Le déchaînement de la mort

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Le déchaînement de la mort

18 juin 2025 (20H30) – Aujourd’hui, on peut dire que le « déchaînement de la Matière » atteint finalement à son véritable “être”, qui est évidemment la néantisation de l’être, le non-être qui est quelque chose comme “le déchaînement de la Mort”. Le moins qu’on doive ajouter est que les choses vont très, très vite. C’est un des aspects caractéristiques des grandes tendances événementielles qui nous emportent, où les événements sont conçus (par le Diable, diable !) pour emporter toutes les valeurs structurelles en place, finissent leur fabuleuse entreprise de surpuissance par une autodestruction digne d’une mise en scène audacieuse de nouveauté, dans un immense incendie liquidant les ‘Dises’ vers la liquidation des ‘Valkyries’. Car les ‘Valkyries’, que l’on prit pour des instruments au service des divers Soros de service, ne sont en fait que des « divinités mineures appelées “les Dises qui servaient Odin » 

Passé cette introduction qui nous habitue aux nouvelles mœurs de la diplomatie, le premier point de notre intérêt de commentateur bienveillant et bien installé à Sirius, est, disons, ce qu’on pourrait nommer “le cas Trump”. Mais d’abord, je le demande, qu’on se rassure, que diable ! Trump n’est ni un pantin du DeepState (une création mythologique hollywoodienne), ni une marionnette des Juifs, ni un traître originel qui a trahi sa propre trahison, – toutes ces interprétations rendent plutôt compte de l‘état mental de ses auteurs, incapables d’accepter une réalité qui ne dépend pas strictement de la raison humaine ( y compris dans ses phases de déraison) ; cela, simplement parce que l’homme déconstruit-reconstruit de la modernité doit d’une façon ou l’autre rester le ‘maître du monde’, même si ce monde est en lambeaux à l’image de Trump, – du fait de sa propre action, bien entendu et évidemment.

Trump se révèle, à notre sens de psychiatre improvisé, comme un psychopathe-narcissique qui suit la courbe classique de la maniaco-dépression,  lorsqu’elle se réfugie dans sa phase maniaque pour ne pas connaître les affres de la dépression.

Note de PhGBis : « Moi qui connais assez bien PhG, qui a mis ce texte sous les augures de son ‘Journal-dde.crisis’ qui signifie “Journal fou d’un évadé de l’Asile’, je crois pouvoir dire qu’il sait parfaitement ce dont il parle en citant le cas de la maniaco-dépression se réfugiant “dans sa phase maniaque pour ne pas connaître les affres de la dépression”. Il parle d’expérience subie pendant un nombre respectable d’années, comme “accompagnant” d’un malade, donc avec l’esprit clair subissant la violence du maniaque sans pouvoir riposter, se justifier, etc.. Le ‘cas Trump’ répond parfaitement à l’épisode, notamment avec sa brutalité de langage et la puissance de sa dialectique complètement vide mais irrésistiblement furieuse, et tout cela  même s’il s’agit d’appréciations complètement insensées et bien sûr insultantes. Le problème est qu’aucun psychiatre n’ose plus, aujourd’hui, prendre ce problème, et donc le ‘cas Trump’, à bras le corps ni l’esprit.

» Bien entendu, le ‘cas Trump’ est proche du ‘cas Macron’, qui souffre des mêmes problèmes, mais la fragilité physique du scond le poussant vers des manœuvres vicieuses plutôt que vers une brutalité affichée. »

Deux événements caractéristiques de ce que nous décrivons du comportement maniaque de Trump sont la façon dont il a traité publiquement ses alliés privilégiés Tulsi Gabbard et Tucker Carlson.

• Tulsi Gabbard, DNI, – quelques mots de Trump dits à CNN en réponse à une question :

« Trump critique Tulsi Gabbard donnant des informations contradictoires sur le nucléaire iraninen [les Iraniens ne veulent pas faire la bombe] : “Je me fiche de ce qu'elle a dit” »

• Tucker Carlson, journaliste indépendant qui a constitué un formidable moteur pour la campagne de Trump avec plusieurs millions et dizaines de millions de visiteurs chaque jour :

« Trump qualifie Tucker Carlson de “fou” à propos de sa position sur le conflit israélo-iranien.

» L'animateur de talk-show conservateur critique les “va-t-en-guerre” qui prônent l'implication des États-Unis dans les hostilités. »

• La position de Carlson a été largement développée dans un entretien sur sa propre chaîne avec Steve Bannon, autre trumpiste-populiste qui est en train de modifier sa position de 180°, préférant dénoncer la trahison que soutenir la parole du traître parce que ce traître-là (ou ce malade, si vous voulez), détient le pouvoir et cultive le culte de ‘Fuhrer’ des séries télévisées...

• Tout cela nous conduit à nous interroger sur l’avenir des structures et de l’enthousiasme populaire qui permit à Trump d’emporter une si belle victoire en novembre 2024. Mon impression est plutôt qu’il est en train de se perdre et de préparer une explosion catastrophique de son administration, – ce qui ne sera pas une victoire des démocrates mais plutôt un déchaînement (un de plus) des multiples guerres civiles qui guettent les USA.

D’autres noms important du trumpisme (MAGA et ‘Make America First’) ont d’ores et déjà amorcé un virage, montrant que dans cette bataille d’influence l’idéologie compte infiniment plus que les hommes qui croient diriger les choses. Ce constat se trouve dans un article de ‘Responsible Statecraft’ :

« MAGA à Trump : Soutenir les attaques israéliennes est un bras d’honneur adressé aux électeurs.

» Ses partisans réagissent avec colère et promptitude, laissant entendre qu’il ne fait pas passer l’Amérique en premier. [...]

» Ces personnalités du MAGA sont unanimes à penser que les États-Unis ne devraient pas s'impliquer dans une guerre entre Israël et l'Iran, car les voix néoconservatrices de la vieille garde, comme le sénateur Lindsey Graham et l'animateur Mark Levin, n'ont pas pu contenir leur enthousiasme face aux frappes israéliennes. Graham a d'abord lancé “les jeux sont faits” dans une publication sur les réseaux sociaux, puis le raisonnement avec l’annonce des conséquences selon lui a suivi.

» Saagar Enjeti, de Breaking Points, a déclaré qu'Israël avait ridiculisé Trump. “Israël a désormais tourné les États-Unis en dérision”, a-t-il écrit. “Le président Trump a déclaré aujourd'hui qu'il ne voulait pas de frappes avant les négociations prévues demain, et ils l'ont quand même fait”.

» “Leur attaque d'aujourd'hui est un sabotage délibéré et une tentative flagrante de nous forcer à la guerre. Nous devons résister ”, a ajouté Enjeti. »

Synthèse germano-américaniste

Nous abordons un autre point de vue des conséquences néfastes de l’évolution de Trump qui n’est due qu’à sa puissante personne mais qui déplace des montagnes de sottises et des fleuves de stupidité, – chez certains acteurs, chez certains commentateurs, bref du monde se bousculant pour nous faire comprendre les insondables mystères des événements en cours. L’“autre point de vue” est celui des opposants aux pouvoirs en place dans les divers pays de l’Empire, ce qui diffère fortement des luttes internes des soutiens de Trump-MAGA et ouvre des perspectives nouvelles et différentes, – et également intéressante.

Il s’agit de deux tendances qui se révèlent comme étant en opposition avec les pouvoirs en place, donc à l’inverse de ce que nous avons eu auparavant. Ce qui est intéressant dans leur cas, c’est que la perspective d’une guerre en Iran est si puissante qu’elle conduit des factions d’opposition absolument inconciliables jusqu’alors, justement à s’allier devant le danger commun. Il s’agit bien de comprendre, même chez les commentateurs les plus obtus dans leurs classements divers, que la puissance de l’événement possible/probable disperse touts les affrontent humains qui nous semblaient irréversibles et impossibles à modifier. C’est en cela, et non en l’esprit de décision de l’un ou l’autre, que se révèle l’essence même de l’événement qui nous affecte.

Voici donc les deux domaines affectés :

• Aux USA encore, mais d’une bien différente façon, s’est formé un rassemblement d’une élite qui est constituée à partir d’une position absolument antiguerre. Cette élite comprend diverses professions (scientifiques, militaires, parlementaires, etc.) dont la particularité est d’être en général dans des partis et des orientations très opposés, parfois avec une violence du type de celle qui marque les partisans et les adversaires de Trump.

Soudainement, les voici unis, personnages très marquants dans leurs orientation, comme le député Massie, républicain antiguerre, très marqué dans l’orientation libertarienne isolationniste en général étiquetée d’extrême droite ; et puis, dans le même courant, la députée démocrate Rachida Tlaib, proche du SQUAD et qu’on doit clairement mettre à l’extrême-gauche du parti démocrate...

«  En réaction à l'attaque israélienne contre l'Iran hier soir, qui a visé les installations nucléaires, les scientifiques et les principaux dirigeants militaires iraniens, les législateurs américains de tous bords politiques exhortent l'administration Trump à faire preuve de retenue et à ne pas laisser les États-Unis s'impliquer davantage.

» “Israël n'a pas besoin de l'argent des contribuables américains pour sa défense s'il en a déjà assez pour lancer des guerres offensives”, a écrit le représentant Thomas Massie (Républicain-Kentucky) sur X. ”Je vote contre le financement de cette guerre d'agression”.

» “L'attaque imprudente de Netanyahou risque de provoquer une guerre plus vaste et d'entraîner les États-Unis dans l'offensive”. “Trump doit s'opposer à l'escalade de Netanyahou et poursuivre la voie diplomatique pour gérer le programme nucléaire iranien”, a écrit le représentant Greg Casar (Démocrate-Texas) sur X. “Trump ne doit pas violer la Constitution en impliquant des troupes américaines dans la guerre de Netanyahou sans passer par le Congrès”.

» “Le président ne peut pas contourner les pouvoirs de guerre du Congrès et envoyer unilatéralement des troupes américaines en guerre contre l'Iran. Il s'agit d'une violation de l'article I de la Constitution, qui exige l'approbation du Congrès pour déclarer la guerre”, a déclaré la représentante Rashida Tlaib (démocrate du Michigan). “Le peuple américain ne veut pas d'une nouvelle guerre sans fin au Moyen-Orient, qui coûterait des vies et déchirerait des familles”.

» “Le peuple américain s'oppose massivement à nos guerres sans fin, et c'est ce qu'il a fait en élisant Donald Trump en 2024. J'exhorte le président Trump à maintenir le cap, à continuer de donner la priorité à l'Amérique et à ne participer à aucune guerre entre d'autres pays”, a écrit le sénateur Rand Paul (républicain du Kentucky) sur X. “Chaque Américain devrait espérer et prier pour la paix”. »

• Peut-être, sans doute, certainement plus significatif encore, un rapprochement en Allemagne entre des intellectuels marxistes affichés et le parti d’extrême-droite AfD, dont autour de 85% de ses adhérents et soutiens sont opposés à la guerre contre l’Iran. C’est un événement important, bien entendu pour nous Européen, qui sommes englués dans les haines idéologiques à partir de conceptions extrêmement vieillies, dépassées, exprimant une vision de l’Histoire totalement déformée et faussaire par rapport aux événements actuels.

L’Allemagne est un pays-test dans ce concert de nos espérances perdues, avec un nouveau chancelier qui semble taillé sur mesure pour faire encore mieux que son camarade Macron dans le sens de la catastrophe à domicile.

« Peu après l'initiative interne de la SPD visant à entamer des négociations de paix avec la Russie, un nouvel appel lancé par le camp de gauche attire l'attention. Des intellectuels marxistes, dont les journalistes Marianne Linke et Sabine Kebir, y réclament un “élargissement du front de la paix”, notamment par une coopération ponctuelle avec les forces de l'AfD.

» Alors que les politiciens de la SPD qui plaident en faveur de négociations avec la Russie sont critiqués dans leurs propres rangs, le co-président de l'AfD, Tino Chrupalla, a salué cet appel. À peine un jour plus tard, un rapprochement inhabituel s'est produit. Dans un appel signé par des auteurs marxistes, des journalistes et d'autres personnalités, il est demandé de remettre en question les anciennes frontières politiques et de coopérer ponctuellement avec l'AfD afin d'éviter une escalade nucléaire.

» Les auteurs remettent ouvertement en question la pertinence actuelle des catégories politiques classiques: même des concepts scientifiques tels que la “gravitation” ont été soumis à des vérifications au cours de l'histoire. « Pourquoi alors la “gauche” et la “droite” [...] seraient-elles immuables ? » Tout comme “rouge ”, “gauche”  est devenu un terme sans signification claire: “susceptible d'être détourné, ambigu et sans fondement scientifique”. Compte tenu de la situation politique, il serait plus approprié de parler de visions du monde plus précises.

» Au cœur de l'appel se trouve la crainte d'une troisième guerre mondiale: “Nous, marxistes, nous battons contre ce capitalisme posé comme ‘dernier mot de l'histoire’”. Les signataires sont particulièrement critiques à l'égard de la position de l'OTAN vis-à-vis de la Russie et du “tournant historique” allemand. La confrontation avec la Russie sert à maintenir la domination occidentale. “Cette course à la guerre mondiale risque de plonger l'Allemagne dans un enfer nucléaire”.

» Dans ce contexte, il serait erroné d'exclure d'emblée toute coopération avec l'AfD. “Ceux qui renoncent aujourd'hui à explorer les possibilités d'une coopération ponctuelle avec les forces de l’AfD se rendent complices des bellicistes.” »

Les Temps de l’Après

On comprend ce qui nous attache et nous fait accorder une si grande importance, moins au fondement de la crise lui-même (la bombe nucléaire ou pas pour l’Iran, – qui n’en veut d’ailleurs pas depuis le début 1980 et les décisions prises par la direction religieuse), qu’aux considérables déplacements psychologiques auxquels elle force. Le cas est particulièrement intéressant ici, en raison des situations intérieures spécifiques des deux pays antagonistes de l’Iran, Israël et les Etats-Unis, qui sont en train de peaufiner leurs plans.

Ces deux situations, dans deux pays qui se trouvent au bord d’un désordre structurel mettant en cause l’existence même et l’historique de la façon qu’ils se sont conçus, accompagnent aisément, en gravité potentielle, le risque nucléaire qui se dessine au terme du conflit où Israël a totalement raté son entrée en matière. Curieusement pour ce pays qui devrait avoir compris comment fonctionnent les pays et les organisations qui l’entourent, – Israël a cru à ses propres théories directement inspirées de la pensée (?) stratégique US en recherchant la décapitation de la direction comme élément déclencheur de l’effondrement (iranien) induisant quasiment tout seul, comme un don du Ciel pour ces deux pays (USA et Israël) choisis par le Ciel (USA et Israël), le “regime change” tant espéré.

L’attaque raté d’Israël contre l’Iran, transformée en une défensive geignarde avec appel à l’“Oncle Sam”, – selon paraît-il un plan finement préparé qui a rempli d’extase le sénateur Graham, – n’a pour effet, comme nous le comprenons, que l’installation de l’alternative entre le nucléaire (israélien sinon israélo-US au départ) conduisant automatiquement à une riposte russe peut-être accompagnée d’une prise de Kiev, tout cela précipitant la catastrophe finale et commune ; et d’autre part une série de louvoiement devant l’impossibilité d’une victoire immédiate, avec dégradation accélérée de la situation intérieure aux USA et en Israël.

En effet et ainsi soit-il, le terme du « déchaînement de la Matière » devenant “déchaînement de la mort” évoqué plus haut passe d’une façon très logique par la destruction des deux complices, pour quelque raison que ce soit, à choisir par exemple entre le mythe hollywoodien du DeepState et la maniaco-dépression d’un Trump jugeant insupportable et inadmissible que les événements ne s’accordent pas à sa propre ‘Fantasy’. Il faut simplement admettre que puisque nous en sommes venus à la Fin des Temps, il faut donner aux Temps la clef nécessaire pour faire une immense solde pour inventaire de la civilisation nommée ‘Titanic’.

En 2007, au moment où l’attaque contre l’Iran était déjà largement envisagée, on envisageait la possibilité de devoir en venir en main. Comment ? Évitant le nucléaire et ratant l’enfantement de la décapitation, organiser une véritable invasion du pays selon les normes de la bonne vieille guerre terrestre, celle qui avait si bien réussi à Bush-père contre Saddam en 1991. Une étude sur une telle opération fut conduite à l’université de l’US Army. On en conclut qu’il faudrait mobiliser à peu près un million 250 000 hommes et prévoir dix-huit mois d’entraînement intensif avant d’être prêt au premier coup de feu final. Imaginez avec quelle patriotisme enflammé et quelle rêverie neocon on attendra, dans les rues de Los Angeles en feu, le moment de partir mourir pour le drapeau.

Enfin, ces dernières précisions sont là pour nous permettre de faire une conclusion, y compris l’issue du nucléaire qui plaît tant au plus pessimiste des antiSystème refusant d’être nommés antiSystème et savourant avec tact une perspective qui conduirait à l’anéantissement de ceux qui prétendent monter une “Résistance” et qu’ils prétendent soutenir. Il est bien entendu que la route vers l’effondrement de l’Empire, comme prévu par le néo-sécessionniste du Vermont Naylor, s’ouvre toute grande, comme une superbe autoroute conduisant à une néo-postmodernité qui se jettera, comme Thelma & Louise, dans le Canyon de la Mort.

Je suis sûr qu’il y en a pas mal, quelques-uns sans aucun doute, qui dénoncent l’Empire et espèrent en secret qu’il finira bien par écraser la Résistance qu’ils prétendent défendre. Je suis sûr que l’on peut dire “A chaque saison ses collabos”, – et ainsi nous confirmer la fin de l’Empire car les collabos ne sont collabos que parce que l’Empire a tout raté.