Les Antifa vont-ils ériger une statue à la gloire de Bannon ?

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Les Antifa vont-ils ériger une statue à la gloire de Bannon ?

Depuis 2006 et Petraeus en Irak, il y a un mot qui est devenu sacré dans la langage-Système, qui résonne comme une super-dose de Prozak pour les zombies-Système un peu dépressifs : “surge”. Il s’agit d’amener brusquement et dans une manœuvre-éclair de quelques semaines sinon un ou deux mois une pincée de deux ou trois milliers de soldats dans un des multiples coins où se poursuit l’une ou l’autre guerre catastrophique, à un moment particulièrement catastrophique, pour redresser la situation comme par un coup de baguette magique et de quelques dizaines de $millions pour acheter ce qui peut encore l’être. Ainsi vient d’annoncer le président, on va “surger” en Afghanistan (4.000 hommes), histoire de poursuivre la guerre la plus longue, la plus stupide, la plus ingagnable, la plus inutile, et sans doute parmi les plus sanglantes, que poursuivent les États-Unis depuis bien plus de quinze ans. Les militaires américanistes, fidèles à l’excellence de leurs diverses aventures, continuent donc à suivre la maxime célèbre selon laquelle “on ne change surtout pas une stratégie qui perd à tous les coups”.

Sur le terrain, c’est-à-dire à Washington bien plus qu’à Kaboul, cette décision inepte représente une victoire du président McMaster, puisque c’est ainsi qu’il faudrait mieux désigner le conseiller à la sécurité nationale du président Trump, lequel président Trump est célébré par tout ce qu’il y a des grands esprits à Washington, de McCain malgré sa tumeur, à Lindsay Graham. La dose de surge-Prozak aura eu au moins l’avantage de vérifier par ailleurs que le départ de Bannon se traduit instantanément, avec son retour à Breitbart.News, par le passage dans une opposition radicale dans l’antitrumpisme de cet important outil de communication, – dans la mesure où le trumpisme devient désormais, au moins pour l’épisode de cette affaire d’Afghanistan, quelque chose comme une soumission complète du président à son entourage Deep State... Pour notre compte, ce n’est pas vraiment trop grave, mais pour les Antifa, il s’agit de rien moins que d’un dilemme, tel que le souligne Adam Gurrie, de TheDuran.com, – à moins certes qu’ils ne découvrent quelque vertu à soutenir l’effort de guerre des forces armées US en Afghanistan comme en de nombreux autres pays où le fascisme se trouve dissimulé dans le recoin d’une colline syrienne et dans un coin nécessairement sabloneux de désert irakien qui n’aurait pas encore était occupé par Daesh et la CIA : « Peut-être Breitbart.com devrait-il ériger un monument antiguerre à la gloire de Steve Bannon et attendre de voir qui viendra le premier commettre un acte de vandalisme à son encontre ? »

Voici donc un des premiers obus de bon calibre que Breitbart.News sous le commandement retrouvé de Bannon expédie contre le président McMaster, alias Trump. L’artilleur se nomme Brian Darling, l’un des éditorialistes du groupe, et il s’affiche comme un ancien partisan de Trump, étiquette particulièrement offensante pour le président en titre :

« “I thought it a big mistake for the United States to promote nation-building policies in North Africa, East Asia, and the Middle East when President George W. Bush pushed them and started the never-ending wars in Iraq and Afghanistan. I worried that the destabilizing policies of President Barack Obama caused chaos, not stability, in Egypt and Libya.

» I voted for Donald J. Trump because he promised change.

» I may have made a mistake.

» Should we retitle National Security Advisor H.R. McMaster as President H.R. McMaster? For all those progressives who rejoiced at the ousting of Stephen K. Bannon from the White House — How do you feel now knowing that Bannon was a strong opponent of a troop surge in Afghanistan? Not so good?

 » The nation-building hawks have won and now expect the Weekly Standard’s Bill Kristol to cheer the president’s foreign policy conversion from a rhetoric of restraint view to one embraced by the interventionist wing of the Republican party including Sens. Lindsey Graham (R-SC) and John McCain (R-AZ). So sad.

» Despite the fact that President Trump announced that “we are not nation-building again,” he is in denial about the fact that he is maintaining the nation-building policies that he campaigned against as a candidate. President Trump’s policy is similar to that of Presidents Obama and Bush.

» I was worried after the missile strike earlier this year against the Syrian government that this administration was slouching toward an interventionist agenda that ignored the folly of investing trillions of dollars in a country half a world away and putting Americans in harm’s way for a goal that is impossible to explain to average Americans.

» There is no goal in the endless war in Afghanistan. The president is asking Americans to risk their lives, and their children’s lives, for what? What are we fighting for in Afghanistan? This is the same failed policy that Trump campaigned against”. »

Mais tout est question de perception, certes... Si Bannon était resté, la cure afghane de surge aurait quand même eu lieu parce qu’on ne refuse pas du Prozak à un zombie-Système aussi pressant qu’est le Pentagone aujourd’hui à Washington. Il y a beau temps (voir les missiles de croisière en Syrie et les invectives contre la Corée du Nord) qu’on sait bien que Trump n’est pas du tout l’anti-interventionniste qu’il annonçait être, au point comme on l’a vu que ce sont les militaires qui sont parfois obligés de le retenir (cas de la Corée du Nord). La mesure décidée par la bande McMaster, Mattis & Cie ne contribue qu’à accentuer l’enlisement des forces US en Afghanistan sans assurer une seule seconde que le président Trump sera un partenaire fiable dans cette aventure.

Pour autant, la puissance des forces armées américanistes reste ce qu’elle est, impressionnante selon les canons hollywoodiens mais particulièrement inefficace alors qu’une belle et grande victoire serait si nécessaire pour renforcer l’argument en général. L’USAF est toujours aussi incapable d’attaquer correctement la Corée du Nord parce qu’il n’y a aucune raison qu’il en soit autrement. On y ajoutera tout récemment et désormais le cas assez extraordinaire de l’US Navy qui, depuis une collision avant-hier avec un tanker qui a éperonné la frégate lance-missile USS John McCain (le père, pas le sénateur), se voit assigner la mission extrême de faire des ronds dans l’eau. Le chef d’état-major (Chief of Naval Operations) vient de décider une “pause opérationnelle” après la quatrième collision majeure et humiliante en un an et un jour avec divers bateaux civils et innocents (tanker, pécheurs, etc., et autres dangereux objets-flottants-non-identifiés [OFNI] selon les normes de la meilleure et plus puissante flotte du monde) ; chaque fois, les collisions sont assorties d’un nombre non négligeable de matelots de l’US Navy tués et de trous considérables dans des coques réputées increvables. Comme il s’agit de la VIIème Flotte, celle du Pacifique occidental qui serait chargée de participer à une opération contre la Corée du Nord, cela signifie qu’on met les pouces et qu’on demande à Kim de patienter, le temps de former quelques équipages ayant la capacité d’assimiler quelques rudiments ultra-classified de la navigation, notamment que “babord” est à gauche et “tribord” à droite.

La question est donc : certes, ils ont capturé Trump, mais s’ils sont aussi habiles dans la manipulation de leurs prisonniers que dans les manœuvres navales que vaut cette capture ? Dans son discours présentant la décision, selon l’argument essentiel que si l’on ne renforce pas l’engagement en Afghanistan on va laisser se créer un vide que combleront les divers terrorismes, des talibans à Daesh, Trump a glissé la phrase suivante : « Mon instinct original était d’ordonner un retrait et, historiquement, j’aime suivre mon instinct. » (“My original instinct was to pull out. And historically, I like following my instincts”.) Il s’agit d’une phrase sibylline qui pourrait éventuellement servir au cas où le surge rencontrerait des difficultés ou ne donnerait pas de résultats, permettant à Trump de développer l’argument qu’il a été contraint d’agir dans cette occurrence.

L’argument est particulièrement préparé puisqu’il est manifeste que c’est sur le conseil unanime des militaires que Trump a agi, et par conséquent c’est à eux que la responsabilité échoit, et ce sont eux qui pourraient être aisément désignés comme les responsables, comptables d’un échec si la chose se manifestait en Afghanistan. A cet exercice du changement de cap et d’opinion, Trump a déjà monté une habileté et une très grande absence, sinon de scrupules, dans tous les cas de responsabilité ; il y serait d’autant plus à l’aise, ayant préparé le terrain par une phrase de cette sorte et d’autres signes de réserve qui pourraient filtrer d’ici là. Il y serait d’autant plus incliné s’il sentait que la nouvelle opposition née à sa base et emmenée par Bannon lui demandait des comptes. Cette sorte de manœuvre n’effraient pas spécialement Trump, et plus encore dès lors que le Deep State est de plus en plus actif, et donc de plus en plus responsable des politiques suivies. Enfin et pour explorer un autre domaine, si l’on se réfère à sa phrase d’encouragement adressée à Bannon on pourrait dire qu’il s’y prépare déjà comme s’il était prêt à un double jeu, d’autant que Bannon a prévu de jouer ce (double) jeu-là en annonçant qu’il ferait la guerre essentiellement à ceux qui ont détourné le programme de Trump et nullement à Trump lui-même.

Un Trump “prisonnier”, certes, mais il n’est pas du tout assuré que cela soit suffisant. Il faudrait surtout un Trump qui coopère et qui engage toute sa responsabilité de président, c’est-à-dire un Trump discipliné et qui dompte ses humeurs, à la limite un Trump qui soit convaincu que ce qu’on lui fait faire correspond à ce qui doit être fait, bref un Trump qui soit le contraire de Trump. Nous sommes très loin d’une telle situation et de l’existence possible d’un tel Trump si complètement anti-Trump, comme nous sommes très loin d’une victoire en Afghanistan ou ailleurs dont la gloire convaincrait Trump de changer complètement.

... Pendant ce temps-là, que fait-on de ceux qui haïssent Trump, toute la gauche libérale, progressiste-sociétale, qui continue à dénoncer le fasciste qui est dans Trump, à expérimenter son PTSD-Trump, à déboulonner les statues et à accuser les éclipses totales de racisme ? Lui dira-t-on de faire des ronds dans l’eau, disons une “pause opérationnelle” comme il est enjoint à la puissante US Navy ?

 

Mis en ligne le 22 août 2017 à 14H29