Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.
Barack Hussein Obama, dit BHO... Depuis tant de temps que nous nous escrimons, pour mon compte et pour moi-même dans tous les cas dans les colonnes électroniques de ce site, à tenter de comprendre qui il est réellement, et pourtant qu’aucune autre hypothèse ne sort de tout cela que ce mot si puissant, si troublant, si mystérieux du Mystère des Anciens, si présent dès l’origine de l’apparition du personnage : une énigme... C’est de lui dont je veux parler aujourd’hui et je vais étayer mon propos de deux rapides incursions dans les potins du simulacre de réalité (destruction du réel objectif) que nous offre le système de la communication. Cette occurrence m’a fait envisager quelques instants de le destiner (mon propos) à la rubrique Bloc-Notes du site, plus ordonnée, mieux rangée, plus “sérieuse” dans l’apparence de la forme, que la forme en apparence plus libre et buissonnière que ce Journal dde.crisis. Je crois que mon choix final n’est pas mauvais... Bref, voici les deux “nouvelles”, l’une se nommera “les larmes de BHO” et l’autre “les projets du président Obama et de son épouse”.
(Toutes ces nouvelles, par ailleurs très partagées ou assez inédites, viennent du site US The American Thinker, dont on sait l’épouvantable réputation d’être peut-être, sans doute, de la droite dure US, mauvaise fréquentation, le parti des salonards balaie cela d’un revers de main suffisant-négligent tout en signalant la chose au juge car il faut savoir “donner” comme l’on est “une donneuse”. Just don’t care, fellow.)
• Les larmes de BHO. On a fait grand cas et émotion extrême des très récentes larmes du président évoquant les “pauvres gosses” qui se font descendre dans les rues de Chicago parce que, uniquement parce que la vente des armes n’est pas contrôlée, sinon interdite. On ne sait pas qu’il ait pleuré, sinon par discrétion en privé, pour les “pauvres gosses” qui se font descendre à Alep, à Bagdad autour de la Green Zone, dans les villages afghans, en Mer Egée, en Ukraine, notamment grâce à l’efficacité d’un drone US ou simplement par conséquences directes, indirectes, inéluctable, de la politique des USA qu’il a le déshonneur nonchalant de sembler conduire. Mais revenons aux larmes, bien réelles celles-là, – euh, c’est-à-dire que, justement, pas vraiment.., – selon Carol Brown, dans The American Thinker du 7 janvier 2016.
Le jour précédent, Brown expliquait combien ces larmes étaient, à son avis du type “crocodile”, concernant cette scène du 5 janvier dans son intervention sur le contrôle de la vente des armes (voir AP, avec le DVD sur les larmes). Brown a eu beaucoup de commentaires sur ce texte, de lecteurs mettant en doute la vérité de ces larmes (pas leur réalité mais réalité-simulacre), notamment parce qu’elles commencent par un seul œil, qu’elles coulent de l’extérieur de l’œil, etc. Après un court extrait, nous passerons à notre deuxième point, avec comme seule conclusion ici que tout ce que fait ce personnage aujourd’hui nous offre une interprétation lumineuse et, aussitôt après, une interprétation sombre comme les abysses (“la grâce et le Rien”).
« ... [W]illmay posted that there are products called “tear stick” and “tear blower” readily available for actors who need to cry on cue. (Great product for con artists as well, no?) She had additional insights worthy of note, including her observation that Obama first wiped his left eye, and then “tears appear from that eye only.” (saksin also observed that Obama’s first wipe of one eye preceded any tears at all.) », etc.
• Les projets du président Obama et de son épouse. Là, nous entrons même, au reste de l’aveu de l’auteur, dans le Grand Carrousel des hypothèse fantastiques, de l’héroïque-Épique de communication, de la Fantasy post-mythomoderne. (*) Il s’agit, pour Richard F. Miniter, de nous annoncer le 7 janvier une “énorme surprise” d’Obama, pour les mois voire les semaines qui viennent, pour les présidentielles de cette années. Comment cela ? Miniter rapporte, d’après le Daily Mail, que le FBI est en train d’arriver à “un point critique” dans l’enquête sur les e-mails d’Hillary Clinton, que ce “point critique” ne serait rien de moins qu’une inculpation de l’ancienne secrétaire d’État, pulvérisant toutes ses chances (considérables) d’être nommée candidate démocrate à la présidence, etc. Et le Daily Mail de commenter que cela mettrait Obama dans une situation d’une “difficulté incroyable”, évidemment parce que le FBI sous son administration aurait pulvérisé le parti démocrate dans la campagne de 2016 (Sanders n’étant considéré que comme une alternative assez suspecte du point de vue de l’establishment, et par avance battu par une espèce de monstre type-The Donald)... Mais non, pas du tout, dit Miniter ; d’abord parce que Obama hait littéralement les Clinton, et Hillary en premier ; ensuite parce que si grandes sont son auto-admiration et sa suffisance, qu’il aurait un plan tout prêt pour ce cas : lancer Michelle (Obama) comme candidate à la présidence. (Refaire le coup des Kirchner en Argentine, mais avec des personnages d’une autre dimension, – les Argentins ayant déjà eu une expérience précédente avec Juan Peron suivi dans les années 1970, après un intervalle habituellement catastrophique des militaires, par sa deuxième femme et veuve Isabel, pâle copie de la grande Evita.) Miniter n’y croit pas une seconde, pour ajouter aussitôt qu’avec les Obama, tout, absolument tout est possible...
« ...All well and good, but would such an indictment or even its serious consideration really put “President Barack Obama in an unbelievably difficult position”? Or will it just toss him into the briar patch he wants? After all, there are two things we know about Barack: one, he has an infinite capacity for self-delusion, and two, he hates both Clintons. So here’s a prediction: if Clinton gets indicted, Michelle Obama gets the Obama team’s nod for the nomination.
» Can Barack and Michelle pull such a thing off? No, but the point is that they will think they can. Remember the confidence, one might even say arrogant confidence... (Suivent des exemples sans nombre de l’arrogance de BHO et des Obama en général, de la façon dont ils vivent dans une “bulle”, dont le Général Flynn nous a dit qu’elle constitue, ou est constituée d’une “narrative impénétrable”.)
[...] » The fact is that Obama and the self-appointed dietary majordomo he’s married to just don’t operate in the real world at all, and so Hillary going down in flames they’ll see as an opportunity to offer the vast gushing majority of the little people, fans who for the most part now exist only in their own minds, another chance to cheer their greatness. »
Tout cela pour illustrer la marche vers mon commentaire sur cette énigme sans fin qu’est ce président, premier président noir et pas black du tout des USA, peut-être plus américaniste que tous ceux qui l’ont précédé, y compris au beau temps de l’esclavage ; qui n’a rêvé (c’est la thèse de Robert Parry) que d’être adopté complètement, couleur comprise, dans l’establishment washingtonien d’essence WASP jusqu’au bout des ongles, et donc américaniste ; qui fut pour cette raison américaniste comme on est “plus royaliste que le roi”, jusqu’au bout des ongles. Si vous voulez, on dira que c’est une façon de “se blanchir” dans ce milieu-là, comme l’on fait pour les $milliards frauduleux de Wall Street. Enfin, laissons tout ce bavardage intempestif, fait surtout pour introduire le véritable propos, qui concerne le président Barack H. Obama après sept ans de l’exercice du pouvoir, et à neuf mois d’en être pratiquement privé, une fois faite l’élection de son successeur (ou de sa successeure, car le cas se dispute).
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Par ailleurs sur ce site, il sera traité un jour prochain, sans doute même demain (*), de la question “des peurs”, notamment du point de vue de leur utilisation dans les politiques et de leur effet dans le “contrôle social”, à partir de quelques notes d’un entretien avec le Dr. Altheide, invité d’une émission de radio du réseau Sputnik, dite Brave New World, présenté par John Harrison le 1er janvier 2016. Le Dr. David Altheide est homme de savoir, sociologue nationalement et internationalement connu, Professeur-Régent Emérite à l’école de transformation sociale et de justice sociale, au Collège des Arts et Sciences libérales de l’université de l’Arizona, etc. Je laisse de côté, – pour l'exposé du sujet dans tous les cas, – tout ce qui est dit sur “les peurs”, qui est traité par ailleurs, et je ne fais que reprendre le dernier paragraphe du compte-rendu. Voici la chose, avec, souligné en gras, le passage qui m’intéresse particulièrement...
« Les médias sociaux constituent une forme visuelle de communication qui ne nécessite pas de faits. Cette visualisation, qui devient souvent une trivialisation, est une méthode qui a été maintenant adoptée par [les médias-Système], en fait il y a même désormais une attitude générale des médias US selon laquelle les faits n’existent plus, selon le Dr. Altheide. A la place, nous avons des opinions, et même les preuves scientifiques sont aussi considérées comme des opinions. Avoir une conversation dans un monde si complètement installé dans la peur est devenue très difficile. »
Il va sans dire que, sur le fond du propos, je me retrouve complètement sur cette idée que “les faits n’existent plus”, et ce phénomène affecte même “les preuves scientifiques”, qui ne relèvent plus du domaine du “constat du réel”, tout cela pouvant se représenter effectivement en l’élargissant par l’affirmation que la “réalité (objective) n’existe plus”. C’est justement la thèse qui sert de fondement au Glossaire.dde sur « Situation-de-vérité & Vérité », thèse qui s’est élaborée sur des constats, depuis 2000-2001, qui sont autant de “constats de faits” selon lesquels la réalité disparaît, et donc les faits effectivement comme dit le Dr. Altheide. Mais on lit aussi que le même Dr. Altheide attribue cette “disparition des faits” au “mode de visualisation” “qui ne nécessite pas de faits” des médias sociaux, dont il nie par ailleurs l’importance d’influence en affirmant plus haut dans le texte cité qu’ils n’ont pas entamé la domination des grands médias (presse-Système pour l’essentiel, si vous voulez) parce qu’ils travaillent essentiellement à un niveau local et régional.
Il apparaît aussitôt évident que, sur cette question des causes, le bon Docteur et moi nous divergeons. Ce qu’il dit des “médias sociaux” ne semble pas concerner la véritable “presse alternative” de l’internet, dont dedefensa.org qui serait plutôt pingre en fait de visualisation, et qui a besoin de faits, même et surtout si c’est pour dire qu’il n’y en a plus. Quant à la disparition de la réalité, je l’attribue au champ beaucoup plus vaste que la seule “visualisation” de la toute-puissance du système de la communication avec ses effets sur les pouvoirs-Système comme sur la riposte antiSystème. En ce sens, il est vrai qu’il n’y a plus “que des opinions” si l’on prend ce terme strictement comme un parti-pris, sauf qu’il faut, pour mon compte toujours, à la fois préciser et élargir le champ de la chose : certes, “il n’y a plus que des opinions” parce qu’il n’y en a plus que deux qui comptent vraiment, entre les pro-Système et les antiSystème. (Cette affirmation est moins simple qu’elle n’y paraît, car ces deux “opinions” fondamentales dépendent de la façon dont on les opérationnalise et du caractère relatif, notamment de “l’opinion” de l’antiSystème : des pro-Système peuvent être antiSystème sans le savoir et des antiSystème se révéler pro-Système en affirmant, de très bonne foi, être des antiSystème.) Aller au-delà dans les nuances infinies des deux “opinions” a peu d’importance et nous fait sortir de la netteté féconde de la situation bipolaire, sauf si cette exploration renforce l’“opinion”, disons de “faits-subjectifs”.
En effet, je ne crois pas qu’il faut prendre cette idée non comme la disparition des faits au profit des opinions, mais comme la transformation des faits, à cause de l’effondrement de la réalité, en “faits-subjectifs”, selon une expression forgée pour la cause et qui a une allure d’oxymore, de contradiction, etc. Il s’agit de “faits” dont vous vous saisissez pour renforcer votre camps, en les appréciant d’une façon subjective naturellement, – mais d’une subjectivité que je décrète ex nihilo, pour mon compte comme chacun devrait le faire pour le sien, vertueuse ou faussaire selon qu’on est dans un camp (antiSystème) ou l’autre (Système).
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Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 21 décembre 2015 au 28 décembre 2015, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaine. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.
« • Pour nous, sans aucun doute le grand événement de cette semaine, sans aucun doute passé sous silence dans la plupart des médias (on veut dire presse-Système, cela va sans dire), c’est l’article de Seymour Hersh (21 décembre 2015) concernant l’activité d’un réseau parallèle mis en place pendant près de deux ans par le général Dempsey, président du Joint Chiefs of Staff (chef d’état-major général) jusqu’en septembre, pour passer indirectement à l’armée syrienne des informations concernant les islamistes en Syrie. • Notre appréciation est qu’il s’agit de la mise à jour d’un activisme de militaires et de dirigeants politiques (23 décembre 2015) au Pentagone contre les errements de l’“antipolitique syrienne” de la Maison-Blanche, erratique ou idéologisée selon les périodes. • Il faut interpréter cet événement comme le symptôme d’un pouvoir totalement paralysé et impuissant (22 décembre 2015), et y voir également une évolution d’une singulière importance du point de vue des principes fondamentaux de le direction militaire par rapport au pouvoir civil, avec la nécessaire redéfinition de mots tels qu’“insubordination” et “trahison” (26 décembre 2015). • Outre ce sujet central pour cette semaine, dedefensa.org et tel ou tel chroniqueur vous disent quelques mots des “États informes”, Ukraine et Turquie (24 décembre 2015), de Noël-2015 (25 décembre 2015), de l’étonnante opération USA-Arabie aboutissant à la mise en cause générale de l’industrie pétrolière et gazière de schiste aux USA (26 décembre 2015) et des “zombies” washingtoniens vus par les Russes (27 décembre 2015). »
Je vais emprunter à un lecteur une remarque qu’il offre en commentaire à l’intervention du 31 décembre sur « Notre-Verdun et ma nostalgie-infinie ». Il ne doit en aucun cas ni aucune façon lire mon intervention, s’il la lit, comme une réponse personnelle, éventuellement-critique, parce que son commentaire est pour moi une occasion je dirais objective de préciser certaines choses qui me semblent d’une très-profonde importance. Je m’en sers, éventuellement en employant ses propres termes, comme d’une interrogation et d’une contestation objectives, qui viendraient aisément à de nombreux esprits. Le lecteur Dont Acte écrit donc dans le Forum du texte référencé, à la date du 2 janvier 2016, sous le titre “Eternité vs Mort”, selon l’idée me semble-t-il que “notre [propre] finitude”, c’est-à-dire notre caractère mortel impossible à concilier avec l’éternité, invalide cette réflexion, dans tous les cas pour nous-humains (“nos petites personnes”) :
« Votre réflexion sur l’éternité est passionnante, mais je la crois invalide pour nos petites personnes. En effet, elle s’inscrit dans l’absolu et ne prend pas en compte une donnée fondamentale : notre propre finitude. »
Je ne crois certainement pas que l’“absolu” d’une réflexion et d’un jugement est déterminé par l’objet de ce jugement ni le contenu de ce jugement. Ce sont la réflexion et le jugement eux-mêmes qui sont placés devant la possibilité de la qualification d’“absolus”, c’est-à-dire achevés et parfaits d’une certaine façon. Ce ne peut être mon cas en aucune façon, comme on le comprend aisément ; mon cas est celui d’une réflexion et d’un jugement relatifs sur des matières effectivement “absolues”, dans tous les cas pour ce qui concerne l’“éternité”, et qui ne prétend à rien d’autre, mais à rien de moins non plus qu’à développer une hypothèse concernant cet “absolu” ; cette démarche est réalisée selon ce qu’on pourrait qualifier de “méthode de pensée” mais qui est également et d’abord perçue par moi-même comme une émotion intuitive de grande intensité, que je nomme “âme poétique”. “Notre-finitude”, et la mienne par conséquent, ne sont en aucun cas un obstacle, ni à la réflexion, ni au jugement.
Tout cela est d’autant plus vrai, – plus vrai que jamais en un sens, ce qui est une forme d’“absolu”, – que nous vivons une époque devenue complètement [“absolument” ?] relative et contingente par disparition de la réalité “objective” et de la validité objective des faits. Dans le Glossaire.dde du 18 octobre 2015, il est fait argument que cette particularité extraordinaire permet d’autant mieux à l’esprit d’entreprendre la recherche de la Vérité dans la mesure où la réalité s’est souvent révélée comme vulnérable, manipulable, déformable, et donc comme un obstacle majeur sur la voie de la recherche de la Vérité ; et celle-ci, la Vérité, se trouve désormais, poursuit l’argument, atteignable au moins dans les bornes de notre monde, – et peut-être plus, – par le biais de parcelles de vérité, ou “vérités-de-situation” selon l’expression proposée, qu’il faut rechercher et identifier en bonne partie avec l’aide de l’intuition haute. Ainsi l’extrême relativité du jugement d’un esprit qui n’est plus embarrassé par le diktat d’une réalité soumise à tant de manipulations, peut-il d’autant plus s’attaquer aux hypothèses de l’“absolu”, en affichant clairement la responsabilité qu’il prend à cet égard.
L’argument sur “notre-finitude” (la mort) est doublement sujet à caution pour moi. Outre le cas vu précédemment, il y a l’affirmation elle-même. En aucun cas, on ne peut tenir cette situation comme une “donnée fondamentale”. C’est une réflexion et un jugement relatifs là aussi, que personne n’a jamais démontrées, et qui ne valent certainement pas plus que mon hypothèse sur l’“éternité”. La science moderniste nous offre les notions de “mort clinique” et de “mort biologique” qui ne font que décrire une évolution au contraire de leur prétention implicite à répondre à la grande question (qu’est-ce que la mort ?) ; comme d’habitude, la science moderniste répond aux “pourquoi ?” qui ouvrent la porte vers les absolus, par une multitude de “comment” longuement détaillés avec la plus grande suffisance, et dont l’effet est de fermer arbitrairement toutes les portes vers des réflexions et des jugements plus hauts qu’elle-même (que la science moderne elle-même). L’ensemble est bouclé par les religions monothéistes qui dominent notre civilisation devenue contre-civilisation, en sacralisant l’argument de “la Mort-terrestre” comme une rupture instituée précisément comme “fondamentale”, cela leur permettant de bien verrouiller le domaine terrestre où elles évoluent ; en même temps se trouve renforcé, ce qui suggère une complicité indirecte mais significative, le schéma de la science moderniste et de tout ce qui lui est lié.
(Suite)
Les “fêtes”, comme l’on dit pour désigner cette période du Noël au Jour de l’An, sont terminées. J’en garde une impression dont l’on trouvait déjà quelques éléments, sans aucun doute, dans le « Noël blanc-sombre » du 25 décembre, dans ce Journal dde.crisis ; j’en garde une impression étrange, cotonneuse, une impression d’être devant une chose extrêmement faussaire dans tous les sens, dans ces manifestations qui mélangent une certaine volonté officielle d’afficher leur aspect festif et une certaine retenue couarde sinon terrorisée de n’en pas faire trop ; une impression un peu douloureuse avec quelque mépris, l’impression de détachement de l’observateur sans surprise et absolument détaché... “Ce n’est pas mon monde, ce n’est pas mon époque, je n’ai rien de commun avec tout ça”, me dis-je à un moment ou l’autre, “et pourtant je m’y trouve et je m’en juge comptable” ; mélange d’indifférence et d’angoisse, avec ceci influant cela de façons antinomiques selon les instants, c’est-à-dire entre une indifférence angoissée et une angoisse indifférente. Je contemple tout cela et je me contemple en train de contempler tout cela, et je me dis : “Alors, nous y sommes ?”
J’ai eu vent, durant ces derniers jours que l’alarme instituée depuis 11/13 et Paris-attentats, continue à avoir des conséquences économiques, ce domaine qu’ils affectionnent tant. Cela s’est vu, c’est-à-dire que cela s’est confirmé, pendant ces “fêtes”, dans la très grande faiblesse des activités festives organisées, dans les restaurants qui décidaient de ne pas ouvrir pour le réveillon du Jour de l’An et dans les hôtels qui font le vide, et tous les autres établissements de ce genre. Comme signalé précédemment, les pétarades convenues de l’activité festive officielle-populaire qui effraient tant Klara ont été beaucoup moins nombreuses … Curieusement, le moment le plus assourdissant maintenant que je peux faire le bilan, et provoquant des tremblements incoercibles chez Klara, a eu lieu le soir de Noël, de 22H00 à une heure du matin : comme si, brusquement, le mot d’ordre enivrant “Paix sur la terre..., etc.” libérait une bouffée d’audace un peu coléreuse, presque de révolte, et parvenait à réduire un instant l’inhibition qui les a tous engourdis. (J’ai eu la surprise significative d’un réveillon du Jour de l’An beaucoup moins bruyant que celui de Noël à cet égard.) J’ai eu la sensation que les grands momentshabituels d’enthousiasme collectif, les rassemblements pour le passage à l’An Neuf qui font office aujourd’hui de Messe de minuit postmoderne, constituaient effectivement une révolte dont le sens profond est interprété par moi dans un mode terrifiant et accablant ; comme si l’on se révoltait du sort commun et que l’on reprenait un instant pour s’attacher soi-même aux chaînes du comportement conforme, – la fameuse “philosophie de l’optimisme” héritée des USA des années 1920, – pour proclamer : “Oui oui, nous sommes enchaînés et heureux de l’être, Alléluia !”
Au reste, et cela pour mesurer notre situation où triomphe la contradiction continuelle, l’inhibition générale qui a présidé aux “fêtes” vient également d’un enchaînement. Notre contre-civilisation au stade où elle en est devrait être désignée comme “la civilisation des chaînes”, avec ces moments très réussis d’enchaînement volontaire (La Boétie) vécus comme temporairement libérateur, au cœur du milieu ambiant d’une autre sorte d’enchaînement, dominant celui-là, l’enchaînement par inhibition. La Boétie disait asservissement (et “asservissement volontaire” pour son compte), mais je préfère parler des chaînes qui emprisonnent car la psychologie, complètement affolée, aux abois, n’est plus du tout adaptée à cette situation ; le qualificatif “volontaire” devient inapproprié, et je mettrais plutôt, à sa place, “erratique” (“enchaînement erratique”, tantôt volontaire tantôt pas, tout cela dans le plus complet désordre qui renvoie à la psychologie). Cela vaut encore plus pour nos dirigeants-Système et nos élites-Système que pour le reste, le vulgum pecus, car tout le monde est enchaîné l’un à l’autre. Pour les premiers, nos élites-Système, je me demande même si la coke et les divers produits à base d’amphétamine font encore leur effet.
Ainsi suis-je conduit à ma remarque générale, à la lumière des années de guerre-terrorisme que j’ai vécues dans ma jeunesse adolescente (j’en ai déjà parlé et certainement j’y reviendrai épisodiquement). La persistance de l’effet produit par 13/11, autant dans les directions-Système que dans le public unis dans la même attente angoissée, est pour moi un sujet de stupéfaction sans fin devant la disproportion absurde entre les effets qui ne se produisent pas et les causes qu’on ne cesse de décrire de plus en plus d’une couleur catastrophique. Il nous manque désormais le sens du tragique et la notion de l’héroïsme quotidien qui existent naturellement dans l’être confronté aux terribles embardées de l’Histoire, sauf s’il se trouve comme il est aujourd’hui corrompu par ce que je désignerais, presque comme l’on évoque un syndrome pour une maladie de l’esprit, donc que je désignerais comme “le syndrome de la fascination du serpent qui siffle et persif[f]le”.
(Suite)
Pour moi qui n’ai pas l’habitude de sacrifier à cette tradition des vœux et des bonnes résolutions, voire des prédictions pour une année nouvelle, 2016 fait exception. Cette attitude qui déroge tient à des motifs personnels et à des motifs métahistoriques, et ces deux sortes de motifs se rencontrant et se mêlant intimement. Je ne vois pas de circonstance, – cette intimité du personnel et du métahistorique, – qui rencontre plus ma raison d’être et ma façon d’être, ce sentiment que l’être n’est lui-même que lorsque le plus intime de lui-même rencontre les grands courants collectifs du monde inspirés et suscités par des forces supérieures. Cela satisfait autant cette “âme poétique” qui trouve dans la beauté et l’intuition les traces indubitable de la transcendance, que l’esprit générateur d’une pensée que je voudrais cohérente et qui, elle aussi mais par d’autres voies, conclut à la vitale nécessité et à l’incontestable présence de la transcendance.
Voici donc 2016 que je salue, pour la force symbolique rassemblée par les concordances du symbolisme des dates (des “anniversaires” comme l’on dit platement) qui y sont présentes. 2016, c’est le dixième anniversaire de ma découverte de Verdun. (De “notre“ découverte de Verdun puisque nous fûmes plusieurs et que je ne peux nous oublier, tous comme nous fûmes : chaque fois que je dis “je” à propos de Verdun, il ne faut pas oublier que je dis “nous” également puisque cette aventure s’est faite pour moi, également, au nom d’une amitié commune transcendée par une ferveur commune.) 2016, c’est bien entendu, – j’allais dire “également” et je devrais dit “surtout”, alors je ne dis rien que l’adverbe de l’évidence, – le centième anniversaire de la bataille de Verdun. Qui pourrait s’étonner que je mette les deux ensemble pour faire de 2016, comme une basse continue de mon travail et de mes réflexions, le réceptacle d’une profonde méditation et d’une nostalgie infinie, qui susciteront ce qu’il reste de meilleur en moi. J’aime profondément, j’aime infiniment, qu’à la fureur du texte que j’écrivis hier succèdent, comme je l’écrivais justement à la fin de ce texte, l’harmonie, l’apaisement, l’équilibre et l’ordre de celui que j’écris ici et maintenant, comme si “ici-et-maintenant” n’avaient plus la moindre importance ni la moindre existence, comme si ce texte d’“ici-et-maintenant” était écrit pour dépasser décisivement la circonstance d’“ici-et-maintenant”. Ce texte du jour n’a rien à voir avec les impératifs du présent du jour, il suggère qu’il se trouve hors du Temps pour faire mieux saisir ce que certaines choses d’apparence temporelle recèle d’absolument, d’infiniment intemporel jusqu’à laisser deviner l’éternité.
C’est en 2006 qu’eut lieu ma et notre première visite à Verdun. Elle fut suivie de beaucoup d’autres, et d’un livre, Les Âmes de Verdun, dont vous voyez en permanence la couverture en page d’accueil, qui n’eut aucun succès selon les normes en cours comme il sied aux ouvrages qui refusent les règles conformistes et les ukases de leur temps lorsque ce temps est cette époque misérable et indigne au-delà de tout ce que nous aurions pu imaginer avant qu’elle ne survint. Je pense que c’est un très beau livre, dans tous les sens du mot “beauté”, – celui de la pensée qu’il inspire, de l’âme collective qu’il dévoile, de l’esthétique superbe dont il est habillé. Cette aventure, survenue sur le tard pour la plupart des aventuriers, reste dans mon âme et dans ma pensée comme un présent sublime que la transcendance nous a offert à nous tous, les aventuriers de Verdun, et pour l’un d’entre nous ce que je crois pouvoir me permettre de présenter comme le dernier et peut-être plus beau présent que lui aura fait la vie avant qu’il ne la quitte pour d’autres horizons. Verdun, c’est un paysage terrestre orné d’une beauté achevée qui en fait un monde hors de notre monde, parcouru, chargé, magnifié comme par un chant de gloire venu d’ailleurs, de la présence de ces milliers, de ces centaines de milliers d’âmes de ces jeunes gens morts de Verdun, qui nous chuchotent qu’ils ne sont pas morts en vain et que la permanence de leur présence signifie au visiteur qui sait la déceler que la mort n’est en rien la tragédie nihiliste qu’en font nombre de nos tristes et piètres contemporains. Je ne sais si notre époque de l’imposture mérite Verdun-aujourd’hui, si précieusement conservé et haussé à sa vraie mesure par la beauté du site, – et dire cela c’est dire que je suis fixé à cet égard. Verdun-aujourd’hui ne mérite rien de cette époque, mais plutôt, symboliquement, ce sublime quatrain de Péguy écrit mystérieusement et énigmatiquement composé (en 1913), comme une prémonition du salut du poète qui perdrait lui-même la vie dans la bataille et “divine surprise” de la Marne de septembre 1914, à la gloire de toutes ces jeunes âmes mortes et ressuscitées :
« Mère, voici vos fils qui se sont tant battus,
» Qu'ils ne soient pas jugés sur leur seule misère.
» Que Dieu mette avec eux un peu de cette terre
» Qui les a tant perdus et qu'ils ont tant aimée. »
Je dois à Verdun un choc général qui a généré un courant nouveau et plus haut de mes réflexions, basé sur un bouleversement complet de ma conception de l’histoire, en y découvrant l’élan vers l’Histoire, ou histoire devenue métahistoire, au point où dans ma nomenclature intime, je n’hésite pas à parler de l’“intuition de Verdun” qui est de la catégorie des plus hautes intuitions. Aujourd’hui, confrontant la beauté et la sublimité de Verdun et sa puissante influence sur l’âme poétique d’une part, le goût pour le travail de la métaphysique qui s’est emparé de moi d’autre part, je suis devenu adepte de cette conception qu’expose si bien Gustave Thibon (**) observant qu’il était venu à la métaphysique par la beauté de la poésie. Alors, il m’a semblé bienvenu de poursuivre la publication d’un travail déjà présent dans un texte récent du Journal dde.crisis, sur la “nostalgie infinie”, et qui, finalement, annonçait ce que je propose aujourd’hui, c’est-à-dire la suite-et-fin de ce passage de La Grâce de l’Histoire/Tome II sur cette “nostalgie infinie” comme messagère de l’éternité, avec le souvenir magnifié et transcendé de Verdun... Ainsi écrivai-je le 1er décembre, sur quoi s'enchaîne la suite ci-dessous :
« ...Je termine l’extrait à l’endroit où j'en suis de ma nième relecture pour garder un texte soumis à autant d’attention et d’intérêt de ma part ; je termine tout de même en laissant les trois premières lignes d’un nouveau paragraphe indiquant que la deuxième référence manifestant cette conception de ma nostalgie, après l’“Algérie-perdue”, est ce que j’ai coutume de nommer l’intuition de Verdun”. Que le lecteur ait également à l’esprit que la “nième relecture” n’empêche nullement qu’il y pourrait bien sûr y avoir une “nième + 1” relecture avec de nouvelles corrections, et peut-être bien une “nième + 2”, et ainsi va la vie... »
(Suite)
...Il est vrai que m’arrêtant sur ceci qui est comme une image pieuse du visage du Diable, le visage de Soros nous avertissant contre Trump, il m’est venu à l’esprit l’idée de me mettre à cette chronique que j’avais déjà envisagée une fois ou l’autre, tel jour ou tel autre. La chose s’attache à un sujet somme toute intéressant, qui concerne la perception et la représentation qu’il faudrait avoir, selon mon sentiment, concernant ces évènements apocalyptiques dont on nous menace. Il s’agit de “Marine & The Donald”, et de savoir ce qu’il faut en faire dans nos supputations, lorsque l’on envisage ce que constituerait l’accomplissement de leurs ambitions.
Ces deux phénomènes politiques ou démagogiques-selon-certains, semblent avoir pour à peu près les mêmes “certains” des similitudes qui invitent à aller jusqu’à l’amalgame qu’on qualifierait de circonstance ; et, pour mon compte, sans plus élaborer sur les deux personnages car dans ce propos importe peu ce qu’ils sont et ce qu’ils pensent parce que je ne parle que du Système et rien d’autre. J’ai lu ici et là des commentateurs US faisant de Trump “the US Marine Le Pen”, – sans prêter attention, curieuse ironie, qu’en allant au plus court qui donnerait “The US Marine”, l’analogie aurait de quoi tromper son monde. Devant cette sorte d’argument, la “raison ” qu’entendent conserver notamment ceux-là que je vois assez souvent comme “les vrais-faux antiSystème” échafaudent nombre d’arguments et de théories prévisionnelles, qui vont tous dans le même sens : “Attention, ne nous emballons pas !” (Ou bien l’horripilant, pontifiant et arrogant “On se calme”, qui a le don de me faire me départir aussitôt de mon calme.) Ces deux-là, – Marine & The Donald, – s’ils vous apparaissent antiSystème, disent-ils, ne le sont pas tant que l’on croit ; peut-être même cachent-ils leur jeu, pour être encore plus Système que l’on croit. J’ai de la peine, comme dedefensa.org lui-même d’après ce que je constate, à cacher l’agacement qui, souvent, je dirais même de plus en plus souvent, me prend à la lecture de ces théories argumentées qui sont de ce genre que je dirais, du type “à-moi-on-ne-me-la-fait-pas”. Leur raison fait, exactement de la même façon, la raisonneuse “à-qui-on-ne-la-fait-pas” ; mais tout cela se dit, s’argumente, s’échafaude, souvent de façon fort complexe comme si la complexité était le gage de la sûreté de la raison, dans le cadre du Système ; si bien qu’au bout du compte, il s’avèrerait que la démarche peut aussi bien se révéler être une précieuse alliée du Système.
En effet, dérouler cette sorte d’argument, certes, c’est rester à l’intérieur du Système. L’argument s’appuie sur la prévision, ou la prédiction, qu’une fois élus, l’un et l’autre ou l’un ou l’autre, ils seraient conduits à faire une politique qui s’adapterait au Système, sinon qui ferait d’eux des complices et des “idiots utiles” du Système (Marine Le Pen, souvent désignée comme “la roue de secours du Système”). L’argument est à si bon compte qu’il ne vaut même pas d’être discuté : bien entendu qu’ils feraient une politique qui ferait d’eux des complices ou des “idiots utiles” du Système, parce que nul ni personne n’a la moindre possibilité de faire autrement que d’en passer par le Système parce que le Système est notre Tout et que rien ne lui échappe à l’intérieur des règles qu’il a établies. Or, une élection, suivie d’une installation à une fonction suprême, suivie de l’application d’une politique, ne peuvent se faire qu’à l’intérieur du Système. Aussi n’est-ce pas ce qu’il faut attendre d’une Marine ou d’un The Donald. Ainsi et en d’autres mots, vous comprendrez que je laisse de côté ce débat, m’en lave les mains en n’en dit plus un mot.
Il y a aussi ceci que je mentionne en passant, vraiment en passant parce que je me demande bien comment l’on peut encore s’attarder à de telles choses... “Fascisme”, “populisme”, “racisme”, “xénophobie”, voilà les mots dont on parle et dont tant de personnes parlent à leur propos. Quand je les entends sérieusement proférés, je sens comme un vertige qui me prend ; dans quel monde se croit-on pour employer de tels mots qui arrangent si bien le Système en détournant la critique antiSystème, s’emporter à leur propos, pinailler, argumenter, théoriser, discutant ainsi du sexe des anges noirs sans mesurer que ces anges noirs sont devenus des eunuques d’un autre temps ? Sait-on précisément de quoi le monde craque aujourd’hui, cette menace de sa destruction jusqu’à la néantisation par une puissance qui nous dépasse tous, et croit-on que les “eunuques d’un autre temps” méritent ne serait-ce que cinq minutes de discussion au Café du Commerce pour avoir une bonne mesure de la pureté, ou plutôt de l’impureté de ceux qui sont soupçonnés d’en être la réincarnation ? Enfin, qu’on me pardonne, je mentionnais ces circonstances en passant ; certes, cela ne fait pas très sérieux mais il fallait bien en dire un mot, de ces mots-là. Voilà, il est dit.
Car ce qui compte n’est pas ce qu’ils (“Marine & The Donald”) sont en vérité, ni ce qu’ils feront, ou plutôt ce qu’ils ont l’intention de faire s’ils sont élus et toute cette sorte de choses, mais ce que le Système a fait d’eux désormais, quoi qu’ils disent et quoi qu’ils fassent. Que cela soit vrai ou non n’importe pas puisque seule compte, dans les termes impératifs de la communication qui domine tout et détermine tout, la représentation-Système dans un événement organisé par le Système et destiné à se passer à l’intérieur du Système. Nous sommes obligés d’emprunter cette voie d’accès à des perspectives éventuellement libératrices parce que tout le reste a échoué même si cela n’a pas été inutile (révolution, prise de pouvoir par la violence, insurrection, Occupy quelque chose, Tea Party et Ron Paul, les divers “indignés”, etc.), et échouera désormais à cause justement de cette puissance totalitaire du Système dont nous pouvons aujourd’hui comprendre et mesurer, à la fois l’hermétisme total en général et la potentialité explosive de lui-même dans certaines circonstances, dans un moment privilégié qu’il faut savoir reconnaître. Le nœud gordien de mon propos est effectivement l’identification de ce moment qui ne peut être qu’un Moment métahistorique où, ayant emprunté cette voie d’accès, et soudain désignés par ce qu’ils appellent “le suffrage du peuple”, ou “la volonté du peuple” qui est cette célébration de l’imposture imposée par le Système, ils sont élus (le duo “Marine & The Donald”). Je ne dis même pas “où ils accèdent à la fonction suprême...” (encore moins “où ils installent un gouvernement”, “où ils annoncent une politique”, etc., ces choses complètement insensées à envisager) ; je parle du fait même de l’élection au sein du Système d’une Marine ou d’un The Donald, qui ne peut être perçue par le Système que comme une imposture insupportable, une trahison épouvantable, à cause de la représentation absolument hermétique, impossible à modifier qu’il (le Système) a faite d’eux.
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Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 14 décembre 2015 au 20 décembre 2015, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaine. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.
« • Où qu’on arrête le regard survolant le vaste monde, la plume écrit aussitôt le mot “désordre”. • Qui plus est dans ces temps étranges qui ressemblent nécessairement à une tragédie, le ridicule vient se greffer ou bien même il précède ce sens du tragique, rendant un son étrange et proposant une formule qui ne l’est pas moins. • Ainsi avons-nous choisi cette combinaison étrange de mots, “une tragédie-bouffe”, pour indiquer cet étrange mélange d’une époque qui se bat d’abord pour ne pas avoir à se regarder dans un miroir pour ne pas voir ce qu’elle est vraiment. • La candidature de Trump, dit The Donald, a en effet tout du côté “bouffe” de la “tragédie-bouffe” (19 décembre 2015), et pourtant les échanges entre Poutine (18 décembre 2015) et Trump (18 décembre 2015) dégagent une perspective autrement plus grave, qui justifie effectivement le mot “tragique” parce qu’elle concerne une situation US sans exemple ni précédent, et qui peut effectivement verser dans un désordre tragique, au point qu’un ancien colonel et ancien chef de cabinet d’un Secrétaire d’État appelle à la révolution (16 décembre 2015). • Comment ne pas voir également une bouffonnerie dans cette coalition antiterroriste lancée par le pays qui est le principal financier du terrorisme, l’Arabie ? (15 décembre 2015 et 17 décembre 2015.) Comment ne pas voir une tragédie que les Russes n’ont pas peur d’affronter (16 décembre 2015) dans la situation où cette même Arabie porte tant de responsabilité ? »
Celle-là qui concerne les Russes, ils l’on ratée à dedefensa.org, alors je supplée... C’est une histoire de zombie(s), qui date du 23 décembre, et de zombies qui frappent avec insistance à une porte ouverte. Je vais insister sur l’image, sur le langage, sur la perception, – j’allais dire, emporté par la fougue du langage, “sur le concept”.
Réglons vite les détails d’intendance. Il s’agit des dernières sanctions antirusses que viennent de prendre les gens de Washington. Elles n’ont aucune justification politique, aucun contexte d’action politique qui les rendent cohérentes, elles contredisent une autre politique officielle, la porte d’à-côté, où les mêmes qui prennent de nouvelles sanctions s’exonèrent d’eux-mêmes, exactement au même moment, des contraintes pour eux-mêmes de leurs propres sanctions par des textes secrets en achetant aux Russes du matériel hautement stratégique (d’énormes moteurs de fusée porteuses de satellites). Cela déclenche la rage pour une fois du meilleur sens du monde du sénateur McCain (« C’est le comble de l’hypocrisie ! Comment notre gouvernement peut-il dire aux Européens qu’ils doivent tenir bon en maintenant leurs sanctions antirusses, qui leur sont beaucoup plus coûteuses que pour nous, alors que nous orientons notre politique dans cette voie ? Comment pouvons-nous dire aux Français de ne pas vendre de vaisseau d’assaut amphibie aux Russes, comme nous avons fait, et puis nous-mêmes changer complètement notre politique pour négocier l’achat de moteurs de fusées avec la bande de Poutine ?»). Si je donne ces précisions, c’est pour bien montrer que l’appréciation des Russes, auxquelles je vais venir et qui sont le sujet de ce Journal dde.crisis aujourd’hui, ne sont pas dites en l’air, qu’elles concernent des évènements bien réels, concrets et précis. La folie, aujourd’hui, a la couleur de la quotidienneté de nos jours, jour après jour et sans plus jamais se lasser d’être folle.
C’est en effet à propos de toutes ces péripéties qu’un personnage très officiel a fait, ès qualité, un commentaire public sur ce comportement. Il s’agit du vice-ministre russe des affaires étrangères Sergei Riabkov, parlant à l’agence Interfax, et voici la partie de son commentaire qui m’intéresse : « Les agences du gouvernement US ont agi et agissent avec entêtement comme des zombies qui frapperaient à une porte ouverte. Elles devraient se préoccupaient d’exercer une influence [de restriction] sur Kiev mais il semble inutile de répéter cela à ces gens qui se comportent comme des zombies. Ils tournent en rond, cherchant à prouver quelque chose non pas tant à nous qu’à leurs employés à Kiev et à leurs obligés en Europe qui, comme le département US du Trésor le rapporte explicitement, sont uniquement préoccupés de suivre la ligne de Washington. » (*) L’ambassade de Russie en Angleterre a repris la citation sur son tweet et l’a illustrée de l’affiche d’un film sur les zombies (“The Walking-Dead”). Il s’agit vraiment d’une déclaration intéressante, qui n’a manifestement pas été improvisée spontanément, qui a vraiment une signification très spécifique.
... Il s’agit de déclarations vraiment très intéressantes, si l’on ajoute celle de McCain. Si vous ajoutez les deux effectivement, vous vous apercevez qu’elles disent la même chose selon des points de vue et des intérêts absolument opposés, – cela constaté sans porter de jugement sur l’esprit et la nature de chacun des deux côtés, ce qui est un autre débat. Elles décrivent une politique complètement incohérente selon l’entendement d’une raison hors de la subversion, caractérisée par une absence complète de logique et une pensée complètement éclatée et dont les débris sont précieusement cloisonnés, par un esprit littéralement mangé par une sorte de pourriture immatérielle sous la forme d’une attraction presque fascinée et évidemment fatale vers la néantisation d’elle-même ; elles décrivent des comportements qui ne peuvent être que ceux de personnes dont on peut raisonnablement déduire qu’elles sont affreusement perturbées dans leurs affaires mentales, qui devraient suivre un sérieux traitement, une thérapie décisive qu’on pourrait décrire comme psychiatrique si l’on veut, mais qui relèverait plus sûrement et bien plus efficacement de la pratique évidente de l’exorcisme.
Je crois qu’il faut très sérieusement s’arrêter à de tels jugements (celui de Riabkov) faits publiquement parce qu’ils mettent à jour une situation peu ordinaire. Bien entendu, je dis cela après bien d’autres exemples de tels comportements, depuis maintenant plusieurs années faites de désordres terribles et d’incohérences affreuses, à ce point qu’on ne peut en aucun cas parler d’accidents, ou d’interprétations hasardeuses. Ce point-là doit être une fois pour toutes acté, c’est-à-dire qu’il faut se débarrasser une fois pour toutes de ces analyses épuisantes, depuis des années également, développées par les raisons raisonneuses de tant d’analystes, de commentateurs, d’auteurs de fiction, d’apprenti-prophètes de la prospective, surtout parmi les antiSystème malheureusement, qui ne cessent de débusquer derrière le comportement complètement chaotique des acteurs de la politique US de subtiles et complexes manœuvres faites pour réaliser de formidables plans d’investissement et d’hégémonie. Depuis que toutes ces “subtiles et complexes manœuvres” se soldent par de si complètes catastrophes, il est bien assez temps de se débarrasser de ce réflexe devenu quasiment pavlovien qui finit par faire penser que le raisonneur est peut être bien aussi fou que celui dont il prétend mettre à jour les intentions secrètes.
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Interviewé en 1933 au moment de la sortie du Voyage au bout de la nuit, Céline avait grommelé sur le rythme caractéristique de cette voix si rapide comme on est pressé d’en finir, que, de toutes les façons “la littérature est morte”. Vieille idée du siècle précédent, qui n’en finit pas de mourir. Elle vient à mon esprit parce que je songe à Houellebecq, parce que je n’ai commencé vraiment à le lire que récemment, parce que je suis dans un de ses romans pour le moment. Ses premiers livres ne m’avaient pas, comme on dit, “accroché”. J’avais cédé trop vite à la monotonie volontaire, ou bien involontaire que sais-je, de son style si caractéristique, si bien ajustée aux choses et aux actes qu’il décrit. Mais j’ai changé mon fusil d’épaule, récemment, avec Soumission, que j’ai trouvé excellent, parfaitement à son heure, absolument pas scandaleux ni mal intentionné puisque montrant l’état où la France s’est mise jusqu’à ce qu’on puisse envisager sans invraisemblance une fiction où elle accepterait bien volontiers l’empire de la foi musulmane un peu arrondie sur les bords, et là-dessus ce récit passionnant à la lecture.
Encore plus récemment, c’est-à-dire actuellement, lecture en cours, je me suis mis à La carte et le territoire, que l’on m’avait offert à un Noël quelconque ou bien pour mon anniversaire, – quelque part depuis sa publication et son Prix Goncourt 2010, je ne sais plus quand, – que j’avais laissé de côté, en attente ou bien sur une voie de garage. Après une dizaine des premières pages en équilibre un peu précaire, avec brève période incertaine et hésitante pour y entrer d’une façon intéressante, je suis effectivement entré là-dedans, très vite avec une certaine confiance qu’il n’y avait nulle arnaque à craindre, que j’y trouverais quelques aliments pour l’esprit qui valaient bien cet embrigadement. Hier, écrivant à un autre propos au jeune homme qui me l’avait offert, je fis un coq à l’âne pour lui annoncer que j’étais finalement dans cette lecture. J’écrivis cette remarque : « Pour Soumission, j’ai beaucoup aimé, et maintenant je suis plongé dans Carte & Territoire, dont vous m’aviez fait cadeau il y a deux ou trois ans. Il [Houellebecq] me passionne finalement, pas comme grand écrivain [romancier] car je pense que ce n’est pas le cas, de mon point de vue très personnel qui implique qu’aujourd’hui un bon écrivain-romancier selon la tradition de la chose est impossible (ce qui signifie que, pour moi, la littérature n’existe plus, – même si temporairement, – comme véritable art majeur) (*), mais comme formidable et extrêmement talentueux témoin objectif, quasiment clinique, de ce temps catastrophique. »
Peu après avoir écrit cette remarque, c’est-à-dire quelques heures après pas plus, j’arrive à la page 179 de Carte et territoire, après une fugue en Irlande du personnage principal du roman, le peintre Jed Martin, qui a visité l’écrivain Michel Houellebecq, – il se met en scène lui-même dans le livre comme personnage secondaire, – pour préparer un portrait de lui. Houellebecq est dans l’état apocalyptique qui est souvent le sien et qu’il se complaît à décrire dans ses moindres détails, selon son habitude, comme pour mieux nous faire sentir la profondeur de sa détresse psychologique, mais avec des propos pour retenir l’attention, qui montrent qu’il y a de la résilience au fond de la dépression... Ce propos-là, qui retint la mienne d’attention, et l’on comprend pourquoi : « Il est impossible d’écrire un roman, lui avait dit Houellebecq la veille, pour la même raison qu’il est impossible de vivre : en raison des pesanteurs qui s’accumulent. »
S’il donne ainsi, involontairement ou pas, une explication de cette détresse psychologique, il se fait aussi qu’il rencontre parfaitement mon sentiment, je dirais a contrario et tout aussi indirectement : aujourd’hui, on ne peut plus écrire que sur “les pesanteurs qui s’accumulent” et sur rien d’autre, c’est-à-dire sur la Grande Crise Générale pour mon compte, parce que rien d’autre n’est possible ; ce qu’il fait, et moi de même de mon côté, cela écrit sans rien comparer ni évaluer mais simplement parce que l’on parle d’écriture. On ne peut rien faire d’autre qu’écrire là-dessus, pour ne pas être en-dessous, complètement écrasé. Nous sommes témoins, c’est-à-dire combattants et résistants, chacun avec sa façon ; pas vraiment de surprise, car que peut-on faire d’autre qui ait quelque dignité ? C’est le seul honneur que cette terrible époque n'est parvenue à détruire et il importe de le mériter.
(*) Pour moi, la littérature lorsqu’elle est ramenée au roman, ne se contente pas pour autant de témoigner de son temps. Un roman le fait en partie, mais il fait aussi de la psychologie, voire de la sociologie, et surtout il crée son propre monde à côté mais hors du monde où il s’inscrit. Le roman-en-soi ne peut se réduire à un témoignage, sinon il n’est pas. Mais aujourd’hui, il n’y a pas de psychologie à étudier sinon la psychologie-Système, c’est-à-dire soumise et faussaire, et les résistances antiSystème qu’on peut lui opposer, qui n'ont d'intérêt que dans la mesure où elles sont un bloc psychologie identifiable dans le champ de l'antiSystème ; le sociologie est pulvérisée, réduite à l’étude des quelques grains d’elle-même qui subsistent, c’est-à-dire sans intérêt à étudier ni caractère de quoi que ce soit sinon celui, inverti, de finir comme complice du Système. Enfin, il ne se peut concevoir de créer un monde à soi à côté mais hors de l’énormité écrasante (voir les “pesanteurs qui nous écrasent” d’Houellebecq) de cette terrible époque qui enferme notre monde et interdit à rien d’autre d’exister, et il en sera ainsi jusqu’à ce qu’elle (cette époque, le Système) s’autodétruise. Ainsi la littérature (le roman) ne peut-elle plus exister pour la séquence métahistorique en cours, et n’existe plus.
On me dit souvent du genre “vieil ours solitaire”, ce qui veut dire “une personne qui fuit le monde”. (Je suis surpris par le nombre d’expressions, adages, etc., utilisant le nom de ce splendide animal.) Ce n’est pas tout à fait faux, et cela doit se comprendre lorsque l’on voit le monde qu’on a ; je suis pourtant d’excellente compagnie et en général d’humeur agréable pour qui me convient ; mais bon, la réputation elle aussi me convient, qui constitue une bonne cuirasse contre ce monde, justement, parce que ce monde-là représentes dans ses conditions à lui une affreuse agression, et permanente de surcroît. Tout cela bien compris et sans s’attarder trop à ma personne, il reste que je ne suis pas indifférent au monde, comme le réclame l’évidence de ma fonction et de ma mission ; en même temps que je m’instruis de la marche du monde, je reste attentif à ces petits signes qui parsèment mon petit monde autour de moi et je crois que la distance que je maintiens entre lui (le monde qui marche) et moi me permet de les mieux distinguer.
Ainsi ai-je remarqué cette année, pour cette saison dite-“des fêtes”, plusieurs petites choses qui sont autant de signes qui forment une perception de l’humeur d’une région, d’un pays, d’une civilisation, bien plus que tous les sondages et enquêtes statistiques du monde peuvent prétendre vous en instruire. Depuis plusieurs années, la “mode festive” était de décorer l’extérieur des maisons d’attributs assez incertains, en général d’une remarquable laideur et d’une médiocrité manufacturée, guirlandes de lampe de couleur, Pères Noëls en peluche ou assimilé, couronnes de sapin faites à la va-vite, etc. Cette année, cela m’est apparu depuis plusieurs jours, le nombre de ces manifestations individuelles d’un sentiment festif collectif conforme à l’optimisme de rigueur a considérablement diminué, dans un rapport étonnamment significatif. Autre signe dans le même sens, qui fait le bonheur de mon admirable Klara, ma superbe beauceronne, prise d’une affreuse panique au bruit de certaines détonations (bruit de tonnerre d’orage, pétard, détonations d’armes à feu) : il y a eu beaucoup moins de pétards cette année dans les quelques jours avant Noël, de ces pétarades habituelles qui constituent la stupide dégénérescence pyrotechnique de vieilles traditions pour saluer les “fêtes”. Autre chose encore : dans les papotages de voisinage, on parle du temps exceptionnellement doux avec l’absence de jubilation stupide que nous imposent en général les sapiens-météos de la TV, qui frisent l'extase lorsqu'ils annoncent plus de 25° ; au contraire, on distingue une sorte de sourde angoisse devant un événement perçu comme inhabituel et inquiétant (alors qu’il est bien entendu déjà arrivé d’avoir des Noëls aussi doux, mais cette fois, eh bien c’est différent).
Dernièrement, un jeune homme occupé des seules questions informatiques en marge du site, et qui n’a jamais montré le moindre intérêt pour les choses terribles de notre temps, est soudain intervenu dans une conversations que nous avions, avec une tierce personne, pour hocher la tête avec une phrase définitive, du type : “Quel bordel, quel bordel, mais que va-t-il nous arriver ?” ; mon dentiste, brave homme, seulement préoccupé d’implants, de caries et de ses voyages organisées de vacances, s’est tout d’un coup exclamé, roulette soudain bloquée à quelques millimètres d’une des rescapées de mes tristes gencives, sous mon regard soudain intrigué : “Mais c’est incroyable, tout ce qui se passe, monsieur Grasset ! Comment va-t-on en sortir ? Hein, à votre avis ? C’est impossible de continuer comme ça...” L’autre jour, ma fille, qui court d’une priorité à l’autre, d’un enfant à l’autre, d’un cours qu’elle donne à un autre qu’elle doit donner, à 180 à l’heure, qui me voit entre deux portes quand on arrive à les ouvrir, qui parle de tout et de rien, soudain s’arrête à un événement pour m’interroger, et je lui dis : “C’est une époque terrible, tu sais”, et elle qui répond, soudain angoissée : “Je sais, je sais, ne me dis rien, je préfère ne pas savoir !” ; puis soudain, pas dépourvu d’ironie matoise j’en conviens, presque un clin d’œil comme il faut avoir quand l’angoisse vous assaille :
— D’ailleurs, toi tu sais bien pour deux, alors hein...
Ce que je veux rapporter avec ce bouquet de choses variées, sans importance, sans véritable éclat, sans véritable signification propre, c’est l’impression d’un “climat”, – j’aime bien parler de “climat”... Comme le temps de cette saison, le climat est “inhabituel et inquiétant”, il est différent et l’on sent bien qu’il se passe quelque chose. Ce Noël-là, de 2015, est différent des autres, me dis-je alors que le 24 décembre allait sur sa fin, vers la fameuse soirée réveillonneuse ; l’optimisme jubilatoire des bataillons de présentateurs-TV, commentateurs-Système, sociologues-postmodernes, figurant en priorité sur leur feuille de route, comme ce qu’on nommait dans les années 1920 aux USA “l’idéologie de l’optimisme”, tout cela n’arrive plus à nous emporter vraiment. Il sonne faux, au point qu’on se demande si eux-mêmes y croient, au point que le maître-queue s’inquièterait de savoir si, vraiment, “la mayonnaise prend encore”.
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On peut juger que tout l’esprit de notre temps est rassemblé, à la fois opérationnellement et symboliquement, dans ces deux nouvelles : interdiction ponctuelle en France du film Crimée, retour à la Patrie, retrait du programme d’une école de Pennsylvanie du livre de Mark Twain Les Aventures d’Huckleberry Finn. Je vais m’attacher à ces deux cas considérés comme symboliques de notre époque, et symboliques de notre époque parce qu’ils y sont et qu’ils s’y sentent si bien ; d’abord les exposant succinctement et ne cherchant en aucun cas à m’attarder au fond tant l’évidence suffit à la chose ; pas de débats, par d’arguments, pas de plaidoiries, simplement l’intérêt pour le processus après l’exposé de quelques détails pour situer les acteurs, et des détails qui ne s’embarrassent pas de se proclamer comme si j’étais du parti de la justice et de l’équité ; face à ces choses, je ne veux pas prétendre une seule seconde, ni être juste ni être équitable. Bien entendu, il ne s’agit que d’exemples, les deux qui me sont tombés sous la main, d’une pratique aujourd’hui universelle dans nos élites-Système, dans la presse-Système, dans le monde-Système qui tente d’exister pour enfin pouvoir liquider tout ce qui n’est pas lui et achever sa besogne de dissolution jusqu’à l’entropisation. Voici les deux avortons en question, rapidement esquissés...
• Le cas de Crimée, retour à la Patrie, un film de Andreï Kondrachov, interdit à Strasbourg en juin, à Nice en septembre, à Cannes en novembre et à Bordeaux le 11 décembre. Il s’agit d’un film sur le retour de la Crimée à la Russie. La vidéo du film réalisée pour la chaîne Rossiya-1 est disponible. Sputnik-français conte l’histoire de cette censure-Système dans deux textes. La dernière interdiction, surtout, m’a intéressé parce que je tiens Juppé pour un cas remarquable dans la mythologie de la fascination-par-le-serpent, et très symboliquement illustré par les félicitation adressées par l’ambassade d’Ukraine à monsieur Alain Juppé, maire de Bordeaux (« Nous saluons la décision responsable de la Mairie de Bordeaux et M.@alainjuppe d’annuler la projection d'un film “Crimée retour à la patrie” »). La même ambassade salue les activistes, les simili-Ukrainiens de Bordeaux, de cette belle cause « pour leur contribution à la vie culturelle de Bordeaux », où l’on voit un acte de censure magnifié comme une “contribution à la vie culturelle”, – quelle étrange inversion habite donc ces esprits pour écrire des choses pareilles, quoi qu’il en soit du cas considérés ? Quant à Juppé, c’est ce type qui se trouvait « le 29 avril 2015 dans l’UpperEast Side, à New York, puis le 2 mai à Rockefeller Center, pour chercher des fonds [pour sa campagne électorale]. Ses donateurs, comme le patron de la M&T Bank, Robert G. Wilmers, ont confiance en lui. Il est important pour eux d’avoir, à Paris, un homme de l’OTAN, ponctuel en gratitude... » En un mot, le parfait gaulliste, version-postmoderne, totalement “néoconisé” à la vie à la mort, avec tout le sérieux qui caractérise son arrogance, lors de son séjour en Amérique du Nord, en 2005. (*) Passons, si l’on peut.
• Le cas des Aventures d’Huckleberry Finn, de Twain, banni d’un cycle d’éducation littéraire par la Friends’ Central School dans le Comté de Montgomery, une institution privée établie en 1845 et fondée sur la “philosophie quaker”. L’argument est qu’il s’agit d’un livre “raciste”, essentiellement sinon exclusivement à cause de ce point absolument terrifiant de l'emploi du “nègre” à de noùbreuses reprises, cela provoquant un profond désarroi chez les étudiants, paraît-il, dépressions profondes, angoisses incontrôlées, tendances suicidaires, etc. On arrête là (tous les détails sont donnés sur le site WSWS.org, le 17 décembre 2015), l’accusation ne méritant même pas d’être relevée ni la discussion consentie à propos des piètres explications données par l’élite-Système de service, pataugeant avec zèle et endurance dans le tourbillon, ou le cloaque je ne sais, fangeux et boueux, extrêmement puant, de ses abaissements intellectuels et psychologiques devant la terreur du conformisme. Le Principal de l’Ecole Art Hall écrit aux parents : « I do not believe that we’re censoring. I really do believe that this is an opportunity for the school to step forward and listen to the students. » Quant à moi, monsieur le Principal, je really do believe qu’il s’agit de censure, et même de censure-Système, comme on va voir.
Il me faut bien du courage pour poursuivre ma réflexion tant ces deux cas qui ne sont pourtant ni rares ni exceptionnels par les temps qui galopent dénotent de sentiments, d’attitudes, de jugements d’une bassesse qui, normalement, suscitent un dégoût d’une insistance si grande qu’il peut fort souvent déboucher sur une nausée fort embarrassante. Peste, faisons l’effort tout de même car cette sorte de censure-là mérite quelques considérations ; elle n’est ni banale, ni courante, ni “classique”. C’est, comme je l’ai déjà écrit, la censure-Système, qui doit tout au Système ; et je dirais que c’est une censure d’ordre religieux, beaucoup plus qu’une censure de l’ordre des banalités-Système que ces caractères corrompus et affaiblis nous ânonnent sans jamais se décourager, sous le mot-magique de “valeurs” ; mais une censure d’ordre religieux, sans, comme on disait pour un mourant, “le secours de la religion”, c’est-à-dire sans l’argument transcendantal énoncé hors de toute hystérie. (Il vaut ce qu’il vaut selon qu’on croit ou qu’on ne croit pas à la transcendance mais on ne peut lui ôter son caractère de grandeur, hors des agitations de la fourmilière terrestre et de sa communication.)
(Suite)
Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 7 décembre 2015 au 13 décembre 2015, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaine. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.
« • Le phénomène que nous relevons de plus en plus est le développement de ce que notre chroniqueur du Journal dde.crisis nomme “la psychologie de l’apocalysme” (10 décembre 2015), c’est-à-dire cette orientation d’un nombre d’esprits grandissant pour souhaiter un événement catastrophique qui nous sortirait de cette infernale contre-civilisation. • Cela vaut bien entendu pour les antiSystème, certes, mais il n’est nullement assuré que nombre d’esprits-Système ne nourrissent pas, à peine en secret, la même inclination. • Tout y invite, au point où nous sommes, et lorsque la réflexion tente d’aller au fond et à l’origine des choses (10 décembre 2015). • Autour de nous, dans nos œuvres catastrophiques, ne cessent de proliférer l’avancée du désordre tourbillonnant qui mesure le blocage de l’infernale chose, que ce soit en Ukraine (12 décembre 2015), en Syrie bien entendu (8 décembre 2015), en Turquie qui est candidate à son “ukrainisation” (12 décembre 2015), que ce soit aux USA bien sûr (11 décembre 2015) que les derniers croyants tentent d’orner de la vertu de l’hégémonisme. • Pendant ce temps, les derniers gens sérieux, les Russes revenus de si loin (13 décembre 2015), continuent à renforcer leur puissance, pas du tout pour des conquêtes mais pour mieux affronter les tempêtes qui se succèdent et ne cesseront de s’amplifier (9 décembre 2015 et 11 décembre 2015). »
Je ne sais d’où vient l’anecdote, de tels mémoires ou de tels autres, ceux de Schumann par exemple, mais je suis assuré de l’importance du propos, et bien sûr de ce que dit ce propos, dans le chef de celui qui l’a rapporté. Maurice Schumann, donc, en août 1940 à Londres, entend de Gaulle lui dire à peu près ceci : “Le sort de la guerre est joué. L’Amérique ne va pas tarder à entrer en guerre avec toute sa puissance industrielle, l’Allemagne a perdu. Il nous faut maintenant songer à l’après-guerre...” (Et, par ces derniers mots, de Gaulle pensait bien entendu à la place de la France dans l’après-guerre. C’est son obsession absolument constante comme le montrent ses Mémoires de guerre : nullement la victoire, qu’il tient ainsi pour acquise, ni même le sort de l’Allemagne ou quelque jugement qu’il puisse sur cette puissance, sur le nazisme, etc., mais d’abord et par-dessus tout le sort, la place et le rang de la France après la guerre.)
Cela, je le répète, est dit en août 1940 ; de Gaulle n’est rien, la France est abattue, l’Angleterre est aux abois, l’Allemagne avance partout, l’Amérique ne cesse de se proclamer isolationniste (“America First”), etc. Cette déclaration, ce n’est pas de la divination, ce n’est pas de l’utopie, ce n’est pas de l’hystérie, ce n’est pas une évaluation complètement fantasmée des forces. (Il faut laisser de côté dans cette supputation assurée tous les aspects de quincaillerie, les puissances mécaniques des armées, les analyses stratégiques, etc.. Il faut n’en n’en retenir que l’esprit de la chose.) Il s’agit d’une vision métahistorique, d’un dessein, de la force structurante d’une conviction nourrie de l’intuition haute, et surtout il s’agit d’un caractère qui, en fonction de tout cela (vision métahistorique, etc.), affirme une volonté inébranlable, une nécessité psychologique absolument justifiée d’un point de vue rationnel ; rien à voir avec le pessimisme ou l’optimisme, et tout avec le caractère utilisant la raison pour rencontrer ce que lui dit la vision métahistorique. Ce n’est pas le don du devin mais l’esprit éclairé par l’intuition haute, et pour de Gaulle le sort de la France est l’objet principal de l’intuition haute.
Nous sommes aujourd’hui dans des conditions similaires, à part que l’enjeu est bien plus considérable qu’en 1940 ; les conditions historiques sont différentes mais l’inspiration métahistorique est similaire. D’un point de vue qualitatif, qui est le seul qui importe, il s’agit de la même situation psychologique, et j’affirme hautement que c’est bien à une telle situation de l’esprit (psychologie, caractère, point de vue rationnel, etc.) que je me réfère. Si je détaille rapidement tout cela, qui expose l’action intellectuelle qui me porte et ce qui la nourrit, tout cela à ma mesure et sans que je me prenne pour qui que ce soit d’autre que moi-même, c’est pour mieux dénoncer ce que je suis de plus en plus conduit à considérer comme “l’autre côté”. D’une façon assez singulière sinon paradoxale jugeront certains, – mais il n’est pas assuré qu’ils aient raison, et qu’au contraire de ce jugement nous nous trouvions dans la logique même, – je serais conduit à penser que les plus grands adversaires de cet état d’esprit que je qualifie évidemment d’antiSystème, se trouve également dans le camp antiSystème. (De même, les véritables, je dirais même les seuls adversaires de De Gaulle en 1940-45, ce sont les Anglo-Saxons et nullement les Allemands déjà vaincus, cela aussi ses Mémoires de guerre le montrent d’une façon qui ne laisse place à aucune ambiguïté. L’on n’est pas loin d’avoir une représentation, comme une réplique en amont, du grand affrontement que nous connaissons aujourd’hui.)
Je veux parler de toutes ces opinions, ces développements, ces analyses de nombre d’auteurs et d’acteurs qui se disent antiSystème, qui ne cessent de détailler les attributs de ce qu’ils jugent être la puissance du Système, de ce qu’ils jugent être l’habileté du Système à mettre en place des plans et des manœuvres, de ce qu’ils jugent être ce qu’il y a d’irrésistible décisivement et définitivement dans l’action du Système ... S’ils jugent tout cela irrésistible, pourquoi résistent-ils, ou plutôt comment prétendent-ils résister ? Je veux parler ici, non pas du détail de ces affirmations de puissance du Système, que je passe mon temps à démonter pour montrer qu’il s’agit de “l’impuissance de la puissance” et donc de l’autodestruction de la surpuissance, mais bien de la psychologie qui conduit à décrire sans le moindre esprit des nuances et de ce que c’est qu’un vérité-de-situation renvoyant à la métahistoire cette même surpuissance du Système comme si tout était dit. Qu’on me pardonne s’il y a quelque chose à pardonner, si je juge que cette psychologie est d’abord fondée, secrètement mais à peine tant cela doit vous apparaître comme évident, mais certainement inconsciemment de la part de ceux qui montrent ce travers, sur quelque chose qui est comme une fascination pour la puissance, et donc une hyper-fascination pour la surpuissance du Système.
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Je m’interroge sur la signification cachée de la réponse de Poutine, lors de sa conférence de presse, à propos de Trump-The Donald, telle qu’on nous la rapporte sur ce site ce même 18 décembre. (Ce qui implique effectivement que je crois très possible qu’il y ait une signification cachée.) Le fait est qu’il a répondu comme on peut le lire, couvrant Trump de compliments, alors qu’il aurait très bien pu, et même qu’il aurait dû s’en tenir selon ses propres conceptions de non-interventionnisme dans les affaires d’un État souverain, à un “Ce ne sont pas nos affaires”, puisque domaine de la politique intérieure des USA. (L’argument affleure et aurait dû suffire effectivement comme réponse, lorsqu’il précise ceci que je mets en gras dans l’interprétation de sa réponse : « C'est un homme hors du commun, talentueux sans doute. L’évaluation de sa candidature n'est bien sûr pas de notre ressort, mais il est le leader absolu de la course présidentielle. Il se dit partant pour porter les relations russo-américaines à un autre niveau de coopération, beaucoup plus étroite et approfondie. Nous ne pouvons qu'accueillir favorablement ces efforts. »)
Pour bien préciser mon interrogation : Poutine sait-il qu'une éventuelle élection de Trump, et même l’arrivée de Trump en phase finale (disons candidat républicain contre la/le candidat[e] démocrate, possiblement Hillary avec ses casseroles diverses et nombreuses, en bonne ménagère) ne sont certainement pas l’assurance raisonnable d’une politique, fût-elle excellente pour la Russie, mais plutôt l’assurance bien possible d’un réel désordre dans le processus du gouvernement des USA, peut-être un fatal désordre avec ce qui s’ensuivrait au niveau international ? Le sait-il lorsqu’il répond ce qu’il répond ? Je trouve évidemment que la question vaut d’être posée, et l’on se doute bien que la poser, pour moi, c’est tout aussi évidemment y répondre, simplement selon ma conviction et rien d’autre : oui, il le sait...
Dans le même ordre d’idée, même logique, même conviction que j’espère éclairée de l’intuition de ma part, sans aucune indication évènementielle que ce soit, je crois effectivement que les Russes sont au bout de leurs illusions et qu’ils ont compris qu’ils sont sur une terra incognita, là où la folie conduit la pseudo-politique des USA/du bloc-BAO, selon les impulsions du Système-devenu-fou. Ils auraient donc compris que la prudence, la recherche épuisante et stérile d’un arrangement n’ont plus de sens sinon une convenance tactique ici ou là. Selon ce cadre d’appréciations de ma seule conviction, la réponse de Poutine a encore plus de sens. C’est un joueur d’échecs, certes, mais le temps absolument en cours de contraction finale ne laisse plus de temps à la réflexion, et il faut jouer aussi vite que s’il s’agissait d’un poker. Si les Russes savent, si Poutine sait, – alors, ses encouragements à Trump révèlent leur sens caché. C’est comme s’il tentait, Poutine, de pousser à la réalisation du fameux conseil de Gorbatchev, répété encore en décembre 2014 par l’ancien président et homme de la glasnost-perestroïka : l’Amérique a absolument et décisivement besoin d’un effondrement à-la-soviétique des années 1985-1991...
Riyad, centre mondial de la coalition mondiale islamique antiterroriste, vous imaginez ? Oui, hein, vous imaginez ? Tenez, prenez une autre vodka, la cinquième je crois, il paraît que c’est idéal pour canaliser le fou-rire nerveux et inextinguible, et éviter ainsi de mourir de rire... Il serait temps qu’ils songent à demander à Hitler-Berlin, homme politique local qui n’est jamais mort comme chacun sait puisqu'il ressuscite régulièrement, d’organiser une coalition mondiale de lutte contre l’antisémitisme.
Bien, – il y a des choses avec lesquelles on ne plaisante pas, et le mot “coalition” est l’une d’elles. Je crois que le premier à parler de la chose dans la forme où on la voit, c’est-à-dire pour notre fascinante époque, fut Donald Rumsfeld, avec son idée de “coalition of the willing”. C’était au temps où Bruxelles brusselait encore un peu, en 2002, et Rumsfeld était un dur, en plus de ça grand philosophe des unknowns unknowns, et plus encore visionnaire du chaos pentagonesque. C’était au temps où l’Empire cognait dur et s’y croyait, à récrire l’Histoire à sa guise. Le standard-“coalition of the willing” dédaignait les alliances type-OTAN, structurelles et soumises à des humeurs inattendues (règle de l’unanimité, droit de veto, etc.) ; c’était la réunion autour de l’Empire, USA regnante, disons des plus soumis et serviles “du jour” (comme on dit “plat du jour”).
Depuis, la chose a évolué et s’est transformée, grâce à la magie de l’évolution des temps sous l’hégémonie de fer d’une Amérique si forte et si cohérente, en une fantastique cocasserie du type-Marché aux puces, une surréelle grotesquerie qui illustre magnifiquement l’extrême sérieux de carton-pâte, la puissance implacable en simili-plastique de l’époque-sous-hégémonie-US que nous vivons. La dernière du genre, je l’avoue, m’a absolument stupéfié, cloué sur place, je dirais d’admirations stupéfiée et cloueuse ; cela lorsque je lis, de fort bon matin, que l’Arabie a activé une “coalition islamique mondiale contre le terrorisme”, qui réunit pas moins de 34 pays, et dont le centre nerveux, inspirateur, opérationnel, se trouvera à Riyad même. Je vous mets en lecture, pour prendre bonne note, les premières phrases de la dépêche de RT du 15 décembre 2015, aujourd’hui même à 01H45, – c’est tout frais, hein, on ne peut être plus au cœur d’une actualité débordante d’activité volontariste, de volonté active, de décision ferme, de construction à force d’abnégation d’un monde absolument meilleur... Pardonnez-moi si je ne traduis pas en français, parce qu’en anglais, vraiment cela fait plus chic-et-choc, plus costaud, plus Financial Times vous comprenez... C’est sûr, Allah reconnaîtra les siens.
« A Riyadh-based “Islamic military alliance” has been formed with a mission to fight terrorism, Saudi Arabian state TV has announced. The coalition consists of 34 countries, including the Gulf States, a number of African countries, Turkey, Egypt, Malaysia and Pakistan. Countries involved in the coalition aside from Saudi Arabia, include Jordan, the UAE, Pakistan, Bahrain, Bangladesh, Benin, Turkey, Chad, Togo, Tunisia, Djibouti, Senegal, Sudan, Sierra Leone, Somalia, Gabon, Guinea, the partially-recognized state of Palestine, the Islamic Federal Republic of the Comoros, Qatar, Cote d’Ivoire, Kuwait, Lebanon, Libya, Maldives, Mali, Malaysia, Egypt, Morocco, Mauritania, Niger, Nigeria, Yemen. »
(Nota drôlement Bene d’un tout-venant : Merde [Fuckshit] ! RT a dû se tromper considérablement : où est, dans cette coalition, le membre d’honneur et de plein-droit IS/EI, Islamic State/État Islamique, Daesh pour les dames ? Imaginez-vous une coalition antiterroriste-mondiale-islamiste sans IS/EI/Daesh, vous ? Un peu de sérieux, RT, officine de propagande pour couvrir Poutine qui tape sur IS/EI/Daesh sous prétexte vain d’antiterrorisme...)
Le monde est formidable. L’inspirateur, le concepteur, le financier de tout ce que le monde peut avoir de terrorisme inspiré, conceptualisé et financé, réunit une formidable coalition comprenant notamment tous les pays qui produisent la piétaille opérationnelle, la production logistique et le soutien de toutes les formes des groupes inspirés, conceptualisés et financés du terrorisme islamiste dans toute sa diversité. On y retrouve donc tous les “copains d’à-bord”, Pakistan, Turquie, Qatar, etc. Imaginez la soudaine angoisse de la solitude du non-sélectionné de la coalition qui saisit Daesh, qui est cette affreuse organisation de tuerie sanguinaire née d’elle-même comme une génération absolument spontanée, mais bien sûr avec l’aide d’Assad certes et un coup de main de Poutine ; et, d’un autre côté, l’inquiétude à peine dissimulée de l’Empire qui voudrait tellement garder pour lui ce privilège d’être le vainqueur décisif de cette affreuse menace qui pèse sur la civilisation postmoderniste sans cesse répandant ses bienfaits autour d’elle. (Et puis, hein, ils auraient pu y mettre comme membre d’honneur “Kiev-la-folle”, comme conseiller et symbole.)
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Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 30 novembre au 06 décembre 2015, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaine. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.
« • Les évènements crisiques qui s’étendent à partir du foyer ouvert par la crise Syrie-II nous conduisent à observer l’évolution des pays du bloc-BAO, et notamment du principal d’entre eux (les USA). • C’est en effet un fait remarquable de constater combien l’extrême confusion dans et autour de la crise Syrie-II renvoie, comme dans une dynamique mimétique, à une extrême confusion dans les pays du bloc-BAO qui prétendent intervenir (dans Syrie-II) pour... • Pour quoi, d’ailleurs ? Rétablir l’ordre ? Défendre leurs intérêts ? Bloquer la Russie ? Avoir l’air de faire quelque chose ? Cette époque est celle des questions innombrables et sans réponse. • On retrouve sur le site des traces diverses de ces interrogations et surtout des constats qui les accompagnent, essentiellement à propos des USA et des Anglo-Saxons, que ce soit pour mesurer l’“hyperimpuissance” de la chose (3 décembre 2015 et 5 décembre 2015), que ce soit pour observer l’étrange psychologie et le comportement à mesure de ce qu’il reste du président Obama (5 décembre 2015). • On pourrait même dire que Daesh est plus un produit du désordre du bloc-BAO que ce que l’on a coutume d’en voir (4 décembre 2015). • Pendant ce temps, la Russie continue à tenir, selon ses positions classiques et sans trop d’illusions sur le sort du monde (2 décembre 2015 et 3 décembre 2015). • Pendant ce tempos (suite) se développe un état d’esprit général dont on parlera de plus en plus, dit apocalysme, ou le goût de l’apocalypse comme seule porte de sortie (6 décembre 2015). »
J’ai pris l’habitude, un peu au hasard du temps perdu, de m’attarder à l’émission 28 minutes (autour de 20H10-20H40) d’Elisabeth Quinn, sur Arte. C’est la sorte d’émission un peu intello-bobo, parfois intéressante objectivement, qui donne dans tous les cas une bonne indication de la température dans la parti des salonards, à Paris et dans les capitales des mêmes latitudes. Bref, on est au cœur du bloc BAO sans y être totalement emprisonnés... Ce qui me conduit à m’attarder à cette émission du 9 décembre (voyez le DVD de la chose sur le site de l’émission). C’était une émission spéciale avec l’invité, le journaliste russe Vladimir Pozner. Il a 81 ans, Pozner, et en paraît 60, il parle excellemment le français, aussi bien que son russe. Sa vie est une aventure : son père, juif russe, a quitté l’URSS au début des années 1920, s’est arrêté à Paris où il a épousé une française catholique. La famille a quitté la France pour les USA en 1940. Quelques années plus tard, le couple divorce et le père, soupçonné d’être un agent soviétique, doit quitter les USA en catastrophe ; c’était d’ailleurs vrai, comme Vladimir le découvre dans des archives déclassifiées en 1994, son père était bien un agent du NKVD rebaptisé KGB. Depuis Vladimir, a trouvé sa voie de journaliste, d’abord soviétique pur-jus puis jouant un rôle dans le pont de la communication entre l’Est et l’Ouest, puis entre le bloc-BAO et la Russie. (Voyez sa bio sur Wikipédia, drôle d’aventure...) On pourrait dire, – je risque ce jugement avec une extrême prudence, on va voir pourquoi, – qu’il serait plutôt proche du parti des “occidentalistes” en Russie, celui que haïssent les nationalistes-mystiques à-la-Douguine, installés sur l’héritage de Soljenitsyne.
Avec Pozner, nous nous trouvâmes face à une bestiole de grand poids et, de mon point de vue, extrêmement déroutante si l’on s’en tient aux évènements courants et à l’opinion et le sentiment qu’il nous en donna. D’un côté, – et je prends le sens inverse de ses interventions parce que je veux rétablir une hiérarchie en terminant par l’essentiel après avoir écarté l’accessoire, – d’un côté Pozner prend bien garde de souligner qu’il n’est nullement un partisan de Poutine, qu’il le critique, qu’il juge qu’il n’y a pas de liberté de parole dans le métier qu’il exerce (cela essentiellement pour la TV, la presse écrite et la radio étant laissé “assez libres” sinon complètement de son point de vue). D’un autre côté, lorsqu’on l’interroge (“Où en est le Russe aujourd’hui ?” “Qu’est-ce que c’est que l’âme russe ?”), Pozner abandonne les stéréotypes et devient soudain intarissable, ardent, plein d’une conviction presque mystique. “Aujourd’hui, le Russe est fier”, dit-il comme s’il éprouvait lui-même cette fierté, “il a retrouvé sa patrie et la Nation russe”, son pays est respecté, il “tient son rang” qui est une spécificité historique et souveraine qui lui est due ; et tout cela, grâce à Poutine, poursuit Pozner, et c’est pour cela que plus de quatre-vingt pour cent des Russes le soutiennent...
(Curieux paradoxe, dirait l’esprit critique, presque une contradiction... D’un côté, – je poursuis ce balancement, – le constat de la propagande du gouvernement pour forger l’opinion du Russe comme si celle-ci avait besoin de l’être, d’un autre côté la suggestion que l’écrasante majorité des Russes est derrière Poutine, sans nécessité de TV ni de rien d’autre de cette sorte qui en appelle à la communication, d’un seul élan qui vient de l’“âme russe“, parce qu’il a, Poutine, restauré le rang du grand pays... On ajoutera, pour être juste, que ce n’est pas sans ironie, comme s’il savait bien qu’il sacrifie aux stéréotypes, que Pozner termine sa tirade sur la pression du gouvernement russe sur la TV en ajoutant “d’ailleurs, aux États-Unis c’est la même chose”. Tout le monde parmi les protagonistes de l’émission entend cela, et notamment l’équivalence ainsi établie, comme allant de soi.)
Dans le courant de l’émission, Pozner est rejoint par un Français, l’homme d’affaires Jean-Michel Cosnuau, un des rois de la nuit à Moscou, qui vient de publier son livre Froid devant ! où il nous conte son aventure russe. Cosnuau a notamment établi une chaîne de boîtes de nuit qui le ferait classer dans une catégorie peu ragoûtante, à la fois postmoderne et affairiste ; mais voilà qu’il précise qu’il est venu en aide aux retraités moscovites des années 1990 qui n’avaient plus rien à manger grâce au libéralisme éclairé ; voilà enfin qu’il se déclare également mystique, qu’il fait grand cas de sa conversion à l’orthodoxie, et qu’il s’est fait ainsi, au fond, pour mieux comprendre les Russes sinon pour “se reconstruire Russe”... « Mais comme disait Dostoïevski, on ne peut pas comprendre les Russes sans être orthodoxe » nous confie Cosnuau, et tout le monde, athés, journaliste russe et chroniqueurs parisiens, jusqu’à un sourire de complicité de Renaud Dély l’habituel imprécateur antipoutinien, de s’exclamer joyeusement, en pleine russophilie !
Si j’en viens à ces détails de l’émission, pour laisser le fond à d’autres envolées, c’est parce qu’il m’importe de parler de ce quelque chose d’indéfinissable sinon par un détail échappé ou l’autre, qu’on nomme “le climat”. Si je m’attache à cet objet, cette émission, c’est à cause du “climat” où je l’ai vu baignée, et qu’il s’agit d’un changement extraordinaire par rapport à ce qui sévissait en fait d’orages et d’averses déchaînées d’imprécations, il y a quelques mois, voire quelques semaines, dans cette même émission comme dans tant d’autres. Dans les salons et sur les plateaux, il était impossible de voir prononcer (j’insiste sur cette idée de “vision”) le mot “Russe”, le mot “Russie” ou le mot “Poutine” sans aussitôt ressentir comme si on la voyait déferler une vague de haine née d’une houle de mépris avec son cortège de ricanements et de regards furieux sortis d’un tableau d’un Breughel qui se serait fait peintre des odyssées maritimes de la haine. Je ne me suis jamais attardé à ces exercices de pleine mer mais je les ai ressenties avec une force incroyable, ce climat antirusse qui ressemblait à une croisade sans la moindre pitié possible, où toute nuance, toute interrogation, toute explication étaient aussitôt ressenties comme la preuve ultime de la trahison. J’insiste là-dessus il a encore trois mois, deux mois, c’était bien le cas, sans nul doute... Et puis, brusquement mais subrepticement, sans faire aucun bruit, les choses ont basculé.
(Suite)
Il y a deux ans déjà, nous étions entrés dans la crise ukrainienne après la rupture entre Ianoukovitch et l’UE (18 novembre 2013). Moi, je n’avais rien vu venir très précisément, suivant d’une façon très épisodique les “révolutions de couleur“, les parcours des oligarques, la corruption, etc. La crise me prit par surprise comme une tragédie et c’en fut une effectivement ; entre l’épisode de novembre 2013 et le coup d’État de février 2014 (deux ans bientôt ou déjà ) l’Ukraine s’embrasa tragiquement. Après la symphonie brutale et orchestrée comme on est usurpé du Maidan, il y eut la “nuit des dupes” du 21 février qui aboutit à la fuite de Ianoukovitch, puis très vite la sécession de la Crimée et la guerre cruelle du Donbass, avec les tourments intérieurs au son de la croix gammée et du fric US distribué aux oligarques, et le frisson de la possibilité de l’apocalypse nucléaire qui courait dans ces sombres évènements. L’art de l’irréel et la haine de la vérité de cette contre-civilisation achevèrent de tuer la réalité et je concoctai fiévreusement le concept de déterminisme-narrativiste. Puis la crise s’est subrepticement mais irrémédiablement encalminée dans Minsk1, puis Minsk 2, etc., grâce à la patience habile de Poutine, le sens de la manœuvre couarde de Merkel-Hollande, l’incompétence stupide de Porochenko et la lourde stupidité du pseudo-éléphant (le noble animal mérite mieux) des USA dans le magasin de porcelaine. Tout ce qui se fait depuis verrouille le désastre : le sabotage de l’alimentation d’électricité de la Crimée par l’Ukraine conduit les Russes à intervenir d’urgence et à accélérer l’intégration de la Crimée dans la Russie ; l’intervention du FMI pour annuler la dette russe de l’Ukraine fait un peu plus tomber les masques (le FMI instrument des USA, cela allait mieux quand cela se voyait moins) et ne sauve l’Ukraine de rien.
La vérité-de-situation de l’Ukraine, aujourd’hui, c’est cette scène grotesque qui a eu lieu hier ou avant-hier, je ne sais, à la Rada. Le Premier ministre Iatseniouk, si séduisant avec sa tête rasée d’avorton sorti d’une fausse couche bureaucratique, parle à la tribune ; un député du parti du président Porochenko, Olej Barna, arrive d'un pas énergique vers la tribune, un bouquet de roses à la main ; désarçonné et n’y comprenant rien, Iatseniouk le laisse monter derrière lui, peut-être aime-t-il les roses et qu’on lui conte fleurette, peut-être est-ce la tendresse pense-t-il en acceptant le bouquet et ainsi les bras embarrassés ; Barna le saisit alors par les épaules pour l’éjecter de la tribune ; Iatseniouk résiste sans trop y croire ; l’autre le saisit par l’entrejambes, littéralement par les couilles puisque Iatseniouk doit être doté de ce noble instrument, pour achever le travail ; la Rada bascule avec l’orateur dans le désordre complet tandis qu’on voit Iatseniouk se remettant, contemplant la scène, posant le bouquet, puis le reprenant après tout et s’éclipsant avec la discrétion des grands hommes tandis que le baston cogne dur autour de lui entre disons une trentaine d’élus de la nation... La vérité-de-situation de l’Ukraine, aujourd’hui, c’est le trou noir du désordre (ici avec sa touche de grotesquerie très ukrainienne) qui grandit sans cesse comme s’il ne devait jamais cesser.
Ainsi vont les crises aujourd’hui : elles naissent dans un bruit terrible de tragédie puis s’étiolent peu à peu ; elles se déstructurent, se dissolvent dans cette drôle d'espèce de tragédie devenue bouffonnerie sans perdre leur caractère d’origine puisqu’il est dit qu’elles doivent durer jusqu’à l’entropisation par la néantisation du Grand Tout. La tragédie de la crise ukrainienne est devenue une tragédie-bouffe, ayant pris sa place dans le processus de déstructuration-dissolution du monde, jusqu’à la néantisation de l’entropisation. La crise couve toujours, elle peut exploser à nouveau comme font les volcans épisodiquement, car rien ne cesse jamais dans ce processus de destruction du monde enfermé dans sa contradiction de l’infinitude qui finira par engloutir le diabolus ex machina lui-même. C’est bien son propre monde que le Système réduit à la néantisation de l’entropisation, comme si c’était lui-même.
Y a-t-il eu, avant nous, une époque où, d’une façon rationnelle, posée, raisonnée, débattue et argumentée, un tel sentiment sinon un tel désir s’est ainsi répandu peu à peu, mais dans un laps de temps très court, venus d’esprits raisonnables et d’une façon qui ne l’est pas moins ? On comprend bien que je ne parle ni d’une psychose, ni d’une Grande-Peur qu’aurait inspirée tel ou tel événement, non plus que d’une pulsion collective d’hystérie ou de religiosité exacerbée, ni d’hystérie religieuse. Ce cas n’est absolument pas le bon pour notre affaire, et c’est bien du domaine de la raison raisonnante que je parle en parlant de ce qu’on nomme ici, sur ce site, “apocalysme”.
(En fait, l’expression complète, disons “militante“ dans le bon sens, c’est “apocalysme-antiSystème” comme on l’a vu, et c’est de cela que je veux parler en développant ce propos sur “la psychologie de l’apocalysme” puisqu’il s’agit nécessairement de mettre en cause le Système, de le mettre en accusation et de le condamner sans appel possible, puisqu’effectivement tout passe par ce défi et ce combat. Quoi qu’il en soit et pour ne pas trop charger le propos, et aussi pour faire entendre que nous nous trouvons dans le domaine de l’appréciation de la seule psychologie et nullement du parti-proclamé antiSystème qui découle de cette psychologie lorsqu’il s’agit d’agir, j’en reste à l’emploi du mot “apocalysme” seul.)
Pour répondre à la question de tête, mon impression, avec les limites de mes connaissances, est certes qu’il s’agit d’une situation absolument inédite : des “gens raisonnables” et des “esprits libres” en viennent, de plus en plus nombreux, à considérer comme la seule issue possible quelque chose d’extrêmement vague certes mais qui recèle en elle une brutalité et une radicalité inouïes, quelque chose qui peut être justement résumée par le mot fameux d’“apocalypse”, ce qui serait une sorte de tabula rasa si l’on veut. Cela embrasse tous les constats, thèses, prospectives et autres, comprenant les mots d’“effondrement”, de “dissolution”, de “catastrophe finale”, et concernant ce qu’ici on nomme le Système, ici le capitalisme lorsqu’il est pris dans son aspect global et général, ici la civilisation occidentalististe, etc. (On connaît suffisamment les expressions que nous affectionnons sur ce site, et moi en premier, pour désigner la chose qui doit s’effondrer, – le Système d’une part comme organisation élaborée et écrasante issue du “déchaînement de la Matière” de la charnière entre les XVIIIe et XIXe siècle après une évolution de plusieurs siècles, d’autre part la “contre-civilisation” qu’est devenue notre civilisation après cette fracture terrible de l’Histoire, – les deux comme deux faces d’une même pièce ou deux poupées russes qui s’emboitent...)
Bien entendu, la parenthèse ci-dessus rappelle, sans surprise, que je fais évidemment partie de cette psychologie-là depuis fort longtemps, bien avant que l’on puisse envisager une extension de cette “psychologie de l’apocalysme” au point d’envisager d’en faire un courant de pensée rationnel. Je situerais ce basculement de ma pensée autour du début du siècle, après l’attaque 9/11 et dans les réflexions que cette attaque, par son caractère extraordinaire et symboliquement remarquable, avait suscitées concernant la validité de cette civilisation qui prétend être “la nôtre”. La réflexion avait bien été préparée par les années 1990 et la façon dont le monde “de l’Ouest” avait gâché de la manière la plus barbare qui soit l’occasion qui lui était donnée de mettre en place des relations internationales apaisées. Ce fut tout le contraire et, en ce sens, 9/11 en était la conséquence, – conséquence symbolique de “notre barbarie”, – aussi symboliquement considérée que l’avaient fait sur l’instant les victimes de l’agression en en faisant une attaque contre “leur” civilisation. Ainsi est-ce bien autour de cette période que ma réflexion commença à embrasser le problème de cette “civilisation” du point de vue le plus fondamental qui soit, – déjà pointait l’idée de ce qui deviendrait dans mon esprit une “contre-civilisation”. Je m’appuyai notamment pour le plus précis sur ce que j’avais trouvé de réflexion dans ce sens, quoique incomplètes à mon sens, dans les derniers travaux, à la fin des années 1940, du philosophe de l’histoire Arnold Toynbee (*), et en plus avec des références plus lointaines de ce puissant courant qui, dans les années 1919-1933 et en France principalement, avait mis en cause le processus d’“américanisation” du monde. (Voir sur ce dernier point une version initiale de la Troisième Partie de La Grâce de l’Histoire, qui traite de cette période.) Cette réflexion ne pouvait qu’aboutir au constat du blocage mortel de cette civilisation, démontré par les évènements eux-mêmes, c’est-à-dire de la nécessité de sa destruction ; cela était conçu non pas comme un complot ni comme une guerre, mais comme une évidence pressante, un besoin irrésistible de la nature du monde.
C’est sur cette base de réflexion que ma psychologie a rapidement évolué vers cette conception de l’apocalysme, s’appuyant sur les constats que j’avais développés rationnellement et les confrontant en permanence et d’une manière radicale, comme m’y invitait la situation du monde, à l’évolution de cette situation du monde qui ne fit et qui continue de plus en plus rapidement à ne faire qu’en confirmer le bien-fondé ; parce que c’est bien cela, c’est bien l’évolution du monde, avec l’extraordinaire rapidité des évènements, avec également les intuitions que suscitent ces évènements ou qui surgissent à l’occasion de ces évènements, qui constitua l’élément-moteur de mon évolution psychologique, en confirmant “expérimentalement” comme l’on dit pour une science, ou bien “opérationnellement” si l’on veut, les propositions de mes réflexions rationnelles. On comprend alors, de même qu’il me semble qu’on pourrait le comprendre aisément en parcourant les archives du site, que cette psychologie n’est chez moi en rien névrotique ou d’une Grande Peur, ni hystérique ou religieuse, ni d’hystérie religieuse. Je l’assure, fermement et sans la moindre hésitation après toutes les précautions qui ont précédé, ce ne fut jamais mon cas, et j’ai assez fréquenté de psychiatres pour d’autres cas que le mien pour être fixé à cet égard : cette psychologie de l’apocalysme est, chez moi, complètement et entièrement faite toute de raison. On doit donc chercher, et d’ailleurs on les trouvera aisément, des explications rationnelles à l’existence et au développement d’une telle psychologie qui pourrait, à première vue et pour des jugements qui restent attachés à ces idéologies lénifiantes et éculées prometteuses de “lendemains qui chantent“, sembler défier la raison et qui, au contraire, ne fait que la combler.
(Suite)