Flynn en mode-turbo

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Flynn en mode-turbo

14 juillet 2016 – Il semblerait, selon des indications persistantes à Washington, que Trump annoncerait demain le nom du candidat vice-président qu’il a choisi. Le général Michael Flynn, que nous connaissons bien, est sur la short list du présumé-candidat républicain...

(Nous disons “présumé”-candidat parce qu’il semble que la direction du parti n’ait pas abandonné tout espoir d’éliminer Trump par une manœuvre de couloir, d’ici la convention de Cleveland ou à la convention, – d'ici une semaine, il est temps de s'y mettre, – en faveur d’un candidat-Système. Si c’était le cas, Trump serait évidemment un candidat indépendant et le parti républicain serait pulvérisé, jusqu’à certainement provoquer des scissions gravissimes dans son personnel représentatif [parlementaires, gouverneurs, etc.], tout cela ajoutant un facteur de désordre considérable au sein du Système.)

Quoi qu’il en soit, les hypothèses sur la composition d’une administration Trump restent d’une grande actualité ; par ailleurs, ce n’est pas la position de Flynn (VP ou pas) qui nous intéresse ici, d’autant qu’il semble tout à fait probable que s’il n’avait pas ce poste, Flynn occuperait une fonction majeure au sein d’une administration Trump. (Voir notamment le 11 juillet : [...D]es proches de Flynn affirment que le Général, même s’il n’est pas choisi comme VP, occupera un poste important de sécurité nationale dans une éventuelle administration Trump, – éventuellement le poste de DNI (Director, National Intelligence) qui supervise toutes les agences de renseignement US. »)

Il s’agit essentiellement ici d’une interview que Flynn a donnée à DailyCaller.com, le 13 juillet, que nous utilisons dans ce F&C pour explorer les potentialités antiSystème d’une éventuelle administration Trump, pour préciser d’une façon inédite et extrêmement profonde le personnage et la psychologie de Trump, – et de Flynn également, – notamment dans le cadre du potentiel antiSystème considéré du point de vue opérationnel et non plus seulement communicationnel. On comprend alors combien, à partir de cette interview réellement exceptionnelle selon nous du point de vue de la substance, il est possible de développer des supputations majeures sinon essentielles concernant non seulement ce que serait une éventuelle administration Trump, mais bien au-delà, en quoi la situation crisique des USA serait affectée et, par conséquent, la situation de la crise d’effondrement du Système elle-même.

(On appréciera en passant, – mais comme un facteur d’importance quant aux psychologies considérées, – combien il est significatif que Flynn ait choisi un média complètement hors de la Presse-Système, et complètement partie intégrante de la presse alternative/antiSystème de l’internet, pour une telle interview. Rien que ce “détail” en dit long sur la psychologie du personnage et sur sa position par rapport au Système, et indirectement celles de Trump parce qu’il nous semblerait logique de supputer que Flynn a choisi ce média en complet accord, au moins tacite, avec Trump, ou selon une ligne de communication à laquelle souscrivent les deux hommes.)

D’abord, l’interview de Flynn à DailyCaller.com permet de préciser deux points dans les circonstances et la chronologie du destin récent de Flynn. Le premier point est celui de son départ de la direction de la DIA en août 2014, dont il était dit vaguement et sans réelle certitude qu’il s’agissait d’une mesure de sanction de l’administration Obama. Cela est précisé d’une façon catégorique : « He has just published his first book after he was unceremoniously fired by Obama in 2014 for delivering a pessimistic assessment of ISIS before Congress. The presentation went directly against the president’s prediction that ISIS was irrelevant... » Le deuxième point est la précision donnée par Flynn qu’il est en contact suivi et substantiel avec Trump et son équipe depuis septembre 2015, ce qui est bien plus durable et substantiel justement, surtout lorsqu’on lit le détail de ces contacts que donne Flynn, que ce qui était supposé jusqu’alors. (Le premier écho public et sans aucune précision d’une association directe des noms de Flynn et de Trump date, selon ce que nous avons recueilli, du 27 février de cette année.) Il faut aussi noter, pour compléter l’observation ci-dessus, combien Trump et son équipe suivent tout ce qui est alternatif et antiSystème, puisque ce contact substantiel de septembre 2015 suit de quelques semaines la première intervention tonitruante de Flynn mais aussitôt étouffée et complètement passée sous silence par la presse-Système.

(L’impression nous est toujours restée, à lire la transcription précise de l’interview, que la chaîne Aljazeera elle-même avait été surprise et un peu dépassée par la précision et l’audace des affirmations de Flynn concernant la position de l’équipe Obama, et d’Obama lui-même, vis-à-vis de Daesh. A relire le script de l’interview [voir à nouveau le texte référencé], on voit bien que c’est Flynn qui insiste, presque contre le scepticisme sinon le gré de son intervieweur, pour préciser que l’équipe Obama savait parfaitement ce qu’était Daesh, ou la dynamique menant à Daesh qu’elle favorisait malgré la précision des appréciations de Flynn, plutôt qu’avoir agi sans connaissance de la cause à l’effet.)

L’exceptionnalité de l’interview de Flynn du 13 juillet à DailyCaller.com, dont on lit plus loin l’essentiel, est que de très nombreux détails précis, substantivés, etc., sont donnés par lui, précisément sur trois personnages essentiels de l’actuelle séquence paroxystique de la crise US : Obama, Trump et Clinton. Ces appréciations permettent de mieux comprendre les diverses psychologies, les comportements politiques et, par conséquent, suggèrent puissamment la forme des politiques qui seraient suivies et de celles qui pourraient être lancées si Trump était élu.

Flynn est extrêmement sévère vis-à-vis d’Obama, et il confirme cette structure totalement coupée, et même hostile à toute incursion de dehors du cercle qui entoure dans sa Maison-Blanche l’actuel président, et même l’enferme dans ce que Flynn nomme une “narrative infranchissable”, et cela avec l’assentiment sinon sur les consignes du président lui-même. (Au contraire de Nixon, qui s’était enfermé lui aussi dans une telle forteresse, il nous semble à nous qu’Obama s’est enfermé dans cette forteresse, non pour faire ou tenter de faire sa propre grande politique contre la bureaucratie, – ce qui était le cas de Nixon, – mais pour ne pas être importuné par les échos de la réalité dans ce qui fut une politique essentiellement de communication, marquée par la nonchalance si particulière de l’homme et son goût du seul apparat pour former sa “stature présidentielle”. Depuis, et ceci expliquant cela après tout, l’inopportune réalité a été désintégrée.)

Flynn juge Obama “froid et distant”, un “drôle de type pour ce qui est des relations humaines”, et il constate qu’en quatre années passées à la quasi-direction (directeur adjoint de 2010 à 2012 puis directeur de 2012 à 2014) de “l’une des plus grandes agences du renseignement du monde”, le président n’a jamais rencontré le militaire qu’il fut, lui Flynn, occupant “la plus haute fonction pour un militaire [US] en matière de renseignement”. Cette précision ne laisse pas de stupéfier selon le bon sens courant, et de rassurer quant à l’analyse que nous faisons du comportement des directions-Système pour élaborer leurs “politiques”. (On notera, pour conclure ce qu'on en veut, qu'un Poutine, un Assad et un Nétanyahou, par exemple, rencontrent régulièrement tous les chefs de leurs principaux services de renseignement, dont les militaires bien entendu.)

Cela nous conduit à ce constat : alors qu’Obama nous était apparu comme un homme sérieux, “compétent” (like Hillary), élaborant sa politique avec sérieux et mesure, alors que Trump nous apparaît comme un clown, un bouffon, un simulacre presque caricatural d’homme d’État, c’est exactement le contraire qui se dégage des confidences de Flynn... Obama-selon-Flynn est un complet simulacre tandis que Trump est un homme sérieux, “un formidable auditeur” (un homme qui écoute, chose impensable dans les simulacres qui peuples les directions-Système au comportement d’apparence si sérieuse et “comme-il-faut”), qui posa à l’ancien directeur de la DIA lors de leur première rencontre des questions montrant “sa perspicacité et ses connaissances”. L’appréciation générale de Flynn est quasiment enthousiaste, notamment par rapport à ce qu’on aurait pu en attendre selon toutes les apparences : “il est très, très sérieux pour ce qui concerne l’avenir de notre pays...”,  “il réfléchit très profondément sur les problèmes de l’Amérique et sur les relations de ce pays avec le reste du monde”, “il est très revigorant”, “mon impression, – et j’ai rencontré beaucoup de dirigeants durant ma carrière, – [est] qu’il est un dirigeant très fort, très dynamique”. Il y a de quoi être surpris, sinon stupéfié par rapport à l’image que l’on est si souvent conduit à se faire de Trump, même contre son gré, même avec le jugement qu’il est antiSystème...

Sur Clinton enfin, son avis est catégorique, extrêmement négatif. “The Lady is not a Trump”, et c’est une Lady McBeth rencontrant et confirmant toutes les spéculations qui viennent à l’esprit lorsqu’on se dégage de la gangue vertueuse, d’ailleurs de plus en plus craquelée, qu’avaient formée la presse-Système et le parti des salonards autour du personnage. Clinton est peu compétente sinon incompétente, elle a absolument massacré la politique de relance des bonnes relations avec la Russie (le reset de 2009) ; elle n’a rien compris ni appris de la Russie et elle s’est lancée dans ce qui aurait pu être une initiative très constructive “avec une dose considérable d’arrogance et d’incompréhension”. La politique de reset était “son bébé” et elle l’a jetée encore plus vite que l’eau du bain.

Pour le reste, Lady McBeth est bien la reine de la corruption. Ce qui met Flynn en rage, manifestement, ce sont les soutiens extérieurs qu’elle reçoit par le biais de la Clinton Foundation, qui sont de pures rétributions d’achat permanent de la personne, notamment les $100 millions venus en diverses livraisons de l’Arabie, avec notamment des commissions personnelles sur les achats d’armes US dont elle s’était instituée l’intermédiaire, cela entre les dons purs et simples qui constituaient et constituent une corruption aussi pure que de la meilleure héroïne venue du “Triangle d’Or”. Flynn ajoute, ce qui est un rappel de sa position inattendue de démocrate attaché à certaines “valeurs” de type sociétal, que cette femme, Hillary Clinton, ne pourra s’afficher comme avocate des droits de la femme que lorsqu’elle aura rendu jusqu’au “dernier sou à ces types” (l’Arabie et les pays du Golfe “qui détruisent tous les droits de la femme”).

Voici l’essentiel du texte du DailyCaller.com sur l’interview de Flynn par Richard Pollock, publié le 13 juillet :

« Obama Never Once Met With His Defense Intelligence Chief

« President Barack Obama twice appointed former Lt. Gen. Michael T. Flynn to key national security jobs in his administration, including as deputy director of national intelligence and later as director of the Defense Intelligence Agency, yet he never once met with Flynn face to face. The general, who spent 33 years in the intelligence field, told The Daily Caller News Foundation he was never called in for a face-to-face meeting with Obama to offer his assessment of ISIS as it rampaged through the Middle East, or during the political  meltdown of Libya and Egypt, or on Iran’s efforts to build a nuclear bomb, or of the “Russian reset” that ended in shambles. In four years, Flynn was never invited to brief the president on any kind of intelligence issue. Ever.

» “Here is the crux of my relationship with Obama,” Flynn told TheDCNF in a wide ranging interview Tuesday. “Here I am, running one of the largest intelligence agencies in the world. He appoints me twice — one as the assistant director of national intelligence and one as the director of the Defense Intelligence Agency. I’m also his senior intelligence officer. And I had almost five years in combat.”  “He’s a kind of a funny guy when it comes to relationships,” Flynn told The DCNF. “He’s very aloof and very distant. I wasn’t on his screen at all. I wasn’t on his radar which is really sad. It’s amazing.”

» Now in a turn of tables, Flynn is advising presumptive Republican presidential nominee Donald Trump and is widely reported as being on the short list to run as Trump’s vice president. Unlike Obama, Trump has not only met with Flynn but has also spent hours listening to Flynn’s views. Flynn’s characteristic answers are candid and direct. On the possible choice as Trump’s vice presidential running mate: “This is an honor to be considered at this level and this mix of talent. The fact that my name is being bantered around in the small group of people for this very distinguished office is something I would give serious consideration to.” He added that “I have said I want to continue to serve this country in any capacity.” Like Trump, Flynn is an unconventional figure who abhors political correctness. [...]

» Flynn says he is impressed with Trump. “I have met him. We sat down and talked in his offices in New York. The first time was quite a while ago. I’ve been in touch with him and his inner circle since last September,” he told The DCNF. “He is very, very serious about the future of this county. He is a great listener. I felt we had a great discussion about the world.” At the first meeting, “he sort of threw out a couple of questions to me, which I felt were very telling of his insight and his knowledge.” Then, Flynn said the two of them “walked around the world for about an hour and a half, sort of discussing back and forth.” Flynn described Trump as “very refreshing.” The presidential candidate “really thought deeply about the issues of America and its relationships around the world. And also about America,” he said. “My impression — and I have been around many good leaders in my career — and I found him to be a very strong, dynamic leader. And I think that’s why he is so attractive to so many people in this country right now.” “Trump has a bigger, longer-term vision for this country than just sitting as a President for four years. He really does. And that’s what I was impressed by,” Flynn told TheDCNF.

» Flynn is less charitable toward former Secretary of State Hillary Clinton, one of his colleagues in the Obama administration. “She is somebody that you get the impression that she’s got some other hidden agenda,” he said. “I always felt where there were interactions, there is some other hidden agenda there that doesn’t necessarily have the best interest of the country. Something else is going on.” He pointed to Clinton’s “Russian reset” as one of her biggest failures. The reset was an initiative from Clinton in an effort to restore positive relations with Russian strongman Vladimir Putin. “The Russian reset was a complete failure. That was her sort of baby. She lacked the understanding of how Russia deals on the global stage and how Russia deals with people, personalities and also on nation-on nation, and the way they see us,” Flynn said. “She went into it with a level of arrogance and a lack of understanding.” Unlike some skeptics in Washington, though, Flynn thought at the time that a Russian “reset” could work. “That Russian reset actually could have turned into something that resulted in some sort of mutual respect. But in fact under her leadership, it completely collapsed.”

» He also is blunt about corruption and the Clinton Foundation: “The public corruption between the Clinton Foundation and the State Department may never be discovered. Or it may be discovered well past the election. But it’s a very real issue.” Flynn challenged the foundation’s acceptance of $100 million in contributions from Persian Gulf Sheiks. “The fact she takes one dollar from Saudi Arabia as any kind of a donation is a disgrace,” Flynn said. “Any of these countries destroys women’s rights. And then she stands there and claims that she’s for women.” Hillary Clinton “should give back every red penny that she gets from those guys,” Flynn said. “Then she can talk about women’s rights.” »

Rencontre du 3ème type et au-delà

En apparence, mais nous parlons d’une apparence qui normalement symbolise la forme, il n’y a rien de plus opposé qu’un Trump et qu’un Flynn. Le premier est totalement extraverti, le second semble très introverti ; Trump est bouillonnant, emporté et surmonté d’une invraisemblable coiffure soulignant son teint bronzé, familier jusqu’à la vulgarité, affichant un ego qui ressort plus du cirque médiatique que de la vanité, glapissant et affichant ses $milliards et les sublimes créatures qui forment sa famille ; Flynn est fermé, strict, la nuque droite et le coupe très courte militairement réglementaire, parlant comme un couperet et affichant des principes aussi ferme que sa tenue. Les opinions de Trump semblent insaisissables et jaillir dans tous les sens sans qu’on puisse vraiment les saisir, jusqu’à se demander s’il en a vraiment et si même il est intéressé d’en avoir. Celles de Flynn sont affichées comme celles d’un militaire à la stricte obéissance, – mais selon une allégeance par serment à la Constitution des USA, et nullement à un homme, fût-il président. Trump est un républicain, un conservateur qui a compris qu’il n’a de pire ennemi que le conservatisme-perverti et globalisé de l’actuel parti républicain ; Flynn est un militaire rigoureux qui s’est payé le luxe d’être démocrate avec certaines opinions dans ce sens quasi-“progressiste” (avortement, droits de la femme) et qui n’a de pire ennemi que le progressisme-perverti et globalisé de l’actuel parti démocrate. Ainsi pourrait-on les classer dans la rubrique « Tout les sépare, l’essentiel les rassemble »... C’est-à-dire, l’antiSystème.

Il est évident que nous menons cette réflexion plus à partir de convictions intuitives, étayées sur certains faits en apparence d’une importance réduite mais qui nous apparaissent significatifs à la lumière d’une certaine expérience. La similitude évidente de ces deux personnage est qu’ils n’agissent pas selon ce qu’ils paraissent être, et d’abord en ne s’auto-censurant en aucune façon dans leurs intervention publiques, chacun dans leur domaine et selon leur mode opératoire. C’est aussi étonnant pour le milliardaire remuant qui pourrait n’avoir d’attention que pour ses effets de fortune, que pour le militaire strictement fermé qui devrait n’avoir d’attention que pour la stricte observation du règlement. Selon les propres mots de l’intervieweur, « Comme Trump, Flynn est une personnalité non-conformiste qui abhorre le “politiquement correct”. » On le sait, parce qu’on l’a entendu mille fois dans la bouche de ses partisans, ce qui plaît aux partisans de Trump, essentiellement, c’est moins le contenu de ce qu’il dit que la correspondance entre ce qu’il dit et ce qu’il pense ; quant à Flynn, on l’a dit, son franc-parler depuis l’interview d’Aljazeera ne cesse de nous surprendre.

Dans les deux cas, on parlera donc d’un goût commun pour la sincérité, qui est évidemment une forme essentielle de l’esprit antiSystème quand elle est couplée à la lucidité que donne l’expérience vécue et comprise avec cette même sincérité ; évidemment antiSystème puisqu’en face, les partisans du Système ne peuvent être que simulacre, parce qu’il est nécessaire de simuler pour être partisan du Système, parce qu’on ne saurait être en toute sincérité avec la lucidité de l’expérience partisan d’une chose aussi horrible. L’idéologie ne joue guère de rôle dans leur rassemblement, celui de Trump et de Flynn, sinon les quelques engagements principiels nécessaires et fondamentaux qui s’opérationnalisent sous la forme du patriotisme classique, ou plus encore sous la forme d’une affirmation de type souverainiste (comme fait Trump lorsqu’il dénonce le globalisme et tout ce qui va avec).

Nous avons donc sous nos yeux, selon ce que nous en savons, l’ébauche d’un rassemblement de type antiSystème, et non plus un antiSystème accidentel ou involontaire, ni même seulement un antiSystème conscient mais limité à un rôle solitaire ; c’est-à-dire l’ébauche d’une structuration antiSystème, ce qui est un phénomène nouveau qui doit être souligné. Ce n’est pas rien, d’abord pour avancer dans la vérification que Trump se renforce pour l’instant dans la posture antiSystème qu’il ne cesse d’affirmer ; et, d’autre part, pour observer que cette posture antiSystème suscite assez d’attrait pour attirer des individualités ou des forces de grand intérêt et de qualité qui trouvent désormais l’opportunité de s’exprimer dans ce sens. Ce développement que nous jugeons d’une réelle importance, c’est d’abord un acquis symbolique de la convergence Trump-Flynn, de deux personnages si différents, quelles que soient leur destinée par ailleurs ; c’est ensuite une démonstration de la faisabilité de la formule. Cette évolution est couronnée par quelques faits objectifs, comme la montée de plus en plus affirmée de Trump dans les sondages face à Clinton, ou comme la dissolution accélérée d’Hillary Clinton alors qu’il s’agit de la seule candidate (du seul candidat) jugée acceptable, sinon gagnante, que le Système puisse produire désormais, – tout cela montrant l’impuissance grandissante du Système tout-puissant à exercer avec efficacité et profit ses capacités de contrainte et de manœuvre.

Pour autant, il serait audacieux, erroné et même absurde de voir dans de tels évènements l’amorce d’une débâcle générale et ordonnée du Système, comme on peut en imaginer dans une guerre où il y a un “vainqueur” et un “vaincu”. Il s’agit d’abord d’un approfondissement de la crise américaniste, et par conséquent d’une accélération de plus de la Crise Générale d’effondrement du Système. Les causes en sont multiples et conformes à la logique de l’évolution des évènements jusqu’ici, sans préjuger en rien quelle forme prendra la suite de leur évolution, – puisque, nous le rappelons, selon nous ce sont les évènements qui font notre histoire présente et nullement nous-mêmes. (Par exemple, la rencontre Trump-Flynn est la conséquence de l’évolution des évènements, et nullement leur cause.)

L’événement ainsi décrit se déroule dans un environnement extrêmement instable et ne pourra faire qu’exacerber cette instabilité. C’est une loi assez logique, du type montée aux extrêmes, de l’affrontement en cours : au plus l’antiSystème se renforce, au plus le Système cherche à renforcer sa pression surpuissante, dans ce cas (celui des élections présidentielles), notamment par des pressions d’agitation de type BLM (BlackLivesMatter). Tout cela doit être envisagé sans surprise, la réaction et la pression antiSystème devant nécessairement augmenter la vigueur de l’affrontement, – puisqu’il ne faut pas cesser d’avoir à l’esprit que l’on part d’une situation de domination du Système. Au plus il sera perçu que, pour une raison ou l’autre, Trump peut apparaître comme un candidat “sérieux” et d’un poids politique réel, au plus la riposte exacerbée grandira, notamment par le biais de diverses manipulations puisque la voie choisie par le Système placée devant la dissolution de son candidat est de plus en plus orientée vers le désordre face à l’avancée du courant antiSystème.

Même si, dans le cas le plus favorable, – et nous en sommes loin avec tant d’évènements imprévus à attendre sans les prévoir, les “unknown unknowns” de Rumsfeld, – Trump était élu et composait une administration avec des personnalités telles que Flynn, on peut être assuré qu’on verrait naître encore plus de possibilités d’affrontement, y compris avec les bureaucraties en place ; cela, jusqu’à un point, sans doute atteint très rapidement, où le nouveau pouvoir devrait envisager sa propre rébellion contre les structures du Système et où l’on pourrait alors s’orienter vers des échéances du type écroulement de l’URSS dans la bataille contre la bureaucratie (une idée qui est dans l’esprit de Flynn, lequel est partisan de réduire de moitié le personnel de 400.000 personnes du Pentagone) et des hypothèses du type “American Gorbatchev”. (L’hypothèse qu’on évoquait du temps des primaires aboutissant à la désignation d’Obama, et qui fut complètement étouffée dès l’automne 2008 avec la crise financière permettant à Wall Street de s’imposer décisivement au pouvoir politique par les contraintes financières nécessitées par son redressement, alors que la personnalité d’Obama se découvrait comme s’accordant parfaitement à cette perspective.)

La conclusion qu’on peut proposer, à la lumière de la référence rapidement évoquée, est qu’il s’agit dans tous les cas d’une situation de 2016 radicalement différente de celle de 2008. Toutes les perspectives que nous évoquons, y compris l’aspect symbolique de la rencontre Trump-Flynn, impliquent non pas la possibilité ou pas d’une réforme radicale du système de l’américanisme (ce qui était encore présent dans certains esprits antiSystème avant l’heure en 2008), mais une aggravation extrêmement rapide de l’affrontement entre le Système et l’antiSystème. La nouvelle que nous apportent Trump-Flynn est le renforcement de la conviction que l’antiSystème est une force de plus en plus constitutive, aux USA bien plus que dans n’importe quel autre pays, donc que la possibilité de l’affrontement devient de plus en plus une probabilité allant vers l’inévitable. Au point de tension où nous sommes, nous dirions même qu’une défaite de Trump n’empêcherait pas cet affrontement mais lui donnerait simplement une autre forme, tant les forces se sont constituées et se trouvent dans une situation d’antagonisme ouvert.

Ainsi, la tonalité de cette rencontre Trump-Flynn ne contrarie-t-elle nullement la perspective crépusculaire évoquée hier avec l’éditorial de Wesley Pruden. Si l’on veut poursuivre l’analogie, c’est l’idée d’un “American Gorbatchev”, ou d’une “perestroïka américaniste” sans qu’on accorde le moindre crédit aux illusions gorbatchéviennes du début du processus en 1985-1987. Encore doit-on comprendre qu’à la différence de 1985-1991 où il ne s’agissait que de l’URSS, il s’agit cette fois directement du Système et que, par conséquent, l’enjeu ne peut être rien d’autre que sa destruction, – “Delenda Est Systema”, telle est leur devise, qu’ils le sachent ou qu’ils l’ignorent.