Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
25 septembre 2025 (14H15) – Il y a deux jours, Jeffrey Sachs, ce distingué professeur d’économie devenu un formidable guerrier de la dissidence, répondait aux questions de Danny Haïphong (sur sa chaîne ‘Danny Haïphong Français’ le 24 septembre 2025). Il passait en revue avec fureur les différentes incompétences des dirigeants des pays des pays de l’Occident poussif... Pour résumer son propos, il précisa ceci :
« Nous sommes également dans un contexte où l'Ukraine est dirigée par un petit gang, lui aussi extrêmement corrompu, opérant sous la protection de la loi martiale et, comme aux États-Unis, sans aucun lien avec les besoins du peuple ukrainien ni avec l'opinion publique ukrainienne, qui souhaite massivement que cette guerre cesse. En gros, c'est presque comme si nous étions sous la coupe de gangsters, en Amérique, en Europe et en Ukraine. »
Du coup, on comprend que Zelenski, qui est vraiment “l’un des nôtres” tant au niveau des pratiques que de l’incompétence, soit « un héros de notre temps »... Mieux encore, selon ‘The Economist’ (relayé par RT.com, mazette quelle association), qui montre ici une singulière clarté d’analyse rompant avec l’habituel concert de louanges accompagnant les divers commentaire américanistes-occidentalistes et globalistes sur lui, Zelenski, notre “héros du culte” devant qui se prosternent tous nos dirigeants :
« La tentative de répression menée par Kiev contre les agences anti-corruption en juillet, qui a déclenché des manifestations de masse, a marqué un point de rupture, selon un haut responsable ukrainien, qui a déclaré que “la confiance s'est rompue entre le gouvernement et la société”.
» “L’‘élévation de [Zelenski] au rang de ‘héros du culte’ en Occident a démesurément gonflé son hubris” écrit ‘The Economist’. “Le dirigeant ukrainien a été adulé par des responsables et des médias étrangers, certains le comparant à Winston Churchill”.
» “Zelenski était plus démocrate au départ, mais tous ces applaudissements l'ont envoyé dans les étoiles”, a déclaré au magazine un autre proche du gouvernement. “Il a commencé à croire à son destin”.
» L'analyse faisait écho à un article du magazine ‘Time’ de novembre 2023 qui décrivait la croyance de Zelenski en une victoire finale comme “inébranlable, frisant le messianisme”, des sources affirmant que son entourage proche était peu disposé à remettre en question cette “illusion”. »
Cette vénération s’arrêté très vite au cercle des très-proches, du moins en Ukraine. La preuve en est une intervention sévère du général Zalouzhni, ancien commandant en chef des forces ukrainiennes et actuel ambassadeur de l’Ukraine à Londres. Lors d’une conférence, il a critiqué vivement l’offensive de Koursk, voulue personnellement par Zelenski, qu’il (Zalouzhni) désapprouva (cause de son renvoi) et qui causa des pertes considérables à son armée pour finir par perdre tout le terrain gagné.
Là-dessus se situe l’épisode de Trump à la tribune des Nations-Unies, dévoilant une analyse, – une narrative, veux-je dire, – complètement différente de celle qu’il a développée pendant des mois. Il proclame que l’Ukraine est résiliente et solide face à la Russie qui s’épuise et s’effondre. Il suffit d’un peu de patience, du soutien des Européens et de la poursuite de livraisons d’armes, pour que l’Ukraine lance sa grande contre-offensive, reconquiert tout son territoire, voire pénètre en Russie, – pourquoi pas, jusqu’à Moscou ! Pendant ce temps, la Russie s’effondre, Poutine est liquidé, etc.
Certains réagissent aussitôt et au premier degré (moi-même, d’ailleurs, y ai cédé tout en réservant ma plume pour de plus amples observations). C’est le cas d’Andrew Korybko dans un texte publié le 24 septembre... Avec un titre explicite, – « Zelenski manipule Trump et le conduit dans un désastre aux dimensions épiques », – disant le véritable fond de sa pensée en termes moins posés que ceux de son texte, comme d’habitude pondéré par une raison dominatrice, Korybko conclut ainsi :
« Zelenski souhaite simplement que davantage de fonds et d'armes soient injectés en Ukraine, un flux croissant de fonds et d'armes provenant de l'UE, au détriment du niveau de vie de ses citoyens, qui continue de se dégrader en raison des sanctions antirusses imposées par l'UE. Pourtant, Trump prend désormais le président ukrainien pour le nouveau Churchill combattant le nouvel Hitler. Il est décevant que l'auteur de ‘L'Art de la négociation’ soit désormais abusé et berné par l'ancien humoriste qu'il qualifiait autrefois avec moquerie de “meilleur vendeur du monde”, – mais tel est l’état des choses. »
Il y a une autre position, consistant à dire : Trump a modifié complètement sa narrative pour pouvoir dire à tous les acteurs : “eh bien, vous êtes tous d’accord sur cette situation, alors cela signifie que l’Ukraine n’a absolument aucun besoin de l’engagement des forces armées US”.
C’est notamment le cas de Larry Johnson et d’Alexandre Mercouris, le premier relatant cette occurrence dans un texte où il rend hommage au “Frère Mercouris”. Johnson reconnaît qu’il a si clairement dénoué le nœud gordien de la pensée trumpiste, appuyée sur son nième mensonge-utile, sous forme d’une narrative d’une variabilité extraordinaire et presque magique :
« J'ai reçu un gentil compliment aujourd'hui de mon ami Alexander Mercouris, qui a approuvé mon analyse selon laquelle la Vérité sur l'Ukraine et la Russie de Trump était en réalité un sarcasme sophistiqué. Mais Alexander a mieux expliqué la nature de ce sarcasme que moi. Alors, je te le dis, Alexander. Frère Mercouris a expliqué que Trump, plutôt que de débattre avec Kellogg et les néoconservateurs qui voulaient promouvoir le récit de la défaite russe, leur a essentiellement dit : “Vous avez raison”, puis il a poussé cette affirmation jusqu'à sa conclusion logique. Plutôt que de discuter avec Kellogg et les néoconservateurs, il a répondu :
» “OK, vous avez raison. Puisque l'Ukraine gagne et que la Russie perd, pourquoi diable les États-Unis devraient-ils faire quoi que ce soit de plus ? Bien sûr, nous vendrons à l'OTAN toutes les armes que nous voulons (en supposant que nous puissions les fabriquer) et ils pourront se ruiner en les donnant à l'Ukraine pendant que l'Amérique gagnera l'argent dont elle a cruellement besoin. Quoi qu’il en soit, puisque l’économie russe s’effondre, la guerre prendra fin, l’Ukraine gagnera et nous n’aurons plus rien à faire”. »
Disons alors que la deuxième réaction nous semble plus conforme et adéquate, d’autant que Trump nous a habitués à ne vivre que de mensonges en mensonges dont il fait des armes de négociation. On ne sait pas pour autant ce que Trump pense de la guerre ni de Zelenski, sinon sans doute qu’il s’en fiche pour se concentrer sur les affaires de l’Amérique et de son “extérieur proche”.
Cela l’amène à des ruses diverses, dont certaines habiles comme celle de l’ONU si l’interprétation de Johnson-Mercouris est bonne. L’autre situation, d’un Trump tombant sous le charme de Zelenski, me paraît moins séduisante. Les échos qu’on avait jusqu’alors était plutôt ceux d’une certaine méfiance, sinon d’une hostilité du premier pour le second.
Laissons le cas de Trump. Il me semble que c’est tellement personnel qu’il faudrait chercher une antipathie au niveau des personnalités psychologiques, ce qui laisserait essentiellement un narcissique contre un autre narcissique avec peu de chances d’entente. Par contre l’emprise, – paradoxale pour un personnage de cette médiocrité, – de Zelenski sur nombre de dirigeants européens, à commencer par l’aéropage de l’UE et des trois “grands” européens (Allemagne, France, UK), est absolument évidente. L’explication n’est, elle, nullement évidente. Elle est à chercher à l’aide d’hypothèses intuitives.
D’abord, il y a cette réalité que le comédien Zelenski est un homme de “leur monde”, – parfaitement imaginaire et déconstruit. Comme eux, il vit dans un simulacre, le même que le leur, et il est partout accueilli comme un frère, et désormais comme un frère salvateur, qui détient le secret d’une issue heureuse et victorieuse.
Au départ, lorsqu’il a commencé à avoir une existence internationale, le 24 février 2022 avec l’attaque russe, c’était une marionnette dont tout le monde chez ces dirigeants se moquaient plus ou moins. On le vit bien avec l’intervention brutale en avril 2022 de Boris Johnson pour bloquer ses négociations avec les Russes. De toutes les façons, la Russie allait incessamment s’effondrer, militairement et économiquement, sous la pression des sanctions qu’eux-mêmes, les dirigeants de l’Occident-triomphant, avaient décrétées.
Rien de tel ne se produisit et, peu à peu, les difficultés militaires de l’Ukraine se firent plus fortes tandis que la Russie se rétablissait. Pourtant Zelenski, lui, tenait bon. Son combat, c’était sans cesse des déplacements dans les capitales amies, toujours avec des nouvelles revigorantes sous forme de promesses, et une narrative prometteuse parce qu’il voulait des armes et de l’argent où lui-même trouvait son compte. Les Européens, qui s’étaient engagés à fond, ne cessaient de s’engager plus encore à mesure que la situation devenait plus difficile et que Zelenski leur promettait des lendemains qui chanteraient ; très vite, on avait distingué que ce n’était pas une guerre de l’Ukraine, mais une guerre de l’OTAN et de l’UE, – il n’était donc pas question de céder et Zelenski leur était d’autant plus nécessaire.
Ainsi en arriva-t-on à la situation présente, où la marionnette est devenue une sorte de maître-chanteur qui les tient tous en otages. Eux-mêmes ont développé un énorme “syndrome de Stockholm”, d’autant plus aisément que la Suède est entrée dans l’OTAN. Tout le monde est au même régime ; mensonges et narrative au déjeuner et au souper. Leur maître à tous, qui détient la clef du mystère (comment vaincre la Russie ?) est devenu aussi précieux que la prunelle de leurs yeux. Il aura tout ce qu’il veut et tout ce que peuvent les autres. Il est leur totem, leur Guide, leur Inspirateur et phare dans la tempête, leur joueur de flûte de Hamelin, celui qui attirait les rats dans son sillage.
Ainsi la bataille se livre-t-elle sur deux terrains, – ou plutôt, dirais-je, il y a deux batailles différentes, deux théâtres des hostilités, deux mondes somme toute étrangers. Celui de Zelenski consiste à entretenir un simulacre où l’im-monde est en passe d’être vaincu, – demain au plus tard, s’il ne l’est déjà malgré ses pathétiques fanfaronnades ; l’autre, c’est assez classique et de peu d’intérêt, celui où meurent les pauvres gens par milliers.
Zelenski est bien “des leurs”. Pas plus bête qu’eux, ni plus compétent d’ailleurs ; ramassant autant d’argent qu’il peut en mettant ce qu’il faut dans sa poche ; marmonnant des slogans démocratiques sur un rythme martial ; avec aussi quelques mots sur l’honneur et l’héroïsme... Petit gangster politique sans envergure ni principes (rien à voir avec un Maranzano ou un Luciano), il est porté continuellement en triomphe sur un bouclier de haute technologie par ses ouailles. C’est le symbole du « dernier homme » de Nietzsche, vivant riche et acclamé pour son caractère éminemment churchillien, par tous ceux qui s’imaginent lui devoir leurs positions et leurs prestiges intérieurs, et qui ne font que le singer.
”Plus dure sera la chute”, dit une voix sourde avec un fort accent russe. Cela n’est même pas assuré, si la chute est une belle retraite dorée.