Tourbillon crisique-45

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Tourbillon crisique-45

14 mars 2018 – La vitesse de l’embrasement surprend toujours par son accélération chaque fois plus forte. Cette fois, cette accélération tourbillonnante, au cœur de ce tourbillon crisique dont nul ne sait où il mène sinon dans un Trou Noir au-delà d’où on ne sait rien, passe tout ce qu’on a connu.

Trois situations crisiques permanentes ont brusquement et parallèlement éclaté dans un nouveau paroxysme, en une seule journée. Elles paraîtraient volontiers coordonnées à ceux qui y voient le lien des manigances d’une organisation rationnelle ; elles nous paraissent beaucoup plus simplement mais irrésistiblement jaillir conjointement à partir d’une tension extrême que des forces supérieures font peser depuis si longtemps, et en constant crescendo, sur la situation générale en établissant ainsi un lien d’enchaînement psychologique. « Je ne vois aucun terme normal qui puisse satisfaire à la description de tout cela », observe Lavrov.

Il y a la “crise du poison”/UK (l’espion Skripal), qui voit la montée aux extrêmes ; hystérique et incontrôlable du côté UK avec ultimatum à la Russie, et cette fois avec la Russie proche de ne plus freiner. La Syrie est toujours brandie comme au bord d’un nouveau paroxysme, cette fois avec une possibilité d’attaque US et l’annonce officielle d’une riposte russe proche d’être assurée dans ce cas. La “crise du chaos” courante à Washington, “D.C.-la-folle”, connaît un nouveau paroxysme avec le limogeage de Tillerson puis d’un de ses adjoints du département d’État, et des remous importants dans l’équipe de sécurité nationale du Président ; elle porte la marque d’un Trump toujours insaisissable, toujours imprévisible, et cette fois en phase de turbo-activisme... A Washington même, aujiurd'hui, dans cette séquence, tout peut se passer.

Malgré l’importance provocatrice qu’on accorderait aux agitations démentes de nos directions dont l’existence semble se nourrir voracement à la rhétorique la plus extrême, l’essentielle nouveauté est le durcissement russe. « On n’adresse pas un ultimatum de 24 heures à une puissance nucléaire », a dit hier la porte-parole du ministère des affaires étrangères, Maria Zakharova. TheDuran.com observe : « Il s’agit seulement d’une spéculation (erronée, espérons-le !!), mais en se référant aux discours de Poutine du 1er mars sur l’état de la nation, avec les tests opérationnels du missile Kinzhal et les révélations faites par le président Poutine sur d’autres systèmes d’arme très avancés, autant qu’à la situation britannique et désormais qu'à la situation syrienne, il apparaît que la Russie, bien qu’elle veuille éviter l’affrontement, semble admettre qu’il devient inévitable. »

La véritable inconnue de cette phase crisique exceptionnelle de paroxysme reste tout de même la situation washingtonienne. Les menaces US contre la Syrie viennent de Haley, à l’ONU, et l’on ne sait à qui elle obéissait (à Tillerson le partant ? A Pompeo qui le remplace ? A Trump lui-même ? Ou bien à personne, agissant de son propre chef ?). Sur la “crise du poison”/UK, la position US est incertaine et varie selon la source consultée, certains allant jusqu’à dire que le renvoi de Tillerson a été brusqué et rendu très brutal à cause de son soutien affirmé à 100% à la thèse et à l’action britanniques.

Cette phase dramatique et tragique est à l’image de Trump, l’homme qui a imposé cette descente dans le chaos et dans les situations de tous les risques, d’affrontement et d’effondrement, – elle est insaisissable et imprévisible. Elle est une répétition ou bien elle est la réalisation de l’acte final de la Grande Crise d’Effondrement du Système. Plus que jamais à l’extrême incandescent de ce processus, nul ne sait s’il s’agit d’une finalité d’une part, nul ne sait la forme que prendra cette finalité si c’est le cas d’autre part.

D’une façon générale et à cause de plusieurs éléments, dont l’extrême médiocrité de nombre des acteurs humains n’est pas le moindre, nous sommes dans une situation bien plus grave que lors de la crise des missiles de Cuba de 1962. Bien peu de gens, dans le vaste public du monde, le réalisent ; peut-être, d’ailleurs, dans ce climat d’inversion totale de la culture, bien peu de gens, dans le vaste public du monde, savent ce que se passa en octobre 1962...