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53224 mai 2025 (18H30) – J’entends encore Mercouris, outré, s’écrier, dans une de ses interventions hier, à propos d’un article de ‘Foreign Policy’, l’une des grrrandes publications de l’establishment-DeepState US sur la politique étrangère et de sécurité nationale ; j’ai oublié les termes exacts (ce fut une exclamation en passant) mais cela donnait à peu près ceci :
« Incroyable ! Écrire et publier un tel article dans une revue aussi prestigieuse, c’est incroyable ! »
J’ajoute aussitôt, même si on l’a compris, que cet article va constituer le sujet de cette page du ‘Journal dde-crisis’. L’article est de Michael Kimmage, directeur du Kennan Institute au Wilson Center de Washington. Veut-on en connaître le sens et le contenu : le titre et le sous-titre nous en disent beaucoup
« La Russie a commencé à perdre la guerre en Ukraine. – Le vent de l’affrontement pourrait s'être retourné contre Poutine. »
En découvrant que l’auteur, présenté comme un expert de première ligne diplômé d’Harvard et d’Oxford dans la publication dirige le Kennan Institute, Larry Johnson, qui a lui-même publié (aujourd’hui) un article sur l’article, n’en revient pas également. Ses premiers mots sont pour invoquer les mannes du grand ancêtre qui savait de quoi la politique étrangère, la diplomatie, la connaissance des réalités sont faites.
« George Kennan doit se retourner dans sa tombe à la lecture de l'article du 19 mai paru dans la revue Foreign Policy, écrit par Michael Klimmage, directeur du Kennan Institute au Wilson Center de Washington. Voilà l'exemple classique d'un universitaire qui a appris le russe, mais qui ne comprend absolument rien à la Russie. Klimmage est pris dans une spirale infernale de la Guerre froide et affirme que Poutine est un communiste acharné, déterminé à révolutionner le monde. »
Il est vrai que je n’ai même pas essayé de lire l’article en question, les réactions de deux de mes poissons-pilote m’ont suffi. D’autre part, il est payant, et je n’avais aucunement envie de débourser un euro déguisé en dollar pour en avoir le cœur très-net, – car chercher la netteté dans une telle poubelle peinturlurée aux couleurs arc-en-ciel n’a rien de ragoutant et se trouve dépasser mes forces précieuses comme celles d’un vieillard. Enfin, pour me dédouaner et passer pour un peu moins partisan que je semble être, j’ai tout de même lu le premier paragraphe qui est en lecture libre. Cela donne ceci :
« Le président russe Vladimir Poutine est passé maître dans l'art d'échapper à l'image de la défaite. Arrivé au pouvoir en 2000, il a incarné son autorité dans la guerre que mène la Russie contre la région séparatiste de Tchétchénie, où la Russie a fini par l'emporter. Il s'est imposé comme un leader décisif en Géorgie (guerre russo-géorgienne de 2008), en Ukraine (annexion de la Crimée en 2014 et invasion à grande échelle en 2022) et en Syrie (incursion militaire russe en 2015). Sur aucun de ces théâtres d'opérations, Poutine n'a remporté de succès durable. La Géorgie est à prendre, et la présence russe s'estompe en Syrie, mais Poutine décline toute responsabilité en cas de revers sur la scène internationale. Il joue toujours le vainqueur. »
Et là, suivant Johnson, je suis également tombé de haut. Sans discuter du fond du problème, j’ai remarqué un détail qui devrait éliminer l’expert diplômé dirigeant l’héritage de Kennan devant n’importe quel jury sérieux. Une faute de débutant, rien de moins ! Parler du conflit de Géorgie en août-septembre 2008 en citant Poutine comme « un leader décisif en Géorgie (guerre russo-géorgienne de 2008) », c’est-à-dire comme un président d’ores et déjà dictateur, c’est se ficher du monde ou plutôt, – là, je le tiens, le Kimmage, – se conduire en zig-zag comme un camé absolu, drogué au Fentanyl de simulacre et au LSD de l’antipoutinisme
En 2008, le président, cher monsieur Kimmage, c’était Medvedev. J’ai bien suivi, au jour le jour, cette guerre avec la Géorgie, et je puis témoigner que Medvedev n’a laissé son rôle à personne. Il s’est affirmé, durement, avec alacrité, comme un “leader décisif”. Qu’il lise donc, le Kimmage (traduction simultanée), notre ‘F&C’ du 13 septembre 2008, consacré à une analyse du rôle de Medvedev, décorée de diverses citations de la presse anglaise :
« Les détails ne trompent pas. Le mépris de Medvedev pour Saakachvili sonne juste. C’est celui d’un homme à l’identité (russe) assurée pour un homme (Saakachvili) qui n’en a pas, ayant préféré les atours attrayants de la corruption américaniste. Tout dans ses déclarations montre que Medvedev décide, a une attitude responsable et qu’il assume une légitimité. Que le couple Poutine-Medvedev continue à fonctionner dans ces conditions est évidemment remarquable, compte tenu du “poids” de la légitimité propre de Poutine, de son autorité, etc. Cette situation en dit long sur la maturité du pouvoir en Russie et sur la sûreté de son orientation politique. La crise raffermit tout cela. »
... Encore pourrait-on disserter sur le « La Géorgie est à prendre » de Kimmage, alors qu’elle fut perdue par les américanistes de la politiqueSystème en même temps que Saakachvili et que les mêmes firent une piètre tentative de revenez-y avec la malheureuse Salomé Zourachvili (quelle tristesse par rapport à ce qu’elle fut dans la diplomatie française dans les années 1990), présidente tentant un piètre coup d’État sur les conseils de Nuland, ratant tout et allant s’enterrer dans un think tank de Arpen, dans le Colorado. Le gouvernement géorgien, lui, soigne avec attention ses relations avec Moscou : autant pour l’expert distingué dirigeant de George Kennan Institute.
Passons tout de même à l’essentiel de notre menu. Je n’ai pas voulu dépenser un dollar déguisé en euro pour lire Kimmage mais Larry Johnson, bon prince, a suppléé à mon avarice d’humeur. Il nous donne un extrait assez conséquent de l’article, où est décrite la situation actuelle de la Russie poutinienne au bord de la déroute, de l’épuisement, du massacre de ses troupes (on nous promet un million de morts russes, et Kimmage de baver de plaisir) ; bref la déroute en hurlant de terreur et de trouille catastrophique.
Bien, l’on comprend mieux alors pourquoi je me suis refusé à m’aventurer dans cette poubelle immonde et ignoble. Tout de même, je me sacrifie et reprend les extraits donnés par Johnson, d’autant que je suis assuré qu’on trouve dans le reste de son texte (celui de Johnson) tout ce qui importe pour mettre en évidence l’impressionnant amas de mensonges, de bondieuseries globalistes, de bobards, de gausses, de hâbleries, de frimes, de fourberies, de rodomontades mythomaniaques, – et donner un grand coup de balai au karcher. Allez-y et vous apprendrez que « s’emparer de kilomètres carrés de territoire ukrainien » représente la preuve impitoyable que « cet élan est voué à l'échec », – car la victoire elle-même au bout de cette affaire couronnera de manière éclatante et décisive la preuve de la défaite enfin démontrée.
« Mais pour la Russie, l'Ukraine n'est ni la Syrie, ni la Géorgie. La Syrie était une aventure lointaine où le retrait russe pouvait être escamoté. La Géorgie est en attente, oscillant entre la Russie et l'Occident, ce qui n'est pas une catastrophe pour Moscou, tandis que l'Ukraine l'est pour Moscou. En Ukraine, l'armée russe est au point mort tandis que les morts et les victimes s'accumulent. Poutine n'a d'autre issue que d'admettre une version de la défaite. Le Kremlin peut tenter de dissimuler les souffrances de la guerre aux Russes, mais seulement dans la mesure où il peut en raconter l'histoire. Poutine ne peut effacer aussi efficacement les signes d'une économie chancelante. Il ne peut pas non plus offrir aux Russes d'autre promesse politique cohérente qu'un poutinisme sans fin. Lentement, et pas encore soudainement, la Russie commence à perdre la guerre…
» La Russie est confrontée à deux graves dilemmes militaires. L'un est sa propre incapacité à progresser. D'un point de vue technique, la Russie a le vent en poupe, puisqu'elle s'empare de kilomètres carrés de territoire ukrainien, mais cet élan est voué à l'échec. Depuis des mois, la Russie tente, en vain, de prendre la ville ukrainienne de Pokrovsk. Cet échec s'est accompagné de pertes énormes : on estime à 790 000 le nombre de morts et de blessés depuis le début de la guerre (plus 48 000 disparus), dont plus de 100 000 victimes rien que cette année. À ce rythme, la Russie aura plus d'un million de victimes d'ici fin 2025, et sa situation stratégique ne sera guère meilleure qu'en 2022. Poutine n'a aucun moyen facile d'inverser une trajectoire qui, si elle reste inchangée, mène à l'impasse. Principalement des zones de guerre, les territoires que la Russie contrôle en Ukraine ne lui apportent aucun avantage matériel.
» L'autre dilemme militaire de la Russie est l'Ukraine. Lorsque la Russie n'a pas réussi à porter le coup de grâce en 2022 et à diviser l'Ukraine en deux, Poutine a eu le choix entre une guerre réduite et une guerre contre les civils dans toute l'Ukraine. Il a opté pour la guerre contre les civils, pour éviter d'être perçu comme un retour en arrière et pour contraindre les Ukrainiens à capituler. Cette décision s'est également retournée contre lui. La brutalité de l'occupation russe, conjuguée aux innombrables attaques contre les civils et les infrastructures civiles, a convaincu la plupart des Ukrainiens qu'ils devaient se battre. L'Ukraine est plus pauvre et plus petite que la Russie, et n'est pas idéalement adaptée à une guerre d'usure, et sur le champ de bataille, l'Ukraine agit seule. Ces circonstances comptent, bien sûr, mais moins que le moral de l'Ukraine et sa formidable capacité d'innovation (comme dans la guerre des drones), qui dépend notamment du moral des Ukrainiens. »
(Notez bien que tous les faits et les chiffres sont authentiquement d'origine ukrainienne officielle et zélenkiste, par conséquent vierges de toute déformation du simulacre, lequel est ainsi restitué dans son admirable harmonie.)
Voilà, c’est fait, on a bu sa dose du fameux breuvage. Il faut comprendre que Kimmage, comme des milliers d’autres de sa catégorie, a été plongé dès son plus jeune âge de la maturité (autour de 2014) dans le bouillon du déterminisme-narrativiste qui fait l’objet d’un de nos ‘Glossaire-dde’, un peu comme Obélix tombé tout bambin dans la marmite où se formait la potion magique. Comment Johnson présente-t-il cela ? De la façon la plus simple du monde, avec à l’appui un exemple contradictoire et sympathique venu en droite ligne de l’OTAN :
« Kimmage est le symptôme d'une maladie qui infecte l'establishment de la politique étrangère de Washington. Ils sont esclaves d'un discours officiel totalement déconnecté de la réalité du terrain en Ukraine. Il est ironique que, cette semaine, au moment de la publication de l'article de Kimmage, Mark Rutte, le secrétaire général de l'OTAN, ait annoncé que la Russie produisait en trois mois la quantité de munitions que l'ensemble de l'Alliance produit en un an, qualifiant cet écart d'“inacceptable” et d’“intenable”. »
Cette simplicité d’explication n’exclut absolument pas la présence d’un cheminement complexe, qui touche tous les aspects de la psychologie d’une part, individuellement et collectivement, et d’autre part s’opère grâce à la fantastique puissance du système de la communication (dont il faut savoir qu’il se retourne souvent contre ceux qui l’utilise, mettant ainsi en évidence son caractère dit de l’‘effet Janus’, – cela est déjà arrivé et cela ne manquera pas de se reproduire).
Nous courons d’ailleurs derrière ce caractère extraordinaire de notre époque, je m’en rappelle bien, depuis la guerre du Kosovo, “première guerre virtualiste” (et non “virtuelle”, en fait première guerre entièrement fabriquée grâce au virtualisme), et depuis la première appellation de “virtualisme” que nous donnâmes au phénomène. Depuis, la chose a progressé, fait des petits, pris toute son ampleur, toute sa puissance, elle s’est maquillée, parée de modes différentes tandis que la psychologie de nos élites, de nos médias (presseSystème), de la plupart de nos concitoyens en général, s’est affaissée comme un énorme ballon crevé jusqu’à figurer dans l’espace du monde comme ce cadavre de monstre marin, objet nageant non-identifiable, échoué sur la plage, comme dernière image de ‘La Dolce Vita’, de Fellini. Oh oui, certes, le déterminisme-narrativiste s’est développé superbement au rythme vertigineux de notre déclin devenu effondrement sans fin dans le Trou Noir où les dieux jettent les choses usées qui ont trop servi, et qui ressemble à une prison sans fond dont on ne peut sortir qu’en reniant toute une vie, toute une foi, toute une dévotion.
... Tout de même, un petit extrait à nous, je ne veux pas vous en priver, venu du ‘Glossaire-dde’ du 26 février 2015, – vous voyez que ce n’est pas d’hier, – et justement enfanté dans nos esprits fiévreux par la crise ukrainienne qui avait splendidement pris son élan.
« Nous partons de la situation la plus évidente, la plus pressante et la plus déterminante comme c’est bien le cas de le dire, qui est la crise ukrainienne évidemment considérée du point de vue du Système et du bloc-BAO. C’est à cette occasion, sans aucun doute, que s’est révélé dans toute sa puissance et dans son totalitarisme ce que nous avons été amené à désigner comme le “déterminisme-narrativiste” et l’on pourrait alors considérer que la crise ukrainienne est la matrice opérationnelle du déterminisme-narrativiste dans sa fonction achevée. Dès l’origine, la situation de la crise ukrainienne a été l’objet, dans le chef du Système, d’une pression et d’une attaque sans précédents pour pulvériser toute parcelle de fait, de perception, d’appréciation, de témoignage, etc., qui pourraient faire envisager une vérité-de-situation s’écartant de la narrative. On peut dire qu’avec la crise ukrainienne, on a accompli un “saut qualitatif” qui nous a conduit dans une autre dimension au-delà de la manipulation de la réalité, de sa distorsion, de sa transformation, de sa transmutation, – tout cela accompli par le fait d’une substitution absolue. Nous ne sommes plus dans une manipulation de la réalité, une distorsion, une transformation, une transmutation, nous sommes dans un autre monde où la réalité est nécessairement autre, non pas dans un sens figuratif mais dans le sens réaliste de “faite d’une autre matière”. »
C’est là qu’on trouve monsieur Kimmage, et puis d’autres, les fameux Dalton comme on les a nommés avec le plus petit, le teigneux, l’entraîneur hyperharangueur et hypobagarreur, Joe Macron, jusqu’au plus grand, au plus dégingandé, au plus haut dans l’entraînement de la sottise, Averell Friedrich Merz ; puis les autres, généraux, professeurs, experts, super-com’, ministres divers et si nombreux, randonneurs perdus dans les couloirs du Berlaimont, entre La Hyène et La Kallas, – et parfois, cœur solitaire craignant tant de perdre ses bienfaiteurs, le sémillant et sombre Mister Z...
Tous, absolument tous, ils vivent l’exaltante odyssée du déterminisme-narrativiste dont ils ne peuvent se libérer, dont ils portent les chaînes car il est si difficile d’abandonner un monde que l’on s’est fabriqué soi-même, pour soi-même... Le reste, avec des gens dans le genre de votre serviteur, nous réchauffons, le soir au fond des bois, la dernière édition de notre ‘Samizdat’, à la russe pendant les années-Brejnev.