Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
26 septembre 2025 – Curieux destin que celui de la France, ce pays dont je puis parler en tant que citoyen du dehors après qu’il m’ait expédié en-dehors de la terre où j’étais né comme sur une terre promise comme française à jamais. Depuis, j’ai observé, à partir de divers observatoires “en-dehors” (sauf quelques années à Paris trônant au cœur du “désert français”), l’évolution de ce qui était décidément mon pays.
Mon affection pour lui, malgré les vicissitudes initiales, était très forte puis elle a commencé à décliner jusqu’aux plus basses eaux où nous nous nous trouvons actuellement, où j’ai honte pour lui pour s’être laissé aller comme il fait, jusqu’au fond du fond, pour s’être compromis avec des bandits de rencontre. D’où ma surprise presqu’heureuse, amère et ironique mais réelle, qu’un commentateur italien commence un texte d’analyse de la France par cette proclamation de son indispensabilité, – même si les évènements de référence qu’il nous proposent ne me remplissent pas de joie :
« L’un des enseignements fondamentaux de l’histoire est que, pour comprendre le destin de l’Europe, il faut regarder vers la France. Une vérité qui est probablement valable depuis la naissance de l’État-nation français, mais qui est devenue de plus en plus évidente au fil des siècles, alors que s’y sont produits, – précisément en France, – des phénomènes particuliers comme les Lumières, la Révolution française et l’épopée napoléonienne. »
Bien, malgré le contexte catastrophique, et en admettant que la France est d’une certaine façon le pays des extrêmes et des contrastes, on fera acte de foi. Par pur jeu sémantique je le précise, on opposera à l’analyse que fait Giuseppe Masala, le célèbre proverbe qui n’est plus guère cité, sauf pour les titres de livres, et bien évidemment sur le ton ironique et grinçant qui sied à ce pays en état chronique et permanent de repentance et d’autoflagellation : « Heureux comme Dieu en France ». Effectivement, le proverbe a été l’occasion d’une controverse où je ne mettrais pas le bout d’un doigt d’un pied.
• Wiki annonce aussitôt la couleur de la polémique :
« Traduction de l’expression yiddish, men ist azoy wie Gott in Frankreich ; à une époque où, en Europe, seule la France avait émancipé les juifs et les avait mis au rang de citoyens de plein droit. L’expression fut reprise ensuite par les Allemands : glücklich wie Gott in Frankreich. »
• AI-Google se lave les mains d’une éventuelle origine yiddish, ce qui précipite l’intelligence artificielle dans la polémique :
« “Heureux comme Dieu en France” est d'abord un proverbe allemand qui n'est plus uniquement germanique. Il évoque une forme de bonheur ou de contentement, mais peut aussi avoir des connotations liées à l'hypocrisie ou à l'ironie, et a été repris en France, notamment dans des contextes sociaux et politiques, comme dans un roman de Marc Dugain. »
• Ou bien encore, ceci, si l’on veut un jugement plus général qui s’abstient avec élégance de trancher et laisse toutes les portes et fenêtres ouvertes en nous donnant une définition paradoxale (la laïcité attirant Dieu chez nous !) qui ne manque ni de sel, ni d’ironie :
« Proverbe dont l'origine est assez obscure et controversée et divise les opinions. Pour la majorité, elle ferait référence au fait que dans un pays laïc tel que la France, Dieu n'a plus à se soucier des fidèles et aurait juste à profiter de la vie. »
Mais si l’on veut trouver un paradoxe justifiant ce parallèle, on observera que ce proverbe confirme, au contraire, non pas le bonheur français actuel tant s’en faut, mais l’importance absolument essentielle et toujours actuelle de la France en Europe. Si Dieu s’y trouve, en effet, et même Dieu-endetté, c’est bien que la France est ce pays si important pour l’Europe tel que le décrit Masala. C’est bien elle qui détient la clef de la crise européenne et “pacifier” ce pays, comme l’espère Masala, est un destin qui se trouve au bout d’un tunnel dont personne, absolument personne ne voit la lumière de son terme, et encore moins le trou de la serrure ou introduire cette clef.
« En conclusion, une chose est certaine : une fois encore, le destin de l’Europe se joue à Paris. La paix en Europe ne sera possible qu’avec une France pacifiée. »
On attendra donc, et ce sera une ultime satisfaction pour la fierté française d’avoir ainsi détenu un destin supérieur au sien, et d’avoir fait se languir l’Europe d’une grandeur retrouvée, – puisqu’on peut toujours rêver... D’où le titre originel de l’article de Mesala (« Les destins de l’Europe se décideront à Paris [et ce n’est pas une bonne nouvelle] ») avant l’entame d’une description apocalyptique, en italien et en traduction française, de la situation financière, économique, sociale et politique de ce « cher pays de mon enfance ».
_________________________
L’un des enseignements fondamentaux de l’histoire est que, pour comprendre le destin de l’Europe, il faut regarder vers la France. Une vérité qui est probablement valable depuis la naissance de l’État-nation français, mais qui est devenue de plus en plus évidente au fil des siècles, alors que s’y sont produits — précisément en France — des phénomènes particuliers comme les Lumières, la Révolution française et l’épopée napoléonienne.
C’est encore le cas aujourd’hui: la France est le seul pays de l’UE à disposer de la dissuasion nucléaire et à siéger au Conseil de sécurité de l’ONU, donnant à Paris un rôle fondamental dans la définition des destins de l’Europe continentale. Néanmoins, à cette époque historique-ci, ce pays traverse une crise industrielle, économique et politique très profonde, qui s’est désormais transformée en une crise politique aiguë et, de plus en plus, sociale.
Le point clef pour comprendre la genèse de la crise actuelle de la France doit être recherché — comme d’habitude ! — dans la naissance de l’euro. Comme Rome, Paris n’a pas réussi à résister à la concurrence des pays d’Europe du Nord et de leurs chaînes de valeur mondiales bien conçues. En effet, la France a elle aussi vécu le drame de la désindustrialisation, auquel s’est ajoutée la fin de la Françafrique, c’est-à-dire la domination de Paris sur ses anciennes colonies africaines, qui garantissait un débouché sûr pour les produits français et un flux constant de capitaux vers Paris grâce au mécanisme du franc CFA.
Un autre phénomène, intrinsèquement lié au processus d’intégration européenne, a également aggravé la situation française. Je fais naturellement référence au soi-disant axe franco-allemand, qui ne doit pas être vu uniquement sous l’aspect politique, mais aussi économique et financier. Sous ce dernier aspect, l’axe doit être compris en des termes très simples et particuliers: Berlin a toujours — et de plus en plus — couvert les déficits croissants de Paris au niveau de la balance courante. En d’autres termes, l’Allemagne, grâce à sa puissance économique énorme, portée par un système productif hyper-compétitif à l’échelle mondiale, réglait l’addition des dépenses de Paris, évitant ainsi à cette dernière la confrontation finale avec des comptes nationaux de plus en plus hors de contrôle. Évidemment, Berlin ne faisait pas cela par philanthropie, mais parce qu’ainsi elle obtenait le soutien de la France au niveau des politiques européennes, renforçant ainsi son hégémonie sur les institutions de l’Union. Du point de vue français, il faut dire que les injections continues de capitaux de la part de Berlin et de ses pays satellites se sont révélées être des doses massives de morphine qui ont permis de maintenir un État social de super-luxe pendant des décennies, évitant que la crise industrielle ne se transforme en crise sociale.
Mais si ces doses de morphine financière venues d’outre-Rhin ont été un remède pour Paris d’un côté, de l’autre elles se sont révélées être une damnation qui a empêché la politique française de prendre la mesure de la gravité de la situation, lui permettant de végéter dans le confort.
Tout cela jusqu’à la confrontation finale que nous vivons ces mois-ci. La position financière nette de la France est totalement hors de contrôle avec environ 900 milliards d’euros de dettes nettes envers l’étranger. Un chiffre colossal, si l’on considère que l’Italie a été placée sous tutelle par l’UE sous le gouvernement Monti alors qu’elle avait une position financière nette négative de « seulement » 300 milliards d’euros. Un tiers de celle de la France, alors que Paris n’a pas une économie trois fois plus grande que celle de l’Italie.
La position financière nette française est donc hors de contrôle, et en outre doit être considérée comme totalement instable car elle a perdu son principal parachute, à savoir le flux de capitaux provenant de l’Allemagne et de ses pays satellites, qui garantissaient la stabilité tant du système financier de Paris que de la dette publique française. Pour démontrer que la situation financière de la France est instable, il suffit de citer un chiffre: les obligations à dix ans de Paris ont désormais atteint un rendement de 3,5%, ce qui est objectivement très élevé et montre que la France doit offrir des rendements plus importants si elle ne veut pas voir s’évaporer ses capitaux et subir une crise financière et bancaire. À cet égard, la déclaration de la gouverneure de la BCE, Mme Lagarde, affirmant que « le système bancaire français n’est pas en danger », est révélatrice du malaise du secteur. Existe-t-il une plus grande certitude qu’un système bancaire est en danger que lorsque le banquier central est obligé de jurer le contraire ?
L’agence de notation Fitch a aussi pris acte de la gravité de la situation, en dégradant la dette publique française à la note A+ contre AA-. Bref, la voie que suit le pays transalpin est très similaire à celle des années passées, avec trois facteurs aggravants:
• Dorénavant, les pays d’Europe du Nord pourront difficilement soutenir le système financier français avec les importantes injections de capitaux de ces dernières décennies;
• La position financière nette de la France est extrêmement grave compte tenu de la taille de son économie;
• Très probablement, l’Europe traversera dans les prochaines décennies une grave crise due au fait qu’elle est devenue une zone économique marginale, exclue des grands flux financiers et d’innovation technologique, et dépourvue de tout poids politique. Par conséquent, Paris aura encore plus de mal à assainir ses finances, précisément parce que cela devra se faire dans une phase de difficultés systémiques pour tout le continent.
Comme il arrive toujours lorsque la situation économique d’un pays est aussi instable, le cadre institutionnel entre lui aussi dans une grave instabilité: les gouvernements à Paris se succèdent très rapidement et surtout végètent, impuissants et incapables de concevoir une stratégie de sortie de cette crise « à l’italienne ».
C’est dans ce contexte complexe que les élites françaises semblent avoir choisi la voie la plus facile (et la plus irresponsable) pour sortir de la crise: celle de la création d’un ennemi extérieur. Évidemment, il ne pouvait s’agir que de "l’autocrate du Kremlin", Vladimir Poutine.
Les déclarations tonitruantes de Macron, qui a qualifié le président russe d’« ogre » et de « prédateur », en disent long sur la position de Paris: de l’autre côté des Alpes, on veut la guerre ou du moins un état de tension avec la Russie, afin de cacher les problèmes internes et dramatiques du pays.
C’est seulement dans cette logique que l’on peut donner un sens à l’idée soutenue par Macron d’envoyer des contingents militaires en Ukraine comme troupes d’interposition et d’instaurer une zone d’exclusion aérienne dans l’ouest de l’Ukraine, afin d’abattre les essaims de drones russes qui sévissent dans le ciel ukrainien.
Des idées irresponsables qui alimentent l’escalade, à tel point que le porte-parole du Kremlin, Peskov, a déjà déclaré qu’il considère l’OTAN en guerre contre la Russie. Sans parler de l’ancien président Medvedev, qui lui aussi parle désormais de guerre entre la Russie et l’OTAN avec ses habituels accents à la Jirinovski.
En conclusion, une chose est certaine : une fois encore, le destin de l’Europe se joue à Paris. La paix en Europe ne sera possible qu’avec une France pacifiée.