Big Bang subreptice

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Big Bang subreptice

2 juin 2011 — D’une façon générale, on observe de plus en plus nettement les signes grandissants d’une désintégration interne du Système. Nous rencontrons d’une façon générale la théorie (ou la fable) “des termites et des conduites pourries”, mais bien entendu comme trame générale indiquant la forme du mouvement. La désintégration se fait de l’intérieur dans tous les sens possibles de l’image. Pour montrer la diversité extrême du processus, nous rappellerons quelques exemples de ces jours derniers.

• Le 27 mai 2011, dans notre Bloc Notes sur la situation de la Federal Reserve. Nous ne parlons pas de la politique de la Fed, de l’influence de la Fed, etc., mais bien de la déconstruction, puis la déstructuration de la Fed qui est en train de s’opérer. A cause de diverses circonstances émanant pour la plupart du Système lui-même (Cour Suprême, Congrès, etc.), la Fed perd de plus en plus de ses prérogatives du secret, qui est sa ligne de défense essentielle pour mener ses activités. Cela implique effectivement une diminution de son pouvoir, de son influence, de sa puissance, du crédit que ses “partenaires” (les banques du Système) peuvent lui accorder ou lui réclamer, de ainsi de suite.

• La déconstruction/déstructuration de Barack Obama s’effectue très rapidement, mais là aussi discrètement car l’opération n’affecte pas ses privilèges et pouvoirs apparents. BHO est toujours accueilli avec ferveur, il circule toujours à bord d’Air Force One ou d’une ridicule limousine tellement blindée qu’elle pourrait figurer dans Mad Max ; il continue à faire de beaux discours de sa belle voix chaude, à attirer partout l’attention ; il est même possible qu’il soit favori pour 2012, mais peu nous chaud en vérité, ne serait-ce que parce que l’on peut s’interroger sur la question de savoir si nous serons toujours là en 2012… En attendant, BHO s’expose pour ce qu’il est, ou ce qu’il est devenu, – une créature du Système, totalement acquis au mensonge, n’exerçant plus aucune influence réelle au Moyen-Orient, virevoltant dans sa politique palestinienne au gré des discours de Netanyahou et ainsi de suite.

• On peut encore rappeler, autre exemple, le cas des “verrous qui sautent”, selon notre interprétation de la “liquidation” de ben Laden et de DSK… Dans ces cas divers, selon des processus divers qui ont tous à voir, d’une façon ou l’autre, avec l’autorité du Système et l’activisme des serviteurs du Système, on aboutit à des actes importants, voire fondamentaux, allant dans le sens de la déstabilisation et de la déstructuration du Système.

• On peut ajouter, autre exemple de commentaires récents, l’effondrement systématique et là aussi accompli sans vraiment soulever de débats sensationnels, de la légalité, – de tout ce qui constitue le Droit, qui est pourtant présenté comme un fondement de notre “deuxième civilisation occidentale” (voir Montesquieu pour les détails, – ou éventuellement Jefferson et Badinter, dans cet ordre) ; et qui est effectivement ce fondement, par exemple et exemple central, pour assurer la cohésion d’une structure telle que les USA. Tom Engelhardt a une excellente chronique sur cette question, ce 30 mai 2011, avec sa question en titre : «Dumb Question of the Twenty-first Century: Is It Legal?».

• Encore un exemple ? Celui du dollar, mentionné ce jour (1er juin 2011), suivant effectivement selon notre analyse cette même voie de déstructuration interne, avec sa fragilité et sa vulnérabilité, son instabilité quasiment anémique, les menaces contre lui, etc., se poursuivant et s’accumulant depuis plus de deux ans pour la phase actuelle, d’une façon très précise… «C’est un processus de déstabilisation et d’affaiblissement permanents, à un point qu’on peut parler d’une érosion interne très profonde et d’une véritable déstructuration de la puissance du dollar et de tout ce qui va avec.»

L’effondrement du Système est en cours, là, maintenant, sous nos yeux. Simplement, il s’effectue d’une façon subreptice, sans solliciter précisément notre attention d’une façon descriptive. Cet effondrement ne semble pas appelé à provoquer un vacarme extraordinaire, sinon d’une façon très indirecte, par enchaînements complexes. Au contraire, le vacarme est une donnée qui trouble la perception et l’exacte mesure des événements. Par exemple, nous sommes conduit à estimer que l’importance de la déstructuration “silencieuse” de la Fed est plus grande que celle de l’effondrement de Wall Street du 15 septembre 2008 ; ou bien, la chose vue différemment, que l’effondrement 9/15 est plus important parce qu’il entraîne en effets indirects la déstructuration de la Fed (toutes les mesures de “transparence” de la Fed viennent effectivement des remous soulevés par 9/15) que par les circonstances mêmes de l’effondrement, y compris les circonstances de la crise financière et de la crise économique malgré toutes les injustices, les souffrances, etc.

Nous espérons que l’on comprend ainsi ce que nous voulons dire… Le Système n’est attaqué de nulle part avec efficacité, il n’est pas contesté d’une façon structurellement forte. L’on peut effectivement s’attacher du point de vue événementiel au phénomène de la chaîne crisique, ou à celui de la révolte des indignatos espagnols ; mais il nous semblerait téméraire d’attendre de ces divers événements des effets directs menaçant le Système par la proposition d’alternatives radicales, voire par la simple révolte. C’est ce que nous observons régulièrement à propos de la chaîne crisique : il nous semble vain d’en attendre la démocratie, les droits de l’homme, la liberté, etc., comme libération décisive du Système, d’autant que ces fausses valeurs qui portent en elles la subversion du Système feraient passer les pays concernés de l’état de dictature soumise à l’ordre du Système à l’état de membre du Système totalement subverties par l’ordre du Système. Ce qui nous intéresse dans cette chaîne crisique, c’est sa participation en tant qu’élément de désordre supplémentaire à la crise du Système, donc à la déstructuration du Système… Nous écrivions, par exemple, dès le 24 février 2011 :

«Rien n’est réglé, ni en Tunisie, ni en Egypte, les deux premières crises, et notre hypothèse est que rien ne sera réglé rapidement, ni même sur le terme, intégrant la chaîne crisique dans la structure crisique. Cette hypothèse répond à notre analyse que ces crises successives ne sont pas seulement des crises locales ou une suite de crises affectant une seule région, mais des soubresauts brutaux de la crise générale du Système (comme des “répliques” parcellaires d’un séisme général, si l’on veut) ; elles font partie de la crise du Système, donc par définition crises insolubles tant que cette crise du Système ne sera pas arrivée à sa maturation extrême…»

On peut certes s’indigner ou se lamenter de tels blocages, mais cette indignation ou cette lamentation ne ferait que mettre en évidence une incompréhension du phénomène du Système. Le caractère hermétique de ce Système, sa surpuissance évidente et écrasante, son “universalité” (le fait que rien n’échappe à l’effet de sa surpuissance et de son influence) interdisent toute action avec un espoir d’efficacité en dehors de lui et, par conséquent, contre lui. Tout se passe à l’intérieur de lui-même, de lui-même contre lui-même.

Dans ce contexte et pour ceux qui s’opposent au Système, comme nous-mêmes, nous ne pouvons qu’exprimer cette opposition et mettre en évidence les contradictions et l’ignominie du Système, de façon, d’une part, à accroître le désordre perçu par le Système pour lui-même, donc à accentuer la tension pour lui-même, sa propre colère contre une situation qu’il a lui-même créée, et ainsi de suite, accentuant enfin cette dynamique d’autodestruction née directement des effets incontrôlés de sa surpuissance… De façon, d’autre part, à nous éduquer nous-mêmes, par cette expression de notre opposition et de notre dissidence, sur la réalité de la situation infâme où nous vivons, pour en tirer les conséquences les plus fondamentales possibles lorsque l’effondrement du Système se sera accompli jusqu’à son terme. Il faut donc bien noter que nous ne disons en aucun cas qu’il ne faut pas agir ; bien au contraire, toute forme d’action est souhaitable, voire nécessaire ; simplement, il ne faut pas attendre des effets que cette action ne peut donner par définition.

Il faut évidemment en appeler à l’“intuition haute” pour tenter de distinguer l’exacte signification de ce qui se passe, et pour situer cette signification au niveau qui importe, qui est celui de la métaphysique. En un sens, les caractéristiques de la crise du Système contre lui-même, en nous signifiant que notre tâche essentielle n’est pas de nous inscrire dans le Système pour participer d’une façon militante et active à sa destruction puisqu’il s’agit d’une voie illusoire, nous permettent effectivement de nous attacher à une démarche de critique métaphysique fondamentale. Ce n’est pas le Système en tant que tel qui doit être l’objet de cette critique fondamentale, mais les conditions métahistoriques générales et les conditions psychologiques qui les ont accompagnées, jusqu’au développement du Système en tant que tel.

De cette façon, les liens sont aisément établis, sinon établis d’eux-mêmes, entre toutes les crises en cours, c’est-à-dire entre tous les aspects de notre temps crisique dont l’activité générale ne s’exprime plus que sous forme de crise.

Un trou noir intérieur

En effet, en plus des observations et des conclusion ci-dessus concernant l’évolution de l’état de la crise du Système, il y a, nous semble-t-il, un véritable phénomène de contraction qui s’exerce sur la chronologie de la crise en général. D’une part, nous constatons cet “effondrement” en cours du Système, ce “Big Bang subreptice”, que nous avons détaillé plus haut. D’autre part, les nouvelles de l’évolution des conditions d’accélération de la crise climatique (voir ce 31 mai 2011), ou crise eschatologique per se, ne sont pas des meilleures et nous signalent, – puisque cette sorte de tendance est en général destinée à accélérer selon la logique du Système, – que la pénétration de cette crise dans nos psychologies ne cesse et ne va cesser de s’accentuer, d’accélérer, de s’installer comme la concrétisation d’une menace générale pesant sur l’univers en tant que tel.

Cette pénétration a commencé avec l’année 2010, l’année des crises eschatologiques perçues en tant que telles (voir le 13 octobre 2010) et aussi celle de l’eschatologisation des crises politiques et humaines (voire le 2 avril 2011). Nous parlons moins des conséquences événementielles, éventuellement et sans guère de doute catastrophiques de cette crise climatique, mais d’abord et essentiellement de l’imprégnation psychologique du rapport de cause à effet entre les catastrophes naturelles et la crise climatique, d’ores et déjà en pleine activité ; ce rapport va effectivement prendre un tour eschatologique dans les psychologies, à mesure que la veille scientifique signale l’aggravation de la situation climatique, avec l’année-butoir de 2020 pour le passage crisique vers la dégradation irrémédiable, qui tend à se rapprocher chronologiquement avec les dernières nouvelles sur le rythme de l’émission des gaz à effets de serre.

Les deux phénomènes sont destinés à acquérir une corrélation entre eux. Leurs deux dynamiques ont évidemment un effet chronologique complémentaire, – accélération de la crise interne du Système, ou “Big Bang subreptice” et accélération par rapprochement chronologique de l’aggravation de la crise eschatologique type climatique, environnementale, etc., avec ses effets humains, et essentiellement, pour ce qui nous importe, ses formidables effets psychologiques. Elles vont créer, ou accélérer radicalement si la chose est déjà en cours, une contraction sans aucun doute décisive de la crise générale. Il apparaît de plus en plus que la décennie qui vient de commencer sera le théâtre d’événements considérables, et cela, désormais, sur un temps peut-être plus court que cette décennie complète. On peut faire l’hypothèse que les grands événements “humains” de l’année 2012 (notamment les élections des présidents russe, français et des USA) en seront influencés d’une façon qu’on ne peut déterminer, qui pourrait être décisive dans certaines circonstances, qui serait dans tous les cas fort intéressante. Nous inclinerions à penser à cet autre événement de 2012, signalé par ailleurs comme essentiel per se, du grand Congrès du Parti Communiste chinois devant mettre en place une grande stratégie pour la Chine dans les dix années à suivre, qui pourrait également tenir grand compte de ces circonstances que nous détaillons ici, peut-être en examinant la possibilité d’une rupture avec le Système, – dont l’état sera alors, en 2012, infiniment plus catastrophique qu’il n’est aujourd’hui.

(Dans tous les cas, ce que semble nous montrer le dernier épisode de la nomination d’un nouveau directeur de FMI, pour remplacer DSK, avec la Française Lagarde comme archi-candidate, c’est que les pays “émergents”, – les pays du BRICS, en l’occurrence, incapables de s’unir sur un de leur candidats dans cette occurrence, – sont incapables, ou bien hésitants, à s’inscrire dans la logique dirigeantes du Système, et même dans la direction du Système. En ce sens, ils sont incapables, ou hésitants, à proposer ce qui pourrait sembler un complément et un renforcement du Système en l’état, en y jouant un grand rôle, et se heurtant d’ailleurs en cela à l’hostilité nationaliste ou régionaliste des différents groupes du bloc américaniste-occidentaliste.)

L’évolution est donc représentée, d’une part, par l’accélération de l’effritement du Système, de son effritement “subreptice”, par l’intérieur, comme si sa substance était attirée dans un trou noir intérieur pour disparaître par une contraction décisive sans qu’aucune manifestation d’une violence particulière, telle une “explosion” par exemple, n’emprisonne l’attention sur le phénomène ; d’autre part, par l’accélération de la crise environnementale et climatique dans le sens le plus général et hors des catégories, qui est celui de la crise eschatologique par définition, et celle-ci de plus en plus réalisée comme telle par les psychologies. La perspective implique alors une convergence de plus en plus rapprochée de deux phénomènes à la fois antagonistes et complémentaires. Les deux phénomènes sont antagonistes dans la mesure où ils figurent l’un l’effritement décisif d’une puissance qui se prétendait organisatrice d’un ordre universel et exclusif, en principe de nature humaine mais d’ores et déjà transmutée en une puissance systémique de type anthropomorphique (celle du Système), l’autre la perception psychologique du renforcement d’une autre puissance qui témoigne a contrario de l’agression contre l’ordre de la nature par une puissance hostile à cette nature (les crises eschatologiques découlant directement ou indirectement de l’action du Système). Ces deux phénomènes sont complémentaires dans la mesure où ils contribuent l’un et l’autre à l’installation d’une situation sans précèdent, où semble de moins en moins concevable la possibilité de l’installation d’un ordre “nouveau”, ou d’une alternative sérieuse à l’ordre existant, tout cela selon des références disponibles dans l’ensemble général de notre civilisation fatalement subvertie (“contre-civilisation”) et dont l’usage contribuerait nécessairement à restaurer d’une façon ou l’autre cette “contre-civilisation”. Tout se passerait alors théoriquement comme si une situation nouvelle s’installait, où le Système disparaîtrait progressivement dans sa propre contraction, en un “trou noir” intérieur à lui-même, tandis que la psychologie, conduite à la perception d’une crise eschatologique universelle, serait conduite par conséquent à s’ouvrir à des degrés divers selon la qualité des perceptions et de l'intuition qui les utilise à des changements d’une importance mesurable à cette échelle de l’univers, et cela dans tous les domaines.

Peut-on définir une telle perspective par les seuls mots de désordre ou chaos, qui viendraient naturellement sous la plume, – un peu trop naturellement, certes, – peut-être même comme une ultime défense du Système entonnant l’air du “moi ou le chaos” ? Cela semble difficile, dans la mesure où ces mots “désordre” et “chaos” sont si complètement associés à notre situation présente et à notre Système, et même au sens, voire à l’essence (faussaire) de notre Système dont le dessein explicité est, à l’image de sa représentation économique de lui-même, le “désordre créateur” ou le “chaos créateur”. En l’occurrence, le qualificatif (“créateur”) ne nous importe nullement ici sinon comme manifestation faussaire, puisqu’il nous importe seulement de rappeler que le Système en cours de destruction a le désordre et le chaos pour but avoué, sinon pour tâche d’ores et déjà accomplie ; sa destruction subreptice ne pourrait être considérée comme une indication décisive selon laquelle nous nous orientons vers le désordre et le chaos, puisque c'est son existence même qui suscite désordre et chaos. Sa destruction complète sera plutôt la confirmation a posteriori que nous nous trouvons effectivement, d’ores et déjà, avec lui dans sa phase ultime présente, dans une période pleinement de désordre et de chaos, et que les conditions générales commencent à évoluer décisivement pour faire apparaître des situations complètement nouvelles.