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16 juin 2025 (18H50) – J’ai lu ce texte d’un œil inattentif ; puis ai relu des passages, ici et là, puis gouté ce qu’il me faisait ressentir, c’est-à-dire combien il se marie parfaitement à mon jugement général : l’inexistence totale, absolue, mesurée au millimètre et à la nanoseconde, de l’Europe. J’avoue en éprouver une certaine nausée, notamment lorsque je recherche des qualificatifs supplémentaires pour caractériser l’Europe. Je ne peux m’empêcher, vous le comprenez, de rapprocher cette perception (de l’Europe) de celle que j’éprouve devant l’effondrement de mon pays (la France, pour ceux qui veulent des précisions). Les deux choses se complètent.
Vous connaissez l’ivresse des profondeurs ? J’en ai fait l’expérience lorsque j’étais un adolescent, à partir du voilier que mon père avait en copropriété, lorsqu’on naviguait sur une Méditerranée éblouissante de lumière et d’apaisement, et qu’il nous arrivait de plonger en pleine mer, “au large”. Au-dessous de nous, trois mille, quatre mille mètres de profondeur. Les rayons du soleil pénétrent par réfraction, animant ce vide incroyable de sortes de danses pleines de surprises et comme enchanteresses...
Eh bien, le vertige des profondeurs chasse tout cela et devient l’ivresse des profondeurs, lorsque vous en arriver à sembler évoluer dans l’eau comme on évolue dans l’air, tentant de s’accrocher à on ne sait quoi et on ne sait pourquoi, comme invinciblement attiré par une sorte d’appel venu de monstres cachés au fond des eaux, et pourtant si assurés d’être en état d’exception comme les cosmonautes sont en état d’apesanteur... Voilà ce qu’est devenue l’Europe pour moi, à l’image de la France qui a mené cette dégringolade comme ces crétins d’Anglais, – selon ce qu’on nous rapporte, – lancèrent la Charge de la Brigade Légère avec Lord Cardogan à sa tête.
« Elle est restée dans l'histoire comme le sujet d'un poème célèbre d'Alfred Tennyson, ‘The Charge of the Light Brigade’, écrit en décembre de la même année [1854], dont les vers 13 à 15 [disent] : “Il n'y a pas à discuter / Il n'y a pas à s'interroger / Il n'y a qu'à agir et mourir” ».
Le ‘Wiki’ poursuit en écrivant que ces vers font de cette charge
« un symbole autant de la bravoure et du sacrifice que de l'absurdité de la guerre . »
Pour moi, c’est plus que jamais le symbole de l’Europe et une caricature de la France tombée déjà si bas, et le commentaire qui suit est déplacé : la bravoure et le sacrifice ne peuvent se satisfaire de l’absurdité de la guerre, alors que ce qui est en jeu, en vérité, c’est le poids insupportable du mensonge et de l’hypocrisie caractérisant le jugement et la décision finalement prise : une attaque du Rien contre le Néant qui faisait figure de caractère dans cette équipée. Il n’y eut ni bravoure, ni sacrifice, il y eut l’ivresse du Rien confronté au Néant ; le bravoure et le sacrifice, ceux qui savent n’hésitent pas à vous dire que c’est bien autre chose.
C’est à cela que, pour moi, l’Europe ressemble aujourd’hui. Elle charge, elle charge, elle charge, en faisant une espèce de sur-place auquel personne ne prend garde, et puis des gestes, des mouvements sans la moindre utilité, en faisant faire des moulinets à des sabres qui n’existent pas, en apostrophant un ennemi qui glisse comme du sable dans leurs mains... L’Europe et ses sabres de sable.
Voilà pourquoi je n’arrive même pas à croire qu’ils parviendront un jour à nous enfermer, à nous contraindre, à nous néantiser, à fabriquer un immense goulag pseudo-électronique semé d’une infinité d’aiguilles covidiennes où l’on sera convié à marcher comme des somnambules, comme des fakir de la marque Pfitzer. Criez “Europe !” aujourd’hui et l’écho ne vous répond rien, sinon un bras d’honneur où claque le drapeau du Néant..
Alors hein, voyez ce qu’en pense Andrea Muratore, en italien et en bonne traduction française, quelle que soit la langue d’usage...
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Des contributions à la désescalade ? Des négociations diplomatiques sérieuses ? Des activités effervescentes pour défendre ses intérêts ? Rien de tout cela. L’Europe s’arrête sur le conflit Iran-Israël, écrasée entre la crainte de démentir la position américaine et le réflexe conditionné de l’interventionnisme.
Il en résulte une position difficilement compréhensible : les mêmes pays qui, depuis plusieurs semaines, ont adopté des positions de plus en plus critiques contre Tel-Aviv en raison de l’escalade des bombardements sur Gaza et des privations imposées par Israël aux civils dans la Bande de Gaza, approuvent désormais, pour l'essentiel, les attaques unilatérales lancées par l’État hébreu contre l’Iran, auquel Washington accorde tacitement son blanc-seing. Ce qui est sans influence aucune sur les deux camps.
Une courte revue de déclarations aide à le comprendre. Emmanuel Macron, président français : « La France réaffirme le droit d’Israël à se défendre et à garantir sa sécurité. » Friedrich Merz, chancelier allemand : « L’objectif doit rester d’empêcher l’Iran de développer des armes nucléaires. » Des paroles similaires des porte-paroles de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. En passant, David Lammy et Antonio Tajani, ministres des Affaires étrangères du Royaume-Uni et de l’Italie, ont invité l’Iran... à la modération !
Dire que ces déclarations ne signifient rien ne signifie pas forcément défendre le régime iranien, mais plutôt montrer un principe politique clair : l’Europe est totalement inaudible, insignifiante et prévisible dans ses déclarations. Simplement elle demeure une note marginale dans le monde des relations internationales.
Il est paradoxal de voir Macron parler du droit à la défense d’Israël tout en étant promoteur de la reconnaissance par la France de la Palestine ; les appels européens à la modération et à la dénucléarisation de l’Iran restent inaudibles, tandis que des bombes tombent sur Natanz, Fordow, Ispahan et d’autres centres après qu'aucun pays européen n’a saisi l’aimant avancé par Abbas Aragchi, ministre iranien des Affaires étrangères, qui, après le début des négociations avec les États-Unis sur le nucléaire en avril, a souligné la froideur diplomatique totale du Vieux Continent, en particulier des pays du groupe E3 (Allemagne, France, Royaume-Uni), signataires du Joint Comprehensive Plan of Action (Jcpoa), l’accord de 2015 négocié par Barack Obama et Hassan Rouhani, avec l’Union européenne, la Chine, la Russie et les États-Unis.
Aragchi, diplomate réservé et certainement pas extrémiste, demandait une audience aux diplomaties européennes: « ambassadeur ne porte pas préjudice ». Elle ne lui a pas été accordée par les pays de l’E3, et il faut souligner que même l’unique État européen qui avait tenté de jouer le rôle de médiateur, l’Italie, s’est trouvée également dépourvue de toute marge de négociation.
Au moins, Giorgia Meloni a, dans une note du Palazzo Chigi, « réaffirmé le plein soutien aux négociations entre les États-Unis et l’Iran pour un accord sur le programme nucléaire iranien », mais il reste incertain que ces négociations, prévues pour demain en Oman, auront lieu comme prévu. Et la décision de Benjamin Netanyahu de tenir de nombreux pays européens, dont l’Italie, dans l’ignorance de l’imminence des raids montre la faible considération de son gouvernement pour des États amis de Tel-Aviv.
« Les gouvernements européens devraient intensifier la coordination avec l’administration Trump et les États du Conseil de coopération du Golfe pour préserver le canal diplomatique avec l’Iran, en maintenant à court terme un canal secondaire pour la résolution des conflits avec Téhéran », a déclaré à Euractiv Ellie Geranmayed du Conseil européen pour les relations étrangères (Ecfr). Une vision qui présuppose une Europe qui soit puissance de dialogue, mais qui aujourd’hui se heurte à une réalité beaucoup plus désolante, qui parle plutôt d’un Vieux Continent faible et pusillanime, dépourvu de capacité d’influence sur ses voisins, contraint à subir les événements dans chaque dossier: cela vaut pour Gaza, la crise en Libye, la mer Rouge et l'affrontement entre les États-Unis et les Houthi, cela vaut bien sûr pour la guerre en Ukraine et, apparemment, pour la guerre Iran-Israël.
Au final, peut-être que l’opinion de l’Europe est tout simplement insignifiante. Sur la scène mondiale, la position d’une Turquie, d’une Arabie Saoudite, d’une Inde et d’un Pakistan sur une crise comme celle qui s’est ouverte entre l’Iran et Israël a plus d’impact que celle de toute l’Europe, communautaire ou non. Nous sommes prévisibles, marginaux et périphériques. Et nous ne faisons rien pour inverser la tendance. Le déclin du rôle de l’Europe dans le monde en est la conséquence logique et inévitable.