique, calculatrice et racoleuse. Bref, monsieur Thiers est un sale fusilleur réactionnaire de droite. Tandis que les irresponsables qui applaudissent l’Allemagne bismarckienne triomphant à Sadowa n'ont, eux, que l’encre de leurs colonnes sur les mains. Et ils sont de gauche, on s’en serait douté.) »

On observera, dans ce texte qui fait ce rapprochement entre la considération de la politique du monde à la lumière d’un opéra-bouffe, sans voir l’ombre de la tragédie qui se profile, comme une proximité avec notre époque. On pourrait conjecturer que le même phénomène se renouvela avec la Grande Guerre, qui fut précédé de la période dite de la Belle Époque, quoique j’y voie moins de la bouffonnerie que de la légèreté et une sorte d’ivresse, et cela couronné d’une intense activité artistique spécifique à la période et qui la fit très grande d’un certain point de vue. Surtout, il y eut, dans l’immédiat avant-guerre, les quelques mois avant, comme par une sorte de prémonition, un ton soudain devenu extrêmement grave convenant à ces temps extrêmes et ménageant la transition entre La Belle Époque et la tragédie... Bainville encore, dans son Journal, 1914, parlant de la mort de Charles Péguy tué au combat au début de la bataille de la Marne, et comme s’il saluait en une seule remarque l’aspect de “divine surprise” de cette bataille qui devint une victoire : « ...Il était devenu un des mainteneurs et un des exalteurs de la tradition. Il a été de ce mouvement profond, de ce mouvement de l’instinct qui, dans les mois qui ont précédé la guerre, a replié les Français sur eux-mêmes, a conduit l’élite intellectuelle et morale de la nation à des méditations, souvent d’un caractère religieux, sur les origines et l’histoire de la nation... ». (Von Moltke, le grand chef de l’armée allemande, écrivit à propos de La Marne qui résulte de ce changement observé par Bainville : « Que des hommes, après avoir battu en retraite pendant dix jours, couchant sur le sol, épuisé de fatigue, puissent être capables de reprendre le fusil et d’attaquer quand sonnent le clairon, c’est une chose que nous n’avions jamais envisagée, une éventualité que l’on n’étudiait pas dans notre école de guerre. »)

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« La souffrance du monde »

  samedi 16 avril 2016

Le titre de cette chronique est également celui de l’introduction, de La Grâce de l’Histoire, Tome I. Actuellement, je mets la dernière plume à la nième relecture du Tome II. (Quel changement du tout au tout ! Mis à part l’insuccès complet, qui est la marque constante de toute ma carrière littéraire, j’ai complètement changé d’approche générale de l’écrit, entre mes débuts et aujourd’hui. Dans ma jeunesse, je produisais des livres à une vitesse surprenante, – dont, disons, 95%-96% ne furent jamais publiés...  Aujourd’hui, c’est exactement le contraire, parlant de la vitesse. Pour La Grâce, le canevas disons des deux premiers Tomes est terminé et rédigé depuis autour de 2011-2012. Depuis j’ai travaillé sur le Tome I pour une publication à la fin de 2013, avec promesse qui me semblait facile à rencontrer puisque tout semblait déjà être écrit, de publication du Tome II fin 2014. Voyez le résultat : si le Tome II est publié, disons en juin 2016 cela sera proche du miraculeux, disons en septembre 2016 cela devient assez probable. Entretemps, un nombre incroyable de relecture, de corrections, rajouts, refontes partielles, etc., et relecture, et encore relectures...

Quoi qu’il en soit, le fait devrait être, selon les dernières nouvelles de la chose, que je suis au terme de la re-re-lecture et sans doute dernière de la Quatrième Partie, une seule Partie restante et une conclusion qui bénéficie d’une relecture d’avance (j’en ai passé des extraits le 1er décembre 2015 et le 31 décembre 2015). Dans cette Partie, assez ardue, je termine sur une note plus personnelle, dont le thème est la souffrance que cette époque terrible inflige à nombre d’entre nous, à titre individuel, et que je veux identifier comme faisant partie de la “souffrance du monde” qui est la conséquence de la même cause, avec la parcellisation de l’individuel réunie en une unité originelle. J’ai trouvé que le sujet était à la fois inactuel, universel, et tout à fait correspondant aux jours que nous vivons. Ainsi en suis-je arrivé à penser qu’il a sa place dans ce Journal-dde.crisis... Inutile d’explication supplémentaire, car je pense avec force que ce texte, cet extrait, se suffit également à lui-même... En un mot, l’intrigue n’en souffre pas trop. Il s’agit donc d’un “extrait de la Quatrième Partie (« Anatomie d’une contre-civilisation »), du Tome II de La Grâce de l’Histoire. (Avec la réserve coutumière que ce texte, avant de figurer à sa place, dans le Tome II de La Grâce, pourrait subir des modifications.)

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Le vertige de la page pleine

  jeudi 14 avril 2016

Cela commence, pour faire simple, par une citation de Noam Chomsky dans un article de The Nation, du 5 avril, qui est une question à la fois évidente et énigmatique, selon la traduction qu’on lui donnera qui est peut être différente : ou bien “Comment se fait-il que nous ayons tant d’informations, mais que nous en sachions si peu ?”, ou bien “Comment se fait-il que nous ayons tant d’informations et que nous sachions si peu de choses ?”, selon que vous établirez un lien direct entre le fait d’avoir beaucoup d’informations et de “savoir peu”, ou un lien simplement indirect. (Je discute bien de cette phrase sans chercher à savoir ce que Chomsky a voulu dire précisément, car cette phrase a son intérêt par elle-même, et notamment cette ambiguïté possible de la traduction, dans l’esprit de la chose, dans l’esprit de la langue et des mots qui disent des choses d’eux-mêmes, qui constituent eux-mêmes leur sens selon des conceptions proches de celles des “logocrates”... [Je parle des logocrates dans le Journal-dde.crisis du 18 octobre 2015.])

Pour mieux exposer le cas et situer le contexte, je fais la citation en entier qui permet de voir que, dans ce contexte, la première version prévaudrait, alors que je crois bien que ce n’est pas celle qui me satisfasse le plus : « The danger with the Panama Papers is that the massive amount of data—much of it still unreleased—could overwhelm, pushing the public to that place where the covert and the spectacular collapse into each other, creating not action and knowledge but paralysis and amnesia. The trees (that is, the data) will hide the forest (our conceptual understanding of how the data points relate to each other). As Noam Chomsky describes the paradox, “How it is we have so much information, but know so little?” »

J’aurais donc tendance, moi, à faire évoluer la question d’une façon plus précise, en proposant : “Comment se fait-il que nous ayons tant d’informations, que nous connaissions tant de choses et que nous comprenions si peu ?” ; et même, plus encore, à mesure que ces temps étranges défilent avec leur histoire qui ne cesse d’accélérer : “Comment se fait-il que  nous ayons de plus en plus ‘tant d’informations’, que nous connaissions de plus en plus ‘tant de choses’ et que nous comprenions de moins en moins ?”. Il s’agit vraiment d’un problème fondamental, encore plus pour celui qui fait métier d’écrire, et même qui fait mission et sacerdoce d’écrire, et à propos des événements courants, – là aussi, avec l’ambiguïté de l’expression, – “les événements courants” parce que “les événements de tous les jours”, ou bien “les événements qui courent” [de plus en plus vite, quoique dans ce cas le “s” est de trop], ou bien les deux “les événements de tous les jours qui courent de plus en plus vite”.

Depuis quelques semaines, je ressens particulièrement ce phénomène qui est l’inverse de “l’angoisse de la page blanche” ; ce serait donc “l’angoisse de la page pleine” (“pleine” dans le sens de surchargée, et donc plutôt que “page noire” si l’on voulait garder l’idée des couleurs, parce que “noire” implique l’aveuglement voir la censure comme lorsqu’on veut aveugler la lecture de certains passages d’un texte, ce qui n’est pas du tout le cas puisque c’est exactement le contraire) ; et je dirais alors, plutôt, “le vertige de la page pleine”. Je veux dire par là que l’angoisse se transmue en vertige parce qu’au lieu de n’avoir rien, de vous trouver impuissant devant une page blanche qui veut dire “vide” du moindre écrit, de la moindre inspiration comme on est devant le rien plutôt que devant un abîme, vous vous trouvez devant une page totalement envahie par une multitude de possibilité d’écrits, au point que la paralysie ne concerne plus la matière de l’écrit et l’activité de l’inspiration, mais bien l’identification et le choix à faire dans cette multitude d’écrits dont chacun est absolument cohérent et l’abondance des inspirations, folles, pressantes, venues de tous côtés et allant dans tous les sens, et tout cela procurant une sorte de vertige qui vous invite à ne rien faire par une crainte sourde de littéralement “perdre l’équilibre”. Ainsi suis-je conduit à dire que vous avez “de plus en plus d’informations”, que vous savez “de plus en plus de choses” et que l’identification et le choix sont de plus en plus ardus jusqu’à la paralysie parce qu’il importe que vous compreniez selon une hiérarchie de ces choses qui permet de garder son équilibre avec ordre et harmonie.

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Alléluia ! Le JSF existe et Dieu idem

  vendredi 08 avril 2016

On a hésité dans la vaste salle de la rédaction de dedefensa.org. Fallait-il prendre ce texte au sérieux, bien qu’il fut si mortellement sérieux ? J’intriguais avec habileté et une certaine aisance, surtout lorsqu’on représente à la fois le Journal-dde.crisis, la direction de la rédaction et la rédaction elle-même. Finalement je fus élu démocratiquement par moi-même et me chargeais donc de cette dernière nouvelle en date du fameux JSF.

Je vous brosse rapidement le tableau sans rien cacher de mes sources : d’abord un texte de Sputnik-français qui reprend quasi-intégralement le texte de Business Insider du 6 avril, c’est-à-dire un texte reprenant quelques phrases d’une interview d’un général de l’USAF. On emploiera donc le français, vérification faite et en demandant toute l’indulgence de mes nombreux lecteurs pour mes mauvaises fréquentations (Sputnik-français !). Le général commande les forces aériennes et alliées en Europe (USAFE et AAFCE), il a quatre étoiles, il fait diablement sérieux, il se nomme Frank Gorenc... Voici donc les extraits qui comptent.

(Le paragraphe du milieu concernant les “bonnes nouvelles” sur le front du F-35 est mis là pour rappel qu’on est en présence de la plus colossale opération de ce bon vieux déterminisme-narrativiste, pour les XXème et XXIème siècles, puisque tout cela est évidemment complètement du domaine de Disney-SuperWorld. Le F-35 ne fonctionne pas, il est totalement inapte à opérer les missions qu’on lui demande parce que sa “suite” électronique qui contrôle toutes ses activités est incomplète et présente de graves dysfonctionnement, son moteur est plus que douteux, son siège éjectable aussi, il supporte très mal la chaleur jusqu'à faire craindre qu'il puisse fondre, il a une maniabilité très médiocre, ses capacités furtives sont douteuses et ainsi de suite.)

« Un général américain est persuadé qu'il suffit de présenter quatre chasseurs F-35 lors de shows aériens britanniques pour “dissuader” la Russie. [...] “La dissuasion est au fond la crédibilité, la capacité et la volonté. Cet avion fera ce que nous faisons actuellement dans les airs, sur terre et en mer: il suffira seul à intimider et à contenir les ennemis de l'Occident”, a indiqué le général. [...]

» Le magazine souligne que le développement du F-35 a été ponctué par des défaillances techniques et des rapports faisant état des faibles performances de l'appareil. Les bonnes nouvelles concernant son niveau de préparation, ses capacités opérationnelles et son coût ne sont arrivées qu'il y a très peu de temps.

» Frank Gorenc estime cependant que les débuts du F-35 dans le cadre de deux shows aériens au Royaume-Uni amèneront la Russie à remettre en cause sa suprématie aérienne. “Je pense que l’apparition même de cet avion est un pas important vers son acquisition et une confirmation du fait qu'il est réel. Il compte déjà des milliers d'heures de vol, mon gendre pilote un F-35. Cela signifie qu'il est parfaitement réel”, a conclu le général américain. »

Quel étrange univers est le nôtre... Ainsi en est-il d’un général qui vous annonce que cet avion va voler pour la première fois dans un Salon aérien international, britannique bien entendu ; il parle bien entendu de Farnborough, précédé d’une autre apparition dans une autre manifestation, toujours britannique (l’Air Tattoo, prévu juste avant Farnborough ?). C’était le programme prévu il y a deux ans, et finalement abandonné pour des raisons qui ne nous furent jamais officiellement communiquées.

(Voir notamment les nouvelles en juillet 2014, jusqu’à la farce grotesque d’un JSF en bois au sommet de l’OTAN en septembre de la même année pour rattraper l’absence de Farnborough... On peut conjecturer à cet égard sur les raisons du report, quoique le jeu ne soit que d’un intérêt réduit, tant c’est toujours la même chose avec le JSF qui devrait être en service opérationnel actif depuis 2009 et qui ne le sera sans doute pas avant 2019-2021, – pronostic courant des spécialistes raisonnablement optimistes, — et qui ne le sera jamais complètement ni tout à fait, et dans ce cas cela signifie beaucoup sinon l’essentiel tant ces avions fonctionne ou ne fonctionne pas c’est selon, conformément à la philosophie du “tout ou rien”, – c’est mon pronostic.)

“Quel étrange univers” parce que le Général parle de ces exhibitions, comme un croyant parlerait de la Révélation... Là est bien le thème de mon propos.

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Le scandale de Panama (1889) ? Voyez Poutine

  mardi 05 avril 2016

Bien, je prends la plume et je vais en parler, moi, parce que, sur dedefensa.org, je les trouve bien silencieux... Panamagate, – décidément je préfère cette expression à Panama Papers, qui fait un peu trop sérieux, – des tonnes de documents communiqués ; livrés à notre vertu par l’Ange déchu-et-rattrapé, grâce à son Open Society, tout de même ! C’est du lourd, du sérieux, du crédible, du vertueux, non ?

Si j’étais un petit peu retors, pervers, ambigu et subverti, sinon inverti (dans le sens du Système, hein), je vous mettrais en simple copié-collé le “scandale de Panama” tel qu’il se produisit selon notre Wiki manipulable à souhait, entre 1889 et 1893, où l’on vous parle d’Édouard Drumont, d’Émile Loubet, de Gustave Eiffel, de Ferdinand de Lesseps, du baron de Reinach, du « fripouille finie » de je-ne-sais-plus-qui ou d’à-peu-près-tout-le-monde au fameux « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose » de Georges Clémenceau. Vous auriez su qu’« [e]n tout, ce sont 104 parlementaires qui auraient touché des sommes entre 1 000 et 300 000 francs. Le scandale se conclut en 1893 par la condamnation à cinq ans de prison de l'ancien ministre des travaux publics, Charles Baïhaut. »

... Et puis, cela fait, j’aurais alors conclu : “mais bon Dieu, tous ces imbéciles qui se sont entre-chamaillés et sur-écrabouillés pendant plusieurs années, au risque de faire tomber la vertueuse IIIème République, prêtant le flanc à l’antiparlementarisme, etc., – mais bon Dieu, ces imbéciles, il leur suffisait de crier : C’EST POUTINE !” Point final, tout était dit et la République de la modernité triomphante eût été sanctifiée.

Je reconnais pourtant, à propos du silence de defensa.org, que je les comprends un peu. Ils sont à court de commentaire, et toutes leurs références, du “déchaînement de la Matière” au “déterminisme-narrativiste” commencent à faire un peu plat, un peu poussif devant ce déferlement diluvien, cet apocalypse de comptes bancaires, ce déferlement eschatologiques de milliers de sociétés off-shore, cette empilement pataphysicien de $milliards et de $milliards. Il faut dire qu’il y a là quelque chose d’une beauté qui égale celle des cathédrales du Moyen-Âge flamboyant, tous ces canards qui vous annoncent cette nouvelle formidable, avec comme entrée en matière la photo de Poutine, les soupçons possibles de la culpabilité certaine de Poutine, les certitudes des possibilités des soupçons de la culpabilité probable de Poutine, les possibles éventuelles possibilités des soupçons certains de la culpabilité possible-certaine de Poutine, pour préciser que ah oui, au fait, juste un détail, là, –  « ...the president’s name [Putin] does not appear in any of the records... » Par contre, il y a celui de Porochenko, celui du papa de Cameron, celui du Roi sympa et saoudien dont le fiston vient de recevoir sa Légion d’honneur des mains caressantes et prestidigitatrices du poire-président, des tas de type hyper-cool du genre, compris le malheureux Premier ministre islandais qui parvient à rassembler la plus grande manifestation qu’ait jamais connue son pays, dans une mesure où l’impopularité à ce point c’est quasiment de la popularité, non ?

Passons outre, volaille, – on parle de la volaille de dedefensa.org et de ce Journal-dde.crisis, – le scandale de Panamagate aura bien lieu, mais dans la dignité car le procureur Soros a déjà désigné le condamné pour qu’il soit jugé en toute équité et selon les lois du genre, devant le tribunal (International) de Davos : C’EST POUTINE ! On ne recommencera pas la gaffe de 1889-1893. Ainsi y crurent-ils pendant vingt-quatre heures...

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