The Lady Is A Trump

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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The Lady Is A Trump

12 juillet 2016 – Il suffit de changer une lettre et le standard à la signification ambiguë de 1937 (voyez The Lady Is A Tramp interprété par Lady Gaga et le vieux Tony Bennett, Lady Gaga grande chanteuse presque jazzy), ce standard devient une fable ironique sur un destin qui hésité entre le tragique, le monstrueux, l’ironie grinçante et le dérisoire. “Tramp” signifie “vagabond” et décrit dans la chanson une “Dame” fantasque  peu préoccupée des conventions et qui n’a que mépris pour les richesses affichées (version bienveillante), qui s’avère être aussi bien une “vagabonde”, une “clocharde” comme il y en avait tant à cette époque de désastre économique ; ainsi l’ambiguïté est-elle de faire d’une Lady une vagabonde, et d’une vagabonde une Lady... Avec une seule lettre changée, “Trump” signifie “atout” ou “carte maîtresse”, et c’est aussi le nom que vous savez, et le titre devient tout à fait différent, d’une actualité brûlante puisque l’élection se joue entre une Lady et un Trump, mais d’une signification également très ambigüe. Le destin ne cesse de ricaner.

Hillary (The Lady), en deux petites semaines, pas plus, a inversé le sens des choses de la communication. Depuis lors, en effet, c’est elle qui tient la vedette de la une des médias de la communication, où elle a remplacé l’innommable Donald Trump, ainsi rattrapant le capital de célébrité médiatique qui avait été jusqu’alors la rente de situation de The Donald. On peut alors dire effectivement que The Lady Is A Trump, mais d’une façon bien contradictoire qui mérite sans le moindre doute une explication précise. L’énergie de la communication a changé de camp, mais en même temps le destin lui-même, tout cela faisant de ce champ de la communication qui avait été une route semée de pétales de rose pour la notoriété populiste du Trump, un redoutable champ de mines pour The Lady. Je crois qu’on devrait apprécier ce phénomène comme un double renversement extraordinaire, où Clinton reprend l’avantage de la notoriété et de la communication, mais pour exposer en pleine lumière, chose affreuse, le côté sombre du personnage. (The Lady Is A McBeth.)

L’ironie complexe et à plusieurs faces du destin est que se sont enchaînés dans une séquence rapide deux évènements qui ont été autant de crises, dont Hillary a été l’incontestable vedette, renvoyant Trump à une sobriété et un effacement auxquels il ne nous avait nullement accoutumés. Mais quelle vedette catastrophique !  L’enchaînement s’est fait entre le paroxysme de la crise de l’emailgate et la crise de la fusillade de Dallas qui fait crier à la “guerre raciale”, avec l’expansion générale du mouvement BlackLiveMatters (BLM), dont The Lady est une fervente partisane et une avocate bruyante et affichée.

Dans le premier cas, tout a commencé par la meilleure nouvelle du monde, de la non-inculpation de The Lady, suivie aussitôt et j’imagine d’une façon très inattendue pour elle et sa suffisance courante d’une très rapide et catastrophique dégradation de la situation, culminant pour l’épisode concerné par l’audition du directeur du FBI par le Congrès, le 7 juillet. Le résultat net est impressionnant dans le sens également catastrophique : d’abord une possible sinon probable deuxième enquête du FBI demandée par le Congrès dans le but d’éventuellement inculper Clinton de mensonge sous serment lors d’une audition (en 2015), ce qui relèverait de “l’outrage au Congrès” ; ensuite et surtout des sondages catastrophiques portant, non seulement sur la désapprobation de sa non-inculpation, mais plus encore qui développe et détaille dans tous les sens possibles un doute majoritaire sur la capacité de Clinton d’assurer des fonctions présidentielles en raison de son attitude vis-à-vis des documents classified et des légèretés qu’elle prend avec ces matières, donc une immense ombre projetée sur sa “compétence” alors que la confiance dans son honnêteté est parallèlement toujours au plus bas du plus en plus bas. Le jugement de Comey sur une Clinton “assez peu sophistiquée” a été dévastateur et renverse totalement l’argumentation jusqu’alors développée. Horreur et consternation ! Ce n’est plus Trump qui est “incompétent” et peu qualifié pour la fonction présidentielle, mais The Lady elle-même.

La deuxième aventure n’est pas plus heureuse. L’attitude extrémiste prise par Clinton sur la culpabilité collective et d’une certaine façon absolue, sans appel et sans retour des Blancs vis-à-vis des Noirs aux USA n’a pas eu un écho extrêmement satisfaisant pour elle tant l’outrance et l’exagération l’ont fait percevoir comme à la fois irresponsable et marginalisée par elle-même. Encore ne sait-on pas où tout cela va nous mener, car si le mouvement avec notamment le groupe BLM prend de l’ampleur, il risque de la dépasser et de l’emporter, exactement comme les diverses manipulations des islamiste-djihadistes jusqu’à Daesh & Cie, si largement dues aux USA dans leur manufacture et leur entretien, ont très largement échappé au contrôle de leurs producteurs. Du coup et le plus logiquement du monde, on a tendance à mettre ces divers troubles, y compris nombre des menaces qui se profilent à l’horizon, à son débit et cela fait d’elle une candidate du désordre et, d’une autre façon mais toujours dans le même sens, d’irrespect de la loi ; alors, certes, The Lady Is a Tramp, dans le sens le plus défavorable du terme pour la perception d’un électorat de plus en plus sensible à ces thèmes.

Pendant ce temps et profitant de l’aubaine, Trump peut inscrire sur son tweet en grande lettres rouges majestueuses “I am the Law & Order Candidate... Lui, le candidat “de la loi et de l’ordre”, lui qu’on a accusé d’amener le désordre, de bouleverser toutes les règles (lois non-écrites) de cette démocratie-Système, lui qu’on a désigné comme l’antiSystème venu mettre tout sens-dessus-dessous, – et il n’a même pas besoin de se faire Système pour repousser toutes ces accusations et au contraire s’afficher du camp de la loi et de l’ordre, mais au contraire il lui suffit de rester antiSystème...

On dit, – que ne dit-on pas, certes, – qu’en plus de ses nombreuses vertus, The Lady a celle de faire grande consommation de médicaments ayant de fâcheux effets sur ses nerfs. Pour cette fois, sa complète culpabilité n’est pas établie, puisque ce traitement concernerait les séquelles d’un accident de santé qu’elle a eu lorsqu’elle était secrétaire d’État (elle avait été obligée de porter des lunettes pendant un certain temps, à la suite de cet accident affectant le système nerveux et la région cérébrale). Là encore, le destin la poursuit d’un acharnement qu’il justifie par la façon dont elle a prétendue se jouer de lui tout au long de sa carrière ; l’on dira alors que toutes ces malversations et ces fatalités s’additionnent pour nous restituer la figure d’un personnage irrémédiablement compromis, désormais pris dans l’étau et le filet de ses briganderies et de ses faiblesses, et qui, à chaque occasion, aggrave son cas. The Lady devient ainsi, en paraissant de plus en plus être une Tramp, le Trump caricatural qu’elle dénonçait, c’est-à-dire une Trump sans aucun des avantages dont le candidat républicain a su profiter.

Je trouve là-dessus qu’il y a un enseignement important, ou plutôt un double enseignement qui est d’une réelle importance. On en a déjà vu des occurrences précédemment, mais ce cas est fameux par sa netteté et son tranchant, et d’autant plus important qu’il caractérise l’événement de loin le plus important parmi ceux qui sont programmés pour cette deuxième partie de la riche année 2016. D’une part, il n’y a dans l’enchaînement des deux crises (emailgate et “guerre raciale) aucun effet de supplantation mais un mécanisme d’addition entraînant une multiplication des effets. La fusillade de Dallas, le soir de l’audition de Comey au Congrès n’a pas enterré l’effet du premier événement chronologique, il l’a poursuivi sous une autre forme somme toute, à cause de la prise de position de Clinton, the Lady se jetant ainsi dans la gueule du loup... (N’a-t-elle donc pas de conseillers pour l’avertir de tels effets fâcheux, et notamment que si l’on soutient en sous-main  de tels mouvements de sédition, même vertueux et se prétendant soft, il s’agit officiellement d’en dénoncer au moins les effets de désordre ? Je crains que les conseillers de The Lady soit tous, surtout ceux du genre féminin, du genre Tramp qui se prend pour Trump, c’est-à-dire du registre hystérique de l’affectivisme.) Pour résumer ce point et mettre en évidence tout son intérêt, une crise ne chasse pas l’autre, au contraire elle la poursuit, la complète, la renforce, et la même personne, – The Lady, – se trouve chargée de responsabilités aggravées et amplifiées dans les divers sens qu’activent ces crises : c’est le premier enseignement.

Le second est l’inversion parfaite des rôles qui confirme la crise profonde du Système, qui ne sait plus produire sa surpuissance que pour fabriquer de l’autodestruction. C’est la représentante du Système qui se trouve au milieu des agitations, à la fois de la corruption et de désordre, alors que le Système prétend afficher les vertus contraires, combattre la corruption avec un succès éclatant et contenir le désordre pour mieux nous ménager ses lendemains-à-lui qui chantent. Le plus remarquable est bien qu’elle reste représentante du Système pendant qu’elle accumule les catastrophes, chargeant le Système de cette même infamie, qu’on n’ose pas trop lui retirer cette “qualité”, et d’ailleurs qu’il n’y a pas d’alternative, de “plan B” comme ils disent... Pendant ce temps, le représentant auto-institué de l’antiSystème n’a qu’à laisser faire pour être paré des vertus en question, par simple effet antagoniste, et donner ainsi à l’antiSystème des lettres de noblesse qui lui permette d’affirmer à la fois sa nécessité et sa légitimité. Effectivement, Donald J. Trump s’affirme plus que jamais du camp de l’antiSystème et cela lui est de moins en moins reproché.

Finalement et tous comptes faits ... That’s why, that’s why the Lady is NOT a Trump.

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