Le Journal dde.crisis de Philippe Grasset, qui a commencé le 11 septembre 2015 avec la nouvelle formule de dedefensa.org, l’accompagne et la commente en même temps qu’il tient la fonction d’être effectivement un “Journal” pour l’éditeur et directeur de la rédaction de ce site.

Archives : Rétrospective du 01/02/2016 au 07/02/2016 

  lundi 15 février 2016

Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 1er février 2016 au 07 février  janvier 2016, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaine. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.

« • Ceci n’est pas une nouvelle à proprement parler mais c’est une confirmation qui prend l’allure d’une grande nouvelle tant l’on a de fois répété la même antienne antirusse sur la faiblesse de la Russie : la puissance militaire russe est en train de faire, en Syrie, avec une détermination remarquable qui ne manque pas de brutalité s’il le faut, la démonstration de sa mesure. • Il est probable qu’en efficacité, en souplesse et en rapidité d’intervention, la puissance militaire russe est supérieure à celle des USA, alors que la budget de la défense de la Fédération de Russie est (au moins) dix fois moindre que celui des USA. • Le chroniqueur de défense de The Independent, Kim Sengupta, présente dans un article dont nous faisons le commentaire (2 février 2016) cet événement de l’affirmation de la puissance militaire russe. • L’occasion nous ramène aux événements de Syrie, qui prennent un tour décisif avec des avancées majeures des forces syriennes soutenus par les Russes (6 février 2016). • Certains annoncent une réaction désespérée des Turcs et des Saoudiens, et craignent que de telles interventions conduisent à un conflit mondial (7 février 2016). • Nous serons certainement moins, beaucoup moins affirmatifs, notant par ailleurs des signes inhabituels de liens d’estime entre militaires US et russes (3 février 2016). • Si, à côté de cela, l’on s’intéresse à l’élection présidentielle US, on trouvera notre contribution cette fois dans le champ de la corruption extraordinaire qui marque cette activité (4 février 2016 et 5 février 2016). »

Respect, FT

  dimanche 14 février 2016

Juste un petit mot d’un journaliste chenu, courbé sous le poids d’une expérience de quasi-un demi siècle de métier (j’ai publié mon premier article de “journaliste professionnel”, comme l’on disait alors, à la fin du mois de novembre 1967) : ce qu’a fait le type du FT, dit Financial Times, le nommé Sam Jones, dont on parle aujourd’hui dans les colonnes de notre site prestigieux, ce qu’il a fait est du domaine du très-très-grand exploit. Caviarder et arranger en direct et à sa sauce pour lui faire dire le contraire de ce qu’il a dit, les propos que vous a confié en exclusivité un Secrétaire Général de l’ONU ; faire ça comme ça, comme vous allez pisser en un sens, c’est du sport de très haute voltige, et du sans-filet. Qu’est-ce donc qu’il a cru, ce Sam Jones-là, à se conduire comme un échotier à sensation qui suit par en-dessous les fredaines des stars hollywoodiennes ? Que l’ONU n’y verrait que du feu, ou bien peut-être que l’honorable Ki-moon ne lit pas le prestigieux FT parce que cet espèce de Coréen tout-jaune, avec vraiment rien de british, s’en tient aux BD ?

Respect, FT, c’est phénoménal comme cirque. Je comprends qu’on “gauchissent” un peu des textes, techniquement je veux dire, qu’on manipule certaines déclarations lointaines, obtenues indirectement (par l’intermédiaire d’une ou plusieurs autres sources publiées), qu’on écrive des éditos furieux en n’engageant que soi-même, qu’on affirme que Poutine est un extra-terrestre qui a des accointances avec le diable, que même on invente des “sources officielles” qui “requièrent l’anonymat” pour dire ce qu’on a envie de leur faire dire ; mais transformer de cette façon une déclaration directe, enregistrée, du Secrétaire Général de l’ONU au FT ! Je ne dirais pas que ces types n’ont pas de morale, qu’ils n’ont pas d’éthique, etc., – bref, je ne ferais pas de morale, ici, à ce point, certainement pas ; non, je dirais que ces types sont si extraordinairement impudents-et-imprudents dans ce cas qu’ils doivent être un peu fous, par rapport à leurs usages auxquels ils tiennent tant et par rapport au contexte où ils évoluent, pour avoir fait un coup pareil... Je veux dire, le prestige du FT, sa diffusion, sa formidable audience d’asservissement et de révérence, – enfin, on ne risque pas un tel capital avec un caviardage aussi grossier, il faut être un peu fou pour faire ça. Je parle sérieusement, même pas avec cynisme ni la moindre ironie malgré la détestation cordiale et méprisante où je tiens cette bestiole (le FT), mais simplement d’un point de vue professionnel qui apprécie ce qu’est l’audience d’un journal, sa réputation, et sachant que le FT est dix mille coudées au-dessus du Monde devenu un pauvre petit débris foireux de journalisme qui court derrière les grands frères anglo-saxons, sans doute même au-dessus du New York Times, bref tout en haut, tout au sommet de la presse-Système dans sa version impériale de l’anglosphère.

Non, je n’ai qu’une seule explication, et elle se nomme effectivement déterminisme-narrativiste. (Je veux dire que je croirais bien que Sam Jones a sans doute cru sincèrement que Ki-moon avait voulu dire ce qu'il lui fait dire, et qu'il a éclairci sa pensée en un sens...) J’y pensais déjà clairement pour qualifier, il y a presqu’exactement un an, l’intervention publique du rédacteur-en-chef de The Economist (la fratrie de l’anglosphère, tout ça) à propos de Russia Today. Les insanités qui nous étaient présentées comme des pralines luxueuses et savoureuses de la pensée, cela nous indiquait clairement que le personnage était sous l’empire de quelque malédiction considérable. J’ai très fortement le sentiment que, pour cette bande, dès qu’on dit le mot “Russie”, et qu’on le double du mot “Poutine”, ils explosent littéralement pour laisser un petit diable pénétrer dans leurs croyances et les priver de tous leurs attributs courant, type libre-arbitre, liberté d’expression, jugement critique, etc., bref tous les gris-gris qui nourrissent habituellement leurs prières. Ils n’ont pas perdu la tête, ils l’ont percée pour que le Diable y pénètre et s’y trouve comme chez lui, en Majesté.

Respect FT, mais gare tu vas finir par te perdre toi-même...

Le vieil homme et la colère

  jeudi 11 février 2016

Lorsqu’on a suivi Ron Paul en 2008 et 2012, dans ses tentatives chaque fois sabotées par l’establishment de s’inscrire dans le cours des primaires du parti républicains, on constate que la question de son âge (72 ans et 76 ans) fut rarement abordée, j’irais même jusqu’à dire “jamais”. (La “question de l’âge”, je veux dire par là, évidemment, que briguer une telle fonction que la présidence des États-Unis à 72 ans puis à 76 ans constitue nécessairement, ou disons logiquement, un handicap par rapport à l’énergie exigée et la fatigue engendrée, et que cela aurait pu être utilisé, d’ailleurs non sans raison, comme un argument contre lui. La “question de l’âge” avait été, in illo tempore, un des grands débats de la réélection de Reagan, qui avait 73 ans en 1984.) L’âge de Ron Paul, si vous vous en rappelez,  contrastait étonnamment avec l’enthousiasme qu’il suscitait chez les plus jeunes, devenus militants pour l’occasion ; cette “question” aussi, celle de l’enthousiasme des jeunes pour un vieillard, ne fut jamais abordée, d’ailleurs dans la logique de ce qui précède.

J’avancerais l’hypothèse, pour parler au nom du Système parce que je le connais bien et qu’il me fait toute confiance, que cette question de l’âge ne fut guère sinon jamais soulevée parce que Paul ne parvint jamais à s’imposer comme un “candidat sérieux” malgré cette popularité, c’est-à-dire à être considéré comme un candidat tout-court. Je suis absolument persuadé que, pour le Système l’âge n’importait en rien, ni même pour discréditer Paul, parce que Ron Paul était simplement un non-candidat, sinon plus clairement un non-être. Il y avait eu sur ce site des réflexions sur l’âge de Ron Paul, sans d'ailleurs lui trouver que des désavantages, et sur ce fait surprenant que ce facteur ne comptât pas beaucoup dans la perception qu’on avait du vénérable candidat (voir L’âge de Paul et Ron Paul et l’âge du capitaine, les deux textes en mars 2010). Nous en étions là en 2012, alors que Ron Paul était une exception hors-Système autant qu’antiSystème qui n’allait pas tarder à s’effacer ; mais nous sommes désormais quatre ans plus tard et, rétrospectivement, l’escapade de Ron Paul prend une autre signification.

Cette fois, en 2016, il y a deux candidats régulièrement inscrits dans leurs partis malgré le dégoût et l’aveuglement desdits partis à leur encontre et malgré le fait qu’ils troublent considérablement, jusqu’à la panique complète, le jeu bien réglé d’habitude de l’establishment. Qui songe à leur demander leur âge ? Sanders a 74 ans et Trump aura 70 ans dans quatre mois. L’un et l’autre, ils soulèvent les foules, enthousiasment la jeunesse, etc. Il y a là un phénomène remarquable, et je dirais typique de la situation actuelle des USA considérés comme la puissance qui est la matrice du Système dans sa constitution de productrice du système de l’américanisme. De ce point de vue, ni Sanders ni Trump n’existent vraiment, comme Ron Paul en 2008-2012, ils se trouvent dans le territoire du déni pur et simple pour le Système, au risque du Système. (Bien entendu, les zombies-Système, des élites-Systèmes à la presse-Système, suivent la consigne comme un seul mouton, comme s’ils étaient à eux seuls un immense troupeau de moutons rassemblés en un seul mouton : cela donne the-mouton contre The-Donald... Mais certes, que les moutons me pardonnent d’oser les comparer aux zombies-Système qu’ils dépassent de la laine et du museau ; je ne les utilise que comme symboles.)

Mais revenons, si j’ose dire, à nos moutons... Je veux envisager ce cas selon le seul point de vue de l’âge du capitaine, sans aucune considération de personnalités, de programmes, de situation politique de l’un ou de l’autre, ni moindre considération par ailleurs pour les attitudes pathologiques du Système. (Tiens, je mets même un Juppé hors de la troupe des gens âgés en quête de révolution politique bien que lui parle de son âge [72 ans]. Juppé n’est pas un homme politique de 72 ans, encore moins un antiSystème, lui qui fait très bien son Fabius de droite en un peu moins balbutiant et en nettement plus arrogant. Juppé est l’archétype de la prétention politique française à l’intelligence, dans ce cas intelligence totalement invertie : il n’a pas 72 ans, il est sans âge et flotte dans l’univers liquide et gluant du Système, puisque seulement défini par l’expérience d’un homme politique français devenu complètement neocon après ses séjours à Washington, comme on est born-again, – bref, comme on est GW Bush. Son arrogance extraordinaire pour débiter des platitudes-Système incroyables de banalité et de déterminisme-narrativiste le met hors du privilège de l’âge et nous ne le comptons décidément pas parmi cette cohorte d’hommes âgés qui va de Ron Paul à Donald Trump.)

(Suite)

Humeur de crise-4

  mercredi 10 février 2016

Le sarcasme, mais pas du tout par en-dessous, un peu dissimulé, comme on se confie un secret graveleux, l’œil en coin au cas où un policier de la pensée municipale passerait par là ; au contraire, le sarcasme énorme jusqu’à être gargantuesque, lancé dans un grand sourire qui est presque du rire, plein de truculence devant la petitesse de leur absurdité, le pathétique de leurs entreprises, la compassion bombastique de leur impuissance, – le sarcasme cosmique en un mot... Cela m’a parcouru et emporté avec une réelle bienfaisance pour l’esprit et une belle détente de la psychologie en découvrant le secret de leurs entretiens, moitié-marchands de tapis, moitié-mafieux en plein marchandage.

Je parle notamment, et précisément pour expliquer le propos, des échanges rendus public grâce à un de ces braves “lanceurs d’alerte” qui se nichent partout au cœur du Système, entre Erdogan et la doublette Juncker-Tusk, en novembre dernier, à propos des migrants-réfugiés, ou réfugiés-migrants. Les relations entre le Turc et les Européens, avec l’ombre de Merkel bien visible, sont d’une saveur grandiose à cet égard, et transforment la crise si souvent sombre et terrifiante en cette tragédie-bouffe avec ses acteurs à la fois scribouillards et faussaires, déstabilisateurs pavloviens échangeant des recettes-miracles pour rendre le monde plus stable. Ces gens sont les outils privilégiés de la marche de la Grande Crise, et ils débattent comme dans un souk de la façon d’améliorer décisivement le sort des malheureuses victimes de la crise, du Sud au Nord, dont ils sont la cause directe : donne-moi six milliards d’euros, je te soulage d’un million de réfugiés ; ah non, six milliards c’est trop, un million ce n’est pas assez. Des mafieux-comptables, des incendiaires qui échangent leurs boites d’allumettes.

Le ton de Pépé m’a bien plu pour rendre compte du destin du “Sultan du Chaos”, il venait à point pour décrire une humeur de la crise qui ressemble tant à une sarabande d’excités qui ne savent plus à quelle narrative se vouer, tournant en rond dans leurs superbes limousines chargées de gardes du corps, dans la cour de l’établissement psychiatrique. Ainsi le commentateur se ménage-t-il quelques instants de détente, mais singulièrement sans jamais abandonner le cœur du sujet. La crise est ainsi faite, elle est une telle prison pour ceux-là même qui l’activent sans cesse et prétendent vouloir la résoudre, qu’elle devient parfois, et qu’elle est de plus en plus une sorte d’objet monstrueux d’un sarcasme cosmique. Par instant, l’humeur s’en ressent, en ce jour où The Donald et le vieux Bernie font leurs pieds-de-nez, type “bras d’honneur du New Hampshire”.

Archives : Rétrospective du 25/01/2016 au 31/01/2016

  lundi 08 février 2016

Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 25 janvier 2016 au 31 janvier 2016, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaine. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.

« • Il est vrai que nous approchons des primaires des présidentielles aux USA (début, le 1er février dans l’Iowa) et que soudain apparaissent des perspectives exceptionnelles. • Nous ne disons pas cela pour tout le monde, parce que l’essentiel de la presse-Système continue à parler de la chose comme si c’était “business-as-usual”, simplement avec une touche d’exotisme si tel ou tel candidat original (ditto, Donald Trump et Bernie Sanders) réussissait à s’imposer : il y a là un fascinant déni de la situation du monde, qui nous rappelle que la réalité est pulvérisée par la communication dans notre époque et que c’est à chacun de trouver les vérités-de-situation qui décrivent les véritables évènements en marche. • Pour notre compte, notre religion est faite : ces présidentielles-2016 aux USA ont un potentiel révolutionnaire comme il n’y eut sans doute jamais auparavant (30 janvier 2016). • Bien entendu, la cause en est que deux candidats encore inconnus il y a un an occupent une position remarquable aujourd’hui, et qu’ils sont tous deux antiSystème : effectivement Bernie Sanders et Donald Trump (29 janvier 2016). • Aujourd’hui, on commence à mieux comprendre quelle est la “signification de Donald Trump” (26 janvier 2016), tandis que la position de Bernie Sanders est directement liée au destin d’Hillary Clinton (31 janvier 2016). • Et puis, en guise de rappel des origines de la Grande Crise que nous vivons, et dont les USA sont le centre en fusion, quelques mots de Donald Rumsfeld sur le déclenchement de la guerre contre l’Irak (27 janvier 2016). »

La drôle-de-Guerre-Mondiale

  dimanche 07 février 2016

Des bruits de guerre tonnent et roulent à nouveau, pour la nième fois, comme les grondements terribles des bruits de tonnerre. Depuis combien de temps, cela ? Depuis, quoi, cinq-six jours au plus, où se sont additionnés à la fois l’échec avant de commencer des pourparlers sur la Syrie de Genève (spécialité des temps de narrative, “l’échec avant de commencer”, ce qui permet de ne pas commencer quelque chose qui se définit en général comme “du rien”) ; à la fois les succès opérationnels en Syrie de ceux que nous avons désigné comme les “4+1” (je garde cette formule facile à retenir même si l’Irak est moins présente dans cette association, mais bon, nous nous comprenons)... Soudain, pour certains nous sommes au bord du précipice, cette fois du côté d’Alep et environs, avec les roulements de tambour venus des Turcs d’Erdogan et, d’une façon moins agressive et tonitruante, des Saoudiens des mille-et-un-princes. On a donné dans un texte de ce site, hier, notre interprétation de ce brouhaha :

« La possibilité de l’extension considérable du conflit, notamment par le fait des acteurs déstructurants-dissolvants, c’est-à-dire les plus irresponsables, – Turquie et Arabie Saoudite essentiellement, – qui ne pourraient supporter de voir les manœuvres d’activation de ce conflit qu’ils déploient depuis plusieurs années réduites à néant. Ces “acteurs-déstructurants” sont bien entendu liés aux organisations terroristes diverses, qui constituent leurs pions et leurs outils dans certaines circonstances, qui sont elles-mêmes organisatrices et manipulatrices d’opérations fondamentalement déstructurantes et dissolvantes quand l’occasion s’en présente. (On les voit actuellement s'activer grandement pour intervenir contre les terroristes dans une opération qui aurait pour premier effet de tenter d'empêcher l'anéantissement des terroristes tel qu'il se profile : timing parfait, puisque c'est au moment où les terroristes sont en déroute du fait des Syriens et de leur alliés que Turcs et Saoudiens jugent nécessaires d'intervenir contre les terroristes.) »

...Brouhaha qui n’est pas sans inspirer quelques appréhensions complètement fondamentales, qui nous conduisent à l’hypothèse de la possibilité du déclenchement d’une Guerre Mondiale (la troisième, selon une comptabilité stricte et qui ne sacrifie pas aux métaphores), avec références à l’appui. Il y en a effet, des références dans ce sens, qu’elles viennent de ConsortiumNews, du Saker-US ou du Washington’s Blog (de dernier élargissant le cercle). Dans notre même texte référencé du 6 février, on évoque cette possibilité en même temps qu’une phrase toute pleine de scepticisme dans laquelle j’ai, je l’avoue sans honte ni illogisme puisqu’elle s’accorde avec un aspect de ce texte que vous lisez, une certaine responsabilité :

« Certains y voient également un champ de préparation pour une Guerre mondiale, mais il faut pour cela une résolution dans la perspective de la tragédie dont notre époque et nos contrées sont si singulièrement dépourvues. Nos véritables champs de bataille se nomment talk-shows, où l'esprit du terrorisme postmoderne peut s'exprimer dans la mesure de ses vertus héroïques. »

Par ailleurs, ou plutôt a contrario, il y a des échos divers qui tendent plutôt à réduire ces appréciations. (Je me garde d’écrire “dédramatiser ces appréciations”, tant la rapidité des choses et l’avalanche des interprétations contraires empêchent la constitution d’une situation “dramatique” dans notre perception : notre époque n’est pas celle des situations structurées, en rien et dans aucune direction.) Il y a notamment les appréciations des rodomontades saoudiennes comme étant effectivement des rodomontades des mille-et-une nuits. Quant à Erdogan, lui, c’est Erdogan-transformé comme nous le présentions en “Erdogan-Janus devenu Antechrist-2016” ; il y a dans son cas plus d’arguments pour prendre au sérieux ses rodomontades anti-Assad et devenues anti-Poutine, avec le risque que certains y voient ; pour autant, le scepticisme est toujours resté de rigueur ces derniers temps dans notre orientation, et on le lit encore, dans cet autre texte référencé ci-dessus, du 1er janvier 2016, – dans cet extrait où il est justement fait référence à la perspective d’une Guerre mondiale :

« Erdogan, que nous jugions vertueux il y a quelques années, et malgré tout avec de justes raisons de porter ce jugement, transformé en ce qu’il est devenu à mesure que la Grande Crise se transformait elle-même et lui imposait cette voie, voilà ce que nous réserve 2016 en une nouvelle tentative de cette Grande Crise de trouver la voie vers le paroxysme d’elle-même. Simplement, et là nous séparant de la religion, nous croirions aisément que cette transformation est de pure communication, faite pour exciter des perceptions et susciter des réactions, également de communication, toujours à la recherche de l’enchaînement fatal vers l’autodestruction. Cela signifie que la Troisième Guerre mondiale n’est pas nécessairement au rendez-vous et sans doute loin de là avec leur sens du tragique réduit à la tragédie-bouffe, mais cela n’enlève rien à l’importance de la chose ; l’on sait bien, aujourd’hui, que toute la puissance du monde est d’abord rassemblée dans le système de la communication, que c’est sur ce terrain que se livre la bataille, qu’il s’agisse de la frontière turco-syrienne ou d’Armageddon. »

Voilà donc réunis les éléments du dossier à propos duquel je voudrais développer quelque commentaire traduisant et cherchant à substantiver dans ce cas, comme c’est l’une des tendances dans ce Journal dde.crisis, des réactions et des perceptions qui me sont propres. L’idée d’une Troisième Guerre mondiale est régulièrement présente depuis les périodes précédentes et à nouveau depuis 9/11, dans la psyché des commentateurs (surtout antiSystème, très souvent), et dans le cours de réflexions où la logique des événements est poussée à l’extrême. Mais c’est surtout à l’occasion du “lancement” de la crise ukrainienne (j’en parle comme si on lançait un nouveau navire ou une nouvelle mode) que la référence est devenue brusquement (j’insiste sur cet adverbe) constante, résiliente, insistante, presque obsédante, et cette fois touchant tous les partis, autant du côté du Système que de l’antiSystème. (Il faut, à cette occasion, comme doit faire un auteur qui se voudrait particulièrement loyal, effectivement dire qu’à l’occasion des débuts de cette crise uktainienne, dedefensa.org a succombé à cette façon de penser. Dont acte, mais dont acte aussi que, depuis, nous en sommes revenus.)

(Suite)

JSF, toi-le-venin

  jeudi 04 février 2016

On constate qu’il y a sur le site dedefensa.org un regain d’intérêt pour cette planche absolument pourrie qu’est le JSF. Je me demande bien pourquoi, bien que je sois le premier concerné et que j’avais, quelque part autour de 2011-2012 je suppose, éprouvé une sorte de lassitude pour cette monstruosité, jusqu’à n’en plus écrire là-dessus qu’épisodiquement. Voilà que, d’une façon assez soudaine, il me semble que mon intérêt pour le monstre renaît. Comme souvent dans cette sorte d’occurrences qui n’est pas provoquée nécessairement par une pression extérieure (il y a déjà eu, depuis 2011-2012 des poussées de communication-JSF sans réveiller mon intérêt), elle donne ses effets avant que vous ne le constatiez et en analysiez la cause ; en d’autres mots, la cause s’est imposée à moi sans que je m’en avise. J’aimerais explorer la cause profonde de ce “revenez-y”, de ce “born-again” de la monstruosité-JSF, qui suscite en moi une re-mobilisation de mon attention.

...D’abord, je vais introduire ce propos par des nouvelles supplémentaires complétant le texte du 1er février, venues de diverses sources que je considère comme expérimentées dans ce domaine. Il y a ce texte de Patrick Turner, de DefenseOne.com, du 2 février, dont vous sentirez la terrible tonalité par le titre (« The F-35’s Terrifying Bug List »), et la première phrase : « The F-35 Joint Strike Fighter program, the most expensive military program in the world, is even more broken than previously thought. » Il y a surtout les mots venus de Bill Sweetman, d’Aviation Week, un des meilleurs journalistes sur le cas-JSF bien que Britannique (ce “bien que” dit tout de ce que je pense de la qualité de Sweetman), qui fut censuré en mai 2010, façon McCarthy, par les actionnaires bien-pensants de l’énorme groupe de presse (McGraw-Hill) qui l’emploie et sous l’amicale pression de Lockheed Martin, avant d’être réhabilité en juillet 2010 à cause de pressions de sa rédaction. (Notez également, pour revenir à notre temps courant, que ce regain d’intérêt de moi-même pour le JSF est renforcé par la généralisation de la crise, c’est-à-dire sa diffusion commre facteur essentielde crise dans la presse, Système et antiSystème cette fois, non-spécialisée. Voyez ce texte de Jonathan Marshall, sur l’antiSystème ConsortiumNews du 2 février, sur le “complexe militaro-industriel“ [CMI], où le CMI est ramené de manière significative au cas exemplaire du JSF, devenant ainsi la démonstration nécessaire et suffisante de sa représentation du CMI, dans toute sa puissance et l’inéluctabilité de sa chute.)

Venons-en donc à Sweetman, le 31 janvier sur le site d’Aviation Week ; il nous cite les nombreuses limitations d’emploi du F-35, toutes plus surréalistes les unes que les autres. Surtout, et pour résumer l’ampleur terrifiante du cas, il nous dit ceci avec une plume complètement flegmatique, comme s’il disait “ah tiens, il y a une petite tache ici, il faudrait l’essuyer” : « Overall, the report says, “the rate of deficiency correction has not kept pace with the discovery rate” – that is, problems are being found in tests faster than they can be solved. “Well-known, significant problems” include the defective Autonomic Logistics Information System, unstable avionics and persistent aircraft and engine reliability and maintainability issues. »

... C’est-à-dire, en une formule brève : “les nouveaux problèmes apparaissent plus vite et plus nombreux qu’on ne résout les problèmes identifiés”. C’est une formule intéressante, qui contient peut-être un aspect, une partie de l’explication de mon intérêt renaissant pour le JSF, – j’ai l’impression, le premier soupir, le premier clin d’œil de la cause que je recherchais plus haut. C’est-à-dire qu’il faut bien comprendre ce que nous dit ce membre de phrase qui n’a l’air de rien : « – that is, problems are being found in tests faster than they can be solved... » (“c’est-à-dire, les [nouveaux] problèmes apparaissent dans les tests plus vite qu’on ne les résout”) ; c’est-à-dire, “au plus vous résolvez des problèmes [but des tests], au plus vous en faites naître [conséquence des tests]” ; c’est-à-dire, “au plus vous avancez, au plus vous reculez”, ou encore “au plus vous montez, au plus vous descendez”, et ainsi de suite, – jusqu’au final absolument de type-“dédéfensien”, “au plus vous vous structurez, au plus vous vous déstructurez, au plus vous vous constituez, au plus vous vous dissolvez”... Le JSF, ou la formule-magique de l’entropisation, et ils s’accrochent tous à lui, ils ne peuvent pas le quitter ; c’est littéralement l’Amour-Fou-de-l’entropie ! Système-entropie-je-t’aime !

(Suite)

L’Iowa dit : désordre, désordre, le Système...

  mardi 02 février 2016

“A l’heure où j’écris ces lignes”, comme dit le lieu commun, la campagne présidentielle US a commencé (primaires de l’Iowa) et elle se trouve plongée dans un très-profond désordre. (Je veux dire : désordre par rapport à ce qu’exige le Système, et c’est l’essentiel.)  Puisque les premiers “faits” sont en notre possession et après avoir entendu ce qu’ils nous disent, – ou plutôt, ce que nous devrions en entendre, selon mon appréciation de la chose je le précise, – expédions-les très-succinctement en isolant ce qui importe :

• Chez les républicains, Trump (2ème) a fait moins bien que le courant de communication faisait attendre, mais la victoire de Cruz n’est pas tout à fait une surprise car il a été assez longtemps favori dans l’Iowa (malgré Trump). Par ailleurs et ceci est l’essentiel, on sait bien que, pour l’establishment républicain, Cruz ne vaut pas mieux que Trump et qu’il est même, pour certains milieux les plus influents de cet establishment, pire que Trump. Si l’on additionne les résultats des deux dont l’establishment ne veut pas entendre parler, on arrive à 52-54% des votes dans la machine politique républicaine de l’Iowa réputée verrouillée aux influences impies. C’est beaucoup. L’establishment, donc le Système, n’est pas content du tout.

• Et puis il y a la “surprise”, c’est-à-dire le résultat le plus spectaculaire : Sanders et Clinton pratiquement à égalité (à 99% du dépouillement, Clinton avait 49,8% des votes, Sanders 49,6%). C’est peut-être le pire résultat possible pour le Système qui a à prendre une décision dans la course côté-démocrate : liquider ou pas Hillary, selon son destin et ce qu’on lui trouverait comme remplaçant. Hillary n’a pas perdu mais en ne gagnant pas vraiment, sinon pas du tout selon les normes-Système, elle a montré, malgré les montagnes de fric investies et la notoriété de son expérience aux affaires, une extraordinaire vulnérabilité par rapport à ce que les choses devraient être (toujours selon le Système). Sanders, lui, le gagne-petit qui est arrivé sur le tard avec une bourse dopée aux piètres dons des particuliers, exulte et électrise ses partisans. L’establishment, donc le Système, n’est pas content du tout.

• Ajoutez le résultat de Sanders à ceux de Cruz-Trump et vous avez une idée de la vigueur d’un courant qu’on doit, selon le classement qui nous est propre, étiqueter antiSystème et qui déboule au cœur d’un processus fondamental du Système. L’establishment, donc le Système, n’est pas content du tout, mais alors pas du tout...

(Suite)

Archives : Rétrospective du 18/01/2016 au 24/01/2016

  lundi 01 février 2016

Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 18 janvier 2016 au 24 janvier 2016, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaine. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.

« • Il y a ce qu’on pourrait nommer une “Humeur-de-crise” (18 janvier 2016) qui se développe, qui prend divers aspects et renvoie évidemment à une psychologie spécifique, celle qui ne cesse d’être touchée par le désordre. • Les bruits de crise (18 janvier 2016) sont nombreux, oppressants, mais également extrêmement désordonnés et sans référence acceptable (le prix du pétrole, en pleine crise baissière, n’est plus une référence acceptable quant aux conséquences qu’il induit) : la conséquence psychologique, pour les dirigeants-Système, pourraient s’apparenter à un état de panique (24 janvier 2016). • L’UE, notamment et particulièrement, est dévasté par les crises parallèles, successives et empilées les unes sur les autres sans qu’aucune ne puisse être résolue (21 janvier 2016). • Nous nous attachons notamment à l’une des plus récentes de ces crises, qui est celle de la Pologne avec son nouveau gouvernement, à propos de laquelle certains évoquent le néo-marxisme de l’UE (20 janvier 2016) tandis que d’autres observent comment l’on a évolué du temps où l’on “passait à l’Ouest” pour trouver la liberté à celui où l’on “passe à l’Est” dans le même but (21 janvier 2016). • Pour tenter d’approfondir le débat tout en lui donnant ses dimensions historiques et métahistoriques, nous signalons deux textes complétant ou renforçant nos thèses sur la situation métahistoriques/sur le Système (19 janvier 2016), et sur les origines de cette situation, ce que nous nommons “le Trou-Noir du XXème siècle” (24 janvier 2016). »

Hillary fracassée ?

  dimanche 31 janvier 2016

Ce sont des jours fiévreux qui ouvrent la phase officielle (les primaires) de la campagne présidentielle US de 2016. Je ne cesse d’observer avec stupéfaction le désintérêt et l’incompréhension par réflexe pavlovien pour ce qui est de la profondeur de la chose qui est de nous réserver peut-être une élection entièrement antiSystème, qu’on retrouve chez la plupart des commentateurs, des observateurs, des raisonneurs. L’énormité du déni de la situation du monde est un phénomène d’une ampleur qu’on ne peut mesurer... Mais je reprends aussitôt mon souffle pour vous parler des plus récentes péripéties du destin d’Hillary Clinton ; j’ignore encore si elle aura jamais la gloire sans limite d’être “la première femme présidente des États-Unis”, en attendant elle a celle de s’installer comme l’archétype de la corruption-Système. Il y a même un drame qui prétendrait à la tragédie qui est en train de se jouer, qui a tout le lustre de l’intrigue de pouvoir et de la mise en place du possible basculement de ces élections vers la situation extraordinaire qui est l’une des possibilités de ses résultats, sinon la possibilité désormais la plus probable. Pour mieux en parler, je vais suivre les commentaires du colonel Patrick Lang, un ancien de la DIA, sur son site Sic Semper Tyranny (SST)

Lang publie deux informations, les 27 janvier et 29 janvier. Dans les deux cas, il est principalement question d’une visite mystérieuse que le candidat Bernie Sanders a faite au président Obama, à l’insistance du Président, le mercredi 27 janvier. Lang renvoie à une information, d’ailleurs officielle, parue dans le Washington Post du 26 janvier, et annonçant la chose ; cette rencontre justifiée, est-il dit, par l’importance considérable qu’a pris le mouvement d’opinion favorable à Sanders chez les démocrates, cet “iconoclaste qui a surgi comme un favori sentimental chez nombre d’activistes [progressistes]” selon la définition d’une condescendance trouillarde (sous la surveillance du Système) qu’en donne le rédacteur du journal. Lang se demande quelle serait la cause de cette rencontre et évoque plusieurs hypothèses qui, toutes, tournent autour du sort d’Hillary. Inutile de s’y attarder car son intervention du 29 montre combien la donne a changé, éclairant ainsi la rencontre du 27 d’une toute autre lumière, et d’une lumière impérative. Entretemps, en effet, on a appris, d’une façon très officielle venue, – chose extraordinaire et révélatrice, – du département d’État lui-même que l’enquête du FBI sur les e-mails d’Hillary du temps de son service public est arrivée à son terme et qu’il y a 22 pièces qui contiennent des informations classées Top Secret (le plus haut degré de la classification-“secret”), et justifiant par conséquent l’implication d’Hillary Clinton dans le cadre de l’exercice de la fonction de secrétaire d’État. Il s’agit d’un “crime bureaucratique” majeur qui justifie absolument la demande d’inculpation que devrait faire, si ce n’est déjà fait, le FBI ; il revient au Président et à sa Procureure générale d’autoriser ou non cette inculpation...

Lang en tire aussitôt des supputations dont on ne peut qu’accepter la logique. La rencontre du président et de Sanders, demandée de manière urgente et impromptue par la Maison-Blanche alors que le Président connaissait déjà les conclusions de l’enquête sur Clinton, est éclairée d’une lumière nouvelle : « Il semble désormais probable que Bernie (“Mr. Clean”) Sanders emportera la nomination », écrit Lang et l’on retient alors une seules des cinq options qu’il avait proposée pour expliquer la volonté d’Obama de rencontrer Sanders : « Si elle [Hillary] se retire des primaires, puis-je compter sur vous pour que vous repreniez à votre compte mon programme de ‘Hope and Change” ? ». Une autre source, l’ancien diplomate et conseiller de la direction républicaine du Sénat James George Jatras, a dit à Sputnik.News que l’inculpation dépendrait des résultats des primaires de l’Iowa : si Hillary est battue, elle est considérée comme totalement perdue et son inculpation ne fait plus aucun doute ; Obama n’aurait alors plus qu’une seule idée qui serait de prendre ses distances d’une telle créature impie et absolument puante, pour ne pas “compromettre son héritage”. (J’en dirai plus, plus loin, sur ce tout dernier point de l’“héritage”, ou “le legs”, – “legacy”, veux-je dire...)

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Humeur de crise-3

  vendredi 29 janvier 2016

Ce ne fut que le temps d’un bref instant, tout d’harmonie et d’apaisement et rien du moindre sentiment de désespoir ou de l’abandon de la capitulation. C’était il y a deux ou trois jours, au début de la soirée, m’éloignant un instant d’un de ces moments de télévision-sans-but (au contraire des occasions où je m’attache à une émission, documentaire ou film de quelque substance, choisie pour son intérêt) ; un de ces moments où je laisse aller une certaine détente de la pensée en même temps que je passe en revue, passant d’une chaîne à l’autre, comme pour concentrer le sentiment né de la perception, des images, des exclamations tout-venant. Il faut régulièrement revenir à lui et regarder votre ennemi au fond des yeux, pour vous rappeler pour quelle cause vous vous battez. Comme d’habitude et chaque jour davantage, la chose était terrifiante de médiocrité, de mensongeries, de bonheur fabriqué de clinquant, d’hystérie de l’optimisme béat de l’idiot, d’inculture affichée et proclamée, d’abrutissement volontaire, de vautré dans la Matière, de vulgarité et de grossièreté poussées au terme... Le moment de détente puis de vérification que nous somme bien où nous sommes le cédant à l’exaspération et à l’insupportabilité de la chose, je quittai mon poste.

Je connus donc ce bref instant, devant la porte vitrée où je pouvais voir l’ombre de la nuit déjà présente, imaginant ce que pouvait être le spectacle de l’univers, mais sans exaltation particulière, avec un calme presque joyeux au cœur et nullement dans la nécessité de vérifier la grandeur et la beauté du monde. J’avais oublié les zombies-bouffons de l’instant d’avant mais je n’ignorais pas qu’ils existent et que pour la plupart des sapiens les bien-nommés et néanmoins contemporains de moi, on ne voit qu’eux. Ainsi harnaché d’une psychologie forte et apaisée, sans aucun entraînement d’aucun sentiment d’abaissement, presque joyeusement je me prends à penser à la mort ; et je dirais même que “penser à la mort“ signifie “ma propre mort”, et me disant qu’il s’agirait d’une chose qu’on ne pourrait qualifier en aucun cas, absolument aucun, ni de terrible, ni d’effrayante, ni d’inacceptable, ni même d’inconnue. La pensée est joyeuse, apaisée ; aucun sentiment suicidaire ou morbide, aucun dégoût écrasant, lavé de leurs bave et écume de tout ce que je venais de voir et de subir ; la pensée de ma mort comme source de joie apaisée et même d’exaltation tranquille.

Avec une certaine ironie qui me fit sourire, moi qui suis homme de foi sans nul besoin d’un curé, d’un rabbin, d’une pasteur ou d’un imam, je me dis qu’il est singulièrement rassurant, presque comme un hymne à l’espérance haute, qu’il vous reste la mort pour défier cette époque monstrueuse et immonde, et lui dire, plein de jubilation : “Si je voulais...” Je vous assure que j’ai entendu le brouhaha, l’’“époque monstrueuse et immonde” montrant brusquement et absolument tous les signes de la plus extrême panique. J’étais là et je lui disais “J’ai une porte de sortie dont je détiens seul la clef”, ou bien j’imaginais le geste d’un vigoureux bras d’honneur comme d’autres, je suppose et je l’espère, font leur signe de croix ; je vous assure que je n’avais ni le sentiment d’être vaincu, ni celui d’être désespéré... Jamais aussi vivant, sourire aux lèvres. Bon, ce ne fut qu’un instant et j’en connais bien peu de la sorte ; de toutes les façons, mes bien chers lecteurs, il est vrai qu’il me reste une tâche et que je vous dois encore quelque devoir pour un certain temps...

Les soldats de Calais

  mardi 26 janvier 2016

Cela se passait à Paris, quelques semaines avant les présidentielles d’avril-mai 2002, un déjeuner avec un haut-fonctionnaire du ministère de la défense ami de la Lettre d’Analyse dedefensa-papier et bien au fait des secrets des princes. Je m’en rappelle bien, c’était dans le restaurant qui se trouve en-dessous du bâtiment d’accueil d’Air France à Paris, en face de l’entrée latérale du ministère des affaires étrangères, sur l’esplanade des Invalides. Nous avions à la table d’à-côté le bonhomme-Barnier, qui fut ensuite ou qui étauit déjà que sais-je, Commissaire européen au visage impénétrable et respirant l’énergie créatrice de l’inévitable zombie-Système, aussi excitant qu’un chicon comme on en dit en Belgique ; il échangea, au-delà de la charmante compagnie qui lui faisait face, un sourire de connivence avec mon interlocuteur, qui restait d’esprit-Quai d’Orsay bien qu’il fût détaché à la défense ; lequel se tourna à nouveau vers moi et, reprenant le cours d’une conversation suspendue, où il tentait d’éveiller mon jugement aux terreurs qui parcouraient les salons parisiens : “Mais rendez-vous compte ! Comment certains peuvent-ils songer à un Le Pen président, je vous le demande ! Il dit partout que s’il est élu, il déploiera l’armée dans les banlieues à risque ! L’armée, vous rendez-vous compte !”

Cette idée, alors que bruissaient les sondages en faveur du FN, semblait à mon interlocuteur le comble de l’insurrection, de la forfaiture, une idée qui ouvrait la porte à la barbarie et au fascisme général, l’armée dans des villes françaises pour le maintien de l’ordre ! Je pensais à cela hier soir en entendant le doux et précis, et néanmoins très-politique Xavier Bertrand, disant sa supplique calculée et très laïque-républicaine au président-poire de la République, Bertrand ès-qualité dans sa toge régionale de président de la région Nord-Pas-de-Calais : “Monsieur le Président, envoyez l’armée à Calais !” Je me suis dit, me remémorant cette anecdote de 2002 : “Monsieur le Président, comme le temps passe...”

Qui ne connaît la situation de Calais, “la Jungle”, les TGV et les ferry-boats pris d’assaut, l’Angleterre et son “splendide isolement” et ainsi de suite ? La ville est en état de siège et en état d’urgence et les édiles civils ne voit plus que l’armée, dont la France est singulièrement dépourvue et qui n’est pas faite pour cela, pour tenter de rétablir l’ordre. De quel ordre parlent-ils d’ailleurs ? Il n’y a plus de souveraineté, plus de légitimité, il n’y a donc plus d’ordre : quand vous sacrifiez un principe, “le” Principe en tant que tel est mortellement touché et tout le reste suit et s’effondre en se dissolvant. Vous ne pouvez rétablir ce qui n’est plus que poussière et rien d’autre.

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Archives : Rétrospective du 11/01/2016 au 17/01/2016

  lundi 25 janvier 2016

Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 11 janvier 2016 au 17 janvier 2016, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaine. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.

« • Nous parlons beaucoup, durant cette période hebdomadaire, de la situation des USA à l’orée de l’année et de la campagne des élections présidentielles. • Bien évidemment, le principal phénomène, qui est totalement incompris en Europe quand il n’est pas ignoré, c’est la position très particulière de Donald Trump dans la course à la présidence et les effets de cette position dans le débat électoral et dans la vie politique (12 janvier 2016), voire dans le chef de certains spécialistes connus pour leur originalité (11 janvier 2016). • On observera aussitôt, pour ne pas laisser The Donald monopoliser l’attention et la scène du théâtre politique comme il en a l’habitude, que le malaise que traduit sa position s’étend largement au parti démocrate, c’est-à-dire à toute la scène politique US, lorsqu’on considère la position très délicate d’Hillary Clinton face à Bernie Sanders (14 janvier 2016). • Tout se passe comme si la médiocrité extraordinaire des créatures-standard du Système, que nous entendons désormais désigner comme des “zombies” (17 janvier 2016), finissait par provoquer sinon la colère, dans tous les cas l’indifférence furieuse du Système à leur égard (15 janvier 2016). • Et effectivement, nous parlons du Système comme d’une entité autonome, capable de manifester elle-même des jugements d’où les émotions ne sont pas absentes, et de poser des actes dans ce sens. • Nous reviendrons sur ce sujet essentiel que nous avons déjà souvent identifié et signalé. »

Panic Mode

  dimanche 24 janvier 2016

On l’a déjà noté, des signes évidents d’un pessimisme fondamental, engendrant des épisodes de panique sinon une conformation caractérielle de panique, se manifestent dans les élites-Système, d’abord au niveau européen dans tous les cas pour le sujet qui m’importe aujourd’hui. Je rappelle le passage du texte du texte du 21 janvier sur les avatars de l’UE, où l’on trouve ce petit détail si révélateur, au niveau bureaucratique, des synthèses de presse internes (« ...Eh bien, nous dit-on, pour la première fois dans cette histoire des indications subreptices mais significatives, les synthèses de presse actuellement produites rendent un ton très pessimistes, pratiquement catastrophiques pour ce qui est de l’avenir de l’Europe. ») ; où l’on cite Soros, ce grand philosophe-milliardaire plein de sollicitude, qui dit sa grande inquiétude pour l’Europe. Depuis, le même Soros parti aux sports d’hiver à Davos en rajoute une couche, jugeant qu’il faut subito presto une sorte de Plan Marshall pour sauver l’UE, et qu’il faut même que l’UE se raccommode avec la Russie, soudain devenue fréquentable dans un étonnant mouvement du jugement qui laisse à penser, pour rassembler toutes les aides possibles autour de son destin menacé. Entretemps ou parallèlement, Tusk et Juncker ont fait des constats crépusculaires sur l’avenir immédiat de l’Europe, et également notre frénétique Premier ministre Valls, et puis Tartempion, les Dupont-Dupond, etc.. Nombre de ce beau monde se trouvait à Davos, où l’atmosphère était plutôt en mode apocalyptique-chic (apocalyptic fashion) ; ailleurs cela ne vaut guère mieux, puisqu’il suffit d’avoir l’un ou l’autre excellent ami au cœur de l’édifice européen pour être instruit d’une “atmosphère de désarroi, de pessimisme catastrophiste, d’impression d’une impasse complète, tout cela sans aucun précédent dans cette maison”.

Panic Mode, disent nos “amis” anglo-saxons (l’establishment-US en a sa part avec sa campagne présidentielle). Il s’agit d’un évènement remarquable, qui a bien entendu une signification politique, ou métapolitique, ou métahistorique si l’on préfère (et je dirais que c’est ma préférence), et qui procède à son tour d’une situation psychologique profonde et très extrême, avec des effets inévitables. Il faut voir que cet épisode n’a pas de précédent dans sa forme, bien qu’il y ait déjà eu des “moments de panique” ou plutôt des moments de crise aigue avec “instants de panique” ces dernières années. (Le dernier débuta il y a un an, avec la crise grecque qui atteignait son paroxysme avec la victoire de Tsipras aux élections.) Mais ces “moments de panique” concernaient des menaces précises, précisément identifiées et jugées hors de leurs paradis producteurs de “valeurs”, que nos élites-Système connaissaient bien et jugeaient avoir le moyens de maîtriser. (Qu’elles aient agi évidemment d’une manière faussaire et catastrophique, cela ne fait aucun doute, dans tous les cas pour mon compte ; mais ce qui importe ici et comme je présente et développe les choses, c’est la psychologie.)

Aujourd’hui, la cause du chambardement peut être analysée comme multiple, mais il est assuré que la “crise des migrants” est clairement perçue comme le centre de fusion de tout cela. Cette “crise des migrants” est un événement extrêmement fâcheux pour le Système, et l’UE en l’occurrence, parce qu’elle ne dépend nullement d’une menace extérieure selon les conceptions des élites-Système, et toutes les crises aigues ou potentielles qui en découlent directement ou indirectement sont elles-mêmes caractérisées par ce même caractère de n’être que des conséquences (Schengen, crise polonaise et de l’Europe de l’Est, crise hollandaise accidentelle avec le référendum d’avril, perspectives nouvelles du Brexit). Lorsqu’une crise est la conséquence d’une menace extérieure selon la perception de mes chères élites-Système (la crise financière et autre venue de l’effondrement de Wall Street de septembre 2008, le paroxysme de la crise grecque venue de l’élection de Syriza), il y a effectivement ces instants de panique signalés plus haut mais ils sont conjoncturels et n’entament pas le fond de la perception, c’est-à-dire de la psychologie. La bulle reste intacte, et la confiance du zombie par conséquent. Lorsque je parle de Panic Mode, c’est tout à fait différent, c’est brutalement une nouvelle façon d’être, c’est soudain presque structurel, et la “panique“ répond à la perception que quelque chose de grave se passe puisqu’un fondement est touché ; la poutre-maîtresse craque d’elle-même sans qu’il y  ait eu agression de cet extérieur qui ne comprend rien à la postmodernité et l’on craint soudain (“panique”) de découvrir qu’elle est pourrie, cette poutre-maîtresse, bouffée littéralement par les termites anti-postmodernes qui ont proliféré au-dedans d’elle, quasiment enfantées par elle.

(Suite)

Humeur de crise-2

  vendredi 22 janvier 2016

J’ai remarqué  pour mon compte et, j'en fais l'hypothèse, pour ceux qui sont sensibles aux formidables évènements en cours et refusent l’atonie à cet égard qu’il existe depuis un certain temps, je dirais à peu près depuis le début de la crise ukrainienne, une sorte de courbe en sinusoïde concernant la perception de l’évolution crisique, avec des hauts de paroxysme et une excitation intellectuelle avec parfois de l’exaltation, et des bas à la fois dépressifs et désenchantés. (Je parle de la Grande Crise, autant que des multiples crises qui la composent, formant un tissu, une infrastructure crisique qui font que la vie internationale n’est faite que de crises qui constituent la Grande Crise hors de quoi rien n’existe plus.) Par conséquent, cette “courbe” ne concerne qu’accessoirement les crises (intensité ou non, nouvelle crise, etc.) et essentiellement la psychologie et sa perception. Certes une nouvelle crise, ou une nouveau “départ de crise” peut provoquer le passage au mode paroxystique (l’intervention russe en Syrie fin septembre 2015, par exemple), mais la montée paroxystique d’une crise peut provoquer l’effet inverse... C’est le cas actuellement, avec la crise financière en développement, qui semble monter vers la fusion depuis le début de l’année, avec d’autres crises en pleine arborescence, sans que la perception soit pour l’instant vers le paroxysme.

Il est remarquable que le lectorat de dedefensa.org semblerait suivre cette sinusoïde, avec des variations moyennes jusqu’à 25% vers le haut ou vers le bas correspondant. L’intérêt des lecteurs, comme je le perçois au travers de leurs réactions, est à mesure. C’est ainsi qu’effectivement, depuis la fin décembre et les vacances des “fêtes”, l’excitation intellectuelle qui existait en novembre-décembre n’a pas reparu, encore une fois malgré ces bruits extrêmement forts de possibilité d’un “super-9/15” (une super crise de l’automne 2008) et du reste. L’impression que j’en garderais ne concerne nullement, ni l’effet de l’information ni le travail de la raison, comme par exemple l’usure du fait des catastrophes annoncées qui ne se produisent pas conduisant à un verdict de nullité par la raison ; mais plutôt une véritable humeur de la psychologie, avec ses phases d’exaltation et ses phases de désenchantement, restant dans le domaine de la cyclothymie qui concerne une variation extrême de l’humeur sans sombrer dans la pathologie maniaco-dépressive.

Bien qu’étant moi-même “victime” de ce processus, et “victime de choix”, je ne vois pas cela comme un handicap mais bien comme une sorte de protection qui permet d’éviter l’extrême de l’enfermement dans le paroxysme jusqu’à l’hystérie qui vous emporte jusqu’aux confins de la folie, ou dans l’abysse de la seule dépression morbide d’où l’on ne revient pas. On pourrait presque parler d’une tactique de résilience de la psychologie. Pour résister à cette période crisique sans précédent, la psychologie est comme un joueur de football qui drible, passant les obstacles en évoluant latéralement et en évitant toujours la confrontation directe avec l’adversaire face à lui. Elle ne s’épuise pas, elle ruse, elle se défile pour s’accorder un répit, elle profite temporairement d’une ouverture, elle change de rythme comme on change de pied.

... Pour autant, j’avoue attendre de pied ferme la phase de la remontée.

L’inéluctabilité de “passer à l’Est”

  jeudi 21 janvier 2016

Les Polonais ont beaucoup parlé ces derniers jours. Après les attaques lancées contre le nouveau gouvernement polonais par l’UE, la Commission, etc., et les décisions de mettre la Pologne “sous surveillance”, le thème général de leurs discours, je dirais du point de vue symbolique, c’est ceci : “L’UE d’une manière générale, la Commission, se conduisent vis-à-vis de nous exactement comme l’URSS se conduisait vis-à-vis de la Pologne durant les années où l’Europe de l’Est vécut sous le contrôle de cette puissance”. Laughland va même plus loin, et fort justement : « La Commission de Bruxelles a donc moins de légitimité démocratique que ses presqu'homonymes, les fameux Comités centraux des partis communistes qui jadis faisait la pluie et le beau temps en Europe de l'Est. »

C’était le temps où régnait la “doctrine Brejnev”, dite de “souveraineté limitée”, qui triomphait déjà en 1953 (Berlin-Est), en 1956 (Budapest) avant même qu’elle eût été baptisée comme on la connaît, et enfin en 1968 (Prague) où elle nous fut clairement exposée, par la dialectique des dirigeants soviétiques conduits par Brejnev et de leurs acolytes du Pacte de Varsovie (les Tusk d’alors), et par les chars entrant en Tchécoslovaquie le 21 août 1968. (“Souveraineté limitée”, c’était un de ces charmants oxymores, plutôt involontaires que poétiques, comme on en voit tant aujourd’hui au gré des narrative : comment la souveraineté, qui est un principe et comme tel quelque chose d’irréfragable dans sa nature et sa composition, pourrait-elle se concevoir comme “limitée” ? On est souverain entièrement ou on ne l’est pas du tout.) Il est maintenant avéré que le sentiment des dirigeants polonais, qui s’est imposé dans leurs esprits en quelques semaines, est de plus en plus largement partagé, au moins par leurs complices du “Groupe de Visegrad” (outre la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la Tchéquie) qui formaient du temps de l’URSS l’axe central et la voie stratégique principale d’une Europe de l’Est contrôlée par l’URSS.

Méditez et mesurez cette appréciation et tirez-en la force et la puissance symbolique. Pendant un demi-siècle et peut-être plus pour les nostalgiques du progressisme libéral occidentaliste qui ont gardé toute leur vertu antisoviétique transmutée en hyper-vertu antirusse, l’on a dénoncé l’emprise de cette oppression venue de leur Est sur ces pauvres pays centre-européens qui dépendaient jusqu’en 1985-1989 de la chaîne des Politburos jusqu’à celui de Moscou. On a même jugé évident, sinon habile, de retrouver cette tendance impériale et oppressive à l’occasion de la crise ukrainienne, et les Polonais eux-mêmes, y compris les dirigeants du PiS, s’y sont laissés prendre. Et que découvrent-ils aujourd’hui ? Le vrai Politburo se trouve à l’Ouest, et plus du tout à l’Est. La Commission européenne, sous la direction éclairée mais titubante 24 heures sur 24 de Juncker, s’impose comme le bras armé de la nouvelle URSS de l’Europe de l’Est, comme elle s’est imposée comme une émanation à peine fardée de ce que fut l'Allemagne du temps du Reich pour la Grèce.

Laissez les arguties politiques, les analyses métahistoriques, les considérations structurées au reste du site dedefensa.org, et concentrez-vous sur la force du symbole pour ces pays qui ont subi ce qu’ils ont subi. Imaginez leur stupéfaction, la puissance du choc qu’ils sont en train de subir alors qu’ils s’étaient tant réjouis de leur entrée dans l’UE, autour de 2004, comme de l’achèvement de leur grande entreprise de libération. Je soupçonne que la surenchère pro-ukrainienne et antirusse, pendant la crise ukrainienne, de certains de ceux que l’on entend aujourd’hui sur un registre si différent constituait une tentative désespérée de se dissimuler à soi-même la vérité-de-situation qui commençait à se manifester quant à leur véritable situation au sein de l’UE : des vassaux asservis, des colonies à la sauce postmoderne et une “souveraineté super-limitée” selon les canons de Bruxelles.

(Suite)

Archives : Rétrospective du 05/01/2016 au 11/01/2016

  lundi 18 janvier 2016

Voici un document pour vos et nos archives, la rétrospective de la semaine du 4 janvier 2016 au 11 janvier 2016, présentée sous forme d'éditorial d'introduction à la lecture du site pendant cette semaine. Les grands thèmes en sont dégagés, ainsi que les principaux textes publiés sur le site, comme références.

« • Il semblerait bien que l’on puisse définir cette période du début 2016 par le mot “peur”, accompagné comme c'esrt normal par les ingrédients de la peur (l’incertitude, l’absence de perspective, la perception de l’incontrôlable). • Notre texte du 7 janvier 2016 sur “la somme de toutes les peurs” reprend ce thème en l’élargissant, s’interrogeant sur “la politique de la terre” et concluant que la peur a dépassé ceux-là même qui prétendaient s’en servir pour faire une politique ; et cela vaut aussi bien pour le spectacle étrange et pathétique que la France s’est donnée à elle-même en commémorant les attentats de janvier 2015 comme s’il s’agissait d’un bouleversement métahistorique, – petits esprits et actes à mesure. • Comme illustrations de cette atmosphère générale de peut, le destin incontrôlable et chaotique de l’Arabie Saoudite (6 janvier 2016),  les évènements de Cologne du Jour de l’An, dissimulés d’abord puis devenus crise nationale en Allemagne (le 7 janvier 2016), l’incompréhensible personnage trônant encore pour quelques mois comme une énigme à la Maison-Blanche (8 janvier 2015). • En un sens, on pourrait penser que notre texte du 10 janvier 2016 reprend le premier thème, mais d’un autre point de vue, en suggérant comment des situations latentes et grondantes, finalement justifient cette peur qui domine le début de cette année. »

Humeur de crise-1

  lundi 18 janvier 2016

Durant tout ce week-end a pesé sur moi le sentiment de l’inconnu en même temps que celui d’être au bord du gouffre, pour ce qui est de la situation générale du monde comme s’il s’agissait de la mienne propre. Ce n’est pas une attitude extrêmement rationnelle, ou plutôt pas seulement rationnelle. Il y a certainement là-dedans des facteurs tels que l’émotion, une psychologie vulnérable, etc., et peut-être également l’intuition (cela reste toujours une inconnue sur le moment où on l’éprouve, qui peut se vérifier ou être démentie) ; mais la base reste bien entendu cette certitude persistante, depuis maintenant tant d’années, de se trouver au cœur de cette Grande Crise, que je considère comme une perception qui a été examinée par la raison, sanctionnée par elle, et donc devenue rationnelle (tout cela dans mon alchimie personnelle).

Plusieurs lectures avaient alimenté ce sentiment, dont on trouvera l’écho ici et là sur le site. Je crois avoir été impressionné pariculièrement par un article que j’ai lu tardivement, puisqu’il date du 11 janvier sur ZeroHedge.com, et fait état d’une halte du commerce mondial (« “Nothing Is Moving,” Baltic Dry Crashes As Insiders Warn “Commerce Has Come To A Halt” : Last week, I received news from a contact who is friends with one of the biggest billionaire shipping families in the world.  He told me they had no ships at sea right now, because operating them meant running at a loss. This weekend, reports are circulating saying much the same thing: The North Atlantic has little or no cargo ships traveling in its waters. Instead, they are anchored. Unmoving. Empty. ») Je ne peux ni ne veux absolument rien en dire sur la véracité, sur la signification de la chose, etc., sinon le renforcement sur l’instant du sentiment dont je parle d’une aggravation furieuse de la crise, comme si elle vivait littéralement et s’exprimait soudain avec cette perception, juste ou fausse mais très marquante, d’un événement terrible. Cela ne dure qu’un instant mais quel terrible instant qu’en aucune façon la raison ne dément... Ainsi vont, très vite, les jours et les heures de ce temps si cruel.

En contraste complet, la vision des TV dans tous les genres et programmes, interviews, JT, émissions de variétés, séries, etc., avec une débauche diluvienne, absolument hallucinée sous mon regard incrédule, d’optimisme forcé quasiment hystérique plaqué sur un monde complètement fabriqué où triomphent “nos-valeurs”. Cette thérapie de l’optimisme, assénée comme l’on injecte de force des doses massives de stéroïdes au bétail comme au finaliste du cent-mètres des Jeux Olympiques, est extraordinairement anxiogène ; elle accroît affreusement ce terrible sentiment, à la fois d’angoisse et de solitude dans cette angoisse. Qui est fou : eux ou moi ?

 

Note

(1) Le chiffre 1 entre-parenthèses dans le titre a une double fonction : celle de renvoyer à cette note et celle de commencer une série. Désormais, il y aura (sans doute) des notes sous le titre générique de “Humeur-de-crise” dans le Journal dde.crisis, consacrées essentiellement sinon exclusivement aux réactions personnelles de l’auteur devant les soubresauts de la crise. Pour les faire apparaître selon cette spécificité très marquée, ces notes seront reprises sous le même titre et numérotées. C’est une expérience, poussée par le besoin d’exprimer la chose ; elle durera ou ne durera pas, elle prendra sa place ou non, on verra.

J'écris ton ombre, zombie...

  dimanche 17 janvier 2016

On aura observé, j’espère, l’emploi nouveau sur ce site, à plusieurs reprises ces derniers jours, du terme de “zombie” ; dans le texte du 13 janvier sur “A chacun sa Fin des Temps” (« ...dessert d’une façon absolument radicale la cause financière de ces zombies du complexe militaro-industriel », « un raisonnement aussi absolument marqué par la philosophie du zombie ») ; la même chose, en un peu plus explicite dans les Notes d’analyse du 15 janvier sur “le silence du Système”. Il y a eu déjà dans ce Journal dde.crisis une autre occasion où l’on a employé le mot, via une citation extrêmement franche, tranchante et rafraîchissante du vice-ministre russe des affaires étrangères Riabkov (« Les agences du gouvernement US ont agi et agissent avec entêtement comme des zombies qui frapperaient à une porte ouverte »).

Il y a déjà une tentative d’explication du terme “zombie” tel qu’il est introduit dans l’imposant et tonitruant “arsenal dialectique de dedefensa.org”, comme ils disent. C’est dans le texte du 13 janvier déjà référencé, avec des membres de phrases initialement écrits puis retirées pour aider votre chroniqueur à mieux expliciter cet emploi, et qui sont replacées ici en gras souligné : « Le sapiens-Système, ou zombie, ou encore zombie-Système, conserve une certaine part en général très-minime de vivant à côté de son immensité pourrie et morte. Il ne s’agit pas d’une fabrication humaine ni d’un prodige de la génétique type-Google, mais de ce que nous tenons comme une vérité-de-situation selon laquelle même les plus compromis d’entre nous restent tributaires de forces extérieures qui les empêchent de totalement sombrer de l’état de zombie à l’état de robot. »

On comprend alors aisément le but du texte présent, que vous êtes en train de lire, qui est d’expliquer, aussi bien par l’analyse rationnelle que par le sentiment que j’espère né de l’intuition, l’emploi du terme. (Si je m’attelle à cette tâche, on le comprend bien, c’est parce que j’ai le sentiment que ce terme de zombie reviendra de plus en plus souvent dans les textes de dde.org. On verra.) Pour entamer l’entreprise sémantique, je m’attacherais à cette nuance finale de l’explication plus ou moins acceptable que Wikipédia donne du mot “zombie” : « Par extension, le terme peut également désigner quelqu'un ayant l’air absent, amorphe ». Adaptant cette idée à mon propos qui est de définir le sapiens-Système, cela donnerait ceci : “Par extension, le terme désigne des sapiens qui, par le biais de leurs liens avec le Système, sont devenus absents et amorphes parce qu’ils sont liés à une entité absente de la vérité et étrangère à toute forme”. (Précision sur le terme “amorphe”, toujours de Wikipédia, que je considère là aussi comme non seulement acceptable pour ma démarche, mais absolument nécessaire et fondamental pour le sens de la chose, dans son esprit sans aucun doute : « Amorphe” contient la racine grecque ‘morphos’ [forme] et le préfixe privatif ‘a’. Amorphe signifie donc littéralement sans forme. » Pour aller au principal en guise d’exemple d’application, je dirais que la politique des zombies est, dans ce sens, absolument amorphe ; comme le fait de somnambules se croisant poliment et se regardant sans se voir dans les dédales de leurs logements communs ; politique informe suivie plutôt que définie, sans y rien comprendre bien entendu parce qu’incapables d’y distinguer quelque forme que ce soit, et d’ailleurs fort logiquement puisque cette politique n’en a aucunement.)

C’est donc dans ce sens qu’ils sont pour moi, et par extension je m’en porte garant pour dedefensa.org, des zombies certifiés, – des êtres à quatre-cinquièmes, ou à neuf-dixièmes qu’on dirait morts, à peu près dans cette sorte de situation ; avec cette attitude d’amorphisme, cette lenteur désespérante de l’esprit verrouillé sur des formules hallucinées et répétées à l’envi, ce crépuscule de la vision réduite à un théâtre d’ombres, cette crainte panique d’une pensée qui pourrait s’aventurer sur des terres inconnues, cette sorte d’endormissement quasi-décisif qui empêche mieux qu’une clôture électrifiée d’approcher une pensée sortant du tout petit sentier battu où il faut mettre un pied devant l’autre pour avancer en rang d’oignons, qui réduit l’imagination, l’âme poétique et l’ouverture à l’intuition à autant de honteuses et insupportables diffamations des consignes impératives (du Système, pardi) dont le non-respect déclencherait aussitôt de terribles nausées et une panique irréfragable... Voici donc le sapiens-Système, l’être de Notre-Temps, ce mélange de servilité et de terreur pour ses maîtres, et d’arrogance et de terreur pour les quelques-uns dont il sent le regard critique qui les perce à jour.

(Suite)

La Java du Diable

  samedi 16 janvier 2016

Exercice courant chez les très-grands de ce monde qui se jugent soudain concernés par les soubresauts de l’empire qu’ils exercent sur le monde puisque le monde est leur empire : retenir son souffle, profiter du répit du week-end pour se préparer au pire. Le pire est l’ordinaire du siècle. Par chance, ce week-end sera plus long d’un jour aux USA parce que lundi c’est le MLK (Martin Luther King) Memorial Day ; c’est une chance de plus donnée au souffle. Dans son style inimitable, WSWS.org annonce à ses lecteurs qu’effectivement le pire se prépare : « Global stocks plunge amid fears of a new financial crisis. » Il est complètement indéniable que la semaine fut épique, avec les soubresauts du géant chinois qui se produisent désormais sur un rythme semestriel-trimestriel, et cette même semaine où j’ai appris de la plume de divers experts que les prix très-bas du pétrole était une catastrophe capable d’entraîner le pire, au même titre que les prix très-haut du même, comme on nous le répéta durant la décennie précédente jusqu’à la démonstration presque-parfaite d’une “crise haussière” du prix du pétrole précédant de trois-quatre semaine, ou préparant je ne sais plus, l’effondrement de septembre 2008.

Je n’avais pas prêté grande attention à ces soubresauts d’une puissance incroyable, ni même à la chute de Wall Street d’hier qui permit à certains d’y voir un Black Friday annonciateur d’un de ces terribles “cygnes noirs” (Black Swan), qui est désormais l’expression affectionnée pour “modéliser” artistiquement l’ombre lugubre de la catastrophe imminente. L’habitude, sans doute, dans le cas de cette inattention... Le tumulte est si considérable de tous les côtés que l’on tend l’oreille qu’on ne parvient plus à distinguer la crise qu’il faut privilégier pour la journée courante. Le rythme de ce début 2016 est considérable de rapidité et d’emportement ; l’on dirait de notre temps courant qu’il est endiablé comme l’on dit d’un énorme 4x4 qu’il s’est ensablé, alors que le moteur s’emballe dans un bruit terrible, que les roues motrices tournent folles dans le sable, sans que rien de la machine hurlante ne bouge sinon la projection de jets de sable et de folie.

L’on ne peut plus rien se saisir de quoi que ce soit qui ait la moindre allure de la stabilité et de l’harmonie ; alors l’on flotte, et l’on se laisse porter au gré des bourrasques. La folie tourne et tourne, enroulée dans un tourbillon d’ivresses et d’angoisses diverses, mais tout cela répété avec une constance, une insistance, un entrain roboratifs, pour qu’enfin l’on parvienne à la “Spéciale Dernière”, au Grand Tout enfin catastrophique. Chacun, nous nous trouvons emportés comme dans une sorte de Java du Diable, comme si Trenet l’avait remise au goût du jour de la postmodernité...

(Suite)