Gustave de Beaumont et le féminisme américain

Les Carnets de Nicolas Bonnal

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Gustave de Beaumont et le féminisme américain

Le féminisme américain est le mieux équipé et le plus dangereux du monde. La victoire de Trump lui a empêché de mettre fin à la question sexuelle (dixit Philippe Muray) qui est son obsession depuis des lustres. Abolir l’homme et la femme au passage est son rêve. Après il faut mener une croisade d’extermination à travers le monde. Comme disait la candidate démocrate : abortion ! Ce serait comique si l’industrie éducative et tous les médias occidentaux n’étaient obsessionnellement aussi AUX ORDRES.

Tant pis, on y passera.

Rappelons Todd encore :

« Le conflit entre le monde anglo-saxon et le monde arabo-musulman est profond. Et il y a pire que les prises de position féministes de Mmes Bush et Blair concernant les femmes afghanes. L'anthropologie sociale ou culturelle anglo-saxonne laisse apparaître quelques signes de dégénérescence (…) Si une science se met à distribuer des bons et des mauvais points, comment attendre de la sérénité de la part des gouvernements et des armées ? »

J’ai déjà cité le compagnon de voyage de Tocqueville qui passionne plus Karl Marx que Tocqueville ! Dans sa célèbre étude sur la question juive le grand Karl cite le passage suivant (c’est comme ça que j’ai découvert Beaumont) :

« …tout individu peut, sans aucune préparation ni étude préalable, se faire homme d'église. Le ministère religieux devient une carrière dans laquelle on entre à tout âge, dans toute position et selon les circonstances.

Tel que vous voyez à la tête d'une congrégation respectable a commencé par être marchand ; son commerce étant tombé, il s'est fait ministre ; cet autre a débuté par le sacerdoce, mais dès qu'il a eu quelque somme d'argent à sa disposition, il a laissé la chaire pour le négoce. Aux yeux d'un grand nombre, le ministère religieux est une véritable carrière industrielle. »

Mais Beaumont est un humaniste progressiste et il voit la vérole partout dans la vieille civilisation ; voici ce qu’il raconte (au sens propre) à propos du mariage à l’européenne, à la française notamment, qui débouche sur le cocuage (on le savait  depuis Molière…) :

« En Europe, dit le voyageur, tout est souillure et corruption !... Les femmes y sont assez viles pour se vendre, et les hommes assez stupides pour les acheter. Quand une jeune fille prend un mari, ce n'est pas une âme tendre qu'elle cherche pour unir à la sienne, ce n'est pas un appui qu'elle invoque pour soutenir sa faiblesse ; elle épouse des diamants, un rang, la liberté : non qu'elle soit sans cœur ; une fois elle aima, mais celui qu'elle préférait n'était pas assez riche. On l'a marchandée ; on ne tenait plus qu'à une voiture, et le marché a manqué.

Alors on a dit à la jeune fille que l'amour était folie ; elle l'a cru, et s'est corrigée ; elle épouse un riche idiot... Quand elle a quelque peu d'âme, elle se consume et meurt. Communément elle vit heureuse. Telle n'est point la vie d'une femme en Amérique. Ici le mariage n'est point un trafic, ni l'amour une marchandise ; deux êtres ne sont point condamnés à s'aimer ou à se haïr parce qu'ils sont unis, ils s'unissent parce qu'ils s'aiment. »

Mais venons-en à la femme américaine :

« Le trait le plus frappant dans les femmes d'Amérique, c'est leur supériorité sur les hommes du même pays. »

Beaumont va opposer le matérialisme masculin à l’idéalisme féminin (qui va déboucher sur un féminisme éradicateur) :

« L'Américain, dès l'âge le plus tendre, est livré aux affaires : à peine sait-il lire et écrire qu'il devient commerçant ; le premier son qui frappe son oreille est celui de l'argent ; la première voix qu'il entend, c'est celle de l'intérêt ; il respire en naissant une atmosphère industrielle, et toutes ses premières impressions lui persuadent que la vie des affaires est la seule qui convienne à l'homme.

Le sort de la jeune fille n'est point le même ; son éducation morale dure jusqu'au jour où elle se marie. Elle acquiert des connaissances en histoire, en littérature ; elle apprend, en général, une langue étrangère (ordinairement le français) ; elle sait un peu de musique. Sa vie est intellectuelle. »

Le mariage US n’est pas un rêve du tout :

« Ce jeune homme et cette jeune fille si dissemblables s'unissent un jour par le mariage. Le premier, suivant le cours de ses habitudes, passe son temps à la banque ou dans son magasin ; la seconde, qui tombe dans l'isolement le jour où elle prend un époux, compare la vie réelle qui lui est échue à l'existence qu'elle avait rêvée. Comme rien dans ce monde nouveau qui s'offre à elle ne parle à son cœur, elle se nourrit de chimères, et lit des romans. Ayant peu de bonheur, elle est très religieuse, et lit des sermons. Quand elle a des enfants, elle vit près d'eux, les soigne et les caresse. »

Sans télé et sans frigo, on en est déjà au couple QUI NE SE PARLE PAS (vive Ionesco finalement…) :

« Ainsi se passent ses jours. Le soir, l'Américain rentre chez lui, soucieux, inquiet, accablé de fatigue ; il apporte à sa femme le fruit de son travail, et rêve déjà aux spéculations du lendemain. Il demande le dîner, et ne profère plus une seule parole ; sa femme ne sait rien des affaires qui le préoccupent ; en présence de son mari, elle ne cesse pas d'être isolée. L'aspect de sa femme et de ses enfants n'arrache point l'Américain au monde positif, et il est si rare qu'il leur donne une marque de tendresse et d'affection, qu'on donne un sobriquet aux ménages dans lesquels le mari, après une absence, embrasse sa femme et ses enfants ; on les appelle the kissing families… »

L’américaine est plus philosophe et aussi plus manipulatrice et éveillée que la française. Victorien Sardou, idole et modèle oublié de Hitchcock (voyez mon livre sur la femme chez Hitchcock) l’a génialement montré dans son théâtre. Gare aux belles américaines !

Beaumont sur ces différences (la Française va rattraper son retard, revoyez la scène d’A bout de souffle avec Melville-Parvulesco…) :

« En France, une jeune fille demeure, jusqu'à ce qu'elle se marie, à l'ombre de ses parents : elle repose paisible et sans défiance, parce qu'elle a près d'elle une tendre sollicitude qui veille et ne s'endort jamais ; dispensée de réfléchir, tandis que quelqu'un pense pour elle ; faisant ce que fait sa mère ; joyeuse ou triste comme celle-ci, elle n'est jamais en avant de la vie, elle en suit le courant : telle la faible liane, attachée au rameau qui la protège, en reçoit les violentes secousses ou les doux balancements. »

L’américaine est libre donc éveillée :

« En Amérique, elle est libre avant d'être adolescente ; n'ayant d'autre guide qu'elle-même, elle marche comme à l'aventure dans des voies inconnues. Ses premiers pas sont les moins dangereux ; l'enfance traverse la vie comme une barque fragile se joue sans périls sur une mer sans écueils. »

La raison devient une arme féminine :

« Mais quand arrive la vague orageuse des passions du jeune âge, que va devenir ce frêle esquif avec ses voiles qui se gonflent, et son pilote sans expérience ?

L'éducation américaine pare à ce danger : la jeune fille reçoit de bonne heure la révélation des embûches qu'elle trouvera sur ses pas. Ses instincts la défendraient mal : on la place sous la sauvegarde de sa raison ; ainsi éclairée sur les pièges qui l'environnent, elle n'a qu'elle seule pour les éviter. La prudence ne lui manque jamais. »

Ceci dit après le grand amour la condition féminine est à désespérer (revoyez les Oiseaux en ce sens, l’extraordinaire personnage de Susan Pleshette) :

« Aux yeux de l'Américain, la femme n'est pas une compagne, c'est une associée qui l'aide à dépenser, pour son bien-être et son confort, l'argent gagné par lui dans le commerce.

La vie sédentaire et retirée des femmes, aux États-Unis, explique, avec les rigueurs du climat, la faiblesse de leur complexion ; elles ne sortent point du logis, ne prennent aucun exercice, vivent d'une nourriture légère ; presque toutes ont un grand nombre d'enfants ; il ne faut pas s'étonner si elles vieillissent si vite et meurent si jeunes.

Telle est cette vie de contraste, agitée, aventureuse, presque fébrile pour l'homme, triste et monotone pour la femme ; elle s'écoule ainsi uniforme jusqu'au jour où le mari annonce à sa femme qu'ils ont fait banqueroute ; alors il faut partir, et l'on va recommencer ailleurs la même existence. »

Cela produit des caractères d’airain et républicains :

« Cette liberté précoce donne à ses réflexions un tour sérieux, et imprime quelque chose de mâle à son caractère. Je me rappelle avoir entendu une jeune fille de douze ans traiter dans une conversation et résoudre cette grande question : « Quel est de tous les gouvernements celui qui de sa nature est le meilleur ? » -- Elle plaçait la république au-dessus de tous les autres…. »

Voyez la fillette des Oiseaux toujours, jouée par la géniale Veronica Cartwright (Alien, les Sorcières d’Eastwick…) : elle défie les codes et attaque le modèle démocratique !

Le mariage est plus une prison en Amérique qu’en France :

« En Amérique, cette liberté, sitôt donnée à la femme, lui est tout-à-coup ravie. Chez nous, la jeune fille passe des langes de l'enfance dans les liens du mariage ; mais ces nouvelles chaînes lui sont légères. En prenant un mari, elle gagne le droit de se donner au monde ; elle devient libre en s'engageant. Alors commencent pour elle les fêtes, les plaisirs, les succès. En Amérique, au contraire, la vie brillante est à la jeune fille ; en se mariant, elle meurt aux joies mondaines pour vivre dans les devoirs austères du foyer domestique. »

Beaumont souligne la vertu de la femme américaine, moins entraînée à la bagatelle que la française pour des raisons diverses qui n’ont rien à voir avec le puritanisme dénoncé par tous nos ilotes :

« En Amérique, tout le monde travaille, parce que nul n'apporte en naissant de grandes richesses, et l'on n'y connaît point la funeste oisiveté des garnisons, parce que ce pays n'a point d'armée.

Les femmes échappent ainsi aux périls de la séduction : si elles sont pures, on ne saurait dire qu'elles sont vertueuses ; car elles ne sont point attaquées.

Il est d'ailleurs un élément de corruption, puissant dans les sociétés d'Europe, et qui ne se rencontre point aux États-Unis : ce sont les oisifs nés avec une grande fortune, et les militaires en garnison. Ces riches sans profession et ces soldats sans gloire n'ont rien à faire : leur seul passe-temps est de corrompre les femmes… »

Prude, cultivée, pessimiste, la femme US est dangereuse machine de guerre humanitaire qui va se déchaîner lors de la guerre de Sécession (et avant bien sûr).

On se consolera avec notre Balzac qui écrit dans la Femme de trente ans :

« Vous honnissez de pauvres créatures qui se vendent pour quelques écus à un homme qui passe, la faim et le besoin absolvent ces unions éphémères ; tandis que la société tolère, encourage l’union immédiate bien autrement horrible d’une jeune fille candide et d’un homme qu’elle n’a pas vu trois mois durant ; elle est vendue pour toute sa vie. Il est vrai que le prix est élevé ! « 

Le mâle blanc était mal parti…


Sources :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Victorien_Sardou

https://classiques.uqam.ca/classiques/beaumont_gustave_de/marie_ou_esclavage_aux_EU/Marie_esclavage_EU.pdf

https://www.amazon.fr/Hitchcock-femmes-Nicolas-Bonnal/dp/2353744966

https://www.dedefensa.org/article/le-feminisme-us-par-dela-le-rien-et-le-male

https://www.dedefensa.org/article/balzac-et-la-rebellion-des-femmes