Sarko et l’“option-Talleyrand”

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Sarko et l’“option-Talleyrand”

2 mai 2011 — Rassurons-nous tous aussitôt, y compris nous-mêmes… Cette idée d’une “option-Talleyrand” n’est qu’une image, sans doute de l’auteur de ces lignes, qui n’a jamais pu cacher son goût pour l’esprit du prince des corrompus ; on entend signifier ainsi, par analogie qualitative, rien d’autre que l’idée du Congrès de Vienne pour l’évolution de l’OTAN, les situations en évolution de divers pays européens, le cas français enfin. (Ce F&C suit donc, sans s’en cacher vraiment, la note du 29 avril 2011, en même temps qu’il poursuit, dans un certain sens, celle du 28 avril 2011 sur l’évolution remarquable de la Russie, avec à l’esprit la référence de celle du 30 avril 2011.)

L’idée d’une OTAN-“Congrès de Vienne” vient en contrepoint, et en concurrence après tout, de celle d’une OTAN évoluant vers la fonction mondialiste de “bras armé de l’ONU”. Cette idée est développée selon les orientations d’une forte activité des nations, chacune jouant son jeu à l’intérieur de ce cadre OTAN, mais celui-ci élastique, puisque débordant sur son Est vers la Russie, et naturellement sur son Sud vers la Libye. En fait, et pour l’instant, cette thèse est développée notamment à propos de l’Allemagne, qui s’est opposée à l’intervention en Libye. On sauta aussitôt sur l’occasion pour déclarer péremptoirement que ce pays était ainsi “isolé”, oubliant que le sentiment allemand est notamment partagé par tous les pays d’Europe de l’Est de l’OTAN, ceux dont on fait si grand cas quand ils soutiennent la cause anglo-saxonne, qu’on n’écoute pas aujourd’hui lorsqu’ils demandent pourquoi on oriente l’OTAN et ses ressources vers le Sud et l’Afrique, laissant en jachère le flanc Est de l’Alliance pourtant tant célébré. Parmi ces pays se trouve, en pointe, la Pologne, dont on comprend alors qu’elle établit, de facto et selon les grandes évidences historiques, une puissante connivence avec l’Allemagne.

La Pologne est décrite comme particulièrement furieuse, voire ulcérée par l’affaire libyenne au sein de l’OTAN, par la façon dont on n’en tenu aucun compte de son opposition. «La Pologne est particulièrement bien placée pour manifester sa très mauvaise humeur, nous explique une source. Elle s’est engagée en Irak, elle est activement engagée en Afghanistan, nul ne peut lui reprocher d’être un “mauvais élève” de l’OTAN. Qui plus est, elle garde un souvenir amer de la façon dont elle a été baladée, traitée comme une utilité temporaire qu’on jette après emploi, par les USA dans l’affaire des anti-missiles européens, avec les USA abandonnant l’essentiel de leurs promesses lorsqu’ils entrevirent un terrain d’entente avec la Russie.» Cette occurrence fait que les Polonais sont extrêmement sensibles aux arguments allemands dans cette affaire.

D’autre part, il y a les Russes, hors du contexte évoqué ci-dessus d’une complicité avec les USA qui n’est plus guère de saison. On les a vus, dans le texte référencé plus haut, durcir brutalement leur position (à propos de la Syrie à l’ONU), dans une conjoncture qui ne peut que leur attirer bien des soutiens, notamment dans les forces périphériques… «D’une façon générale, souligne encore notre source, on peut dire que Lavrov joue à propos de la Libye le même rôle que celui que tint Villepin en 2003, à l’ONU et à propos de l’Irak.» Cette idée exprime une nouvelle stature que pourrait acquérir la Russie au milieu des divers remous que soulève l’affaire libyenne, qui ne cesse de susciter rancœurs nouvelles et réserves grandissantes ; mais cette “nouvelle stature” ne serait en fait que le résultat mécanique du continuel abaissement des autres, la France en premier.

Les Africains de l’Union Africaine ont communiqué à l’UE leur étonnement que leur propre démarche de conciliation soit si peu prise en considération, et leur étonnement plus grand encore que les Européens maximalistes dans cette affaire songent encore à proclamer qu’ils atteindront leurs buts par le seul usage de la force (par le seul fait de l’exigence préalable de la disparition de Kadhafi). Cette affaire, comme l’évolution de la Russie, montrent d’une façon encore plus évidente que ce qui a précédé que l’idée de la puissance militaire comme seul outil de négociations du paradis humanitariste, est une conception qui s’est enfin découverte pour ce qu’elle est, – grotesque et d’une bassesse peu ordinaire ; l’effacement de plus en plus marqué de cette puissance militaire dans son rôle prétendument tutélaire et inspirateur (l’inspiration par le “déchaînement de la matière”, pas de surprise), emmenée par les USA dans cette voie, ne fait qu’illustrer le jugement en forçant à peine le trait. Toutes ces évolutions, qui ne semblent plus prendre “l’OTAN comme courroie de transmission US” comme référence, mais préférer d’autres horizons, – sans aucune certitude qu’il ne s’agisse pas de mirages, – font naître l’idée d’une diversité européenne qui n’a vraiment aucun rapport avec les pauvres banalités de l’Union Européenne/Bruxelles, ni avec les basses platitudes d’un enthousiasme poussif sur les valeurs communes de leur espace transatlantiques, d’une obsolescence à ne pas croire… L’Ordre Nouveau du bloc américaniste-occidentaliste est, au milieu du bruit et des fureurs qui font plus de bruit et de fureur qu’autre chose, d’un ennui sans bornes et poussiéreux à souhait. Les cabrioles de Sarko n’y changent rien, non plus que les scénarios éternellement recyclés sur les manipulations planétaires des USA, – plus elle s’effondre, l’Amérique, plus elle est forte, vases communicants aidant.

En un sens, voici l’image du “Congrès de Vienne” ainsi justifiée par la suggestion de l’alternative, mais en partie. Contrairement à ce que nous en disaient doctement le professeur Kissinger et d’autres, le Congrès de Vienne ne fut pas, selon notre appréciation, le triomphe de Metternich. Cette vision revient à sacrifier la grande politique de la métahistoire à la politique historique as usual, sous prétexte que l’Europe du traité de Vienne, de 1815 à 1848, se développa à peu près selon un modus vivendi inspiré du Prince Klemens Wenzel Nepomuk Lothar von Metternich, – ce qui est oublier que cette même Europe tenta de se conformer à un niveau plus élevé, et dans tous les cas fut en partie inspirée, aux principes les plus hauts de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, – mais tout cela comme on sauve les meubles, devant la marée montante, certains diraient des révolutions (1848), tandis que pour nous ce serait plutôt le “déchaînement de la matière” menant à l'affirmation du pangermanisme. Si l’on se place d’un point de vue métahistorique qui est le nôtre, qui n’implique pas une victoire temporaire sur les événements mais impose ses marques profondes pour l’avenir, le Congrès de Vienne fut le triomphe non de Metternich mais de deux hommes, le tsar Alexandre, quoique fort épisodiquement entre fêtes et maîtresses, et Talleyrand, dont le rôle fut stupéfiant d’autorité et d’habileté, de bout en bout. Voulant donner une analogie, un historien français offrait récemment l’image suivante (en marge d’un commentaire du livre de Jean Tullard, Talleyrand et la vie facile, présenté sur la chaîne Histoire), à propos de Talleyrand à Vienne, en 1814, à propos du vaincu arrivant au milieu des vainqueurs : «C’est comme si l’amiral Donitz, successeur du Führer dans les derniers jours jusqu’à la capitulation, s’était rendu à la conférence de Potsdam, en juillet 1945, et avait dit aux alliés “Allez soyons sérieux maintenant, suivez mes instructions, je vais vous arranger votre Europe…”» Cette digression pour observer que, dans le schéma OTAN-Congrès de Vienne, si les héritiers d’Alexandre sont là, et diablement là, ceux de Talleyrand nous manquent singulièrement.

…Ce qui nous offre un charmant enchaînement pour passer à la France, la grande absente de ces supputations autour d’un hypothétique axe Moscou-Varsovie-Berlin, qui eût dû se prolonger jusqu’à Paris. Cette prolongation est aujourd’hui bien incertaine, à cause de l’aventure libyenne, on s’en doute… De quoi s’agit-il : la France a-t-elle lâché la proie pour l’ombre, ou l’ombre pour la proie ? En d’autres termes, et pour achever notre transition : que pense et fait la France, dans le cours de son aventure libyenne ?

Fort naturellement, nous renvoyons pour le détail de la situation de l’appréciation française de cette aventure où elle se trouve, à notre Bloc Notes de ce 30 avril 2011, – avant de poursuivre.

On cherchait Talleyrand, on trouve Sarko

Lisant ce compte-rendu de la situation libyenne, on songe qu’il s’agit encore plus de la situation française en Libye, et, plus encore, de la situation française à cause de la Libye. Comparons cette idée avec l’arrière-plan de “l’option Talleyrand”, – une fois encore, en en revenant à notre prince (Talleyrand, prince de Bénévent).

Le principe fondamental qui guidait Talleyrand à Vienne, en 1814, était le principe de la légitimité et, au-delà, de la souveraineté. Il s’agit évidemment de principes fondamentaux de restructuration, principes qualitatif contre l’affirmation quantitative de la puissance déchaînée des armes (système du technologisme). On peut lire (sur ce site, au 16 août 2007) une définition de la légitimité et de la souveraineté selon Talleyrand, – quelques pages qui bouleversèrent Guglielmo Ferrero (cité dans la présentation du texte de Talleyrand), qui changèrent sa perception du fondement des choses. (Ferrero donna à son livre magnifique dont le sous-titre est Talleyrand au Congrès de Vienne, le titre de Reconstruction, – ce qui doit s’entendre dans le sens de “restructuration”.) Ces principes, que Talleyrand entendait offrir à toute l’Europe au nom de la France, – la nation du milieu des choses, c’est-à-dire de leur équilibre structurée par les principes et de leur harmonie accomplie par leur structuration, et pour cela “Grande Nation” en vérité, – ces principes le mettaient, lui le vaincu, dans cette curieuse posture d’inspirateur et de véritable esprit de la conférence. Talleyrand résumait ainsi sa théorie, pour justifier le retour de la maison des Bourbons sur le trône :

«La maison de Bourbon seule, pouvait noblement faire reprendre à la France les heureuses proportions indiquées par la politique et par la nature. Avec la maison de Bourbon, la France cessait d’être gigantesque pour devenir grande. Soulagée du poids de ses conquêtes, la maison de Bourbon seule, pouvait la replacer au rang élevé qu’elle doit occuper dans le système social; seule, elle pouvait détourner les vengeances que vingt ans d’excès avaient amoncelées contre elle.»

Ainsi Talleyrand, représentant ce pays vaincu qui avait conquis l’Europe et l’avait mise à feu et à sang avant de succomber, arriva-t-il à Vienne et déclara-t-il à ses vainqueurs que la France, par sa bouche, avait l’extrême générosité et le sens exemplaire du compromis le plus haut d’abandonner ses conquêtes de la rive gauche du Rhin et d’en revenir aux «heureuses proportions indiquées par la politique et par la nature». Tout le monde fut saisi et, sans relever l’extraordinaire de cette situation où une nation vaincue semblait faire une concession formidable à ses vainqueurs en abandonnant d’elle-même ses conquêtes d’ores et déjà sous la coupe de l’ennemi, se rangea sous l’inspiration du prince de Bénévent, évêque d’Autun… La France «cessait d’être gigantesque pour devenir grande». Il se trouve que, sans faire la moindre analogie historique, aucun parallèle de situation et de position, – et certainement pas de personnes, Dieu nous en préserve, – il se trouve que Sarkozy fait exactement le contraire, – et cela, on le comprend, guidé par l’instinct bas qui le caractérise, dont il n’a nulle conscience.

Le rôle de la France n’est pas d’être généreuse, ni d’être “la patrie des droits de l’homme”, ni d’être une exemplaire démocratie, ni d’être un modèle universel de liberté et de justice, ni d’être un leader belliciste armé de bons sentiments, ni de proclamer un interventionnisme humanitaire partout où le soleil se couche, loin d’elle, là où la liberté universelle est prétendument en péril. Le rôle de la France, ce par quoi elle mérite d’être distinguée du reste, est d’être structurante, comme un exemple d’équilibre et d’ordre appuyés sur des principes transcendantaux, – joignant ainsi, en elle-même, immanence et transcendance, et méritant par conséquent d’être distinguée, – et, par conséquent encore, suggérant, par delà des avatars de son histoire et des excitations hystériques du “parti des salonnards”, la seule possibilité pour elle de jouer son rôle et de tenir son rang dans la crise générale en cours. De Gaulle avait compris ce rangement nécessaire entre qualitatif et quantitatif, lui qui fit la France grande en l’obligeant à n’être plus gigantesque, – abandon des colonies et de l’empire en 1958-62 pour lancer l’exceptionnelle période d’influence des années 1960 ; et, dans ce cadre souverain, la puissance militaire ne lui servit jamais qu’à affirmer les principes qui fondent la légitimité française. (Rôle du nucléaire souverain, qui doit être débattu par les métaphysiciens plus que par les stratèges et les pacifistes écologistes, – l’origine du nucléaire, et du mal qui va avec, étant par contre à mettre au débit du “déchaînement de la matière” et du système du technologisme. Ce rôle que lui assigna de Gaulle, de contrer les entreprises du système du technologisme dans tout son aspect quantitatif, rend compte d’un prodigieux renversement de la perception sous l’influence de l’intuition haute, du retournement de la puissance de l’ennemi contre lui-même, en faisant du nucléaire français une pression constante contre la dictature du nucléaire stratégique Est-Ouest, représentation moderne du déchainement de la matière et de l’“idéal de puissance”. Voir notre analyse de la force nucléaire gaulliste dans la cinquième Partie de La grâce de l’Histoire.)

Tout cela est totalement, absolument, complètement étranger à Sarkozy. Le président français fut bon, de ce point de vue français qu’on manifeste ici, sans le comprendre ni réaliser pourquoi, durant les événements de la présidence française de l’UE (juillet-décembre 2008), parce que ces événements mettaient la France en position centrale dans des crises européennes, ou à composante européenne. Les tendances habituelles de Sarko pouvaient alors se déployer sans obstacle, allant dans le sens d’une exécution acceptable, voire dynamique et impressionnante, voire impeccable à certains moments, d’une politique de structuration évidemment constructive (d’un point de vue européen, d’une Europe avec la France comme centre structurant et non comme leader ou des sornettes de cette sorte). Par un tour de passe-passe du destin, qui s’y connaît, les outils de l’“idéal de puissance” étaient au service de l’“idéal de perfection”, et l’on pouvait juger que les choses évoluaient dans le bon sens.

Aujourd’hui, Sarkozy joue absolument dans le sens contraire, et, en plus, à partir de circonstances si rocambolesques, sinon grotesques (rôle de BHL), qu’elles en font ouvertement un personnage dérisoire et le jouet de sa propre politique. Au lieu de suivre le principe de Talleyrand, qui est une contraction-affirmation de la légitimité française pour structurer les courants politiques (européens certes, mais plus large à partir de la matrice européenne) à partir des puissantes impulsions des principes structurants, selon un sens qui nécessite justement cette présence structurante de la France en leur cœur, il prend la tangente vers les extérieurs (son expédition en Libye relève de son impatiente piaffante de cette sorte d’expédition, frappante notamment avec son acharnement anti-iranien depuis 2007, gros dans l’esprit d’une intervention militaire type Libye). Il est un anti-Talleyrand, à un niveau sans commune mesure bien sûr, venu au Congrès de Vienne et rejeté sur les marges du Congrès au lieu de s’installer en son centre pour l’inspirer. Avec l’aventure libyenne, Sarko a épousé la tendance de l’“idéal de puissance” dans son expression la plus vulgaire, celle que reprennent à leur compte comme s’ils découvraient le Graal les neocons et qui infecte toutes les conceptions américanistes ; paradoxalement, il a créé une aventure (la Libye) qui aurait convenu à merveille à la France, mais à l’inverse de ce qu’il fait, pour s’affirmer justement en en n’étant pas et en la condamnant, – rôle que tient la Russie, selon le legs du Congrès de Vienne, – et en réaffirmant ainsi le rôle structurant de la France. (On peut mesurer, dans le domaine opérationnel le plus évident, la différence que l’on peut constater entre les attitudes relevant d’une conception traditionnelle française/européenne inspirée de l’“idéal de perfection”, contre l’“idéal de puissance”, dans ce texte de notre rubrique Analyse, du 4 février 2010, sur des aspects de la présence militaire européenne en ex-Yougoslavie, dans les années 1990.)

Mais, certes, raisonner de la sorte suppose qu’il y a un débat au niveau de l’esprit des choses. Il n’y en a pas dans le cas de Sarko, qui ne doit connaître de Talleyrand, s’il connaît l’oiseau, que l’aspect de la corruption qui est une terre de connaissance pour lui.

D’autre part, cela ne signifie pas non plus que l’Europe, ou certains pays européens, retrouvent un souffle, évoluent sans la France d’une façon décisivement structurante, etc. De ce côté, les espérances d’une structuration européenne n’ont pas de sens car le désordre chaotique de la crise, qui touche bien sûr l’Europe comme les autres, interdit de telles ambitions. L’“option Talleyrand”/Congrès de Vienne, que nous signalons à partir de certains exemples, décrit quelques initiatives, tendances, poussées éventuellement structurantes, certes, mais bien insuffisantes pour changer le désordre chaotique et général. On n’envisagera même pas cela par rapport au facteur structurel constant qu’est l’inexistence US, comme si l’Europe pouvait en profiter pour développer des ambitions européennes se démarquant de l’ectoplasme bruxellois. (La “grande” nouvelle de l’absence US dans l’affaire libyenne et à l’OTAN, si elle est fondée, n’apporte nullement les bouleversements attendus. Nous avons passé le temps où le degré d’hégémonie des USA, ou la disparition de l’hégémonies des USA, étaient des facteurs essentiels. Aujourd’hui, le seul facteur essentiel dépendant des USA à attendre, et à espérer fiévreusement, c’est la disparition de cette monstrueuse “structure déstructurante” américaniste, par dissolution, pourrissement intérieur, sécession, etc.)

La situation générale est toujours, et de plus en plus, définie par la crise générale, qui dépasse les références nationales ou de groupes de nations, et la géopolitique comme référence qui est un cas absolument dépassé. Ce que l’on peut chercher à distinguer, c’est l’évolution éventuelle d’entités, – des nations dans ce cas, autre chose éventuellement, – pour mieux affirmer des vertus structurantes, pour pouvoir être dans une meilleure position devant les pressions de la crise, et aussi quand la crise générale fera sentir tous ses effets. Dans ce cadre et cette mesure, certes, la France a un rôle essentiel selon ce qu’on a dit plus haut, dans le cadre européen puisque c’est le cas, mais sans exclusive pour aucun autre cas, – et c’est ce rôle essentiel que Sarko piétine sans s’en rendre compte avec ses frasques extérieures, inspirées par BHL. (La présence de BHL, outre son aspect comique, est significative dans ce sens où ce personnage est l’héritier, avec la bassesse à mesure de près de deux siècles de décadence, des conceptions libérales puis libérales interventionnistes du type «Les Lumières, c’est désormais l’électricité», devenu “les Lumières, c’est désormais le Pentagone”.)

Nous traitons ici de la spécificité qualitative de la structuration, non de l’aspect quantitatif des rassemblements géopolitiques, qui n’ont plus aucune pertinence. Avec la soupe libyenne et la disparition des USA, l'on n’est nullement en train d’assister à une évolution de puissance, d’une influence à l’autre, d’une hégémonie à l’autre… Ce qui nous intéresse est bien plutôt d’identifier l’évolution nécessaire pour mieux tenir un rôle et un rang dans les événements eschatologiques qui s’accumulent et se développent, pour mieux envisager et renforcer, et avoir sa place, dans les nouvelles situations que la formidable Grande Crise va susciter, – dont nous ne savons rien pour l’instant, par définition, des conditions, des suites et des effets parce que les composantes et la dynamique de cette Grande Crise échappent complètement à notre situation présente née du “déchaînement de la matière”, et encore plus à notre entendement forgé aux leçons faussaires d'une raison humains qui s'en est allée boire à la “source de tous les maux”. Effectivement, devant une telle perspective, la seule issue est de se renforcer soi-même, d’offrir une force structurante pour contribuer aux nouvelles conditions à venir.

D’où il se déduit que l’aventure libyenne de Sarko, qui va à contre courant de cette dynamique, est une politique profondément anti-française, sur un plan métahistorique et métaphysique. Elle s’inscrit dans la crise française, pour l’aggraver d’une façon notable et accentuée, cette crise dont Sarko est l’animateur contraint par sa bassesse, comme l’étaient les “scélérats” maistriens de la Révolution. Comme élément de plus d’aggravation de la crise française, elle va évoluer en importance en fonction de la situation française, également de la situation français par rapport à l’“option Talleyrand”, effectivement pour accélérer la crise française qui devra évidemment éclater en un événement bouleversant lorsqu’elle atteindra son paroxysme.