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774013 novembre 2018 – Soudain, les dernières brumes arrangées et mises en scène de la célébration du centenaire de la fin de la Grande Guerre dissipées sous l’Arc de Triomphe, je m’avise que la chose ne m’est pas indifférente, – puisqu’effectivement, malgré la lourdeur du jeu des mots, “Gilets Jaunes” rime avec “Maillot Jaune”, – car c’est bien de cette chose annoncée du 17 novembre dont je parle ici. Même Ségala ressorti du grenier, empaillé séquence-Mitterrand-1981 (“La force tranquille” sur fond de clocher mauriacien et maurrassien, vous kifez ?) et invité en table-talk-show hier soir sur LCI, – décidément ma référence-Système en fait de réseauSystème, – même Ségala dis-je, trouve ça parfaitement d’une grandiose importance... Car cette diffusion aux mille branches dont nul ne sait ni la racine, ni le tronc, ni la subordination, ni la hiérarchie, qui caractérise ce mouvement étrange et déroutant des “Gilets-Jaunes” du 17 novembre, est la parfaite incarnation du rhizome de Deleuze-Guattari, les déconstructeurs-nés.
Petit aparté wikipédiesque : « Dans la théorie philosophique de Gilles Deleuze et Félix Guattari, un rhizome est un modèle descriptif et épistémologique dans lequel l'organisation des éléments ne suit pas une ligne de subordination (comme dans une hiérarchie) – avec une base (ou une racine, un tronc), offrant l'origine de plusieurs branchements, selon le modèle de l'Arbre de Porphyre –, mais où tout élément peut affecter ou influencer tout autre... »
Selon Mattéi, son ennemi intime mais néanmoins loyal dans son jugement, – constatez-le, il n’y a que du beau monde : « Deleuze est simplement une réincarnation du Sophiste qui affronte Platon. (“Nous ne nous trompons pas beaucoup en considérant Gilles Deleuze comme la moderne réplique de Protagoras. A l’image du grand sophiste d’Abdère, Deleuze introduit dans le discours des simulacres un brio rhétorique et une virtuosité hautaine que l’on pourrait qualifier d’aristocratiques.”) Toute la pensée de Deleuze revient à réaliser l’inversion de Platon, et, également, à réaliser l’inversion de Nietzsche qui figure ainsi, par jugement par antithèse, comme l’un des grands vis-à-vis de Platon, et en vérité continuateur de Platon pour qui sait le lire sans l’inverser, pour satisfaire on ne sait quel obscur dessein, – ou bien, le connaît-on trop, ce dessein ? »
Cet extrait est du texte « Inconnaissance, climat, Derrida, Deleuze & Cie », du 18 juillet 2011 sur dedefensa.org, en Ouverture Libre mais terminé par ma signature, ce qui signifie un engagement très appuyé. Pour faire progresser le débat qui nous conduit aux “Gilets-Jaunes”-“Maillots-jaune”, j’ajoute cette citation du même texte-PhG qui devrait être lu comme s’il nous faisait franchir un grand pas en introduisant le “Sésame-ouvre-toi” de l’antiSystème, avec quelques références et une intervention du corps gras en sus du texte initial : « Mais revenons aux réalités. Je suis contemporain (“Qui est du même temps que quelqu’un ou quelque chose”) d’un univers (un Système) qui s'est développé en une période de temps fulgurante, sous la forme désormais affichée d’un Système anthropomorphique, selon les descriptions prémonitoires des Derrida, Deleuze & Cie, comme s'ils étaient les scribes zélés et extrêmement accommodants d’un développement qui nous dépasse tous, et eux en premier sans aucun doute, – ils exécutent, c’est tout. Étant contemporain sur le tard de cet univers Derrida, Deleuze & Cie, je choisis de me placer en dehors de lui (inconnaissance) pour tenter de le déconstruire. Si cela semble à certains la même méthode que celle de Derrida, Deleuze & Cie, peu me chaut, mais je sais d’évidence, d’intuition et de savoir assurés, que cela est contre leur univers. Ainsi s’établissent des systèmes antiSystème...[et des “rhizomes-antiSystème”] »
Ainsi en viens-je au cœur de mon propos qu’on n’hésitera pas une seconde à percevoir comme révolutionnaire ! Je veux parler de cette affaire du 17 novembre et des “Gilets-jaunes” qui enflamme la France entière et fiche une considérable crainte-panique comme devant l’inconnu à Macron et sa bande, au point que Macron saute sur le prime time de LCI (toujours-lui) pour répondre sur un ton conciliant, arrangeant, type combinazione vous voyez. Macron veut arranger les embrouilles et la tambouille mais le rhizome est un entrelacs indémêlable et là-dessus il n’est pas vraiment digeste. Car par quel bout le prendre, alors qu’il n’a pas de bout comme l’avaient remarqué, et justement apprécié comme la combinazione déstructuralisante-gagnante, les Deleuze-Guattari ?
C’est parfaitement l’impression que l’on recueille lorsqu’on écoute les dinosaures-Système des talkshows, accompagnés des jeunes termites aux dents longues piaffant de faire carrière dans le Système, qui y perdent leur triste latin de bas-Empire. Que veulent donc ces “Gilets-jaunes” ? Le prix du gazole-essence, certes, mais on est largement au-delà, avec des revendications de plus en plus indistinctes, fantasmagoriques et inatteignables ? Quels sont leurs chefs, à qui peut-on parler ? A qui le gouvernement macronicien, ou même Necronomiconien comme dirait Lovecraft, va-t-il pouvoir s’adresser pour les rouler dans la farine ? Pas de réponse devant cette sorte de Désert des Tartares civique, silence consterné et sidération contenue.
Il y en eut alors un pour s’exclamer presque dans un chuchotement : “Mais c’est du nihilisme !” ; et un autre : “On dirait qu’ils ne veulent qu’une chose, tout foutre en l’air !”. Consternation et sidération renouvelées, alors que tous opinent en silence. Force est de constater que tous ces résidus de rhizome enfantés par Deleuze-Guattari pour tenir ferme les chaînes de la communication du rien entropique se trouvaient là devant une énigme consternante ; j’ai eu alors l’impression qu’ils se trouvaient en vérité dans cette situation qu’on décrit selon l’expression fameuse : ils étaient là comme lorsqu’on on est “pris à son propre piège”, et Deleuze-Guattari nous ayant fourni la clef de la prison où ces deux-là nous ont enfermés.
Bien entendu, j’ai aussitôt pensé à cette formule fameuse du “faire-aïkido”, lorsqu’on retourne contre l’adversaire la puissance et la dynamique irrésistible de ses armes à lui. Comprenez-moi bien : j’ignore ce que sont ces “Gilets-Jaunes”, ni d’où ils viennent, ni ce qu’ils obtiendront ou pas, et que m’importe au reste ; la seule chose que j’en puisse dire est qu’ils tombent à pic pour faire la synthèse de la situation de la séquence, et là se trouve l’essentiel.
On comprend aussitôt que je les vois nécessairement comme les créateurs involontaires et sans planification nécessaire d’une situation symbolique extrême ; c’est-à-dire d’une situation antiSystème absolument vertueuse dans sa perfection puisque venue apparemment et absolument à la fois de rien pour proposer le rien au Système nihiliste terrorisé, et ainsi défier la situation de l’entropisation par la menace implicite d’entropiser cette entropisation.
Effectivement, ils ne veulent rien de précis au bout du compte, c’est-à-dire qu’ils veulent tout même s’ils ne le réalisent pas, c’est-à-dire qu’ils veulent tout casser puisque rien jusqu’ici n’a abouti à rien. De même l’élection de Trump consistait pour ses électeurs, dans leur inconscient plus que dans leur esprit, à envoyer un “cocktail-Molotov humain” à la piètre binette du Système. Nous sommes dans le même champ de l’action ; on attaque, et on attaque encore, et on attaque toujours... Je ne saurais vous dire ce qu’il adviendra et ce qui réussira, mais que m’importe encore ; l’important c’est bien de ne cesser à aucune occasion, ni de céder à aucune tentation, puisqu’il s’agit de poursuivre, sans s’interroger, sans spéculer ni méditer, en toute parfaite inconnaissance.
Moins on sait où et comment tout cela aboutira et se terminera, plus on se fait antiSystème. La plus épouvantable panique qui puisse saisir le Système, c’est de découvrir que ceux qui l’attaquent ne savent pas pour quelle raison précisément ils l’attaquent, ni par quoi ils vont le remplacer ; mais simplement l’attaquer parce qu’il est le Système et que Delenda Est Systemum.
Le Système n’aime pas qu’on veuille sa destruction simplement parce qu’il est ce qu’il est. Parce qu’au bout du compte, lorsqu’on le détruira en croyant le détruire, comme le gamin du conte d’Andersen criant que “le roi est nu” on pourra découvrir que le Système n’est rien puisqu’il ne proposait rien d’autre que le rien.
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