Fake-réflexions...

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Fake-réflexions...

28 décembre 2016 – Je ne me suis pas trop intéressé aux nouvelles type-Facebook, à la grande affaires des “News-bidon” (pour Fake-News) dont la grande presse-Système a fait grand cas comme d’une manœuvre historique et vertueuse dans le but de nous purger des nouvelles auxquelles il n’est pas bon de s’attarder, ni pour le moral, ni pour la political correctness, ou “politiquement correct”. Il est de fait que, dans mon chef, je ne crois pas à la possibilité de la censure dans le système de la communication tel qu’il est organisé, parce que le Système a trop besoin d’une “libre-circulation” de ses principaux attributs, dont l’argent, les échanges à l’intérieur du Coporate Power, les fausses nouvelles type-Fake-News (les siennes), sa lutte épuisante contre la force des vérités-de-situation, etc. ; bref, il a trop besoin du globalisme pour se priver de l’outil principal de l’expansion de la globalisation. Le problème insoluble que rencontre le Système et qui le tuera par autodestruction, c’est que le principal instrument de l’expansion de la globalisation et du globalisme est aussi le principal instrument de l’expansion de l’anti-globalisation et de l’anti-globalisme ; c’est le terrible caractère-Janus du système de la communication, d’être à la fois Système et antiSystème ; d’où l’impossibilité de la censure complète, efficace, et de la possibilité pressante et inarrêtable que sa pseudo-censure ne cesse de se retourner contre lui, comme boomerangs en mode-turbo...

Cela fait bien près de vingt ans, dès les premières manifestations politiques et antiSystème de l’internet, durant la guerre du Kosovo, que l’insoluble dilemme qu’affronte le Système est apparu. Cela fait près de vingt ans qu’on nous annonce, chaque année, que nous sommes sur la voie de la dictature de la communication réduite à la censure, avec purge générale des antiSystème. Voyez où nous en sommes aujourd’hui, où la presse-antiSystème fait élire un président des USA... Les seuls résultats significatifs de ces contorsions sans fin des maîtres-censeurs pour tenter de parvenir au verrouillage ont été d’abord de nous montrer le vrai visage de certains groupes qui se disaient antiSystème ; ensuite de rendre le processus de la circulation des informations dans le système de la communication, absolument, totalement incontrôlable ; enfin et surtout, comme on l’a vu souvent sur ce site, – il y a peu de temps encore, – de nous priver tous de la seule référence qui permettrait à une censure de s’établir, c’est-à-dire l’existence d’une réalité, fût-ce une réalité faussaire bien entendu, mais enfin quelque chose dont on puisse dire : “Voilà la réalité qui dit le vrai, moi le censeur je l’affirme, et au nom de cette garantie de vérité qu’est cette réalité je vous mets à l’index”.

... Tout cela expliquant l’attention moyenne que j’ai portée à l’opération de censure postmoderniste Fake-News. (Pour des détails aux bonnes sources, voyez  Madsen et Engdahl.) Et puis est venu le texte du New York Times, qu’on trouve en-ligne ce 27 décembre et alors, aussitôt, l’intérêt s’est soudain imposé ! L’opération Fake-News devenue d’un prodigieuse originalité, du genre à vous laisser sans voix, – mais pas sans ma plume active, certainement pas...

Car voici ce qui se passe : au départ, il y a l’évolution que l’on suit depuis 2001 de façon très officielle, quasiment affichée, depuis les déclarations qu’on devrait ne jamais oublier, d’une franchise remarquable, du secrétaire à la défense d’alors Donald Rumsfeld sur la nécessité absolument ontologique de ne pas dire la vérité, de ne pas risquer de laissrr voir la réalité. Depuis, les choses ont évolué dans ce sens jusqu’à l’épisode “nucléaire” qui éclate avec le “coup de Kiev” de février 2014, où le monde officiel du bloc-BAO s’installe définitivement dans la narrative complète, réalité pulvérisée, sorte d’Alice au Pays des Merveilles-Ukrainiennes, où les susdites merveilles se trouvent menacées par un monstre nommé Poutine, où l’esprit se trouve emportée dans les délicieuses contraintes du déterminisme-narrativiste bâtie sur cette trouvaille. A partir de ce moment où le modèle ukrainien du déterminisme-narrativiste est devenu la raison d’être et d’évoluer du Système, le train est sur les rails et il est impossible de dévier. Un déterminisme ne vous permet pas de dévier, c'est sa raison d'être, de vous faire faire ce qu'il veut...

Les choses se précisent avec USA-2016 et la débâcle de la malheureuse Hillary, si brillante, toujours si proche du sommet, si douée pour l’intrigue, et qui aura décidément tout raté de ce qui aurait justifié l’essentiel de ses efforts. Pendant l’essentiel de USA-2015/USA-2016 jusqu’en juillet, The-Donald n’existe pas pour le Système ; une bestiole malodorante qu’on éliminera le temps venu, d’un jet de spray tueur-de-cafards déclenché dès que l’Impératrice-Hillary aura baissé le pouce après s’être débarrassé des divers pouilleux du FBI. Mais patatras... Soudain, tout cafouille : à la veille de la Convention démocrate du couronnement, une nouvelle livraison de WikiLeaks met à jour les magouilles de la direction du parti. La présidente du parti démocrate (DNC) Debbie Wasserman Schultz est prise la main dans le sac, dans son travail d’élimination de l’encombrant Sanders. Elle chancelle sous le poids de la corruption, elle démissionne ; panique générale : que faire ? comme disait Lénine. Quand on est pris la main dans le sac et qu’on sent le contrôle de la situation vous échapper, on s’en sort en accusant celui qui est derrière celui qui vous a pris la main dans le sac, c’est-à-dire Poutine qui manipule The-Donald transformé en Siberian Candidate, puisque Poutine est devenu the Diabolus-ex-Machina. Peu importe l’objet du délit, et peu importe qu’il y ait ou non délit puisqu’on tient le coupable : le déterminisme-narrativiste, qui les détermine absolument comme selon une logique darwinienne, vous y a conduit direct, sans besoin d'un Maigret quelconque. L’automatisme de l’évidence dit, clame, hurle que Poutine et la Russie sont la source de tout le mal, du Mal en un mot, et le vocabulaire des zombies-Système s’enrichit d’une expression nouvelle, “Fake-News”, désignant pour cette séquence toute information qui ne se conformera pas à ce même déterminisme-narrativiste. Plus encore, Fake-News devient le cri de guerre de la presse-Système accusant les non-conformistes étrangers au déterminisme-narrativiste : les zombies-Système ont riposté à l’attaque-traitresse par une vigoureuse contre-attaque qui détermine désormais le paysage général de USA-2016 : un formidable montage de Poutine-le-Russe.

... Mais nul ne s’est avisé que Fake-News, ou News-bidon, est l’expression implicitement employée par tout ce qui se targue d’être antiSystème pour désigner tout ce qui est Système, et notamment presse-Système et déclarations des pouvoirs-Système. C’était devenu notre façon-de-pensée, avec certitude de taper dans le mille ; lorsque je fus interrogé en septembre 2008 sur l’attaque 9/11, par le journal belgo-bruxellois Le Soir qui m’avait pris pour un commentateur fréquentable parce qu’il arrive qu’on se trompe, lorsque que l’on sollicita mon avis sur ce qu’il y avait d’assuré selon moi dans cette attaque de 2001, je répondis sans hésiter que « la seule chose dont je suis sûr parce que c’est la seule chose dont peut être sûr, c’est que la version officielle est fausse ». La doctrine Fake-News existait donc, chez les antiSystème, un peu comme monsieur Jourdain faisait de la prose, bien avant qu’elle apparût chez les pro-Système dans le chef du déterminisme-narrativiste ; par conséquent tout ce qui venait du Système était Fake-News avant qu’on ne puisse prouver que non telle ou telle nouvelle est juste, un peu comme l’on vous considère, en toute bonne justice démocratique, comme coupable jusqu’à ce que vous ayez prouvé votre innocence. Ainsi, lorsque cet automne, la doctrine Fake-News du Système se développa jusqu’à devenir effectivement officielle, tout antiSystème reçut naturellement le renfort de l’adoubement pour pouvoir mieux proclamer : effectivement, tout ce que dit le Système est Fake-News, selon la doctrine qu’il proclame lui-même, qu’il suffit d’utiliser comme à notre habitude, en l’inversant pour la retourner contre le Système. Get it ? Ainsi l’antiSystème s’est-il aussitôt adapté, avant même que la presse-Système ne le réalise, et alors qu’elle réalise aujourd’hui que l’antiSystème confisque tout à son avantage, pollue la doctrine à son avantage, en fait sa chose, proclame que tout ce qu’écrit cette presse-Système est Fake, ce qui est l’évidence même puisqu’à l’origine on ne trouve rien d’autre que le Fake...

La stupéfaction est considérable ! On le constate dans ce texte publié le 26 décembre par le New York Times, où l’auteur découvre vraiment avec la brutalité de la stupéfaction, comme lorsque l’innocence et l’ingénuité se trouvent confrontées à quelque réaction immonde, quelque attitude dont on ne pouvait soupçonner qu’il en existât de si basses, que la formule Fake-News, que dis-je la marque déposée Fake-News, est utilisée par des brigands, des types sans honneur ni conscience, qui l’emploient pour qualifier les dernières-nouvelles du Système, jusqu’à ce type, ce Rush Limbaugh, qui a dit à sa radio que les Fake-News, c’est simplement tout ce que publie la presse-Système (« “The fake news is the everyday news” in the mainstream media, he said on his radio show recently »). Le brave gars, le pro du NYT, le Jeremy W. Peters qui relève toutes ces horribles pratiques, on le sent défaillir vraiment, malgré le belle retenue de sa plume comme il a appris à faire dans l’enceinte sacrée du NYT ; on sent bien, oui, on sent bien à ce point qu’on dirait qu’il a vu apparaître l’abysse de l’horreur, de la duplicité, de la manipulation, de la réalité informe et difforme, que ces gens, cette secte, ces zombies-antiSystème (nous-autres, quoi), peuvent parvenir à manifester. Peut-être bien qu’il n’en est pas revenu encore, entraîné si loin dans le constat des voies de la turpitude mensongère, et qu’il devra prendre quelques semaines de repos pour s’en remettre...

Vous comprenez alors qu’il y a chez eux, chez ces gens du type zombies-Système, les vrais zombies je veux dire sans aucun souci de démontrer cette affirmation qui tombe sous le sens, sous le poids de cette impitoyable vérité-de-situation puisqu’ils sont bien cela, vous comprenez bien qu’il y a chez eux une sorte de complète innocence, une sincérité non pas-presque mais simplement-absolue, lisse, sans une seul nid-de-poule, presque comme l’entropisation accomplie, comme une belle et tranquille campagne transformée en autoroute sans fin, sur des rails. Ne les chargez pas de duplicités épouvantables et du machiavélisme pathologique du menteur et du propagandiste. Il n’y a rien de semblable. Leur conscience est pure, comme passée au Kasher. Rien, absolument rien ne les fera changer, puisqu’ils savent bien où se trouvent les Fake-News et qu’ils sont bien décidés à faire leur devoir, à lutter contre cette peste, cette engeance qui menace America-the-Beautiful et la civilisation dans son entièreté, jusqu’à ce moment glorieux où elle devient enfin contre-civilisation. Ils le seront jusqu’à la mort, emporté par la quête déterministe-narrativiste de la réalité, jusqu’à complète dénonciation de l’ennemi, antirussistes à en mourir... Tout juste, tout juste, peut-on prétendre, car cela s’est vu, que dans cette psychologie épuisée, trouée de toutes parts, complètement en lambeaux et où le système règne en maître-conquérant, tout juste peut-on espérer qu’il reste un lieu secret, très-petit, très-caché, où demeure encore une part infime de cette psychologie qui ne soit pas infectée, et qu’un jour, à partir de cette base ridicule qui est comme une poussière, s’amorce l’esquisse de la possibilité d’une île qui serait une renaissance.

...Je dis cela, monsieur, car l’honneur de l’homme quand il n’est pas zombie ni sapiens-tout-court, et qu’il est conduit à devoir juger quoi qu’il lui en coûte, est de se refuser à perdre confiance, ce qu’on appelle “perdre la foi” (de fides, confiance). Même les zombies-Système ne sont pas tout à fait mauvais car ils sont d’abord infiniment faibles et d’un caractère si pauvre ; le maître Plotin le disait, ici à peu près remis au goût du jour et qu’il me pardonne : « Mais les autres [les zombies-Système], ceux qui participeraient de lui [du Mal] et s’y assimileraient, deviennent mauvais, n’étant pas mauvais en soi. »