Suzan
23/09/2003
Pour connaître de près l’univers désopilant de Washington et l’univers mental de néocons, il ne faudrait pas sous estimer la haine dont la France fait l’objet outre atlantique comme à Londres. C’est autre chose qu’une Franco-phobia classique. Certes cet opEd révèle un désaroi profond qui se traduit par une arrogance folle dans laquelle se complaisent les élites américaines. Cela est vraiment préjudiciable pour la diplomatie française mais je le pense aussi vraiment pour la sécurité de la France. Les Etats-Unis sont en guerre et dans la mesure où ils vont perdre la guerre contre la terreur, le prochain théâtre d’opération médiatique sera le French bashing. Ce n’est qu’une intuition aujourd’hui mais si la clique de Bush repasse, je pense que cela pourra se traduire par une atteinte à la sécurité de la France, peut-être sur le thème de la rétention d’information sur la préparation d’attentats.
Si je puis me permettre, continuez votre excellent travail qui montre bien toute l’idéologie qui traverse Washington. Ces gens sont dangeureux, rares sont ceux qui en ont conscience.
B S
NAURAD
22/09/2003
JOHN PILGER REVEALS WMDs WERE JUST A PRETEXT FOR PLANNED WAR ON IRAQ
at
Patrick CHAPUS
17/09/2003
Bonjour,
Un document qui ne devrait pas manquer de vous intéresser.
Très cordialement et un grand merci pour la qualité de vos infos et analyses.
Patrick CHAPUS
########
030907 Tribune de Uri Avneri  La stratégie du désastre  
Date : 17/09/03 06:07:20 Paris, Madrid (heure d’été) 
 ——- Original Message——- 
From: Reseau Voltaire 
To:
 
Sent: Tuesday, September 16, 2003 4:26 PM
Subject: [RXseau Voltaire] Tribune de Uri Avneri : La stratXgie du dXsastre
 
   Assassinat programmé de Yasser Arafat
La stratégie du désastre
Tribune de Uri Avneri
Le journaliste israélien Uri Avnery, dirigeant de Gush Shalom (Bloc de la Paix), appelle son peuple à briser le silence face à la décision du gouvernement Sharon d’assassiner Yasser Arafat. « Depuis la guerre de 1973, explique-t-il, les deux peuples ont fini par accepter l’idée d’un compromis entre les deux grands mouvements nationaux. » « L’assassinat d’Arafat, prévient l’ancien parlementaire, mettra fin à cela, peut-être à jamais. Nous en reviendrons au stade du “tout ou rien”. » L’objectif du général Sharon est de créer « une situation qui obligera les Palestiniens à partir. [
] Et une période d’anarchie et d’effusion de sang serait une bonne chose pour parvenir à cette fin. » 
Après avoir rédigé cette tribune, Uri Avnery s’est rendu à la Muqata, la résidence du président de l’Autorité pale stinienne, où il séjourne actuellement. Il a adressé un message à son compatriote, le général Sharon : « Si vous voulez tuer Arafat, vous devrez d’abord verser du sang juif. »
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16 septembre 2003
  
Le gouvernement du général Sharon a décidé l’assassinat de Yasser
Arafat 
Ainsi, maintenant c’est officiel : le gouvernement d’Israël a décidé d’assassiner Yasser Arafat. 
Et non plus de l’« exiler ». Et non plus de l’« expulser ou le tuer ». Simplement de le « transférer ».
Naturellement, l’intention n’est pas de le « transférer » dans un autre pays. Personne ne croit sérieusement que Yasser Arafat va de lui-même se rendre et accepter de partir. Lui et ses hommes seront tués « au cours d’un échange de tirs ». Ce ne serait pas la première fois.
Même s’il était possible d’expulser Arafat vers un autre pays, personne dans les sphères dirigeantes israéliennes ne songerait à le faire. Comment donc ? Lui permettre de rendre visite à Poutine, Schroeder et Chirac ? Dieu nous en garde. Donc le plan est de le transférer vers l’autre monde.
Pas immédiatement. Les Américains l’interdisent. Cela pourrait irriter Bush. Sharon ne veut pas ennuyer Bush.
Certains se réfugient dans l’idée que ce n’est qu’une résolution sans effet. On suppose que pour qu’elle soit appliquée, le moment et la façon sont encore à décider. Mais ce n’est qu’une chimère, une consolation dangereuse. La décision légitimant l’assassinat est en elle-même un acte politique d’une portée considérable. Elle a pour but que les Israéliens et l’opinion publique internationale se fassent à cette idée. Ce qui semblait être un complot dément de fanatiques a l’air aujourd’hui d’une démarche politique légitime, ne laissant ouverts que le moment et la manière.
Quiconque connaît Ariel Sharon peut imaginer comment les choses vont se passer à partir de maintenant. Il attendra l’occasion. Elle peut se présenter d’une minute à l’autre, ou dans une semaine, un mois, un an. Il est patient. Quand il décide de faire quelque chose, il est prêt à attendre, mais il ne déviera pas de son objectif.
Yasser Arafat et Kofi Annan
Donc, quand l’assassinat prévu sera-t-il exécuté ? Quand un gros attentat suicide aura lieu en Israël, si énorme qu’une réaction extrême sera comprise par les Américains. Ou quand quelque chose se produira quelque part qui détournera l’attention du monde de notre pays. Ou quand un événement dramatique, quelque chose de comparable à la destruction des tours jumelles, rendra Bush furieux.
Qu’arrivera-t-il alors ?
Les dirigeants arabes disent que cela aura des « conséquences incalculables ». Mais, en vérité, les conséquences peuvent parfaitement être calculées bien à l’avance.
Le meurtre d’Arafat apportera un changement historique dans les relations entre Israël et le peuple palestinien. Depuis la guerre de 1973, les deux peuples ont fini par accepter l’idée d’un compromis entre les deux grands mouvements nationaux. Dans les accords d’Oslo, après un processus engagé par Yasser Arafat pratiquement seul, les Palestiniens ont abandonné 78 % du pays qui s’appelait Palestine avant 1948. Ils ont accepté d’installer leur État dans les 22 % restants. Seul Arafat avait la stature morale et politique nécessaire pour entraîner son peuple avec lui, tout comme Ben Gourion avait été capable de convaincre notre peuple d’accepter le plan de partage.
Yasser Arafat à l’ONU
Même dans les crises les plus aiguës depuis lors, les deux peuples sont restés convaincus qu’à la fin il y aurait un compromis.
L’assassinat d’Arafat mettra fin à cela, peut-être à jamais. Nous en reviendrons au stade du « tout ou rien » : le « Grand Israël » ou la « Grande Palestine », jeter les juifs à la mer ou pousser les Palestiniens dans le désert.
L’Autorité palestinienne disparaîtra. Israël s’emparera des territoires palestiniens, avec toute la charge économique et humaine que cela implique. L’« occupation de luxe », qui permet à Israël d’avoir les mains libres dans les territoires pendant que le monde paie les factures, sera terminée.
La violence règnera en maître. Ce sera le seul langage des deux peuples. À Jérusalem et à Ramallah, à Haïfa et à Hébron, à Tulkarem et à Tel-Aviv, la peur envahira les rues. Chaque mère, en envoyant ses enfants à l’école, sera rongée par l’inquiétude jusqu’à ce qu’ils rentrent. La terreur de part et d’autre, une spirale de violence croissante, une escalade incontrôlable et incessante.
Le séisme ne se limitera pas au territoire compris entre la Méditerranée et le Jourdain. Le monde arabe dans son ensemble sera en éruption. Arafat le shahid, le martyr, le héros, le symbole, deviendra une figure mythologique pour tous les Arabes et tous les musulmans. Son nom deviendra un cri de guerre pour tous les révolutionnaires, de l’Indonésie au Maroc, un slogan pour toutes les organisations clandestines religieuses et nationales.
La terre tremblera sous les pieds de tous les régimes arabes. Comparés à Arafat, le dernier héros, tous les rois, les émirs et les présidents sembleront des lâches, des traîtres et des mercenaires. Si l’un d’eux tombe, l’effet domino entrera en action.
L’effusion de sang sera universelle. Toute cible israélienne - avion, groupe de touristes, institution - sera en danger permanent.
Uri Avneri 
Les Américains ont leurs raisons pour mettre leur veto à l’assassinat. Ils savent que le meurtre d’Arafat ébranlera très profondément leur position dans le monde arabe et musulman. La guerre de guérilla qui est en train de s’étendre en Irak se répandra dans tous les autres pays arabes et musulmans et dans le monde entier. Tous les Arabes et tous les musulmans seront convaincus que Sharon aura agi avec le consentement et l’encouragement des Américains, quelle qu’aura été leur timide opposition verbale. La colère sera dirigée contre eux. Une foule de nouveaux Ben Laden préparera la vengeance. 
Sharon comprend-t-il tout cela ? Bien sûr que oui. Les nullités politiques qui constituent le gouvernement peuvent ne pas être capables de voir plus loin que le bout de leur nez, comme des généraux bornés dont la seule solution est de tuer et détruire. Mais Sharon sait quelles sont les conséquences prévisibles et il s’en délecte.
Sharon veut mettre fin à l’affrontement historique entre le sionisme et le peuple palestinien par une décision claire et nette : un contrôle israélien rigoureux sur l’ensemble du pays et une situation qui obligera les Palestiniens à partir. Yasser Arafat est vraiment, comme cela est dit dans la résolution du gouvernement, l’« obstacle total » à l’application de ce dessein. Et une période d’anarchie et d’effusion de sang serait une bonne chose pour parvenir à cette fin.
Et le peuple d’Israël ? Le pauvre peuple, qui a subi un lavage de cerveau, désespéré et apathique, n’intervient pas. La majorité silencieuse, meurtrie, se conduit comme si tout cela ne la concernait pas, ni elle ni ses enfants. Elle suit Sharon, comme les enfants suivaient le joueur de flûte, tout droit dans la rivière.
Ce silence assourdissant est désastreux. Pour éviter le désastre, il est de notre devoir de briser ce silence.
Uri Avnery
Uri Avnery, ancien membre de la Knesset,
est journaliste et chroniqueur à Ma’ariv. Il est l’un  des dirigeants de Gush Shalom (Bloc de la Paix).
Traduit de l’anglais par RM/SW, association « Pour une paix juste au Proche-Orient »
 
 
     
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jaureguiberry
15/09/2003
J’ai entendu dire que le recrutement de L’army posait de gros problémes et qu’en fait beaucoup de Boys n’étaient pas US. Il semblerait qu’en échange d’un contrat de 5 ans dans l’army, des non américains se voient promettre la nationnalité US à l’isssue. Qu’en est il réellement, sont ce des mexicains, des philippins, des indiens, etc. qui meurent pour les US?
Cycloid
13/09/2003
Dans “Le Monde malade de l’Amérique”, pp. 148 et suivantes,  l’auteur s’étend avec complaisance sur le Mensonge stalinien. 
D’accord avec lui.
Cela lui sert à introduire une description du Mensonge Vertueux américain, depuis FD Roosevelt.
Mais pourquoi ne pas dénoncer le Mensonge Vertueux comme élément historique de la civilisation chrétienne, depuis au moins 1500 ans ?
Ce Mensonge Vertueux, tant de fois stigmatisé en littérature (depuis les Carmina Burana en passant par le Tartufe) qui a dominé la politique du Vatican depuis ses débuts.
Aveuglement, ou pieuse participation à la Tradition de l’ Ecclesia ?
Ceci est adressé à Ph.Grasset, sans illusion quant une quelconque parution sur son site.
mugu obi
10/09/2003
i love the site mugu
fidelix
07/09/2003
Pour éviter que monsieur Grasset ait à faire lui-même de la publicité pour un de ses auteurs préférés, je prends sur moi la responsabilité de signaler deux excellents articles de Régis Debray dans le Figaro:
Américains, si vous saviez.
http://www.lefigaro.fr/debats/20030905.FIG0132.html
Et
Cycloid
07/09/2003
“Les tyrans eux-mêmes trouvaient étrange que les hommes souffrissent qu’un autre
       les maltraitât, c’est pourquoi ils se couvraient volontiers du manteau de la religion
       et s’affublaient autant que faire se peut des oripeaux de la divinité pour cautionner
       leur méchante vie.”
“C’est le peuple qui s’asservit et qui se coupe
       la gorge; qui, pouvant choisir d’être soumis ou d’être libre, repousse la liberté et
       prend le joug; qui consent à son mal, ou plutôt qui le recherche…”
“Le peuple a toujours ainsi fabriqué lui-même les
       mensonges, pour y ajouter ensuite une foi stupide.”
La Boétie in :
Discours de la Servitude Volontaire
Cycloid
07/09/2003
Très bon jugement;
très objectif.
Anamorphose
07/09/2003
Philippe Grasset a sans doute raison de pointer à quel point les discours politiques (on ose à peine leur décerner ce qualificatif) d’aujourd’hui fabriquent la réalité qu’ils évoquent, créent le réel (pour reprendre un beau titre de T. Melchior). 
D’autres l’évoquent à leur façon. Ainsi, Jean-Pierre LE GOFF, philosophe-sociologue de son état,  dans un livre intéressant mais discutable à plus d’un titre, qui tente d’analyser, en s’appuyant sur Hannah Arendt et Claude Lefort,  la “barbarie douce” dans laquelle nous nous trouvons, en essayant d’en spécifier les différences d’avec le totalitarisme (stalinien, hitlérien ou autre) clair et net. 
Il écrit (en évoquant les caractéristiques du discours moderniste qui sévit depuis les années ‘80) :
“”(...) plus fondamentalement, c’est le statut même du discours politique en démocratie qui change. Le discours de la modernisation ne prétend plus exprimer des options particulières face à d’autres options possibles et revendique un statut différent : il reflète une nécessité inscrite dans le “réel” qu’il serait hors de propos de réfuter. De la sorte, le militant de la modernisation peut, lui aussi, prétendre se situer en dehors de tout discours idéologique, affirmant un point de vue de certitude qui ramène paradoxalement toute opposition, tout questionnement critique, dans la catégorie du “réel” sur lequel tout le monde est censé pouvoir s’accorder. De cela il ne saurait être question que dans les termes de l’explication, de la pédagogie ou des techniques de communication.
Il en ressort un point de vue imperméable à toute contradiction, comme aux démentis de l’expérience. Le constat réitéré des évolutions et les choix qui en découlent, prétendument objectifs et neutres, deviennent proprement indéracinables car ancrés dans une réalité qui se suffit à elle-même et échappe au débat. Telle est la source d’une nouvelle surdité et d’arrogance dont font preuve les pouvoirs en place et les militants de la modernisation (managers, formateurs, pédagogues).
L’idéologie de la modernisation semble, là aussi, rejoindre le discours totalitaire  tel que l’analyse C. Lefort.” 
(pp. 25-26)
D’autres passages de ce livre (J.-P. Le Goff, La démocratie post-totalitaire, Éditions La Découverte, 2003) mériteraient d’être cités ici dans la mesure où ils me semblent aller dans la même direction que celle qui intéresse (à juste titre) P. Grasset, à savoir le caractère “virtualiste” de notre époque, même si à bien des égards, Le Goff reste, à mon sens, prisonnier d’une position encore très “kantienne” dont je ne suis vraiment pas sûr qu’on puisse encore attendre grand chose…
Anamorphose
07/09/2003
L’insondable profondeur de l’abyssale intensité de la dévastatrice amplitude du degré de connerie de l’idéologie théocratico-néocon laisse toujours aussi pantois : en témoignent les propos hallucinant d’un presidential prayer team dont la seule excuse pourrait être une subreptice attaque particulièrement sévère d’Alzheimer.
http://presidentialprayerteam.org/
PRESIDENTIAL PRAYER 
REQUESTS FOR 
SEPTEMBER 4, 2003
 
As our country prepares for the second annual observance of the tragic terror attacks of September 11, 2001, pray that healing and hope will continue to abide with the survivors and the victims’ families. Pray that our nation will remain free from the fear of future attacks, and that the new agencies that have been put in place to guard against future attacks will succeed. 
Pray for U.S. Soldiers who continue to serve in dangerous parts of the world. Pray for God’s supernatural protection on them. Pray that their experience in the military will give them an opportunity to grow as human beings and to draw near to God. Pray also for the chaplains who serve our military so faithfully.
Pray for the members of Congress as they return to Washington for their fall session this week that they will seek godly wisdom and will pursue only those concerns that God desires of them. Pray also for the Congress, as they consider the nation’s education budget, to make decisions that strengthen the educational system of our country, improving opportunities for all of America’s children.
Pray for the leaders of NASA as they work with Congress to determine the future of space exploration and travel for the United States. Pray that God’s wisdom will prevail in their deliberations.
Pray for the President as on September 10 he welcomes Prime Minister of Kuwait Sheikh Sabah al Ahmad al-Jabir Al Sabah to the White House. The two leaders will discuss the next steps in regional security issues, the war on terrorism and the further strengthening of the relationship between our two nations.
————————————————————————————————————————
Que dire devant ces déclarations quasi officielles de la “plus grande puissance” de notre temps ???? Amen ? Inch Allah ? Je préfère cette vielle expression de chez nous : à Dieu ne plaise.
GENET BERNARD
05/09/2003
évidemment et tout a été fait pour empécher l’intervention dans le champ politique des couches sociales encore porteuses d’espérance
fidelix
03/09/2003
“The main militant Kurdish group in Turkey says it is ending a unilateral ceasefire declared after the capture of its leader, Abdullah Ocalan, four years ago.”
http://news.bbc.co.uk/2/hi/europe/3200907.stm
Est-ce parceque le PKK se sent en position de force en Irak qu’il avance ses pions en Turquie ? 
L’argument de la capture d’Ocalan il y a quatre ans semble plutot tiré par les cheveux en tous cas ... mais le moment est bien choisi. 
Cycloid
31/08/2003
A la place de l’impérialisme américain, aux mains des néocons, on
nous propose le retour à la millénaire dictature du Khon, catholique et romain.
Ni l’un, ni l’autre , grand merci.
Patrick CHAPUS
31/08/2003
Bonjour,
Dans la revue de presse française du 28 août 2003, nous avons trouvé ces deux articles qui montrent que des analyses similaires aux vôtres commencent a apparaître dans des médias nationaux.
Il nest jamais trop tard pour bien faire.
Très cordialement,
Patrick CHAPUS
P.S. Je ne commente pas vos analyses par manque de temps mais il faut noter quelles sont remarquables et très pertinentes. Un grand merci également pour vos infos !
 
Libe 28 03 
 
 
 
 L’épisode irakien a permis de comprendre la véritable nature de l’engagement européen du Premier ministre britannique.
Blair l’européen, la fin d’un mythe
  
     
 Par Philippe MARLIERE
jeudi 28 août 2003
Philippe Marlière est maître de conférences en science politique à l’université de Londres.  
 Au coeur du projet blairiste, une Europe résolument atlantiste sur le plan politique et diplomatique, et économiquement néolibérale.  
 
 
L’Europe communautaire salua l’arrivée au pouvoir de Tony Blair en mai 1997. Les partisans de l’intégration européenne se réjouirent d’accueillir un Premier ministre qui promettait de positionner la Grande-Bretagne «au coeur de l’Europe». Le nouveau locataire du 10, Downing street, rompant avec trois décennies d’obstructions britanniques, fut présenté comme le «plus européen des Premiers ministres britanniques» depuis Edward Heath. Les partisans de l’intégration européenne affirmèrent avoir gagné un allié de poids, tandis que la vague rose qui porta au même moment plusieurs gouvernements sociaux-démocrates au pouvoir laissait entrevoir la percée d’une Europe sociale et démocratique.
L’accord de défense franco-britannique de Saint-Malo en 1998 sembla donner raison à ceux qui voyaient dans la Grande-Bretagne un possible partenaire de premier plan pour la France. Peu importe que les objectifs en la matière divergeassent clairement : les Français espéraient poser les bases d’une défense européenne, autonome et, au besoin, agissant de manière indépendante à l’égard de l’Otan et des Etats-Unis. Tony Blair assura qu’il n’était pas question de construire une défense européenne qui ait vocation à agir indépendamment de l’état major de l’Otan.
Dès 1997, Tony Blair affirma que la Grande-Bretagne rejoindrait rapidement la zone euro. Six ans ont passé, et la décision de soumettre l’adhésion britannique à un référendum a encore été reportée sine die. Ce nouveau report a montré que, sur cette question, le Premier ministre est des plus timorés. Il laisse en fait la gestion de ce dossier à Gordon Brown, son chancelier de l’Echiquier, qui est plutôt hostile à l’euro. Il n’a d’ailleurs jamais montré beaucoup de courage politique pour s’opposer à la presse de Rupert Murdoch, qui est violemment antieuro.
Ce relevé de faits contradictoires ne permet pas de se faire une idée précise de la vraie doctrine Blair en matière européenne. Le Premier ministre a pu couvrir ses intentions d’un écran de fumée, propice à une double lecture de son action.
Pour comprendre la vraie nature de l’engagement «proeuropéen» de Tony Blair, il est nécessaire d’observer la scène européenne en contre-champ et d’examiner à la loupe les échanges britannico-américains. Peu de temps après la victoire du New Labour, Tony Blair reçut Bill Clinton au 10, Downing Street. La doctrine européenne du Premier ministre fut déclinée très précisément : «Une Grande-Bretagne qui mène en Europe est une Grande-Bretagne qui pourra tisser des relations encore plus étroites avec les Etats-Unis d’Amérique (27 mai 1997).» Depuis, «Blair l’Européen» n’a fait que persévérer dans cette voie.
L’épisode du conflit irakien a fourni un cas d’étude aussi édifiant que fascinant. Les médias britanniques estiment que M. Blair aurait décidé de soutenir l’invasion américaine de l’Irak dès septem bre 2002. David Stothard, un ancien rédacteur en chef du Times, a eu un accès direct au Premier ministre et à ses conseillers dans les semaines qui ont précédé le conflit et pendant la campagne militaire. Il rapporte de ses entrevues avec le coeur du pouvoir d’Etat que Tony Blair aurait décidé d’engager son pays, car il était convaincu que, quelles que soient les circonstances, George W. Bush interviendrait en Irak. Tony Blair décida donc, dès l’automne 2002, que la Grande-Bretagne devait choisir de soutenir les Etats-Unis, quelles que soient les conditions de l’engagement américain. Ces faits ont été commentés par les médias britanniques et n’ont fait l’objet d’aucun démenti de la part du gouvernement.
On comprend mieux l’obstination désespérée de M. Blair pour faire avaliser la guerre américaine par les Nations unies, ainsi que ses efforts pour convaincre les membres du Conseil de sécurité. A l’automne 2002, Tony Blair promit à George W. Bush de lui «amener l’Europe sur un plateau», s’il acceptait de passer par les Nations unies. Quand les tractations onusiennes s’enlisèrent, Donald Rumsfeld estima que l’intervention américaine pouvait avoir lieu sans le soutien des Britanniques. Le Premier ministre s’empressa de rassurer l’allié américain, reniant les assurances qu’il avait données aux parlementaires travaillistes de ne pas participer à un conflit en dehors du cadre des Nations unies.
Le gouvernement fait face actuellement à une crise politique très grave, occasionnée par le suicide de l’expert en armement David Kelly. Tony Blair est accusé d’avoir retouché des «preuves» établissant l’existence d’armes de destruction massives en Irak et d’avoir exagéré le danger qu’elles représentaient. Si le gouvernement Blair a trompé le public dans cette affaire irakienne, cette tromperie est essentiellement d’ordre politique : Tony Blair a engagé la Grande-Bretagne dans cette aventure douteuse pour rester jusqu’au bout aux côtés des Etats-Unis.
Tony Blair est inconditionnellement proaméricain, car il estime qu’avec la fin du communisme nous sommes entrés dans un monde unipolaire placé sous le pouvoir hégémonique des Etats-Unis. Mais le Premier ministre est aussi intimement convaincu que la civilisation américaine est supérieure à toute autre, qu’elle constitue l’archétype même de la modernité et du progrès humain. Il fut choqué de constater que sa vision du monde n’était guère partagée par les leaders des grandes puissances occidentales, qui, au contraire, estiment qu’un monde multipolaire offre une garantie de stabilité et non pas l’unilatéralisme guerrier des néoconservateurs américains.
Le tropisme américain de Tony Blair fournit la grille de lecture nécessaire qui donne sens à une stratégie européenne qui, à défaut, frappe par ses contradictions et ses incohérences. Ainsi, l’alliance très publique qu’il a nouée avec José Maria Aznar et Silvio Berlusconi pour une Europe des marchés, de la flexibilité et des privatisations, n’est ni une erreur de parcours ou une aberration. Elle est, pour Tony Blair, idéologiquement logique et politiquement souhaitable. Les efforts inouïs du gouvernement Blair pour vider la Constitution européenne de ses dispositions sociales renvoient au coeur du projet blairiste : l’établissement d’une Europe atlantiste sur le plan politique et diplomatique, et économiquement néolibérale.
Evoquer la «relation spéciale» pour expliquer le proaméricanisme inconditionnel de Tony Blair n’est guère suffisant. Harold Wilson avait catégoriquement refusé d’envoyer des troupes au Vietnam en dépit des demandes pressantes de Lyndon B. Johnson. Margaret Thatcher n’avait pas hésité à reprendre les Malouines, sans le soutien de Ronald Reagan, qui voyait dans la dictature argentine un rempart contre la «menace communiste». Le soutien zélé de Tony Blair à George W. Bush est motivé par une lecture idéologique du monde : il considère que la «modernisation» de l’économie et des services publics doit impérativement se faire en copiant le modèle capitaliste américain. Pour le champion de la «troisième voie», quiconque résiste à l’américanisation du monde est une force «archaïque» qui tente de ralentir la marche inexorable de l’Histoire.
Le mythe de «Blair l’Européen» aura survécu de manière plus ou moins plausible jusqu’à l’épisode irakien. Des dossiers falsifiés et l’amitié encombrante de néoconservateurs américains l’ont fracassé.
 
 
 
 
 A quelques mois de la présidentielle américaine, la situation à Bagdad divise l’opinion et le Congrès.
Irak : un air de Vietnam
Par Jacques AMALRIC
jeudi 28 août 2003
 
Jacques Amalric est ancien directeur 
de la rédaction de «Libération».  
 Associer les Nations unies à la renaissance de l’Irak serait une solution mais la toute-puissance américaine l’interdit.  
 
 
  Les analogies historiques sont souvent abusives, rarement pertinentes. Difficile pourtant, à quatorze mois de l’élection présidentielle américaine, de ne pas se remémorer les débats et les interrogations qui divisaient les Etats-Unis au début des années 60. Il n’était pas question de l’Irak, à cette époque, mais bien sûr du Vietnam où plusieurs milliers de «conseillers» militaires américains, chargés d’entraîner et de motiver une armée sud-vietnamienne peu performante, commençaient à enregistrer pertes et insuccès. On connaît la suite : bien que rempli de doutes sur la finalité de l’aventure, Lyndon Johnson, qui termine le mandat de John Kennedy, se laisse convaincre notamment par son secrétaire à la défense Robert McNamara d’engager plus avant les Etats-Unis dans le conflit, aux côtés du régime sud-vietnamien, aussi corrompu qu’autoritaire. Elu brillamment en 1964 sur un programme de réformes sociales intérieures, il franchira le Rubicond en 1965 en portant les effectifs du corps expéditionnaire à plusieurs centaines de milliers d’hommes. Cinquante mille GI laisseront la vie dans cette guerre. En vain.
Autre conflit, même débat aujourd’hui. Sauf qu’il ne s’agit pas cette fois-ci de gagner la guerre d’Irak (elle l’a été, et rapidement) mais de gagner la paix. Et quelques mois après la chute de Saddam Hussein, la tâche apparaît bien plus hasardeuse qu’elle n’avait été décrite par la poignée d’idéologues qui ont convaincu George W. Bush de venger les morts du 11 septembre 2001 en libérant Bagdad de la tyrannie : l’insécurité règne dans le pays, à l’exception du Kurdistan et les 139 000 soldats américains qui y sont stationnés consacrent l’essentiel de leur temps non pas à améliorer la vie quotidienne des Irakiens mais à se protéger des attentats et à éviter les embuscades. En dépit d’un engagement américain dont le coût actuel est d’un milliard de dollars par mois (mais évalué à vingt milliards de dollars par an et pendant cinq ans pour être efficace), la reconstruction du pays stagne : l’insécurité est générale, l’électricité manque, l’eau reste rare, la production de pétrole peine à reprendre faute des investissements massifs nécessaires et du fait de sabotages, la situation sanitaire est de plus en plus critique, le chômage la règle générale.
La reconstruction politique de l’Irak, c’est-à-dire le transfert du pouvoir aux Irakiens, est également en panne. Paul Bremer, le proconsul américain, peut bien évoquer l’organisation d’élections dans un an, personne n’y croit vraiment. Encore faudrait-il en effet que le pays dispose d’ici là d’une constitution adoptée par une assemblée constituante légitime. On en est loin à voir les profondes divisions qui paralysent le Conseil gouvernemental provisoire irakien mis en place par Paul Bremer ; des divisions qui concernent aussi bien le principe du fédéralisme (auquel les Kurdes sont bien plus attachés que les chiites, majoritaires) que de l’espace à réserver à la religion (ce sont ici les chiites qui sont les plus virulents, même si une partie d’entre eux n’est pas hostile à une certaine sécularisation).
Le renvoi dans leurs foyers des centaines de milliers de soldats de Saddam Hussein n’a fait qu’ajouter à la crise de confiance entre Américains et Irakiens et a sans doute fourni nombre de volontaires aux partisans de la résistance armée. Certains experts estiment également qu’en intervenant en Irak, les Etats-Unis ont ouvert un nouveau champ du jihad et que des terroristes islamistes non-irakiens ont rejoint dans leur combat les nostalgiques du régime de Saddam Hussein. Ils en veulent pour indice le sanglant attentat perpétré contre le quartier général des Nations unies à Bagdad mais les preuves manquent encore pour étayer ces affirmations.
Quoi qu’on en dise à la Maison Blanche et au Pentagone, l’idée que les Etats-Unis se sont engagés dans une impasse en Irak, sous prétexte de guerre contre le terrorisme et de menace (toujours non avérée) d’armes irakiennes de destruction massive, progresse tout aussi bien dans l’opinion publique américaine (les sondages, jusqu’à présent favorables à George W. Bush, viennent de s’inverser) qu’au Congrès. C’est ainsi qu’au retour d’une mission d’inspection sur le terrain, trois sénateurs influents  deux Républicains, John McCain (Arizona) et Lindsey Graham (Caroline du Sud)  et un démocrate,  Joseph Biden (Delaware)  viennent de recommander l’envoi de renforts en Irak. Une idée qui répugne tant à George Bush junior (crise nord-coréenne oblige ; et on est pratiquement en année électorale alors que le président sortant avait initialement promis de réduire dès septembre la présence militaire américaine en Irak) qu’au secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, même si elle est défendue en catimini par nombre de responsables militaires, prompts à reconnaître que si la machine de guerre américaine est satisfaisante, l’armée n’a aucune compétence pour les tâches de reconstruction.
L’autre solution consisterait bien sûr à revenir devant le Conseil de sécurité pour associer les Nations unies aux tentatives de renaissance de l’Irak. Mais là encore l’idéologie dominante à Washington s’oppose à ce qui relèverait du simple bon sens. Au nom de la toute-puissance et de l’infaillibilité américaines. Même si l’arc de vertu démocratique qui devait aller d’Israël à l’Afghanistan (lui aussi au bord du gouffre) en passant par l’Irak, a vécu avant même de voir le jour.
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