jc
13/10/2019
Il ne s'agit pas ici de principes métaphysiques thomiens, mais de la façon dont Thom fait de la métaphysique. Ce qui suit est un prolongement de la quatrième et dernière remarque préliminaire du .3, censé montrer en quoi la façon de Thom diffère fondamentalement profondément de celle de Guénon. Ce qui suit ne concerne pas a priori les intuitions de Guénon et de Thom, mais la différence des façons qu'ils ont chacun detenter de convaincre.
Thom a une façon morpho-logique de voir le monde (STI, Scientifiquement Très Incorrecte) à laquelle il subordonne sa propre logique¹. Cette façon le conduit à rejeter dans l'organon d'Aristote les principes d'identité et de non-contradiction et donc les notions de vérité et de fausseté:
Thom: "(...) le problème important -en matière de philosophie du langage- n'est pas celui de la vérité² (affaire d'accident, Sumbebèkos dirait Aristote), mais bien celui de l'acceptabilité sémantique, qui définit le monde des "possibles", lequel contient le sous-ensemble (éminemment variable) du réel. On ne cherchera pas à fonder la Géométrie dans la Logique, mais bien au contraire on regardera la logique comme une activité dérivée (et somme toute bien secondaire dans l'histoire de l'esprit humain), une rhétorique." (ES, p.16)
Ce qui précède montre que le thomien que j'essaye d'être considère comme rhétoriques les arguments développés par Guénon dans le dernier chapitre de "Les états multiples de l'Être". Cela ne remet pas nécessairement en cause, je le répète, les intuitions de Guénon, comme le montre l'envoi du chapitre, à mettre en regard de la citation thomienne ci-dessus:
Guénon: "Pour prouver métaphysiquement la liberté, il suffit, sans s’embarrasser de tous les arguments philosophiques ordinaires, d’établir qu’elle est une possibilité, puisque le possible et le réel sont métaphysiquement identiques."
¹: Logique qui est pour Thom une embryo-logique: "La classe engendre ses prédicats, comme le germe engendre les organes de l'animal. Il ne fait guère de doute (à mes yeux) que c'est là l'unique manière de théoriser ce qu'est la Logique naturelle."
²: Thom: "Ce qui limite le vrai, ce n'est pas le faux, c'est l'insignifiant."
jc
12/10/2019
Je termine le 17(.0) par:
"Remarque finale: Guénon termine "Les états multiples de l'Être" par "une « preuve » métaphysique de la liberté"⁵. Il me semble intéressant de confronter son point de vue avec celui de Thom." ,
avec référence à l'article de Wikipédia (⁵) qui consacre une vingtaine de lignes à commenter ce seul chapitre.
Je ne peux m'empêcher de mettre en regard quelques citations de Thom à ce sujet, avec l'espoir que les guénoniens vérifient que, sur ce point, Thom est digne de reprendre le flambeau de la Tradition tenu un temps par Guénon.
Remarques préliminaires.
1. En parcourant le chapitre en grand zig-zag, j'ai constaté que Guénon ne cite pratiquement personne autre que la Tradition et lui-même (seule est citée "La voie métaphysique" d'un certain Matgioi) et qu'il travaille "de première main" (comme Grothendieck et Philippe Grasset¹) alors que l'opposition liberté/déterminisme a fait couler beaucoup d'encre au bout des plumes les plus prestigieuses.
2. En parcourant très rapidement https://listephilo.pagesperso-orange.fr/liberte.html , le premier site à se présenter pour moi à ce sujet sur la toile, j'ai noté la position de Karl Popper, dont George Soros était disciple², et son "L'Univers irrésolu. Plaidoyer pour l'indéterminisme " que je prends aussitôt, sans en avoir lu une ligne, comme la position du Système (pas de liberté sans l'indéterminisme et tous ses avatars, néo-darwinisme en tête, thermodynamique statistique, thermocratie "à la Gilles Châtelet" et mécanique quantique "interprétation de Copenhague" pas très loin derrière).
3. Ii y a eu à la fin des années 1970 une virulente querelle entre scientifiques à propos du déterminisme, opposant Thom (tenant du déterminisme) à Prigogine (entre autres) tenant de l'indéterminisme. Le médiatique Paul Jorion (PC et SC à donf) relate cette querelle dans un article de son blog³. (On y remarquera le "le camp défendu par René Thom, et peut-être Petitot", sachant que Petitot est certainement le meilleur connaisseur (français et peut-être mondial) de l'oeuvre de Thom et qu'il (Petitot) se considère aronien, hayekien et popperien -mais pas thomien!-.)
4. Cette remarque a, selon moi, un caractère beaucoup plus "profond" que les précédentes. Elle justifie ma lecture "en zig-zag" du chapitre et mon scepticisme sur la "preuve" métaphysique "formelle" de la liberté proposée par Guénon (sans remettre en question l'intuition qu'il a de la réponse!). Ce scepticisme est dû à l'approche morpho-logique de Thom, approche qui conduit à refuser la logique de l'organon d'Aristote, et en particulier les principes de non-contradiction et d'identité (et qui conduit à se méfier de l'emploi inconsidéré de la négation!):
"La T.C. [Théorie des Catastrophes] offre donc la possibilité (étendue) de transgresser le principe d'identité (quitte évidemment à réaliser ces transgressions dans des situations bien contrôlées)." (1978)
"Dans cette confiance [platonicienne] en l'existence d'un univers idéal, le mathématicien ne s'inquiétera pas outre mesure des limites des procédés formels, il pourra oublier le problème de la non-contradiction." (AL, p.561)
Citations thomiennes:
- "Si un processus physique nous apparaît comme non-déterministe, c’est parce qu’on le représente dans un espace inadéquat: il faut alors ajouter des dimensions supplémentaires. Il faut ajouter des dimensions cachées jusqu’au moment où l’apparence de non-déterminisme disparaît".
- "(...) à mes yeux, la statistique est fondamentalement une herméneutique déterministe dont voici le but : étant donné un nuage de points (une
distribution de probabilités) dans un espace M, engendrer ce nuage par le mécanisme déterministique le plus simple possible agissant dans un espace produit MxY, Y espace de paramètres « cachés »." (1980)
- "La liberté, comme la mathématique, est fille de l'imagination." (1993)
- "Quant aux causes finales, on peut sans doute les faire rentrer au moins partiellement dans la causalité formelle, si l'on envisage une structure biologique comme partie d'une structure globale périodique : un « cycle » dans l'espace-temps. La réponse à une perturbation localisée d'un tel cycle stable peut être aussi bien considérée comme agissant en amont du cycle qu'en aval. D'où la possibilité de subsumer la cause finale en biologie sous la causalité formelle." (1983)
- "Encore une petite incursion dans la métaphysique : il n'y a de science qu'à partir du moment où on peut plonger le réel dans le virtuel. Il faut plonger le réel dans le possible, pour qu'on puisse réellement parler de science."
- "En quoi l'appel au hasard pour expliquer l'évolution serait-il plus scientifique que l'appel à la volonté du Créateur?" (1980)
- "Que gagne-t-on à enrober le squelette du déterminisme dans une couche de graisse statistique ? (paraphrase d'une formule de physiciens anglais)." (1980)
- "Le déterminisme en Science n'est pas une donnée, c'est une conquête. En cela les zélateurs du hasard sont des apôtres de la désertion." (1980)
- "Je ne discuterai pas ici la question de l'indéterminisme quantique ; je dirai seulement que l'argument sur lequel on prétend le fonder, — le principe de complémentarité ou d'incertitude —, révèle seulement le caractère grossier et inadéquat du modèle ponctuel de la particule." (1968)
- "On admet généralement que les phénomènes du monde macroscopique relèvent de la Mécanique classique et sont de ce fait astreints à un
déterminisme rigoureux, alors que les phénomènes à l'échelle quantique seraient, eux, foncièrement indéterminés. Cette vision livresque des choses est, croyons-nous, fondamentalement erronée." (1968)
- "A mon avis, c'est par l'axiome de localité, par un déterminisme local, que la science se sépare de la magie. Si on accepte les actions à distance, il n'y a plus aucun contrôle." (1989)
- "On n'a pas conscience, dans les milieux d'expérimentation, de la contrainte considérable que fait peser le postulat du déterminisme local."
- "Aucun homme sensé ne peut nier qu'il fait la différence entre le passé qui est fixé, défini, alors que le futur est plastique. On peut agir sur lui. Cette différence est fondamentale or elle n'est pas exprimable mathématiquement. Cela est tout à fait étrange. C'est cela qui m'amena à
reconnaître le libre arbitre humain."
- "(...) la mathématique est la fille de la liberté humaine. Elle en est peut-être le plus splendide rejeton." (1993)
- "(...) pourquoi ne pas croire que nous pouvons intérioriser mentalement une bonne part du déterminisme qui nous meut, en ce sens que ce
déterminisme, c'est nous-mêmes…" (1980)
- "On peut penser que comprendre l'articulation entre le déterminisme mathématique – de type différentiel et laplacien – et le déterminisme
langagier des causes en langue naturelle est l'une des tâches essentielles, sinon de la science, du moins d'une philosophie naturelle bien conçue."
- "Le déterminisme, lorsqu'il est scientifique, c'est-à-dire accessible à tous, et théoriquement intelligible pour tous, est un instrument de libération." (1980)
- "Je crois que le libre-arbitre existe chez l'homme, en tant que système qui permet d'échapper au double bind." (1984)
¹: https://www.dedefensa.org/article/ma-foi-du-charbonnier
²: "George Soros est le disciple de Karl Popper avec qui il entretenait une correspondance. Le nom de sa fondation, Open Society Foundations, est d'ailleurs une référence à l'ouvrage de Popper, La Société ouverte et ses ennemis." https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Soros
³: https://www.pauljorion.com/blog/2019/08/28/progres-en-philosophie-naturelle-le-22-aout-2019-retranscription/
EricRobertMarcel Basillais
12/10/2019
1/ Le Mythe : l'expression '' Déchaînement de la Matière'' renvoie implicitement à ce mythe dont l'interprétation pose décidément problème : le mythe de PROMETHEE… Ce mythe Grec n'est qu'une version, parmi d'autres, d'un Mythe Européen et même Eurasien, beaucoup plus répandu et donc certainement bien plus ancien… C'est de ce côté qu'il faut lancer l'enquête ... en q^uête de LA Tradition
2/ Les dates : souvent Dedefensa cite la période [1776 -1825].
Eric Basillais fonde sa réflexion sur l'étude statistique des crises abordée par Nattale et al. : : http://luth.obspm.fr/~luthier/notalle/arGNCaix.pdf et repris par Basillais in CLIMAX.PDF : https://ericbasillais.wordpress.com/pdf-a-telecharger/
Selon cette référence, l'accélération des crises économiques-technologiques suit convenablement un modèle exponentiel : Tn-Tc=(To-Tc)g-n
Ainsi, même si 1776 ou 1825 peuvent être admissibles à tel ou tel titre historique, la réalité sous-jacente, implicite, inaperçue, c'est que l'accélaration technique n'a pas d'autre début que la Technique elle-même, indistincte du processus d'hominisation repérable paléontologiquement : par exemple le Feu (-500 000 ) ou les divers âges de la Pierre… etc...
Dans l'optique de la critique du monde Prométhéen, il faut donc s'en référer au Mythe de Prométhée quasiment comme à un évènement préhistorique réel : il s'agit bien d'un mythe plongeant sa vérité-de-situation dans un illo tempore largement antérieur à la période ''triomphale'' du Modernisme et se rapportant, pourquoi pas, à la conquête du Feu, assurément la première et la plus importante avancée technique de l'Humanité. Bien sûr d'autres aspects du Mythe concernent l'Anthropologie de cette lointaine époque…
Si la datation de l'Origine de cette accélération technique reste incertaine, en revanche, le modèle permet bel et bien de dater la période quasi-certaine (95%) de l'Effondrement à [2020-2080] ( ce qui donne tout son sens à la méthodologie et aux a priori hautement intuitifs du site Dedefensa & Ph G).
Intégrer l'évolution technologique sur un temps aussi long, permet ainsi de ne pas se tromper d'interprétation sur les causes réelles de l'effondrement…: le commentaire de l'actualité, la chronique, n'a dès lors qu'une valeur de confirmation ou alors, elle offre peut-être déjà , hic et nunc, les linéaments d'un monde hypothétique d' après-effondrement...
3/ L'Effondrement- Entropisation.
Justement, si on suit le modèle précédent, même sans savoir pourquoi, comment, par qui et pour quoi l'Effondrement a lieu, on peut, non seulement donner la datation pour le XXI siècle, mais encore, on peut comprendre pourquoi cet effondrement DEVAIT fatalement arriver : c'est que la vitesse du changement technique ne peut dépasser la vitesse de la Lumière, par exemple… Elle ne peut que converger vers un Temps Critique (précisé alors par le modèle) qui est la limite du Progrès, au sens propre du terme.
4/ La méthodologie spéculative du site Dedefensa diffère de la méthodologie numérique proposée en ce sens qu'elle s'autorise aussi des jugements de valeur. Pourquoi pas ? Mais dans ce cas, il serait également instructif de dater les dites valeurs… On s'apercevrait peut-être que, malgré leur caractère traditionnel supposé, les valeurs anciennes invoquées jalonnent elles aussi la part terminale du cheminement technique de l'Humanité.
En conclusion, hormis des valeurs purement paléolithiques, ou prélithiques, fatalement non datables ( tout comme le début de la Technique dont elles sont inséparables), on ne saurait se référer à des valeurs ou à un ordre dit de Tradition ( en dehors de l'idéologie) : comme l'a fait remarquer Ph G au sujet des USA les ''Tradis'' d'aujourd'hui ne sont que des ''Hommes Nouveaux'' d'hier qui n'y trouvent plus leur compte et prennent l'étendard de la Tradition comme on s'accroche au Radeau de la Méduse....
Cela signife que la question de la Tradition dans le monde d'après-effondrement, est bel et bien TERRA INCOGNITA…
Existe-t-il un moyen de sortir de cette inconnue…?
jc
12/10/2019
Et PhG dans tout ça? J'ai écrit récemment un peu rapidement que PhG est métaphysicien à ses heures. En fait PhG est pour moi fondamentalement métahistorien, et donc fondamentalement métaphysicien.
Rentre-t-il dans mon rangement acousmasticien*-harmonicien*-géométricien*? Entend-il le monde plutôt qu'il ne le voit, ou l'inverse, ou les deux à la fois? Est-il plutôt "audio", plutôt "visuel" ou carrément "audio-visuel"?
Pour moi PhG est un logocrate, ses références sporadiques au "Les logocrates" de George Steiner en sont un indice (et je crois même qu'il s'est lui-même qualifié ainsi une fois ou deux).
Quest-ce qu'un logocrate? La seule définition que j'ai trouvée sur la toile provient du site "La toupie", qui m'a l"air un site trotskiste ou apparenté et n'est guère flatteuse¹. Pour moi un logocrate est un musicien des mots -musicien-compositeur bien entendu-, un musicien qui compose une musique sacrée car il reconnaît -il intuite- la sacralité du langage:
Steiner (souvent cité par PhG): "« “Le point de vue ‘logocratique’ est beaucoup plus rare et presque par définition, ésotérique. Il radicalise le postulat de la source divine, du mystère de l’incipit, dans le langage de l’homme. Il part de l’affirmation selon laquelle le logos précède l’homme, que ‘l’usage’ qu’il fait de ses pouvoirs numineux est toujours, dans une certaine mesure, une usurpation. Dans cette optique, l’homme n’est pas le maître de la parole, mais son serviteur. Il n’est pas propriétaire de la ‘maison du langage’ (die Behausung der Sprache), mais un hôte mal à l’aise, voire un intrus… ”
Thom: "Le langage, ce dépositaire du savoir ancestral de notre espèce, contient dans sa structure les clés de l'éternelle structure de l'Être."
Thom: "(...) aucune théorie un peu profonde de l'activité linguistique ne peut se passer du continu géométrique (relativisant ainsi toutes les tentatives logicistes qui fleurissent chez les Modernes)."
Thom: "Dans beaucoup de philosophies Dieu est géomètre; il serait plus logique de dire que le géomètre est Dieu."
Thom: "L'ambition ultime de la théorie des catastrophes, en fait, est d'abolir la distinction langage mathématique-langage naturel qui sévit en science depuis la coupure galiléenne." (AL, "Le statut épistémologique de la théorie des catastrophes")
Un autre indice m'est donné par la (re-re)lecture de "Le désenchantement de Dieu"² qui servira -je crois me souvenir- d'introduction au tome III de "La Grâce…":
"Il suffit d’un mot, d’une phrase, d’une citation à placer en tête, la chose inspiratrice qui ouvre la voie et là-dessus se déroule le texte, à son rythme, entièrement structuré, avec sa signification déjà en forme et en place. Je n’ai rien vu venir et j’ignore où je vais, mais j’ai toujours écrit d’une main ferme et sans hésiter… et toujours, à l’arrivée, il y avait un sens, une forte signification, le texte était devenu être en soi… C’était un instant de bonheur fou."
, indice renforcé dans le paragraphe suivant:
"Un jour, une relation qui était aussi un de mes lecteurs, étant dans une position au ministère de la défense qui l’inclinait à suivre ces réflexions qu’il jugeait d’ordre diplomatico-stratégique, me dit que mes rubriques dedefensa étaient construites comme des symphonies. Je fus heureux de la comparaison, bien que je n’eusse aucune connaissance de la structure des œuvres musicales, simplement parce que, dans son jugement, ce personnage surtout préoccupé des aspects politiques et techniques avait introduit, avec une certaine insistance, une notion artistique dans la description qu’il avait faite."
J'imagine bien PhG, musicien des mots, travaillant ses textes avec un fond musical, Je le classe sans hésiter dans la catégorie des acoumasticiensï, comme Grothendieck, ce musicien ès nombres.
Je ne pense pas que PhG soit fondamentalement un géomètre, un topocrate, ce qu'est pour moi typiquement Thom (et on pourrait en déduire qu'il (PhG) ne saurait, a fortiori, faire partie de la super caste des harmoniciens). Mais je suis convaincu qu'il est, peut-être inconsciemment (supraconsciemment serait plus adéquat) un peu tout cela à la fois: comment faire, sinon, une distinction fondamentale entre la cathédrale de Reims et les tours de Doubaï³?
*: Néologismes introduits pour marquer la différence avec les mathématiciens modernes non métaphysiciens (typiquement, selon moi, le macronien médaillé Fields Cédric Villani).
¹: http://www.toupie.org/Dictionnaire/Logocratie.htm
²: https://www.dedefensa.org/article/le-desenchantement-de-dieu
³: https://www.dedefensa.org/article/dialogues-3-le-grain-de-sable-divin
David Cayla
12/10/2019
Un pétrolier iranien a déchargé son pétrole en Syrie après avoir été retenu pendant un mois par les Britanniques, peu de temps après que les forces syriennes appuyées par les Russes aient repris le contrôle du sud de la province d'Idleb, mettant à mal un réseau de fortifications souterraines, bétonnées aménagé depuis 2013 et qui avait permis jusqu'alors de bloquer toute tentative de reconquête des forces gouvernementales. Les forces "djihadistes" ont consumé leurs forces dans cette bataille d'attrition, au point où ils ont entrepris de pousser des adolescents âgés de seize ans qui vivent dans les camps de réfugiés en Turquie à rallier leurs rangs pour tâcher de combler les trous dans les rangs. En vain. Les forces qui ont été perdues étaient constituées de combattants aguerris et cette perte est irrémédiable. Pour l'heure, les forces syriennes se préparent tranquillement à la prochaine étape de leur offensive, elles complètent leurs équipements, mènent leurs opérations d'infiltration (renseignement, assassinats de chefs djihadistes, et repérage de cibles pour l'aviation) répandent la suspicion dans les rangs djihadistes, et consolident leurs positions de départ, pour ne pas risquer de subir de contre-offensives meurtrières (camions ou voitures suicides blindés et chargés de centaines de kilos voire de tonnes d'explosifs, mines et chausse-trappes en tous genre, combattants individuels portant des ceintures bourrées d'explosifs, drones,...).
Le rythme est lent et pourrait laisser accroire que le "parrain" russe manque de résolution, d'autant qu'il semble encore et toujours céder au "piège" pourtant éculé des demandes de cessez-le-feu systématiquement mises à profit par les djihadistes pour regarnir leurs rangs, refaire le plein d'armes et de munitions, de matériel médical, de véhicules de combat,... Et pourtant, depuis le début de l'intervention russe en septembre 2015, il est manifeste que sur le terrain, c'est bien le camp gouvernemental et lui seul qui a la haute main. C'est d'autant plus long qu'il est impératif de ne surtout pas laisser la possibilité aux forces djihadistes de se disperser dans la "population" (mis entre guillemets car la grande majorité des gens qui habitaient là avant 2011 sont partis et ont été remplacés par d'autres populations) ce qui leur permettrait de mener des opérations de guérilla meurtrières, d'autant qu'ils disposent d'un matériel très sophistiqué (fusils de précision, missiles anti-char, équipements de communication satellitaires les mettant en contact avec les services de renseignement de leurs parrains étatiques,...).
Il est vrai aussi que par un tour de passe-passe, les territoires tenus par Daesh à l'est de l'Euphrate sont tombés dans l'escarcelle des supplétifs kurdes de l'OTAN (dont la Turquie est membre, certes). Faute de couverture aérienne suffisante (Pantsir, Buk, Krashua, et S-300/400) l'incursion des Russes du groupe Wagner a fait long feu, mais en regardant une carte, il est manifeste que l'est de l'Euphrate était un peu éloigné des côtes méditerranéennes où étaient concentrées alors l'essentiel des forces de défense aérienne russo-syriennes. Il aura fallu un accrochage de trop avec l'aviation israélienne pour que les Russes aient une raison solide de déployer des systèmes aériens S300 supplémentaires (en complément des autres systèmes de défense à la disposition des Syriens) qui couvrent désormais le sud et le centre de la Syrie. Avec une interrogation sur la couverture aérienne de Deir-Ezzor et de Abu Kamal.
Quoiqu'il en soit, c'est bien la pression russo-syrienne exercée sur Idleb qui a poussé Erdogan à concentrer ses efforts sur l'est de l'Euphrate, dans la zone "tenue" par les Kurdes, et c'est aussi cette pression qui avait poussé les Français, Allemands, Américains et Britanniques à tâcher de faire pression autant que faire se peut sur les Russes parce que l'enjeu, en lâchant Idleb, c'était bien de devoir céder à la pression turque plus à l'est. Et nous y sommes. Pour ce qui est des Kurdes, déjà, c'est sans doute un peu exagéré de les qualifier de "forces combattantes". Ce sont plutôt des "forces d'occupation", ce qui n'est pas du tout la même chose. Il est vrai cependant qu'en termes de communication, ce sont censés être de valeureux guerriers ayant vaincu Daesh à eux seuls tandis que les forces russo-syriennes se concentraient sur des "civils désarmés et abandonnés de tous". Ce genre de perceptions trompeuses peut ménager des effets de surprise.
Par ailleurs, si je ne me trompe pas, les "Kurdes de Syrie" ne sont pas vraiment syriens. Ce sont plutôt des Kurdes réfugiés de Turquie accueillis par Hafez-el-Assad qui combattaient la Turquie (ce qui a suscité quelques tensions entre les deux pays), et en outre, les Américains n'ont pas tant fait affaire avec des révolutionnaires qu'avec des voyous, cela après avoir éliminé des dirigeants kurdes moins vénaux.
Aussi, est-ce vraiment étonnant d'apprendre que "encore une fois, les Kurdes ont essayé de négocier un accord aux termes duquel les forces gouvernementales syriennes feraient tampon face aux Turcs tandis que les "Kurdes" continueraient de s'auto-administrer, comprendre en réalité les voyous qui constituent les "forces kurdes" continueraient de vivre de pillage tout en se faisant payer pour ce faire par le gouvernement syrien" ? Et que cela ayant échoué, les "dirigeants kurdes" se sont d'ores et déjà empressés de déguerpir plus au sud ? Seul souci, et de taille, plus au sud, et cela avait déjà posé problème après la prise de Raqqa, il y a des tribus nomades arabes autochtones, et elles ne seront pas forcément particulièrement bien disposées à l'égard des voyous des SDF. Enfin, il se "murmure" que les Russes se préparent à lancer de nouveaux ponts sur l'Euphrate. En ayant sans doute mieux préparé le terrain que la dernière fois…
jc
11/10/2019
La Grande Dyade Dieu-Ciel/Déesse-Terre, qui se transforme en Grande Triade Dieu-Ciel/Dieu-Ciel-Janus-Déesse-Terre/Déesse-Terre, me suggère l'analogie suivante, où la dyade Dieu-géomètre/Déesse arithméticienne se transforme en triade Dieu-géomètre/Dieu-géomètre-Janus-Déesse-arithméticienne/Déesse arithméticienne.
Pour les pythagoriciens, les mathématiciens (initiés) enseignaient aux acousmaticiens (non initiés) à travers un rideau afin que ceux-ci se concentrent uniquement sur ses phrases et non sur ses gestes, se contentant de répéter les aphorismes de Pythagore sans les comprendre, sans en connaître la source, la mécanique de raisonnement¹. Ainsi, pour les pythagoriciens de l'époque, les acoumasticiens avaient une position passive, traditionnellement féminine, alors que les mathématiciens avaient une position active, traditionnellement masculine.
Pour moi Thom est viscéralement un géomètre (qui écrit quelque part qu'il n'a aucune attirance pour l'algèbre -et, a fortiori, pour l'arithmétique-). À l'inverse, je pense que Grothendieck est un arithméticien né. Introduisant les "néologismes antiques" de géométrikoï et d'acousmétikoï (sic) , métaphysiciens géomètres ou arithméticiens (et non "simples" géomètres ou arithméticiens modernes), je dégrade donc Thom de son appartenance à la caste des mathématikoï à celle des géométrikoï, et je range Grothendieck parmi les acousmatikoÏ.
Grothendieck est-il en position passive par rapport à Thom? Pour moi certainement pas. Car si Thom "voit" le monde en Dieu-géomètre³, Grothendieck, lui, l' "entend" en Déesse-arithméticienne⁴. Il nous reste donc à attendre que tombe du ciel et jaillisse de la terre un membre de la super-caste des véritables mathématikoÏ, synthèse haute des castes des géométrikoï et des aousmatikoï , quelqu'un qui soit capable d'entendre le monde qu'il voit et de voir le monde qu'il entend². Mathématikoï = Harmonikoï.
Remarque: Je classe Guénon plutôt dans la caste des géométrikoî. Lacan, métaphysicien pour moi, a commencé par être membre de la caste des acousmatikoï (avec ses modèles formels: carrés des discours, formules de la sexuation, etc.) pour, sur la fin, se reconvertir dans la caste des géométrikoï, ne jurant plus alors que par des modèles continus -bande de Moebius, cross-cap, etc.-.(Mais la différence des connaissances mathématiques entre Guénon et Lacan d'une part et Thom et Grothendieck d'autre part est abyssale.)
¹: https://fr.wiktionary.org/wiki/acousmatique
²: C'est le fameux problème de Kac: "Peut-on entendre la forme d'un tambour et peut-on voir le son qu'il produit?"
³: Thom: "Selon beaucoup de philosophes Dieu est géomètre; il serait peut-être plus logique de dire que le géomètre est Dieu."
⁴: Grothendieck a écrit: "La clef des songes", sous titré "Dialogue avec le bon Dieu". (Pour moi la véritable arithmétique, l'arithmétique "sacrée" est l'étude de la musique des nombres: 1/1, 2/1, 3/2, 4/3, etc. unisson, octave, quinte, quarte, etc.)
jc
11/10/2019
PhG: "L’“homme nouveau”, ou “homme moderne”, c’est l’homme dont la conscience. a pris le pas sur le reste, et décidera “de façon impérative dans quel sens et de quelle façon vont aller ses actes et sa vie”, et donc qui soumet la “nature du monde” dont il tend de plus en plus à douter de sa pertinence sinon de son existence au jugement triomphal de sa conscience."
Kant: “Qu’est-ce que les Lumières ? La sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même responsable. Minorité, c’est-à-dire incapacité de se servir de son entendement sans la direction d’autrui, minorité dont il est lui-même responsable puisque la cause en réside non dans un défaut de l’entendement mais dans un manque de décision et de courage de s’en servir sans la direction d’autrui. Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.”
Kant( début de la préface de la deuxième édition de sa "Critique de la raison pure" -il a donc eu tout le temps de peser ses mots-): "Ils [Galilée & co] comprirent que la raison ne voit que ce qu’elle produit elle-même d’après son propre plan, qu’elle éprouve le besoin de prendre les devants avec les principes qui déterminent ses jugements d’après des lois constantes et de contraindre la nature à répondre à ses questions, mais qu’elle ne doit pas se laisser conduire seulement par elle, comme en lisière; (...) La raison, tenant d’une main ses principes, qui seuls peuvent donner valeur de lois à des phénomènes concordants, et de l’autre l’expérimentation qu’elle a conçue d’après ceux-ci, doit s’approcher de la nature, certes pour être instruite par elle, mais non toutefois comme un élève, prêt à entendre tout ce que le maître veut, mais en la qualité d’un juge en exercice, qui contraint les témoins à répondre aux questions qu’il leur soumet."
jc
11/10/2019
De la Dyade à la Triade.
Il s'agit d'une synthèse. Mais il y a deux genres de synthèses: les synthèses hautes et les synthèses basses¹. Par exemple:
- la synthèse haute des nombres positifs et des nombres négatifs donne Tout et la synthèse basse donne Rien (le Zéro),
- la synthèse haute de 2 et 3 est 6 (leur PPCM) et la synthèse basse est 1 (leur PGCD),
- la synthèse basse des géométries 2D elliptique et hyperbolique est la géométrie euclidienne plane, mais je ne suis pas suffisamment géomètre pour en connaître la synthèse haute -si elle existe-,
- la synthèse basse de la logique intuitionniste et de la logique paraconsistante est la logique "classique", booléenne, mais je n'en connais pas la synthèse haute -si elle existe-.
Le problème posé et diversement résolu par la Tradition est de faire la synthèse haute du Dieu-Ciel et de la Déesse-Terre. Le fait que le Christ fasse l'affaire est un mystère pour le catholicisme (c'est ce que j'apprenais au catéchisme dans ma jeunesse). Il me semble qu'une synthèse haute naturelle est un DJD, un Dieu-Janus-Déesse androgyne.
Thom traite à sa façon, c'est-à-dire analogiquement, de ce problème du genre divin dans le chapitre 9 de SSM intitulé "Modèles locaux en embryologie" et épigraphé "Et le Verbe s'est fait chair", précisément dans la section intitulée "Épigenèse tardive", sous-section "Chréodes génitales" (2ème ed. pp.190 à 193).
Ma lecture (évidemment fantasmée parce que je n'y connais rien en embryologie biologique, et donc très certainement infidèle à l'auteur) me conduit à voir l'ombilic parabolique comme la synthèse haute des ombilics elliptique et hyperbolique.
Thom: "Si l'embryon humain présente une structure hermaphrodite jusqu'à un âge avancé, ce n'est sans doute pas, comme le voudrait la loi de récapitulation, parce que nous eûmes des ancêtres hermaphrodites; mais plutôt parce que l'épigenèse ayant à construire des mâles et des femelles, a trouvé plus économique de construire la situation seuil, quitte ensuite à infléchir, pour un court laps de temps², l'organisation dans un sens ou dans l'autre." (p.192)
Ce qui précède me permet d'élargir le propos en mettant en évidence un principe métaphysique que Thom applique constamment (presqu'autant que son PFDT ,Principe Fondamental de la Métaphysique Thomienne- qui est l'usage immodéré et SI -Scientifiquement Incorrect- de l'analogie): le principe de synthétisation haute par dévoilement (apocalypse) de variables précédemment cachées, évidemment SI lui aussi.
Thom: "Si un processus physique nous apparaît comme non-déterministe, c’est parce qu’on le représente dans un espace inadéquat: il faut alors ajouter des dimensions supplémentaires. Il faut ajouter des dimensions cachées jusqu’au moment où l’apparence de non-déterminisme disparaît."³
Exemple typique: la synthèse haute de l'ellipse et de l'hyperbole (en 2D) se fait par le cône (en 3D), les sections par des plans évitant le sommet étant soit des ellipses, soit des hyperboles, soit des paraboles.
Autre exemple: la synthèse du cercle et du carré (2D) se fait par le cylindre (en 3D) dont la longueur est égale au diamètre: la projection de ce cylindre sur un plan perpendiculaire à l'axe du cylindre est un cercle, et sur un plan parallèle est un carré. (peut-être peut-on faire de même la synthèse de la sphère et du cube, chère à Guénon, en "montant en 4D" et en projetant sur des espaces 3D adéquats…).
Ce dernier exemple est souvent cité en MQ (Mécanique Quantique) à propos du chat de Schrödinger, à la fois mort et vivant. Le SC n'aime guère la MQ et ne la tolère qu'à condition de se conformer à l'interprétation "classique" dite "de Copenhague". Je préfère l'interprétation dBB (de Broglie-Bohm⁴), théorie "à variables cachées" STI (Scientifiquement Très Incorrecte) car à visée nettement plus déterministe (horreur absolue pour les SC et les PC -qui tremblent pour leur liberté chérie?-).
Thom:
- "(...) à mes yeux, la statistique est fondamentalement une herméneutique déterministe dont voici le but : étant donné un nuage de points (une distribution de probabilités) dans un espace M, engendrer ce nuage par le mécanisme déterministique le plus simple possible agissant dans un espace produit MxY, Y espace de paramètres « cachés »."
- "Ce problème d'une interprétation géométrique de la mécanique quantique n'a cessé de me hanter."
Remarque finale: Guénon termine "Les états multiples de l'Être" par "une « preuve » métaphysique de la liberté"⁵. Il me semble intéressant de confronter son point de vue avec celui de Thom.
¹: J'ai vu passer sur Wikipédia que Heidegger avait introduit un néologisme pour les distinguer, mais je ne retrouve plus où.
²: "pour un court laps de temps" ???
³: Je suis content d'avoir trouvé cette citation sur le blog de Paul Jorion (un Jorion qui reste néanmoins par ailleurs SC et PC à donf):
https://www.pauljorion.com/blog/2019/08/28/progres-en-philosophie-naturelle-le-22-aout-2019-retranscription/
⁴: https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_de_De_Broglie-Bohm
⁵: https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_%C3%89tats_multiples_de_l%27%C3%AAtre
EricRobertMarcel Basillais
11/10/2019
Votre peinture actualisée du meilleur des mondes ressemble beaucoup au réel. Restent 2 points de désaccord :
1/ un point de détail : Prométhée s'interprète décidément à l'endropit comme à l'envers… mais en étudiant les mythes aryens ou kartvaliens (Caucase) similaires, on s'aperçoit que le monde Grec n'est pas pourvoyeur de mythes orthodoxes mais plutôt de mythes déjà tordus ou dégénérés (bonjour le miracle Grec).
2/ Sur le sujet de l'accélération : il est faux de dire qu'il n'y aura pas décélération. Elle aura lieu, bon gré, mal gré. Etc'est Kunstler ( cité par PhGrasset très récemment) qui explique pourquoi et comment… après tant d'autres mises en garde ces 50 dernières années. On peut même calculer QUAND avec une relative certitude (95%) : [2020-2080]. Mais nous risquons de ne pas aimer la décélération non plus…
patrice sanchez
11/10/2019
Merci Monsieur pour avoir évoqué ce Penseur de la vitesse !
Car il faut du temps pour bien Penser et Ruminer ce qui est antinomique de notre monde moderne où les humains en voie de zombification plus qu'avancée sont les esclaves de leurs pensées promues par un progrés technologique plus que machiavélique !
Origine : http://www.decroissance.info/Paul-Virilio-et-l-attente-de-l
Les accidents technologiques et industriels se sont multipliés : Feyzin en 1966 (Lyon), Seveso en 1976 (Italie), Bhopal en 1985 (Inde), Tchernobyl en 1986, AZF à Toulouse, SBN récemment à Béziers le 27 juin 2005. Paul Virilio est un philosophe français pour qui l’accident est la face cachée du progrès scientifique et technique. Ses analyses nous entrainent à penser la technique dans son unité concrète et vivante, c’est-à-dire dans sa positivité et… négativité.
Déjà Paul Valéry a énoncé une phrase qui est pour notre auteur une sorte de prophétie : « Le temps du monde fini commence ». C’est-à-dire que nous vivons, depuis les cinquante dernières années, une véritable accélération de l’histoire où le progrès finit le monde, le réduit à rien. En effet, si les sociétés anciennes étaient « agoraphobiques », pour Virilio les sociétés modernes sont, elles, totalement « claustrophobiques » : la mondialisation ce n’est pas simplement le marché unique, « c’est la clôture ». Un terme qui peut rejoindre ceux d’un S. Latouche autour de la « planète uniforme » ou encore de l’ « occidentalisation du monde ».
Valéry a été conscient de la finitude du monde, c’est-à-dire de l’eschatologie. Et c’est alors que pour Virilio, « s’il y a une écologie, un parti écologique avec les problèmes qu’on connaît, en soubassement est en train de naître un parti eschatologique, [ un « parti de la fin »], qui peut être un parti nihiliste, au pire sens du terme ». Et c’est certainement sur cette nappe de fond que peut se constituer ce nous appelons dans la littérature décroissante, une « éco-dictature » qui serait l’envers de la « décroissance équitable et démocratique » que nous appelons à mettre en place. Ainsi pour notre auteur, nous entrons dans un moment nouveau, celui de l’attente de « l’accident intégral, le grand accident ». C’est une attente inconsciente des peuples et c’est une attente consciente des responsables nous précise-t-il. L’écologie est alors le « parti de l’accident », à travers la pollution, l’effet de serre, la fonte des glaciers, etc.
Car plus généralement pour Virilio, « nous sommes victimes de notre réussite », c’est-à-dire du progrès. Car la montée de la quantité d’accidents, de catastrophes, « atteint la science dans sa force, dans son génie. Comme le dit Hannah Arendt, le progrès et la catastrophe sont l’avers et le revers d’une médaille. » Et cela est totalement censuré par les promoteurs insupportables du progrès. En lançant des opérations techniques majeures, « on ose, inévitablement, l’accident » : « un avion de mille places, c’est mille morts. Ceux qui disent que c’est faux ne sont pas des optimistes, ce sont des menteurs ». C’est alors que l’ « obscénité de la technoscience » consiste à masquer les dessous de la science et de la connaissance. Or « inventer le navire, c’est inventer le naufrage, l’avion le crash, et le train, la catastrophe ferroviaire ».
Pour Virilio, c’est cette obscénité de la technoscience qui voulant cacher l’angle mort de sa négativité, crée une science de la prévention de l’accident (ce que l’on appelle la cindynique), et non pas une science de l’accident, c’est-à-dire une véritable « intelligence du désastre » qu’il appelle, lui, de ses vœux.
Source : Entretien de Paul Virilio dans Beaux Arts numéro de décembre 2002 à propos de l’exposition « Ce qui arrive… » à la Fondation Cartier à Paris.
le mercredi 29 juin 2005
par Clément Homs
http://1libertaire.free.fr/ClementHoms41.html
Olivier
10/10/2019
Je pense que la pensée noire a déjà commencé son oeuvre et que Trump va être assassiné avant le terme de son mandat. Il y a des signes qui ne "trumpent "pas…. ou sigles du type CIA, etc… bref Dante nous avait bien prévenus avec son enfer…
jc
10/10/2019
C'est l'analogie faite entre le haut de la "coquille" (dont parle Guénon dans "Les fissures de la Grande Muraille" de "Le règne…") et la lignée germinale en Biologie qui m'a inspiré ce commentaire.
Guénon est un véritable métaphysicien. De plus, comme les véritables mathématiciens, il cherche constamment à géométriser sa pensée ("Le règne…" est truffé de tentatives de représentations géométriques des concepts métaphysiques qu'il manipule), ce qui fait que je le classe sans guère hésiter parmi les mathematikoï¹, la plus haute instance des ésotériques pythagoriciens.
Guénon est intéressé au plus haut point par l'ontologie et l'hénologie: monade (être unique), dyade (être double), triade (être triple),..., états multiples de l'être, et a d'ailleurs consacré un livre entier à "la Grande Triade" et un autre aux "États multiples de l'Être".
L'être double est souvent représenté par un Janus bifrons, Janus à deux têtes, qui nous montre alternativement l'une ou l'autre. Ou bien nous acceptons de voir les deux en même temps, ou bien nous ne l'acceptons pas. Ou bien nous acceptons d'être successivement (on/off) éveillé et endormi, ou bien nos pensons qu'il y a nécessairement, pour des raisons d'intelligibilité et de continuité, des périodes d'indistinction où nous sommes à la fois éveillé et endormi. Ou bien nous acceptons l'intelligence on/off de l'ordinateur, auquel cas nous sommes SC (Scientifiquement Correct), ou bien nous ne l'acceptons pas et alors nous sommes SI (Scientifiquement Incorrect). J'émets l'hypothèse que Guénon cherche à géométriser sa pensée parce qu'il sent, peut-être inconsciemment, que le langage usuel ne lui permet pas d'exprimer correctement ses intuitions². S'il avait vécu quelques années de plus, peut-être Thom aurait pu lui en faire prendre conscience?
Thom: "Malgré son caractère non quantitatif, qui a suscité la dérision des scientifiques professionnels [les SC!], il [le modèle de l'agressivité du chien proposé par Christopher Zeeman] a l'avantage inestimable de montrer ce qui fait la supériorité d'un modèle géométrique sur une construction conceptuelle. Expliquer linguistiquement son contenu oblige à des paraphrases compliquées dont la cohérence sémantique n'est pas évidente²." (AL, Envoi, p.33)
SC ou SI? C'est le choix cornélien absolutissimement fondamental d'opter pour l'organon d'Aristote et son principe de non contradiction (SC), ou non (SI). En géométrisant sa pensée Thom fait sans aucune ambiguité le choix d'être SI, en subordonnant sa propre logique à une morpho-logique, logique qui, par la force des choses, ne peut être que paraconsistante³.
La théorie des catastrophes décline les premiers états de l'être, les premiers échelons⁴ de l'échelle de Jacob:
- l'être basique est représenté par la zéroième catastrophe (considérée mais non nommée par Thom) de potentiel parabolique V(x)=x², sans déploiement;
- l'être double est représenté par la fronce, de potentiel V(x)=x⁴ qui se déploie en W(x)=x⁴+ux²+vx;
- l'être triple est représenté soit par le papillon, de potentiel V(x)=x⁶, qui se déploie en W(x)=x⁶+ux⁴+vx³+wx²+tx, soit, je crois…, par l'ombilic elliptique ou l'ombilic hyperbolique;
- l'être quadruple est (je crois…) représenté par l'ombilic parabolique.
L'Être Suprème, le Zéro méthaphysique selon Guénon, étant bien entendu en haut de l'échelle de Jacob⁵. Et le mystère de la Sainte Trinité se ramène peut-être à l'étude de la catastrophe papillon.
C'est la dénomination de Zéro métaphysique qui m'a encouragé -pas longtemps- à commencer la lecture de "Les états multiples de l'Être" avec l'idée qu'il y avait peut-être un rapport avec la théorie mathématique des catégories, certaines catégories possédant ce que les anglo-saxons appellent un Zero being et les français un objet central, sorte d'Alpha et d'Omega d'où tout part et tout revient⁶. Je préfère la notation multiplicative qui suggère de nommer un tel être -being ou objet- un UN, renvoyant ainsi à Plotin. Une telle catégorie vue comme un "UN" médiacosme entouré d'une myriade de "uns" microcosmes ou macrocosmes?
Il est clair pour moi que Thom est à la fois un métaphysicien "à la Guénon" et un mathématicien, et donc qu'il fait partie des mathematikoï "à la Pythagore". Aux yeux de ses contemporains habilités à porter un tel jugement, Alexandre Grothendieck est un génie des mathématiques. De mon point de vue (3ème couteau émoussé) je ne vois aucune raison pour laquelle il ne ferait pas, lui aussi, partie des mathematikoï (mais la logique de Grothendieck est intuitionniste -au sens des matheux-, donc opposée à celle de Thom -qui, lui, a opté pour la logique paraconsistante-).
En résumé je crois en ce que la théorie des catastrophes peut permettre à certains de percer les mystères de la Sainte Trinité et de la Grande Triade. Je n'en fais pas partie car il faut pour cela, au minimum, "voir" en 4D. Mais je pense que Thom, qui disait voir en 4D dès l'âge de 10-11 ans⁷, le pouvait peut-être. Personnellement j'espère être un jour (pas trop lointain, vu mon âge) capable de percer le mystère de la sainte "binité". Sélection naturelle d'un nouveau genre pour la constitution d'une nouvelle élite traditionnelle?
¹: Je note à ce propos qu'il se mesure intellectuellement souvent avec ce que je considère comme étant d'autres mathematikoÏ (en particulier Leibniz et Descartes).
²: C'est ce que je ressens à la lecture de ces deux livres!
³: Thom: "Dans cette confiance [platonicienne] en l'existence d'un univers idéal, le mathématicien ne s'inquiétera pas outre mesure des limites des procédés formels, il pourra oublier le problème de la non-contradiction." (AL, p.561) "
⁴: Cf. SSM, 2ème ed., pp.62 à 90 ...
⁵: Thom: "(...) le monde des Idées excède infiniment nos possibilités opératoires (...)" (AL p.561)
⁶: Dans la catégorie des groupes, le groupe à un seul élément est un tel being/objet
⁷: Cf le tout début de http://pedagopsy.eu/entretien_thom.html
jc
09/10/2019
Je viens de (re?)parcourir "Les fissures dans la Grande Muraille", chapitre XXV de "Le règne de la quantité..." avec une autre idée en tête. Mais, à la lecture de cet article, je ne peux m'empêcher de souligner la juxtaposition:
PhG: "Nous sommes entrés dans une séquence de dynamique de déstructuration maximale, dans le cadre d’une structuration qui est comme une prison empêchant les promoteurs et acteurs de la chose de sortir de cette dynamique, encore moins de la stopper."
RG: "Quelque loin qu’ait pu être poussée la « solidification » du monde sensible, elle ne peut jamais être telle que celui-ci soit réellement un « système clos » comme le croient les matérialistes ; elle a d’ailleurs des limites imposées par la nature même des choses, et plus elle approche de ces limites, plus l’état qu’elle représente est instable ; en fait, comme nous l’avons vu, le point correspondant à ce maximum de « solidité » est déjà dépassé, et cette apparence de « système clos » ne peut maintenant que devenir de plus en plus illusoire et inadéquate à la réalité."
René Guénon, bien que s'exprimant ci-après en termes plutôt elliptiques, est optimiste:
RG: "Du reste, en réalité, une muraille n’est pas fermée par le haut et, par conséquent, n’empêche pas la communication avec les domaines supérieurs, et ceci correspond à l’état normal des choses ; à l’époque moderne, c’est la « coquille » sans issue construite par le matérialisme qui a fermé cette communication. Or, comme nous l’avons dit, la « descente » n’étant pas encore achevée, cette « coquille » ne peut que subsister intacte par le haut, c’est-à-dire du côté où précisément le monde n’a pas besoin de protection et ne peut au contraire que recevoir des influences bénéfiques ; les « fissures » ne se produisent que par le bas, donc dans la véritable muraille protectrice elle-même (...)"
Pour tenter de lever l'ellipticité de la citation précédente, c'est le moment d'expérimenter une fois encore le principe analogique thomien:
RT: "Les situations dynamiques régissant l'évolution des phénomènes naturels sont fondamentalement les mêmes que celles qui régissent l'évolution de l'homme et des sociétés (...)".
L'analogie corps humain/corps social permet de faire l'analogie entre le haut de la coquille guénonienne et la lignée germinale en embryologie, les "fissures" ne se produisant que dans la lignée somatique.
Il est clair pour moi que l'organisation du corps-âme humain est grandement supérieure à celle de nos sociétés actuelles. Je me suis amusé jadis sur ce site à noter thomiennement les organisations rencontrées dans la nature à l'aide de leur supposée catastrophe thomienne organisatrice, et je verrais bien la catastrophe "ombilic parabolique" organisatrice minimale du corps-âme humain et la catastrophe fronce comme, au mieux, organisatrice des "corps sociaux" actuels du monde des humains. Si on note la complexité d'une catastrophe par son nombre total de variables -un amusement- (le pli noté 2, la fronce 3, la queue d'aronde 4, le papillon et les ombilics elliptique et hyperbolique 5, l'ombilic parabolique 6), alors les corps sociaux" du monde actuel sont notés au mieux 3. Verdict pour les "corps sociaux": peuvent mieux faire.
Pour améliorer les choses il serait peut-être bon d'essayer d'être intelligent "à la Thom", c'est-à-dire d'essayer de se glisser soi-même dans la peau d'un "corps social" et d'en tirer les conséquences. Vers des constitutions embryologiques pour remplacer celles écrites sur un coin de table?
Dans son article "Thèmes de Holton et apories fondatrices" (AL), Thom compare les apories fondatrices de la Biologie et de la Sociologie en des termes pratiquement identiques:
- "Biologie. Aporie essentielle: expliquer la stabilité de la forme spatiale des être vivants et ce, en dépit du "turn over" constant des molécules qui les constituent."
- "Sociologie. Ici, c'est l'opposition entre la permanence de la société -en particulier la structure du pouvoir- et la fluence continuelle des individus qui fait problème."
Et, dans "Révolutions, catastrophes sociales?" (AL), Thom s'efforce "d'établir qu'aucune société stable ne peut exister sans une certaine forme de pouvoir sémiotique."
jc
09/10/2019
Dans "Le règne…" il y a plusieurs chapitres consacrés à la solidification (la plupart entre les chapitres XVII et XXV). Je voudrais ici tenter (retenter en fait, en essayant de clarifier mes idées) un rapprochement entre les vues de Guénon et celles de Thom à ce propos.
Pour Guénon -éventuellement revisité à ma sauce- il y a, grosso modo, un principe actif solidifiant qui fait passer de la puissance à l'acte, de la matière informe à la matière formée -plus précisément animée par la forme-, un principe actif qui fait symboliquement passer du cercle au carré, de la sphère au cube, phase génératrice "solidifiante" (les âges d'or et d'argent d'un Manvantara), suivie d'une phase corruptrice "liquéfiante" où carré et cube retournent à leur état initial, respectivement cercle et sphère (les âges de bronze et de fer).
Pour Thom, qui s'intéresse essentiellement à théoriser la Biologie, il y a une phase de déploiement d'une singularité à partir de son germe, phase de génération, suivie d'une phase de corruption, de retour au centre organisateur de cette singularité. Là aussi passage de la puissance à l'acte (génération) suivi d'un retour au centre organisateur (corruption) avec l'espoir d'un gain, d'un bilan positif, lors du parcours du cycle complet. Métaphoriquement c'est la flottille anglaise qui part "starboard (tribord)" de Start Point, déploie ses voiles vers le nouveau monde pour revenir "port (babord)" à Start Point, et y décharger ou non les trésors trouvés. Biologiquement c'est d'abord le Verbe qui se fait Chair, phase catalogique de génération (on ouvre le catalogue de recettes¹ pour concocter la chair), suivi de la phase de corruption, de retour au centre organisateur. Thom développe dans "Modèles locaux en embryologie", chapitre 9 de SSM épigraphé "et le Verbe s'est fait Chair" (chapitre que j'essaie de digérer…).
D'où nous vient ce livre de recettes, ce catalogue? Est-il nécessairement d'origine supra-humaine (cata = de haut en bas), par définition inaccessible aux humains? La tentative spéculative de Thom est de faire précéder ce catalogue d'un analogue (ana = de bas en haut), précisément d'une théorie de l'analogie, théorie qui est ébauchée dans sa théorie des catastrophes élémentaires (là aussi j'essaie de m'accrocher…).
C'est dans cet esprit que j'ai parcouru -entre autres- le chap. XXV: "Les fissures de la Grande Muraille".
¹: Pour Thom le catalogue n'est pas contenu dans le génome:
- "(...) le génome n'est pas le métabolisme global. Il n'est que la partie fixe de ce dernier. Il est donc le résultat du métabolisme et non l'inverse." (1994)
- "Le rôle du génome apparaît plutôt comme un dépôt "culturel" des modes de fabrication des substances nécessaires à la morphogenèse. Il n'es peut-être guère plus nécessaire à l'embryologie que ne l'est la consultation des livres de cuisine aux réalisations gastronomiques d'un grand chef (...)." ES (1988), p.128
EricRobertMarcel Basillais
09/10/2019
Un dernier mot pour compléter la vision de KUNSTLER :
https://wordpress.com/post/ericbasillais.wordpress.com/3028
Effondrement de tout le système donc, assurément et tant mieux, tanpis. Outre la Guerre civile rampante aux USA, on notera la mise en cause de la Monarchie Britannique, les provocations à la Guerre Civile en FRANCE (ATTALI MACRON ADAMA), ainsi que les remous sociaux en CHINE comme en RUSSIE…
Au delà de très certaines militarisations du phénomène sous-jacent, sa réalité , enfin émergente avait donc, selon l'auteur été prédite à des sourds hédonistes après-moi-le-déluge... et des utopistes de la société industrielle ( toutes couleurs confondues).
Donc GUERRE CIVILE ET /OU GUERRE MONDIALE ?Restons civilisés même dans le CHAOS : optons pour la GUERRE MONDIALE…
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