Les héros sont fatigués, c’est-à-dire prudents

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Les héros sont fatigués, c’est-à-dire prudents

07 novembre 2016 – Je ne cacherai pas ma réaction immédiate de dépit furieux puis d’amertume fataliste à la nouvelle d’un Comey nous offrant une sinuosité de manœuvre de plus... En gros et pourt résumer sans aucun parti-pris c'est sûr, on a ceci de son annonce d’hier dans une lettre au Congrès, pour résumer :  “Circulez, il n’y a rien à retenir d’intéressant dans les 650.000 e-mails que nous avons lus et relus plusieurs fois en neuf jours avec une immense attention, en même temps que nous poursuivions, durant nos longues heures de temps libre, la lecture de La Comédie humaine de Balzac comme docu de qualité sur l’inestimable vertu du genre humain, type bourgeois qui a réussi”. Hillary est blanchie une deuxième fois, c'est-à-dire blanche comme coke, ce qui est mieux que la neige puisque, comme on le sait depuis Simenon, La neige était sale.

Trêve de citations littéraire, et aussi de dépit furieux et d’amertume fataliste. Ce nouveau pseudo-retournement de Comey laisse ouvert, en le nuançant un peu plus, le jugement sur l’homme qui, en neuf jours, a perdu pas mal de son lustre de héros et de patriote dont on jugeait qu’il le méritait. Enfin, accordons-lui quelques “circonstances atténuantes de circonstance” (nouvelle catégorie juridique due à USA-2016) puisque, selon WorldNetDaily qui, il y a quelques jours, avait envisagé clairement un tel revirement, Comey a eu à subir l’artillerie ultra-lourde : « Voilà que, cédant aux pressions du ministère de la Justice, et dit-on du président Obama lui-même, il a à nouveau déclaré le dossier clos... » Le “à nouveau” est assez joyeux, parce qu’on pourrait imaginer qu’il le rouvre à nouveau, puis qu’il  le referme temporairement, puis... etc.

(Au reste, le président du Comité National Républicain Reince Priebus nous a aussitôt rappelé que ce qui était déclaré clos [temporairement ?], c’est l’affaire des e-mails par rapport à la sécurité nationale, ce dont Comey avait dit à peu près en juillet : “Ce qu’a fait Clinton mérite amplement qu’on l’inculpe, mais comme c’est elle on ne l’inculpe pas”, – et cela reste bien la position officielle puisque dans sa lettre, Comey renvoie à sa décision de juillet. Subsistent bien entendu, bien d’autres cadavres dans le placard, et dit puent de plus en plus, dit Priebus, notamment l’épouvantable pieuvre-Clinton Foundation, sur laquelle le FBI travaille. Voir aussi si la police de New York [NYPD], qui fut la première à saisir les e-mails de Wiener et qui aurait averti le FBI que s’il n’y avait pas d’inculpation elle-même s’en chargerait, mettra cette menace à exécution. Mais toutes ces supputations nous renvoient sans doute, à moins d’une nouvelle surprise dans les prochaines heures, à l’après-8 novembre.)

J’ignore l’effet que la décision aura sur le vote de demain, j’ignore ce que sera le vote de demain, j’ignore s’il y aura tout de même fraude (la tradition, ça se respecte), j’ignore ce qui se passera le 9 novembre, j’ignore ce que nous réserve la rage désormais super-furieuse du personnel du FBI mais je n’ignore pas que le grand Circus USA-2016 aura duré jusqu’aux dernières heures, montrant en cela que les affres de la Grande république ne sont pas feintes du tout et qu’elles ne s’éteindront pas pour un misérable vote concernant l’élection du président.

Alors, au diable dépit et amertume ! Le diable m’en libérera parce qu’il est très présent dans ce considérable chaos et de plus fort aimable ; et l’on sait qu’une élection d’Hillary (hypothèse revigorée avec la lettre de Comey d’hier mais hypothèse only) est également une voie, peut-être la plus directe, vers le chaos sinon vers des troubles civils violents, pour une population chauffée à blanc par toutes ces péripéties et cette formidable bataille ce corruption menée à ciel ouvert. Si le bon peuple moutonnier et mobilisé contre le fascisme pressant d’il y a un siècle n’est informé de rien de ces affaires, les électeurs de Trump, eux, le sont, et ils sont de plus en plus furieux devant cette corruption du pouvoir qui leur est opposée dans ses plus impudentes manœuvres de pression sans le moindre effort pour en dissimuler ; il est vrai que le temps presse pour le Système aux abois et voyez-vous, mon bon monsieur, on fait avec.

On terminera donc, en attendant la prochaine péripétie extraordinaire, sur ma désormais traditionnelle et estimable formule, « Le Sphinx dit : “on verra”. »

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