• La série des “Carnets” abrite, dans dedefensa.org, les écrits de commentaires personnels d’invités du site. • Sur ce qu'on nomme “les réseaux” ou “la toile”, il s'agit de ce qu'on désignerait en général comme un blog. • Les “Carnets”, ce sont donc les blogs des invités de dedefensa.org dont nous jugeons, en plein accord avec eux et à l'avantage et à la satisfaction de chacune des parties, qu'ils peuvent devenir des collaborateurs réguliers du site. • Il n'y a pas de limites aux sujets abordés et pas de sujets précisément assignés à ces collaborateurs : les seules exigences concernent la forme et la décence du propos, la responsabilité dans le développement du propos. • Sur le point très important du fond des textes, nous disons que dedefensa.org donne comme règle de ces “Carnets” une orientation générale des domaines abordés trouvant ses aises dans celle dont le site fait à la fois l'usage et la promotion. • Pour autant, il y a une règle impérative qui domine toutes les autres. • Il n’est pas assuré que tous les propos des invités soient dans le sens de ce qu’écrit et pense dedefensa.org, et il ne peut en aucun cas y avoir assimilation, de ce qu’écrivent nos invités avec la signature du site : l’invité est seul responsable intellectuellement de ses propos. • Il s'ensuit, cela va de soi et selon la formule consacrée, que les propos dont nous parlons n’engagent en rien et en aucune façon dedefensa.org, essentiellement bien sûr dans ce domaine intellectuel et de l'opinion. • Ces éventuelles différences et divergences ne seraient pas nécessairement signalées mais elles le seraient en cas de publicité dans ce sens ou de toute autre nécessité, avec conséquences ou pas c'est selon. • Le site décide, espérons-le en bon accord avec ses invités, des conditions diverses et de l’application des règles énoncées ci-dessus de publication de leurs écrits. (Précision technique enfin valant pour toutes nos collaborations extérieures, qui est un classique de la collaboration extérieure à un média : titres et intertitres sont de la seule responsabilité de la rédaction. Les auteurs proposent titres et inter-titres et la rédaction se réserve de les modifier dans leur formulation, bien entendu sans en déformer le sens.)
• Les Carnets de Nicolas Bonnal sont tenus par l'écrivain, essayiste et commentateur dont on peut trouver une présentation dans le Journal-dde.crisis de Philippe Grasset, le 2 octobre 2016. • Les livres de Nicolas Bonnal sont disponibles sur sa page Kindle/Amazon à l'adresse URL suivante:
Les gilets jaunes calmés, Marrakech signé, Macron réélu ou sa successeuse déjà choisie par Attali-Rothschild-BHL, il faut faire le point. Relisons Karl Marx et son dix-huit Brumaire :
« Chaque intérêt commun fut immédiatement détaché de la société, opposé à elle à titre d’intérêt supérieur, général, enlevé à l’initiative des membres de la société, transformé en objet de l’activité gouvernementale, depuis le pont, la maison d’école et la propriété communale du plus petit hameau jusqu’aux chemins de fer, aux biens nationaux et aux universités. La république parlementaire, enfin, se vit contrainte, dans sa lutte contre la révolution, de renforcer par ses mesures de répression les moyens d’action et la centralisation du pouvoir gouvernemental. Toutes les révolutions politiques n’ont fait que perfectionner cette machine, au lieu de la briser. Les partis qui luttèrent à tour de rôle pour le pouvoir considérèrent la conquête de cet immense édifice d’État comme la principale proie du vainqueur. »
On nous casse tout le temps les pieds avec le néo-libéralisme. En réalité ce sont les libertariens qui ont raison et on est plutôt victimes de l’ultra-socialisme et de l’ultra-parasitisme, en ces temps de fin médiocre, digne de la Rome de Juvénal. Nos dettes et nos prélèvements de 48% montrent que l’on est tout sauf libéraux. On est dans le sozial et le tartufe prolétaire qui gavait Céline, et dans rien d’autre. Sauf que certains, les Macron, les défiscalisés et les hauts fonctionnaires, en profitent mieux que d’autres. Mais ce n’est pas nouveau.
(Suite)
Restons dans le panégyrique du génie populaire. Pagnol alors.
On commence par un rappel de Fustel de Coulanges, car c’est le seul moyen de comprendre la Femme du boulanger par-delà la célébration de notre cinéma de papa, des dialogues avec accent ou de l’extraordinaire Raimu, acteur préféré d’Orson Welles :
« La maison d’un Grec ou d’un Romain renfermait un autel ; sur cet autel il devait y avoir toujours un peu de cendre et des charbons allumés.
C’était une obligation sacrée pour le maître de chaque maison d’entretenir le feu jour et nuit. Malheur à la maison où il venait à s’éteindre ! Chaque soir, on couvrait les charbons de cendre pour les empêcher de se consumer entièrement ; au réveil, le premier soin était de raviver ce feu et de l’alimenter avec quelques branchages. Le feu ne cessait de briller sur l’autel que lorsque la famille avait péri tout entière ; foyer éteint, famille éteinte, étaient des expressions synonymes chez les anciens… »
(Suite)
J’avais comparé Macron au prince-président Louis-Napoléon, lui aussi mis là pour rassurer les bourgeois, marchés, et journalistes. Certes avant la sotte idiotie de Sedan il avait plus fait de bien à son pays que le macaron. Mais n’est pas Bonaparte qui veut.
Et puis je suis tombé sur le fameux livre d’Hugo Napoléon Le petit. Il est formidable. Je vous laisse lire : il y a un chapitre qui s’appelle « On se réveillera ». On lit le père de la nation qui s’adresse à ce peuple souverain et batailleur qui hante la tempête et se rit du marché (dirait Baudelaire).
(Suite)
On prend les mêmes – les grands bourgeois diplômés et le peuple des sans-grades - et on recommence, sauf que le système est chaque fois plus isolé dans chaque pays et son opposition, nourrie par la disparition de la classe moyenne et la putréfaction de l’argumentaire en face, renforcée.
On va citer le grand sociologue sans trop le commenter ; lui-même s’était mis la portée d’un auditoire moins cultivé que les élites qui l’exterminent et le remplacent, mais certainement plus sensible au sujet du jour : la rébellion contre la barbarie branchée et nihiliste des élites mondialisées, comme disait l’autre.
(Suite)
Le 12 décembre 1995, Pierre Bourdieu s’adressait aux cheminots grévistes, à la gare de Lyon. Il soutenait les grévistes et apportait, à sa façon, des éléments d’éclairage. Il reste aujourd’hui tout aussi éclairant.
(Suite)
Reprenons ce thème du génie populaire, génie passif que la Tradition a pu informer depuis longtemps. Comme on l’a vu Guénon, méprise l’actuelle « élite » qu’il ramène justement à la classe moyenne, au bourgeois de Taine ou de Balzac. C’est une classe artificiellement créée par les échanges commerciaux devenus omnipotents (« l’économie devenue folle » de Guy Debord devenu sur la fin gauchiste transgressif – comme Mélenchon !) et par la progression/centralisation du pouvoir étatique que j’avais étudié dans mon livre sur l’exception française (le Coq hérétique publié en 1997 aux Belles Lettres).
On rappellera cette belle phrase du pauvre Francis Fukuyama toujours cité, souvent insulté, mais rarement lu. Je le cite en anglais, quand il parle de la liquidation de la caste aristocratique compromise par son thumos, son culte du courage et de l’honneur :
« Hobbes and Locke, the founders of modern liberalism, sought to eradicate thymos from political life altogether, and to replace it with a combination of desire and reason... The bourgeois was an entirely deliberate creation of early modern thought, an effort at social engineering that sought to create social peace by changing human nature itself. »
Le bourgeois c’est l’altération de la nature humaine. C’est aussi simple et dur à admettre que cela. Et le bourgeois européen énarque est une calamité eschatologique. Il détrôna le roi et liquida le peuple à qui la révolution fut vite confisquée (voyez Etienne Chouard qui est très bon à ce sujet).
(Suite)
Il est facile me disait un lecteur de taper sur Bergoglio. Or Bergoglio caricature une situation compromise depuis longtemps (Bayle, Swift, Montesquieu). Et Bernanos remarque déjà dans sa Grande peur que l’homme nouveau et le chrétien nouveau sont déjà là dans les années trente, que Bloy dénonçait déjà cinquante années avant :
« Grâce à eux, le temps n’est pas loin, s’il n’est déjà venu, où rien ne distinguera plus le premier-né de l’ordre chrétien, celui que l’Église a bercé tant de siècles au creux de son giron, du mauvais riche et du voluptueux. Une police attentive l’aura ramassé sur la voie publique, avec les débris des poubelles et les chiens errants, lavé, rincé, passé au phénol, habillé d’un complet de toile sorti tout chaud de l’étuve. »
Regardez déjà ce qu’en dit Bernanos de cette métamorphose du pauvre à la sauce moderniste :
« Après quoi on ne lui demandera que d’entretenir, au cœur de la Cité moderne et à un point convenable de tension, cette vertu de l’Envie, indispensable au Progrès, et qui semble tenir dans notre civilisation la place réservée jadis à la vertu de Charité. Sous cette nouvelle forme, j’avoue que le Pauvre sera devenu tout à fait méconnaissable : il s’appellera le chômeur, viendra manger deux fois par jour dans la main de l’État, son maître, recevra de lui chaque semaine son bon de cinéma et d’amour, mi-réfractaire et mi-policier, entrepreneur de grèves ou d’émeutes, mercenaire au service des puissances rivales de l’Industrie ou de la Banque. Lorsque l’animal, en dépit d’une hygiène sévère, se sera dangereusement multiplié, les nobles démocraties se hâteront de lui reprendre son complet de toile, retireront de l’étuve un uniforme, et habilleront le chômeur en militaire, pour une nouvelle guerre de la Justice et du Droit. »
(Suite)
Le mouvement des gilets jaunes nous permet de redécouvrir modestement les forces vives de la nation dont avait parlé un jour Pie XII ; il a très utilement été insulté par BHL et va constituer un pont entre les forces de gauche et de droite.
On lui reproche d’être populiste et de n’avoir pas su se joindre au train des hérauts de la modernité. Ce qui m’amuse c’est que les avant-gardes et autres minorités ne sont guère une élite, bien plutôt cet amalgame de journaliers pressés et torturés qui passent leur vie dans les bureaux et les aéroports, et se revêtent des oripeaux de la pensée humanitaire. Les classes moyennes c’est le dernier homme de Nietzsche qui dit avoir inventé le bonheur mais se bourre de médicaments pour dormir. Concentrée dans des grosses villes de plus en plus sales, cette post-humanité n’est pas tellurique mais numérique.
On va citer Guénon qui sentait venir cette nouvelle humanité de classes moyennes et de médiocrités, classe moyenne mondiale et uniforme (elle est caricaturale en Chine par exemple), sans aucun génie vernaculaire. Vous pouvez le lire ici : Le masque populaire, chapitre XXVIII d’Initiation et réalisation spirituelle.
Guénon donc, incarnation de notre déchue élite sacerdotale (au sens de Dumézil presque) qui écrit ceci du peuple :
(Suite)
Dans la pensée allemande moderne, on note une belle réflexion nostalgique sur un passé grec alcyonien ou bien une vision pessimiste par rapport au progrès. Au début du vingtième siècle, le poète philosophe Rilke évoque dans son admirable huitième élégie cet animal qui voit dans l’ouvert à plein regard, ce que ne peut plus faire l’homme (il n’a pas vu les chiens d’aujourd’hui Rilke), homme qui se tient devant et ne peut plus faire partie du monde. Tout cela est lié à l’involution anthropologique et spirituelle, conséquence de l’avènement d’une société hyper-technique dont l’Allemagne, de Bismarck à Merkel via l’autre, fut et reste la caricature (Metropolis…). On a vu que Goethe, Schiller et Kleist pressentent ce désastre pendant les années napoléoniennes.
Le dernier héritier de cette belle, parfois sulfureuse, école de pensée est bien sûr Heidegger. Avant de lui donner la parole (il ne jargonne pas toujours !), on rappelle l’interview de Lucien Cerise sur le devenir-machin de l’homme postmoderne :
« Si l’on poursuit la réflexion de Foucault ou Agamben, on arrive au brevetage du vivant, c’est-à-dire à sa privatisation, aux Organismes Génétiquement Modifiés, à l’eugénisme et au transhumanisme. Malheureusement, tout cela est d’actualité. En effet, il existe des volontés affirmées au sein d’organisations supranationales sans légitimité comme l’Union européenne ou l’Organisation Mondiale de la Santé d’en finir avec la biodiversité au moyen de textes à prétentions légales tels que le Catalogue des semences autorisées, le Certificat d’obtention végétale ou le Codex Alimentarius. Toutes ces prospectives sont résumées par le concept de Gestell, formulé par Heidegger, que l’on pourrait traduire par le « disposé ». Ou encore, au prix d’un néologisme, « l’ingénieré ». C’est vraiment l’esprit de l’époque, la société liquide, rien ne doit être « en dur » et rien ne doit durer, il faut pouvoir tout réécrire, tout modifier, tout recomposer à chaque instant car tout doit être mis à disposition, tous les aspects de la vie, y compris les plus intimes, en l’occurrence le code génétique des êtres vivants, de tous les êtres vivants, de la plante à l’humain. »
(Suite)
Deux universitaires américains – dont un belge… - ont voulu « tancer avec les loups » et vilipender les théoriciens de la conspiration, ces mécontents de la démocratie non libérale qui s’est mise en place avec le siècle – 11 septembre puis crise de 2007-2008. Fatigués de porter des misères hautaines et d’ubuesques explications, ces mécontents mécontentent les gouvernements privatisés et globalisés, qui tentent de couler un par un les partis populistes contestataires.
Ecoutons donc MM. Sunstein et Vermeule. Ils commencent par l’habituelle figure d’accumulation destinée à déconsidérer les théories de la conspiration :
“Consider, for example, the view that the Central Intelligence Agency was responsible for the assassination of President John F. Kennedy; that doctors deliberately manufactured the AIDS virus; that the 1996 crash of TWA flight 800 was caused by a U.S. military missile; that the theory of global warming is a deliberate fraud; that the Trilateral Commission is responsible for important movements of the international economy; that Martin Luther King, Jr., was killed by federal agents; that the plane crash that killed Democrat Paul Wellstone was engineered by Republican politicians; that the moon landing was staged and never actually occurred.”
(Suite)
Oublions les embarras de la géopolitique et demandons-nous à quelle sauce l’élite globale et milliardaire, technophile et transhumaniste va nous reprogrammer. BRICS et occidentaux tous dans le même sac ! L’Inde a interdit le cash ou presque, la Chine contrôle sa population par le portable, le suédois se fait scanner pour aller au théâtre… La race humaine est fatiguée, me disait Jean Parvulesco peu avant sa mort, et elle désire se faire remplacer non pas démographiquement mais anthropologiquement, et euphoriquement.
Relisons la fameuse et merveilleuse interview de Lucien Cerise :
« À vrai dire, une conscience numérique ne serait qu'une forme simulée de vie puisqu'elle serait dépourvue d'épiderme (ou alors un épiderme simulé, donc faux). En effet, le programmateur possède un droit de regard total sur son programme, il peut le rectifier comme il veut et réduire totalement l'incertitude de son fonctionnement. Le programmateur est en position « divine ». Il ne peut donc pas y avoir de vie numérique puisque le minimum requis, l'incertitude réelle liée à l'épiderme réel, n'est pas présent. Par définition, l'incertitude véritable n'est ni modélisable, ni programmable. Par contre, il peut y avoir extermination du biologique au bénéfice d'une forme de « vie simulée » dans le numérique. Réalisation du « crime parfait », l'extermination de l'incertitude liée au vrai réel (ici, la matière vivante), au bénéfice d'une simulation du réel parfaitement traçable et contrôlée.
(Suite)
Philosophe juif et sioniste hérétique (il acceptait l’Ouganda…), Max Nordau appartient à toute cette génération de penseurs juifs politiquement incorrects qui défièrent à Vienne le monde moderne dans le sillon de Nietzsche, et auxquels j’ai rendu hommage dans mon livre sur Kubrick. Schnitzler, le jeune Weininger, l’extraordinaire et éternellement méconnu Karl Kraus et même Freud dans son genre furent, entre beaucoup d’autres, ces êtres qui foraient, sapaient et minaient le monde moderne qui s’était construit depuis beaucoup plus longtemps que ne le pensaient les chrétiens peu éclairés et les traditionalistes de l’époque. Un rappel : Jonathan Swift se demandait déjà par quoi on remplacerait le christianisme au début du dix-huitième siècle. Eh bien on le remplaça par quelque chose qui prit son nom mais qui n’était plus du christianisme (voyez Feuerbach à ce propos). On passait du croisé, du bâtisseur de cathédrale au bourgeois victorien, au possédant trouillard, au pèlerin ferroviaire, au touriste religieux…
Nordau dénonce donc la culture moderne du dix-neuvième, culture de philistin comme dirait Nietzsche. Les symbolistes, y passent, les parnassiens, les Tolstoï, les préraphaélites. Nordau voit aussi le mauvais usage que l’on fait de Wagner… et de Nietzsche ! Pour lui la culture moderne est une pathologie. Comme nous sommes d’accord ! Et cette pathologie tourne en rond comme la modernité depuis des siècles (plus elle prétend progresser, plus elle patauge et tourne en rond mécaniquement, comme ces épisodes de la quête du Graal où l’on voit des chevaliers pris dans des rondes).
Un génie visionnaire apparait en Allemagne au moment de la révolution française et de la bizarre épopée napoléonienne ; il y a tous les poètes, tous les philosophes et toutes ces visions des grecs et du déclin occidental : pensez à Hölderlin, Hegel, Novalis, à Humboldt (devant Chateaubriand il parle à sa fille en grec ancien et en grec moderne…), à une dizaine d’autres. Après Nietzsche et Heidegger seront bien seuls, sinon en tant que philosophes du moins en tant qu’allemands. La grandeur allemande fut d’avoir perçu avant les héritiers aristocratiques Français (Tocqueville, Chateaubriand, Musset même) la chute de notre civilisation devenue trop technique et administrée : il lui aurait fallu retomber à l’état naturel ou remanger de l’arbre de connaissance (wieder von dem Baum der Erkenntniß essen), comme dit Kleist dans son texte sublime sur le théâtre des marionnettes qui annonce notre bouffon et parodique transhumanisme. L’immense Hölderlin pleure lui les dieux qui sont peut-être passés dans un autre monde.
J’ai évoqué il y a peu les textes où Goethe, surtout dans ses entretiens avec Eckermann, évoque le déclin de la force vitale chez nos hommes occidentaux devenus modernes. Je rappelle deux brefs extraits pour rafraîchir la mémoire à mes lecteurs les plus attentifs.
Le premier sur les unités administratives et économiques :
« …si l'on croit que l'unité de l'Allemagne consiste à en faire un seul énorme empire avec une seule grande capitale, si l'on pense que l'existence de cette grande capitale contribue au bien-être de la masse du peuple et au développement des grands talents, on est dans l'erreur. »
(Suite)
Les extraits que vous allez lire sont de Tacite (Agricola, XXX-XXXII). Ils exposent le message national, rebelle et anti-impérial du chef de la résistance bretonne à l’envahisseur romain qui l’attaque avec son armée mondialisée, ses mœurs sexuelles dépravées et ses impôts incroyables et son esclavage assorti. Ils sont d’une actualité brûlante et valent tous les écrits de résistance postérieurs. Lisez-les bien par conséquent :
« Parmi les chefs, Calgacus se distinguait par sa bravoure et son lignage. Devant la foule qui s’agglutinait et réclamait le combat, il prit la parole.
Voici les propos qu’on lui prête :
XXX. 1. « Chaque fois que je pense à nos raisons de faire le guerre et à l’état d’urgence où nous sommes réduits, j’ai vraiment l’espoir que cette journée, qui scelle aujourd’hui notre entente, marquera pour toute la Bretagne le début de sa liberté. Car c’est tous ensemble que vous êtes ici réunis, vous qui n’avez jamais connu l’esclavage. Au-delà de notre terre, il n’y a plus rien. La mer ne nous protège même plus : la flotte romaine nous y attend. 2. Alors, prendre les armes pour combattre – un honneur que revendiquent les braves – c’est le choix le plus sûr, même pour les pleutres ! 3. Ceux qui autrefois, avec des fortunes diverses, ont combattu les Romains, voyaient dans notre force armée l’espoir d’être secourus. Pourquoi ? »
(Suite)
Dans un livre célèbre, et recensé en son temps par René Guénon (il lui reprocha de confondre clerc et intellectuel), la Trahison des clercs, l’intellectuel juif peu orthodoxe Julien Benda tordait le cou justement à l’intelligentsia moderniste. La lèpre nationaliste, pour reprendre l’expression de Stefan Zweig dans son émouvant Monde d’hier, devait en effet emporter la vieille Europe libérale-élitiste d’Ortega et son cadre traditionnel d’avant quatorze (comme disait Bernanos on traversait l’Europe avec une carte de visite). Conditionné depuis Napoléon par un siècle de programmation et de bourrage de crâne social-chauvin, l’européen acceptera la boucherie héroïquedont se moque déjà Voltaire dans Candide. Mais on le reprogrammera après la guerre : internationaliste socialiste, antiraciste industriel, sociétal-féministe, ce qu’on voudra, car l’européen moderne est cette bête assoupie jamais lassée de se faire conditionner.
Benda parle du bloc de hainedont font partie alors nationalisme, antisémitisme mais aussi socialisme et anticléricalisme…
Notre antimoderne ajoute sur les responsabilités allemandes :
(Suite)
Les délires occidentaux en matière russe n’ont hélas rien de neuf. Relisons le début du journal de Dostoïevski :
« Quand il s’agit de la Russie, une imbécillité enfantine s’empare de ces mêmes hommes qui ont inventé la poudre et su compter tant d’étoiles dans le ciel qu’ils croient vraiment pouvoir les toucher. »
Dostoïevski ajoute que ces russes extra-terrestres « tiennent à la fois de l’Européen et du Barbare. On sait que notre peuple est assez ingénieux, mais qu’il manque de génie propre ; qu’il est très beau ; qu’il vit dans des cabanes de bois nommées isbas, mais que son développement intellectuel est retardé par les paralysantes gelées hivernales. »
(Suite)
Nous sommes mal partis, et nous le savons depuis longtemps maintenant. Poe, Tocqueville, Balzac nous mirent en garde à l’époque romantique puis Nietzsche, Le Bon ou le redoutable australien Pearson au demi-siècle de l’électricité et du colonialisme. Le problème c’est que nous pouvons encore être mal partis pendant encore longtemps !
Longtemps donc avant les plus lucides de nos « mécontemporains », comme dit Alain Finkielkraut, la « collapsologie » (citons en vrac nos amis Kunstler, Klein, Diamond, Orlov) intéresse de grands et controversés esprits comme Oswald Spengler. Dans son dernier chapitre de l’homme et la technique (ici retraduit de l’anglais), le célèbre auteur du Déclin de l’occident (si le contenu du livre est oublié, déjà déconstruit en son temps par Thomas Mann, le titre est demeuré magique) observe notre lent déclin.
Il attaque au dernier chapitre de son bref et très brillant essai :
« Chaque haute culture est une tragédie. L’histoire de l’humanité dans son ensemble est tragique. Mais le sacrilège et la catastrophe du Faustien sont plus grands que tous les autres, plus grands que tout ce qu'Eschyle ou Shakespeare n’ont jamais imaginé. La créature se soulève contre son créateur. »
(Suite)
Splendeur méconnue, Quinze jours dans le désert. Le texte est bref, disponible sur archive.org, profitez-en. Je l’ai redécouvert par une lectrice qui m’en a envoyé un extrait.
Notre auteur décrit sa confrontation avec les déserts américains, dans la région de Détroit qui n’est pas la plus belle de ce paradis encore presque intact. Il voyage avec Beaumont et oppose le paradis présent au futur développé. On l’écoute qui révèle ici sa prodigieuse sensibilité et son fatalisme inquiet. On pensera une autre fois à l’école de peinture de Hudson, à Thomas Cole, à l’allemand Bierstadt qui devait s’illustrer un peu plus tard, plus à l’ouest.
Sur Détroit :
« Nous arrivâmes à Detroit à trois heures. Detroit est une petite ville de 2 à 3.000 âmes, que les jésuites ont fondée au milieu des bois en 1710, et qui contient encore un très grand nombre de familles françaises. »
(Suite)
Notons tout d’abord que le mot latin peregrinus, d’où vient « pèlerin », signifie à la fois « voyageur » et « étranger ». Cette simple remarque donne lieu déjà à des rapprochements assez curieux : en effet, d’une part, parmi les Compagnons, il en est qui se qualifient de « passants » et d’autres d’« étrangers », ce qui correspond précisément aux deux sens de peregrinus (lesquels se trouvent d’ailleurs aussi dans l’hébreu gershôn) ; d’autre part, dans la Maçonnerie, même moderne et « spéculative », les épreuves symboliques de l’initiation sont appelées « voyages ». D’ailleurs, dans beaucoup de traditions diverses, les différents stades initiatiques sont souvent décrits comme les étapes d’un voyage ; parfois, c’est d’un voyage ordinaire qu’il s’agit, parfois aussi d’une navigation, ainsi que nous l’avons signalé en d’autres occasions. Ce symbolisme du voyage est peut-être d’un usage plus répandu encore que celui de la guerre, dont nous parlions dans notre dernier article ; l’un et l’autre, du reste, ne sont pas sans présenter entre eux un certain rapport, qui s’est même traduit parfois extérieurement dans les faits historiques ; nous pensons notamment ici au lien étroit qui exista, au moyen âge, entre les pèlerinages en Terre Sainte et les Croisades. Ajoutons encore que, même dans le langage religieux le plus ordinaire, la vie terrestre, considérée comme une période d’épreuves, est souvent assimilée à un voyage, et même qualifiée plus expressément de pèlerinage, le monde céleste, but de ce pèlerinage, étant aussi identifié symboliquement à la « Terre Sainte » ou « Terre des Vivants ».
L’état d’« errance », si l’on peut dire, ou de migration, est donc, d’une façon générale, un état de « probation » ; et, ici encore, nous pouvons remarquer que tel est bien en effet son caractère dans des organisations comme le Compagnonnage. En outre, ce qui est vrai à cet égard pour des individus peut l’être aussi, dans certains cas tout au moins pour des peuples pris collectivement : un exemple très net est celui des Hébreux errant pendant quarante ans dans le désert avant d’atteindre la Terre promise (…).
(Suite)
Une note sublime - et si juste - pour commencer :
« Les apôtres de liberté m’ont toujours été antipathiques, car ce qu'ils finissent toujours par chercher, c'est le droit pour eux à l'arbitraire. »
Je n’avais pas touché à Goethe depuis plus de quinze ans, trop écœuré peut-être parce qu’est devenue l’Allemagne de la mégère inapprivoisée. Et puis, le génie du web aidant (Gallica BNF), j’ai relu avec émerveillement ses conversations avec Eckermann, qui sont un des livres les plus extraordinaires du monde. Imaginons qu’Homère, Shakespeare ou Rabelais aient eu cette chance ; ou même Nietzsche, Tocqueville ou Voltaire... La chance d’un Eckermann…
Nous sommes à la fin des années 1820, quand le « satanisme de l’aventure industrielle » (Drieu) se dessine, et que les Poe, Balzac et Chateaubriand comprennent que nous allons être mangés par Mammon et le « mob », la canaille.
(Suite)
Stendhal attaque le modèle ou la matrice américaine, et c’est dans Lucien Leuwen. Quelques extraits de son dernier roman édité gratuitement par Ebooksgratuits.com. Le paradoxe vient de ce que Stendhal, bonapartiste de gauche, est plutôt républicain, de tempérament. Mais de l’autre il garde un attachement pour la brillance de la société aristocratique qu’il sent disparaître comme tout le monde à cette époque de socialisme, de révolution industrielle et de républicanisme. Stendhal annonce ainsi Visconti et la version la plus distinguée du vieux gauchisme caviar…
Voici ce qu’il écrit dans la deuxième préface de son dernier roman :
« L’auteur ne voudrait pour rien au monde vivre sous une démocratie semblable à celle d’Amérique, pour la raison qu’il aime mieux faire la cour à M. le ministre de l’Intérieur qu’à l’épicier du coin de la rue. »
(Suite)