• Parmi les signatures régulières que nous affectionnons et auxquelles nous prêtons grande attention sur le net, il y a celle du russe Dimitri Orlov. • Il est le créateur d’une forme de pensée que l’on pourrait désigner comme une “science de circonstance”, une “science” suscitée par les circonstances même que nous traversons et que nous décrivons et désignons nous-mêmes comme la Grande Crise de l’Effondrement du Système (GCES) : la “collapsologie”, ou “science de l’effondrement”. • Nous pensons que suivre régulièrement ses écrits est d’un intérêt qui rencontre complètement l’orientation de dedefensa.org : cela peut être fait grâce à nos excellents rapports avec Le Sakerfrancophone, qui reprend systématiquement les textes d’Orlov (en général deux par semaine) et les traduit en français. • Avec l’accord du Sakerfrancophone, que nous remercions bien chaleureusement, nous allons donc reprendre les textes d’Orlov dans cette rubrique propre intitulée “Le monde d’Orlov”. • Son fonctionnement est régi par les mêmes règles que celui d’Ouverture Libre mais cette rubrique a désormais une place structurelle dans dedefensa.org. • Le premier texte, une interview d’Orlov par Le Sakerfrancophone du 15 juin 2016, à l’occasion de la sortie en français du livre d’Orlov (Les cinq stades de l’effondrement aux éditions Le retour aux Sources) sert parfaitement de présentation de cet auteur.

Éloge de l’irresponsabilité (III) : hors de contrôle

  vendredi 23 novembre 2018

a grande majorité des gens physiologiquement et psychologiquement normaux veulent être bon et faire le bien. Ils souhaitent se sentir capables d’accomplir des tâches difficiles et complexes de leur plein gré. Ils veulent avoir le sens de l’action, le sentiment que ce qu’ils font est important pour les autres. Ils veulent être reconnus et respectés pour leurs talents et leurs efforts. Ils veulent aussi pouvoir transmettre leur sagesse et leurs compétences, leur perspicacité et leur connaissance du monde aux générations futures.

En vieillissant, ils veulent pouvoir quitter ce monde avec le sentiment qu’ils ont aidé à le construire de leurs propres mains, qu’il est entre de bonnes mains et qu’il existera à jamais. Ils veulent être assurés que les traditions dont ils ont hérité et qu’ils ont transmises, ou celles qu’ils ont contribué à établir, seront respectées, honorées et transmises après leur départ.

Même si tout ce qui précède n’entraîne pas un niveau élevé de confort physique et de luxe, mais implique des épreuves et des privations, un danger personnel considérable, et même si de nombreuses vies sont ainsi abrégées, les gens peuvent rester heureux – satisfaits et épanouis – à condition qu’ils puissent contribuer librement à une cause commune. Quand ils sont privés de toutes ces choses, ils cessent d’être physiologiquement et psychologiquement normaux.

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Le crâne américain : minceur durable ou désintégration ?

  vendredi 09 novembre 2018

Un curieux et lourd déséquilibre s’est développé entre les trois grandes puissances internationales – les États-Unis, la Russie et la Chine. Au fur et à mesure que les deux dernières se renforcent et, avec leurs voisins, s’unissent pour former un ensemble eurasien cohérent et coopératif, la première, plongée dans un bourbier qu’elle a elle-même créée, devient de plus en plus désespérée et agit d’une manière économiquement et militairement provocatrice, voire carrément autodestructrice. Des sanctions aux taxes douanières en passant par les bruits de sabre, les États-Unis refusent de s’effacer discrètement. Les réponses de la Russie et de la Chine à ces provocations ont été mesurées et prudentes.

La confrontation entre les États-Unis et la Russie se limite principalement à la sphère militaire. Le commerce de la Russie avec les États-Unis est minuscule. Les États-Unis produisent très peu de produits dont la Russie a besoin et ne peuvent trouver un partenaire plus amical et plus fiable en matière d’importation. (Il y a quelques produits américains dont la Russie n’a certainement pas besoin mais qu’elle importe quand même, comme les logiciels Microsoft et les films hollywoodiens, mais c’est une autre histoire.) D’autre part, les États-Unis ont absolument besoin des moteurs de fusées russes ainsi que de plusieurs produits de base essentiels pour la technologie spatiale. C’est la raison pour laquelle les sanctions économiques américaines à l’encontre de la Russie ont été si inefficaces, voire bénéfiques à certains égards, forçant la Russie à remplacer les importations par une production nationale et à rechercher des partenaires commerciaux plus amicaux.

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Débilitant en matière nucléaire

  samedi 03 novembre 2018

Trump a récemment annoncé que les États-Unis avaient l’intention de se retirer du traité FNI(Forces Nucléaires à portée intermédiaire), l’accord de destruction de cette catégorie d’armements conclu en décembre 1987 les États-Unis et l’URSS qui a permis de limiter la folie nucléaire en rendant les attaques nucléaires surprises moins probables. Il en a fait l’annonce de façon désinvolte alors qu’il montait à bord d’un hélicoptère. C’est compréhensible. Moi aussi, j’aime faire des déclarations importantes en montant sur une bicyclette, pour y ajouter un caractère dramatique.

Bolton, le gars de la sécurité nationale de Trump, s’est rendu à Moscou pour en discuter. Là, il a rencontré divers personnages locaux – Lavrov, le ministre des Affaires étrangères ; Choïgou, le ministre de la Défense – qui lui ont montré les différentes curiosités locales – le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Défense, puis ils se sont tous promenés sur la route en brique jaune pour aller voir le magicien au Kremlin.

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Effondrement en vue pour l’oligarchie

  mercredi 31 octobre 2018

Ma taxonomie de l’effondrement, que j’ai expliquée en détail dans mon livre, Les cinq stades de l’effondrement, publié il y a près de six ans, supposait une certaine cascade canonique d’effondrement. L’effondrement financier devrait passer en premier, car la finance est fondamentalement un jeu de confiance et une fois qu’il devient clair pour une masse critique d’investisseurs que les promesses qui leur sont faites ne seront pas tenues, une organisation financière peut s’effondrer instantanément, comme cela s’est produit à plusieurs reprises, depuis la crise autour de la Folie de la Tulipedu 5 février 1637 à celle de Wall Street des 24 à 29 octobre 1929. L’effondrement commercial devrait logiquement suivre, car le crédit commercial se tarit en raison de l’effondrement financier. Vient ensuite l’effondrement politique, à mesure que les recettes fiscales diminuent en raison des pertes commerciales et de la baisse des revenus. L’effondrement social et culturel vient en dernier.

Depuis, alors que j’ai vu plusieurs effondrements se dérouler, j’ai remarqué, à mon grand désarroi, que la séquence d’effondrement canonique n’est pas toujours suivie. Oui, il y a des cas où l’effondrement financier mène toujours la danse, l’effondrement commercial le suit et l’effondrement politique vient ensuite. Mais il y a d’autres cas où l’effondrement social et culturel arrive en tête alors que le domaine financier reste intact. Il est maintenu à flot par des mesures désespérées, en jouant sur la confiance de plus en plus effrontément ou par la fraude pure et simple. Mais le commerce continue de répondre aux besoins de ceux qui ont encore de l’argent, alors même que le monde politique dégénère en une farce pas très drôle. Me suis-je trompé dans ma séquence d’effondrement ?

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Le choix fatal de Humpty-Dumpty

  mercredi 24 octobre 2018

insi va la comptine anglaise,« Humpty Dumpty s’est assis sur un mur, Humpty Dumpty a fait une lourde chute. Tous les chevaux du roi et tous les hommes du roi n’ont pas réussi à recoller Humpty. »C’est souvent présenté comme une énigme, et les enfants sont invités à deviner que Humpty était un œuf. C’est, bien sûr, la mauvaise réponse : la bonne réponse, comme tous les enfants d’aujourd’hui doivent le savoir, est que Dumpty est le dollar américain.

Mais revenons à la comptine : pourquoi tous les hommes du roi essaieraient-ils de recoller un œuf cassé, et pourquoi des chevaux seraient-ils envoyés pour aider ? En fait, Dumpty n’était pas un œuf, mais un gros canon qui est tombé accidentellement du mur d’un château pendant la guerre civileanglaise de 1642 à 1649 et s’est brisé en morceaux. Une autre comptine, Ring a ring o’ roses, parle de la Grande peste de 1665. Les comptines ne parlent pas de choses enfantines, mais de choses graves, comme les guerres civiles, les pandémies… et les effondrements de devises.

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Interview avec Collapse Chronicles

  mercredi 17 octobre 2018

J’ai récemment été contacté par Sam Mitchell, qui a une chaîne YouTube appelée Collapse Chronicles et qui interview les suspects habituels dont Jim Kunstler. Et comme ça ne me dérange pas d’aller partout où va Jim, j’ai accepté de lui donner une interview. Vous pouvez entendre la version audio ici et souffrir de la mauvaise qualité sonore, ou vous pouvez simplement lire ma distillation améliorée ci-dessous. L’interview a été interrompue parce que la connexion internet est tombée en panne.

Sam Mitchell : « Vos opinions sont-elles devenues un peu plus sombres depuis que vous avez publié Les cinq stades de l’effondrement il y a quelques années ? »

Dimitri Orlov : « Oui, absolument. Ma prémisse dans ce livre était que l’effondrement financier, commercial et politique était inévitable dans de nombreux pays du monde, en particulier aux États-Unis (ce qui ne peut être soutenu ne le sera pas), mais que l’effondrement social et culturel pouvait être évité, comme ce fut le cas en Russie après la chute de l’URSS. Mon but était donc de fournir quelques idées sur la façon de survivre à l’inévitable mais aussi de sauver ce qui peut encore l’être. Depuis lors, je me suis rendu compte que, dans ces mêmes pays fortement surdéveloppés, l’effondrement social et culturel est en grande partie déjà bien avancé mais qu’il est actuellement dissimulé par le fait que les systèmes financiers, commerciaux et politiques fonctionnent encore à un certain niveau, ou du moins prétendent fonctionner en utilisant de l’argent injecté ex nihilo, avec de graves déséquilibres commerciaux, des statistiques falsifiées, des systèmes électoraux trafiqués, etc. Mais une fois que tout cela aura été mis à jour, il deviendra soudain évident qu’il n’y a pas d’institutions sociales éprouvées ou de culture commune cohésive sur laquelle s’appuyer. La mauvaise pensée qui a conduit à l’hypertrophie qui entraîne l’effondrement a également tué la cohésion sociale et culturelle des générations précédentes. En fait, c’était sa première victime. »

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Le Reichstag prêt à brûler de nouveau

  vendredi 12 octobre 2018

Il y a exactement trois ans, j’ai publié un article qui m’avait été envoyé par monsieur “Alex S.”, d’Allemagne. Il s’est avéré remarquablement clairvoyant. Au cours des trois années qui ont suivi, les événements en Allemagne se sont déroulés tout à fait conformément à ses prédictions. Le système politique allemand s’effondre. En réponse, Merkel et ceux qui la soutiennent semblent réactiver le scénario suivi par les nationaux-socialistes après l’événement du 23 février 1933 : l’incendie au Reichstag a servi d’excuse à une répression politique de l’opposition. De même, immédiatement après les manifestations à Chemnitz, la presse allemande s’est précipitée pour qualifier les manifestants de fascistes et d’extrémistes.

Cela va à l’encontre de l’idée qu’ils pourraient être représentatifs d’un assez grand nombre d’Allemands qui ont maintenant pleinement réalisé où Merkel, avec sa décision de laisser entrer un million et demi de migrants musulmans, emmène leur pays : en enfer. Leur opinion n’est pas un secret : l’AfD (Alternative pour l’Allemagne) a récemment recueilli 17% à 18% des suffrages, devenant ainsi la deuxième force politique la plus populaire du pays. Ce parti a obtenu ce succès électoral sans rien faire et malgré un accès limité aux médias et l’opposition d’une presse implacablement hostile. Dans la panique, la coalition au pouvoir, qui détient le monopole du pouvoir depuis 14 ans, mais risque aujourd’hui d’être détrônée par l’AfD (qui n’a vu le jour qu’en 2013, en tant que parti eurosceptique à partir d’un groupe de professeurs d’économie), a sonné l’alarme : il y a une conspiration pour renverser la démocratie allemande ! Une poignée de “conspirateurs” ont été arrêtés et inculpés de pogroms contre des réfugiés syriens, en utilisant le standard de non-preuve « hautement probable » de Theresa May, et les fonctionnaires qui avaient osé contester cette histoire ont été licenciés. Ils ne peuvent même pas extrader les imams radicaux de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, avec leurs réserves d’AK-47, mais ici ils ont trouvé une conspiration révolutionnaire complète dans une tasse à thé !

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Entrevue avec Global Research

  mercredi 10 octobre 2018

« Guerre froide 2.0 : La menace russe pour la paix et la dépendance de l’Amérique à la guerre » : une interview de Dimitri Orlov par Global Research NewsHour...

Global Research: « Nous sommes rejoints par Dimitri Orlov. Il est écrivain, blogueur et analyste géopolitique russo-américain. Son travail s’est concentré sur le déclin et l’effondrement économiques, écologiques et politiques aux États-Unis, et il est également l’auteur de nombreux articles. Ses livres comprennent Réinventer l’Effondrement : L’expérience soviétique et les perspectives américainesetRétrécissement de la technosphère : Se familiariser avec les technologies qui limitent notre autonomie, notre autosuffisance et notre liberté. Il nous rejoint ici depuis Moscou. Merci beaucoup de revenir dans notre émission Dimitri. »

Dimitri Orlov : « Je suis très heureux d’être avec vous, Michael. »

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Éloge de l’irresponsabilité (II)

  mardi 09 octobre 2018

Notre tâche consiste à définir les aspects louables de l’irresponsabilité, et pour ce faire, nous devons d’abord définir l’irresponsabilité elle-même. Et là, nous découvrons immédiatement plusieurs possibilités. Il y a l’irresponsabilité par action, être irresponsable en commettant des actes irresponsables. Il y a aussi l’irresponsabilité par omission, être irresponsable en n’agissant pas de manière responsable. Et ne négligeons pas de mentionner l’irresponsabilité volontaire, qui consiste à refuser d’accepter ou de reconnaître ses responsabilités. Enfin, il y a la méta-irresponsabilité, qui consiste à considérer la question de la responsabilité d’une manière irresponsable, comme paer exemple ce jugement : “Votre discussion sur la responsabilité devient fatigante !”

Mais un tel recueil d’irresponsabilité ne donne guère de réponse à la question de savoir ce qui est digne d’éloges. Faisons donc un peu marche arrière. Tout d’abord, définissons la responsabilité. Ensuite, nous exposerons ses nombreux aspects déplorables, détestables, répréhensibles. Enfin, par une simple soustraction nous arriverons à l’irresponsabilité dans ses aspects louables et dignes d’éloges. Allons-y, jetons-nous à l’eau !

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Quand l’argent pue

  vendredi 05 octobre 2018

L’expression “pecunia non olet”(l’argent n’a pas d’odeur) aurait été pondue (sans jeu de mots) par l’empereur romain Vespasienqui régna de 69 à 79 après J.-C. Elle signifie généralement que la valeur de l’argent reste la même quelle que soit la façon dont il a été obtenu. (Eh bien, dites-le à une équipe de blanchiment d’argent !) Vespasien avait raison : la monnaie romaine était principalement utilisée sous forme de pièces d’argent qui tiraient leur valeur de leur teneur en argent plutôt que de toute autre chose.

Mais déjà à l’époque, l’argent romain commençait à puer un peu : en 64 après J.-C., l’empereur Nérona dégradé les deniers de 25% en y mélangeant du cuivre. Ce processus a suivi son cours au IIIe siècle après J.-C., alors qu’un denier typique était composé de plus de 50 % de cuivre. Puis l’empereur Caracallaa introduit une pièce de deux deniers qui pesait 1,5 fois plus – une dépréciation supplémentaire de 25%. Il ne fait aucun doute que les légionnaires romains chargés de protéger les frontières de Rome contre les barbares de plus en plus nombreux, et qui étaient payés avec cet argent de moins en moins précieux, pensaient qu’il puait vraiment, et agissaient en conséquence, comme les barbares.

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Éloge de l’irresponsabilité (I)

  vendredi 28 septembre 2018

Les voix officielles ne manquent pas pour nous exhorter à agir de manière responsable. Des efforts acharnés sont déployés pour nous faire sentir responsables des représentants gouvernementaux que nous sommes censés élire (en répondant à une question à choix multiples que nous n’avons pas le droit de poser). L’irresponsabilité financière – le surendettement à titre personnel – est vilipendée (tandis que la dette du gouvernement se prolonge vers les étoiles sans penser à un quelconque remboursement). L’éducation responsable des enfants est considérée comme une grande vertu qui nous oblige à adhérer à des normes de sécurité exagérées nous amenant, génération après génération, à élever des idiots congénitaux exagérément dorlotés.

Les autorités nous poussent à dénoncer les diverses infractions mineures de nos voisins – c’est-à-dire, espionner pour le compte du gouvernement – en ignorant le fait que la surabondance de lois fait en sorte que chaque personne commet en moyenne trois crimes par jour. Même les compagnies d’assurance se lancent dans ce jeu moralisateur, nous conditionnant à penser qu’agir de façon responsable réduira les primes d’assurance de notre assurance obligatoire – mais ne dites à personne que si votre risque est suffisamment faible, il vaut mieux vous assurer en utilisant vos propres économies plutôt que de les gaspiller pour gonfler les profits des compagnies d’assurance. Bref, être responsable, c’est ne pas trop penser, car à y regarder de près, “la responsabilité” se réduit à “faire ce qu’on dit et ne pas poser de questions”.

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Terrorisme de l’absurde

  vendredi 21 septembre 2018

Ces derniers mois, les gouvernements syrien et russe ont été accusés par les gouvernements américain et britannique de mener des attaques avec des armes chimiques et se sont retrouvés dans une situation assez difficile. Les accusations portées contre eux sont tout simplement absurdes. Il est très difficile, voire impossible, de formuler une réponse rationnelle à une accusation absurde, si ce n’est de souligner son évidente absurdité. Mais ce n’est généralement pas du tout utile parce que les acteurs politiques occidentaux contemporains qui se délectent de l’absurdité évitent le principe néoclassique de la vraisemblance et ignorent les arguments rationnels et raisonnés en les considérant comme inintéressants. C’est un choix calculé : la plupart des spectateurs s’ennuient, sont mal informés et impatients de se forger une opinion basée sur les faits et la logique mais réagissant surtout à divers types de conditionnement.

Les responsables chargés de formuler des réponses à la guerre informationnelle occidentale ont été contraints d’acquérir de nouvelles compétences inspirées du théâtre de l’absurde, car bon nombre des complots terroristes récemment allégués portent la marque du genre : « comédie grand public, souvent similaire au vaudeville, mélangée à des images horribles ou tragiques ; des personnages pris dans des situations désespérées forcés de faire des actions répétitives ou dénuées de sens ; des dialogues pleins de clichés, de jeux de mots et de non sens ; des intrigues cycliques ou absurdement en expansion ; une parodie ou un déni de réalité et le concept du jeu de scène qui va avec ». Dans le traitement des récentes allégations britanniques, une source britannique particulière de comédie absurde, le Monty Python’s Flying Circus, s’avère d’une valeur inestimable. Ici, le « sketch de l’atelier d’armes chimiques » et le « sketch de l’agent spécial mortel » sont les plus appropriés. Une éducation rapide à la théorie de l’absurde s’avère très utile pour concevoir des contre-attaques.

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L’information inutile est inutile

  mardi 18 septembre 2018

Au cours de la dernière semaine, j’ai essayé de faire de mon mieux pour éviter à mes lecteurs de se retrouver dans une triste situation : celle de penser qu’ils savent ce qu’ils ne savent certainement pas, ou de penser qu’ils savent que quelque chose est vrai alors qu’ils ne le savent très certainement pas. Eh bien, je ne suis pas satisfait des résultats : les gens continuent de m’écrire pour me dire qu’ils savent très certainement ceci ou cela, et comment diable pourrais-je penser qu’ils ne le savent pas ? Vous voyez, ils l’ont lu sur Internet, ils ont regardé plusieurs vidéos Youtube sur le sujet, ils en ont discuté avec plusieurs personnes inconnues ou presque sur les médias sociaux. Sur la base de toutes ces recherches, ils se sont forgés une opinion, et cette opinion est, selon eux, la vérité.

Le mot “vérité” a beaucoup d’attrait émotionnel : nous n’avons pas envie d’être traités de menteurs, d’être perçus comme des menteurs, d’être mal guidés et induits en erreur ou de nous sentir ignorants. Nous voulons être curieux et inquisiteurs. Les esprits curieux veulent savoir ! En fait, c’est juste une pose. Nous voulons avoir beaucoup d’histoires intéressantes et originales à raconter avec lesquelles nous pouvons nous divertir les uns les autres. Ces histoires peuvent être drôles ou touchantes, ou elles peuvent être utilisées pour nous faire paraître courageux, déterminés ou érudits et générer un sentiment de gravité : de grandes choses se préparent, rien n’est vraiment comme il paraît, et nous sommes parmi les quelques-uns qui sont au courant.

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Formidable Grande-Bretagne !

  vendredi 14 septembre 2018

Les Britanniques viennent de fournir à mon article précédent, « Ceux qui disent la vérité et ceux qui la faussent », une petite étude de cas très soignée : le lendemain même où je l’ai publié, le gouvernement de Theresa May a endossé son rôle en tant que l’un des premiers Faussaires du monde et a publié l’épisode suivant des fausses nouvelles sur l’empoisonnement des Skripal. Nous pouvons l’utiliser comme matériel de formation pour apprendre à repérer et à rejeter les contrefaçons.

La fausse histoire que May raconte, c’est qu’il est “fort probable” que le Kremlin ait ordonné de tuer l’ancien espion britannique Sergueï Skripal (et sa fille) avec une arme chimique “de fabrication russe” appelée Novitchok. “En même temps”, d’après ce que nous savions déjà il est fort probable que cette histoire soit un faux complet et flagrant. Comme je l’ai expliqué dans l’article précédent, ce n’est pas à nous d’établir ce qui s’est réellement passé. Nous serions incapables de le faire avec un certain degré de certitude sans avoir accès aux secrets d’État. Mais nous n’en avons pas besoin ; tout ce que nous avons à faire, c’est d’établir avec un degré raisonnable de certitude que l’histoire du gouvernement britannique est une fabrication stupide, concoctée de façon incompétente. Cela nous permettra ensuite d’apprécier correctement la presse britannique, qui répète ces absurdités comme des faits, et le public britannique, qui les accepte sans conteste à leur juste valeur. Alors, nous pourrons abandonner l’appellation erronée de “Grande” – parce que les grandes nations n’agissent pas de façon aussi stupide.

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Ceux qui disent la vérité et ceux qui la faussent

  mercredi 12 septembre 2018

Peut-on dire que la vérité existe ? La plupart d’entre nous aiment certainement à penser que oui et, de plus, que nous en savons quelque chose. Nous avons tendance à donner la priorité au savoir plutôt qu’à l’ignorance, et à ignorer l’idée qu’une partie de ce que nous considérons comme étant du savoir peut être fausse plutôt que vraie. Cela semble justifié : comparé à la fausse connaissance, il est certainement vrai que l’ignorance est une béatitude. Mais il y a peu de possibilités d’évasion qui s’offrent à nous lorsque nous sommes confrontés à l’idée que l’essentiel de ce que nous tenons pour certain “ne l’est tout simplement pas”.

La voie d’évasion la plus commune, et aussi la moins valable, est de se livrer à un peu de sophisme ad hominemen prétendant que la mise en cause de vos certitudes chéries est une démarche mauvaise parce qu’elle vient d’une catégorie de personnes mauvaises. Par exemple, de nos jours, il ne faut pas grand-chose pour que, vous en prenant à certaines personnes, celles-ci vous qualifient de “fasciste, raciste, homophobe et misogyne”. Il n’en faut pas non plus beaucoup pour que d’autres personnes vous qualifient de “gaucho stupide”. Et ces deux groupes ne seraient que trop heureux de vous déclarer “troll de Poutine” au moment où vous pourriez essayer de dire quelque chose de vaguement positif au sujet de la Russie.

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Un sénateur déguisé en station-service

  mercredi 05 septembre 2018

John McCain est mort, et beaucoup de gens font la fête alors qu’ils devraient être tristes. Il n’était pas un ami de l’humanité, il en était l’ennemi, mais il était aussi très mauvais. Et avec des ennemis aussi grossièrement incompétents, qui a besoin d’amis ?

McCain a fait beaucoup pour détruire l’Amérique. Il a consacré sa vie entière à la destruction de son pays. Pour commencer, il a été très efficace en tant que manifestant contre la guerre génocidaire de l’Amérique contre le peuple vietnamien. D’autres Américains ont marché inefficacement, brandissant des banderoles et criant des slogans anti-guerre, mais pas McCain ! Son propre père avait beaucoup à voir avec le début de cette guerre, mais McCain s’est rattrapé en détruisant 26 avions de guerre américains. C’est quelque chose ! Si tous les aviateurs américains avaient fait s’écraser autant d’avions, d’innombrables vies innocentes auraient été sauvées.

Bien sûr, il aurait pu faire encore mieux, et il a essayé. Il a presque réussi à détruire le porte-avions américain Forrestal en l’incendiant. Pour couronner son illustre carrière militaire, il s’est rendu à l’ennemi et a passé cinq ans dans une prison vietnamienne. Cela a fait de lui un héros aux yeux des Américains seulement, tandis que le reste du monde voyait en lui un meurtrier d’enfants vietnamiens.

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La pensée magique comme Realpolitik

  samedi 01 septembre 2018

On ne peut nier que beaucoup de ce qui fait de nous des humains est notre irrationalité. Retirez-la et nous devenons des sacs de produits chimiques régis par des impulsions électriques et des hormones. Une partie de notre irrationalité est simplement aléatoire ou carrément stupide, mais une grande partie est organisée autour de schémas spécifiques de pensée magique qui défie la réalité.

Nous avons appris, au fil du temps, à maîtriser notre propension à la pensée magique dans certains domaines, mais nous ne pourrons jamais l’éliminer complètement. Même dans des domaines technologiques tels que l’énergie nucléaire, nous pensons comme par magie qu’il est possible de concevoir un ensemble de procédures d’opération telles que rien de sérieux ne se produira jamais, le tout donnant des catastrophes tels que Tchernobyl et Fukushima.

Dans de tels domaines basés sur la science, la magie dans notre pensée provient en grande partie de l’erreur de penser que ce qui peut être capturé sur le papier ne peut jamais servir de représentation complète et précise de la réalité physique en dehors de conditions soigneusement contrôlées. Dans de telles conditions, nous pouvons contrôler le caractère aléatoire en utilisant la loi des grands nombres, nous donnant des circuits de transistors dans lesquels des distributions aléatoires d’électrons créées par tunnel quantique nous permettent de construire des dispositifs informatiques parfaitement déterministes produisant des résultats uniformes pour le même ensemble d’entrées, à chaque fois. Cette capacité parfaitement rationnelle nous permet de constituer une économie totalement numérique.

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L’empire suicidaire

  mercredi 29 août 2018

Il y a beaucoup de comportements exposés par des personnes aux postes de responsabilité aux États-Unis qui semblent disparates et bizarres. Nous voyons Trump imposer des sanctions pays après pays, rêvant d’éradiquer le déficit commercial structurel de son pays avec le reste du monde. Nous observons à peu près tous les jours le Congrès américain se surpasser pour tenter d’imposer les sanctions les plus sévères à la Russie. Les habitants de la Turquie, pays-clef de l’OTAN, brûlent littéralement des dollars américains et brisent leurs iPhones en pleine crise. Confrontés à une nouvelle série de systèmes d’armements russes et chinois qui neutralisent largement leur capacité à dominer le monde militairement, les États-Unis établissent de nouveaux records en ce qui concerne leurs dépenses de défense manifestement excessivement lourdes et inefficaces.

Pour servir de toile de fond à cette frénésie du complexe militaro-industriel, les talibans progressent régulièrement en Afghanistan, contrôlant désormais la moitié du territoire et s’apprêtant à “réduire à néant” les efforts occidentaux dans cette guerre, comme une répétition du Vietnam, la plus longue guerre américaine. Une liste de plus en plus longue de pays devrait ignorer ou compenser les sanctions américaines, en particulier les sanctions contre les exportations de pétrole iranien. Moment-clef, le ministre des Finances de la Russie a récemment déclaré le dollar américain “peu fiable”. Pendant ce temps, la dette américaine continue de grimper, son plus gros acheteur étant déclaré comme un “Autre” mystérieux, voire totalement inexistant.

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Quand la vérité devient l’ennemi

  vendredi 24 août 2018

Récemment, des gens du monde entier, en particulier en Russie, ont été surpris de découvrir que les Américains semblaient avoir perdu la tête. Depuis plus d’un an, depuis les dernières élections présidentielles, ils se sont montrés hystériques face à une horrible ingérence russe. Au début, cela devait être un effort pour influencer le résultat des élections.

Après qu’une enquête interminable n’ait produit aucune preuve, l’accusation a été reformulée de manière plus vague : comme une ingérence dans le processus démocratique américain. Ils ne peuvent pas expliquer ce que cela signifie, mais ça semble sérieux ! Et puis comme ils ne peuvent pas non plus étayer la moindre de ces revendications, il est temps de reformater l’accusation, affirmant cette fois que “les Russes” (le terme désormais utilisé comme une sorte d’épithète raciste) exploitent les médias sociaux pour inciter à la violence ou à l’agitation aux États-Unis. Ils ne peuvent pas être sérieux ! Ou alors si ?

Ce que les Américains traversent est difficile mais pas impossible à comprendre. Il n’est pas facile de faire des compliments à ceux qui se comportent si ridiculement, mais essayons. Pour ce faire, nous devons parcourir le chemin de la mémoire et rappeler l’effondrement de l’URSS, l’autre superpuissance du XXe siècle. Jusqu’en 1980 environ, les citoyens de l’URSS se préoccupaient surtout de leur propre opinion pour ce qui se passait dans leur pays et dans le monde et n’étaient pas particulièrement intéressés par les opinions des autres. La plupart des gens estimaient sincèrement que l’URSS était le meilleur pays du monde et que leur mode de vie était le plus progressiste. Bien sûr, il y avait des problèmes, mais c’est le cas partout et à tout moment.

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Censure d’Alex Jones

  mardi 21 août 2018

Il s’est passé récemment quelque chose qui m’a donné l’impression d’être une espèce en voie de disparition. Un ensemble de sociétés Internet transnationales, y compris Google, Facebook, Apple et plusieurs autres, ont toutes supprimé, de manière synchrone, les contenus appartenant à infowars.com, le site web qui est géré par Alex Jones. Une telle synchronicité est un signe certain de conspiration – un sujet sur lequel Alex Jones surfe beaucoup.

Une fois, j’ai participé à une émission de radio dirigée par Alex Jones, et il a réussi à résumer ce que j’avais dit : « les États-Unis vont s’effondrer comme l’URSS », ce qui était plutôt pas mal, vu que nous avons mal réussi à nous comprendre, ayant si peu de choses en commun. C’est un conservateur et un libertarien alors que je pense que les conservateurs n’existent pas aux États-Unis. Dernièrement, qu’ont-ils « conservé »d’autre que le droit de porter des armes légères ? En ce qui concerne le libertarianisme, je considère le véritable libertarianisme historique comme une souche du socialisme alors que sa cooptation américaine est tout simplement drôle : ceux-ci ne restent libertariens que jusqu’à ce qu’ils aient besoin des services d’une ambulance ou d’un camion de pompiers, à partir de là ils deviennent socialistes. De plus, les libertariens américains comme Ayn Rand, sont pour moi, implacablement, de mauvais écrivains, pleins de pensées erronées. Cependant, je la trouve utile comme test décisif pour les esprits médiocres.

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