Le torrent irréfragable de la GrandeCrise

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Le torrent irréfragable de la GrandeCrise

9  septembre 2025 (16H20) – Je parle de la GrandeCrise, on le sait et le devine, comme d’un phénomène échappant aux circonstances et aux événements, un phénomène qui échappe à la logique de notre destin parce qu’elle en est la créatrice, parce qu’elle se trouve en-dehors et dicte sa logique à notre destin. Elle échappe donc à notre histoire que l’esprit commun croit continuer à vivre, pour tenir la place de la métahistoire. Soyons scientifiques et empruntons leurs formules : “tout se passe comme si” une force d’En-Haut lui avait délégué ce pouvoir et cette fonction, sinon sa légitimité cosmique.

La GrandeCrise ne dépend pas d’une crise, ni des multiples crises que nous nommons “subcrises”, qui éclatent  un peu partout et  qui jamais ne se résolvent. Les moindres incidents, les réflexes les plus banals, les réflexes les plus primaires sont aussitôt exploités dans le sens voulu par la GrandeCrise. Prenez Boris Johnson du temps de sa direction brutale du pays, – entretemps et après son départ de Downing Street, mis en fâcheuse posture pour de juteux incidents de corruption avec de très-vilaines fréquentations selon le simulacre américaniste-occidentaliste (le Vénézuélien Maduro, notamment, pour $270 000) ; souvenez-vous de sa brutalité et de sa grossièreté, en mars-avril 2022, pour empêcher un accord de paix entre l’Ukraine et la Russie. Vous trouvez là la cause de la circonstance qui a fait de la guerre en Ukraine un formidable détonateur au service de la GrandeCrise (et de la Russie, cette fois comme tant d’autres placée dans le sens qui nous importe).

Ce cher old Boris a agi avec une brutalité toute britannique, moyen du temps de l’empire de la puissance suprémaciste anglo-saxonne, et aujourd’hui devenu son tombeau à cause justement du comportement de ce Premier ministre qui se trompe d’époque. Son acte a fait de la guerre en Ukraine, qui pouvait être aisément contenue localement et ne pas bouleverser l’ordre du monde même si la Russie y gagnait, un événement mondial qui accélère au-delà de toute modération le déchaînement crisique en cours en donnant à cette même Russie la puissance de levier de bouleverser le monde (« Donnez-moi un point fixe et un levier et je soulèverai la Terre », nous dit Archimède)...

En effet, quels résultats ?

« La Russie reste cependant un cas particulier. D’une « opération courte » prévue, le conflit est devenu la plus grande guerre en Europe depuis 1945. Cela a dépassé Moscou, mais paradoxalement, cela l’a aussi renforcée : la Russie tient bon – et cela seul modifie la perception mondiale. » (Elena Fritz)

« Il est de plus en plus clair que la Chine et la Russie souhaitent façonner un monde conforme à leur modèle autoritaire » (‘National Defense Strategy’ du Pentagone)

Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, mais Boris Johnson le démontre magnifiquement. Ce que je veux montrer ici n’est pas tant l’“effet papillon” (vous savez, un infime battement d’aile d’un papillon en Australie provoquant un ouragan gigantesque en Floride malgré les hurlements de fureur de Trump) mais plutôt le phénomène de ce qu’on pourrait nommer “la règle de l’unicité des effets crisiques”, montrant que toutes les occasions, y compris les comportements de brute de Johnson, sont systématiquement utilisées selon la logique imposée par la GrandeCrise pour multiplier et accélérer l’enchaînement crisique.

Note de PhGBis : « Par qui ces occasions sont-elles utilisées ? Qui cherche donc à conduire à son terme la GrandeCrise ? On ne répond pas à ces questions indiscrètes, sinon en excluant toute organisation et intervention humaines organisées. Notez simplement, cela a déjà été évoqué, combien de fois déjà sur un ton feutré, puis récemment sur un ton pas si feutré que ça. Par exemple, le 18 août 2025 :

« La narrative concerne désormais le divin... Ce dont nous parlons désormais a la résonance du divin et de sa révolution cosmique. » (‘dedefensa.org’)

« En d'autres termes, la phase terminale que nous vivons actuellement ne peut s'expliquer uniquement dans une perspective historico-politique, mais s'inscrit dans un cycle cosmique. Elle touche non seulement les cordes intimes de l'humain, mais aussi celles du divin... » (Michele’ du ‘Blocco Studentesco’)

 L’“effet papillon” indique un rapport d’amplification colossal, avec un parcours en droite ligne montante ; le geste de Johnson (qui est infiniment plus important en intensité et en effets directs qu’un battement d’aile d’un papillon) montre la fatalité dynamique selon laquelle, dans un cadre donné qui implique une nécessité de course pouvant prendre une forme elliptique (Johnson, outre sa corruption, représente l’Angleterre qui se retrouve dévastée  par la crise ukrainienne en même temps qu’il est dénoncé comme corrompu), toute initiative va dans le même sens de notre destin crisique de renforcement de la GrandeCrise

Par conséquent, tout est lié dans le destin de la GrandeCrise, auquel nous ne pouvons échapper en aucune façon...

Observez tous les événements : tous sont gros d’une crise, et s’ils en accouchent, c’est-à-dire quasiment à chaque occasion après tout, il leur est impossible de s’en débarrasser (combien de crises résolues de façon satisfaisante, jusqu’à la stabilité, disons depuis le 11 septembre, ou, mieux encore, depuis 1981991 ?). On ne jette pas le bébé avec l’eau du bain pour clore une crise, on garde l’eau du bain parce qu’on est cupide et qu’on refuse le compromis, et on découvre qu’il est impossible de se débarrasser du bébé (la crise).

Cette règle terrible vaut bien entendu pour tous les ennemis objectifs de la GrandeCrise, ceux qui combattent avec une vaillance que seule la stupidité et la corruption suscitent ; en gros, tous les vaillants archers de l’américanisme-occidentaliste. Ceux qui s’en sortent avec les honneurs et quelques projets ambitieux sont ceux qui, volens nolens (et plutôt nolens, hein !), travaillent dans le sens de la GrandeCrise.

Nous savons parfaitement où notre destin se dirige et nous ne pouvons en aucun cas faire autre chose que le suivre. Mais il est entendu que vous pouvez décider cela en toute liberté, selon votre libre-arbitre si vous voulez.