Forum

Pour poster un commentaire, vous devez vous identifier

Le réchauffement climatique est-il naturel ou causé par l'homme ∫ :

Article lié :

Campagnol

  29/03/2007

Après avoir lu votre dossier “la Commission Européenne et l’alerte à la crise climatique”, on se rend compte de la portée politique (et des possibilités de manipulation) de cette question.

J’ai découvert avec stupéfaction il y a quelques jours une vidéo, d’origine britannique apparemment, qui illustre ce fait en tentant de prouver l’inverse de ce qu’on entend dans tous les médias depuis plusieurs années maintenant (voir lien ci-dessous).

En résumé, le gaz carbonique (CO2) émis dans l’atmosphère par de nombreuses activités humaines (combustion de pétrole, de charbon, etc…) s’accumule et crée un “effet de serre” responsable du réchauffement de la température globale sur la terre. (rapports du groupe GIEC - ONU - 2.500 scientifiques cautionneraient ces rapports).

Eh bien, cette vidéo voudrait nous “démontrer” que c’est faux. Ce serait une fraude, tout simplement de la propagande. L’augmentation de CO2 serait une conséquence du réchauffement, et non pas la cause, qui serait naturelle, à savoir une augmentation de l’activité solaire.

Au delà de l’aspect scientifique, il y a des aspects politico-économiques énormes en jeu. En effet, si l’activité humaine (accumulation de CO2) est la cause du réchauffement et de son cortège de catastrophes climatiques, l’homme doit prendre des mesures rapidement pour gérer la situation. Mesures qui seront impopulaires et coûteuses, du moins au départ. Par contre si la cause est naturelle, on ne peut rien y faire, l’effet s’inversera tôt ou tard, et donc on peut se contenter de gérer les conséquences. Fameuse différence ...

J’avoue que j’ai de la peine à m’y retrouver dans ce sac de noeuds. Démêler les intérêts des partisans de l’énergie nucléaire (qui ne produit pas de CO2), des pétroliers (qui vendent de quoi fabriquer le CO2), des pays émergents (qui achètent en dollars ou en euros), des ultra libéraux, des écologistes, etc…, ça me dépasse un peu ...

Si d’aventure le sujet intéresse, je lirai les réactions avec grand intérêt.

Merci pour votre attention,

http://video.google.fr/videoplay?docid=-4123082535546754758&hl=fr

Campagnol

TGA, TB, l'UE et l'Iran

Article lié : Le “political and moral compass” de TGA

yodalf

  29/03/2007

En effet, on se demande comment une telle affaire ne s’est pas produite avant. - Et aussi comment, en menant une politique étrangère aussi américaine et dédaigneuse des européens continentaux, l’Angleterre aurait pu ne pas se retrouver seule devant cette situation. C’est le résultat d’une longue histoire. G. Orwell appelait cette “chose”:oceania, et le Royqume Uni “airstrip one”.
Il ne reste en effet à Blair qu’à assumer sa solitude (ah! perfide Albion!) face à des Européens sans doute enfermés dans leurs valeurs de confort démocratique et inertes. Et à observer si Bush est aussi solidaire qu’il le laisse croire.
Mais aussi, n’oublions pas que ces militaires sont en service commandé, et que ce sont eux qui pourraient bien servir de fusibles. Plus tard, bien plus tard, ils auront des médailles. Entre temps, Blair aurqit eu le temps d’attendre, et de saliver lentement pour avaler les couleuvres américaines.
Car, c’est ça, “Océania”. Vous savez: “la paix, c’est la guerre”, etc.
Yodalf

Article lié : Constitution ou traité ?

vladimir

  29/03/2007

bonjour,
A Berlin se sont invités les peuples non invités a travers un sondage,qui n’est bien sur qu’un sondage:

Le premier sondage indépendant de tous les 27 Etats membres de l’Union européenne, publié pour coïncider avec le sommet de Berlin

23 March 2007

COMMUNIQUE DE PRESSE : SOUS EMBARGO JUSQU’AU 23 MARS 22 00H GMT

Le sondage a été réalisé par TNS par téléphone et interviews face à face en mars 2007, auprès d’un échantillon de 17,443 personnes âgées de 18 ans et plus. TNS a sondé l’opinion de 1,000 personnes en France, Allemagne, Italie, Espagne, Pologne, Grande-Bretagne et Roumanie, et 500 personnes dans tous les autres états membres. En Bulgarie, La République Tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Slovaquie et Roumanie, les sondages ont été menés par interviews face à face. Dans tous les autres pays les interviews ont été menés par téléphone.

http://openeurope.org.uk/media-centre/pressrelease.aspx?pressreleaseid=32  

Article lié : Constitution ou traité ?

bert

  28/03/2007

Mais de quoi parle t’on?
Du principe d’un texte (pour l’instant, ne précisons pas s’il s’agirait d’un traité ou d’une constitution)nécessaire à l’organisation de pouvoir plus étendus pour l’Union Européenne et ses institutions, en substitution des prérogatives des états membres?
Ou parle t’on du contenu dudit texte, sans discuter de son opportunité qui paraîtrait acquise?

Oui, la distinction entre constitution et traité est importante, et pas seulement parce que l’une me paraît devoir être soumise aux dispositions de l’article 89 de la constitution, tandis que l’autre relève des articles relatifs aux traités, européens ou pas, d’ailleurs. Cette distinction importe aussi du fait de l’importance du texte, de son effet sur les institutions françaises.

Quoiqu’en disent les médias et politiques, le rejet du projet de 2005 était aussi le fait de personnes rejetant de nombreuses parties du texte, après l’avoir lu! De nombreuses dispositions étaient l’image d’un recul démocratique, sinon social, par rapport à l’état actuel du droit français, à l’exemple de l’initiative de présenter des lois au vote de l’assemblée…

Que l’on accepte de voir se créer un espace européen, que l’on accepte qu’il est alors nécessaire de créer un corpus législatif dans ce but, n’empêche pas d’abdiquer toute lecture critique des textes en question et de pouvoir refuser toute disposition qui viendrait diminuer les droits issus de la représentation populaire, par exemple.

C’est pour cela que paraît vraiment pathétique et révoltant ces efforts désordonnés pour imposer aux peuples européens un texte, qu’il soit qualifié de traité ou de constitution, sans consultation, et surtout d’en refuser une élaboration citoyenne au profit d’une rédaction par quelques technocrates politiquement orientés.

Quelle tristesse, lorsque j’ai appris que le texte qui devait représenter un acte de naissance d’une nouvelle “nation européenne” serait rédigé par Giscard d’Estaing, homme du passé, sinon du passif (sic…)

Pour élaborer une constitution, toute société se doit d’abord de disposer d’une représentation populaire crédible et capable de former une assemblée constituante qui élaborera etproposera le texte aux citoyens; pour faire ratifier un traité, c’est la consitution française qui doit s’appliquer.

Un traité constitutionnel n’existe pas en droit. Et jouer sur une définition aussi vague ne prouve que le trouble des gouvernants européens.

L'Iran refusant le $ comme Saddam => guerre US contre Iran !

Article lié :

Lambrechts Francis

  27/03/2007

China paying in euros for Iranian oil : Reuters http://www.iht.com/articles/2007/03/27/business/euros.php

Une autre guerre à ajouter à la liste dans “Coûts, méfaits et dangers du dollar” par Rudo de Ruijter 06/03/2007 http://www.europe2020.org/spip.php?article402&lang=fr

dollar et irak

Article lié :

Atoss

  27/03/2007

Les anglo saxons ouvrent les yeux?

http://www.youtube.com/watch?v=k1oPEfa9Lws

fisk confirme

Article lié : Le virtualisme selon Zbig (suite)

bituur esztreym

  27/03/2007

“Une peur étouffante règne sur l’Amérique” : cet article de Robert Fisk racontant une conférence donnée deux fois la même semaine, à l’université du Caire et le campus de Valdosta, dans le Deep South des Etats-Unis, exprime avec très grande vigueur cette peur.

juste un extrait : “Et je réalise que la fille au séminaire du Dr Noll n’avait pas débité ce truc à propos des « djihadistes » qui viendraient d’Iraq en Amérique parce qu’elle soutient Bush. Mais parce qu’elle est tout simplement effrayée. Elle a réellement peur de toutes ces alertes à la « terreur », ces prétendues menaces « djihadistes », ces alertes rouges à la « terreur », ces alertes pourpres et tous ces autres instruments aux couleurs classées de la peur. Elle croit son président, et son président a fait le travail à la place d’Osma bin Laden : il a broyé la détermination et le courage de ces jeunes femmes.

Mais l’Amérique n’est pas en guerre. Il n’y a pas de coupures d’électricité sur le campus chaud et verdoyant de Valdosta avec ses bâtiments de style espagnol et sa belle église étroite. Il n’y a pas de rationnement de nourriture. Il n’y a pas d’abris antiaériens, ni de bombes, ni de « djihadistes » chassant ces gens pieux. C’est l’armée américaine qui est en guerre, engagée dans un conflit iraquien qui provoque des dégâts d’une façon bien plus subtile à la structure sociale de l’Amérique.”

à lire : http://www.protection-palestine.org/impression4762.html

Et l'on continue à rever....

Article lié : L’Allemagne, très vite

Xavier Binetti

  27/03/2007

Seulement l’américanophobie extreme peut expliquer des interprétations si peu équilibrées. Le but de Berlin est de devenir le vassal n.1, le vassal le plus fort, en dominant une Europe fédérale toujours plus intégré dans un grand marché euro-atlantique, étendu meme au Moyen Orient.

et celle là ∫

Article lié :

JeFF

  27/03/2007

http://news.independent.co.uk/world/middle_east/article2393337.ece

elle est assez drôle aussi : la couardise des soldats britanniques, bien connue, face à la force du mental de nos petits GIs et Marines US ...

Brzezinsky et la"Destinée Manifeste".

Article lié : Zbigniew sur Antiwar.com

CD

  27/03/2007

C’est la lecture du Grand Echiquier qui m’a appris l’existence du mythe directeur du peuple américain.
Zbig expose le concept de “Manifest Destiny ” (la Destinée manifeste), qui s’est développé dès le XIXème siècle aux Etats-Unis. C’est une croyance mystique en une mission civilisatrice qui leur est dévolue pour propager leur modèle sur leur continent et au-delà (expansionnisme messianique). Zbig , manifestement, est sous l’influence de ce mythe paranoïaque..
L’Amérique reste la seule superpuissance dominante. Ses buts doivent être généreux, mais l’apparition d’un concurrent capable de dominer l’Eurasie remettrait en cause ces nobles desseins.
Le livre veut formuler une politique géostratégique cohérente applicable au continent eurasien.
Les Etats-Unis doivent conserver leur primauté sur le monde.etc., etc.

Joshka Fisher

Article lié : L’Allemagne nous intéresse…

CD

  27/03/2007

Ne pas oublier, pour bien situer le personnage, qu’il fut l’artisan de la forgerie “horse shoe”,
en avril 1999, qui vint à bout des réticences
bavaroises à intervenir aux côtés de l’OTAN, en
Yougoslavie.
Un hypocrite de plus.

Cessons-nous "d'avoir raison" quand nous participons au fond ∫!

Article lié :

Lambrechts Francis

  26/03/2007

“... Jusqu’à 1990, les États-Unis avait des contacts commerciaux lucratifs avec Saddam Hussein. Saddam était un bon allié, qui, en 1980, avait tenté de libérer le personnel à l’ambassade des États-Unis à Téhéran.

En 1989, Saddam accusait le Koweit d’inonder le marché de pétrole et de faire tomber les prix. En 1990, Saddam annexait le Koweit . Cela provoquait un retournement immédiat de l’attitude des États-Unis. Avec l’annexion du Koweit, Saddam disposait de 20%des réserves de pétrole mondiales. Les Irakiens sont donc chassés du Koweit par les États-Unis, soutenus par une coalition de 134 pays, et mis au pain et à l’eau pendant dix ans dans le cadre d’un embargo des Nations Unies.

Bien que les États-Unis aient songé depuis des années à une manière de rétablir leur influence en Irak, le passage à l’euro de Saddam, le 6 novembre 2000 [9], devait rendre la guerre inévitable. Le dollar s’enfonçait et en juillet 2002 la situation devenait tellement critique que le Fonds Monétaire International avertissait que le dollar risquait de s’effondrer. [10] Quelques jours plus tard, à Downing Street (Londres), les plans d’attaque étaient discutés. [11] Le mois suivant, le vice-président Cheney proclamait qu’il était désormais certain que l’Irak disposait d’armes de destruction massive. [12] Utilisant ce prétexte, les États-Unis envahissait l’Irak le 19 mars 2003. Le 5 juin 2003, ils rétablissait les ventes de pétrole irakien en dollars. [13]...”

Ceci n’est qu’un exemple de toute une politique, extrait d’un article qui théorise très bien un ensemble convergent d’analyses économiques.

Coûts, méfaits et dangers du dollar par Rudo de Ruijter 06/03/2007 http://www.europe2020.org/spip.php?article402&lang=fr

je me souviens "Et si les francais avaient raison"

Article lié :

Gilloox

  26/03/2007

Bonjour j’ai retrouvé sur le web ces deux rappels.

1°)Analyse du “National journal” Novembre 2003
http://nationaljournal.com/about/njweekly/stories/2003/1107nj1.htm

2°)Discourt du sénateur Robert.C.Byrd au sénat le 07/04/2004.Je l’ai vu à l’époque et je vous prie de me croire que c’était un discourt brillant et charger d’émotion.
http://byrd.senate.gov/speeches/byrd_speeches_2004_april/byrd_speeches_2004_april_list/byrd_speeches_2004_april_list_1.html

1°)“QUI NOUS SOMMES ET CE QUE NOUS FAISONS:
National Journal Group Inc. est un important éditeur de magazines, newsletters, livres et d’annuaires destinés aux professionnels de la politique ou du gouvernement. Basé à Washington D.C., National Journal Group Inc. a pour but de fournir des publications des services politiquement indépendants, fiables et de la meilleure qualité possible.”

-il ne me reste qu’à ajouter que le National Journal est donc reservé à l’élite (chaque exemplaire mensuel coute 25 dollars US) mais qu’il est très respectable et très respecté (c’est bien le seul média yankee qui ne se fasse pas taxer d’être fasciste ou communiste par l’un ou l’autre parti politique). Cet article n’a pas été repris par quelque média anglo-saxon que ce soit, mais est-ce réellement une surprise?

Publié parle National Journal, auteur: Paul Starobin

Texte original publié le vendredi 7 novembre 2003
Traduction publiée sur le site web de Courrier International le lundi 24 novembre 2003

DIPLOMATIE

(le commentaire entre parenthèse est celui du traducteur de Courrier International]

(Quand un journal américain influent réhabilite Chirac)

“The National Journal”, Washington

La Maison-Blanche aurait dû écouter la France, qui avait l’expérience du terrorisme et de la guerre d’Algérie, estime “The National Journal”, un hebdomadaire lu par toute la classe politique de Washington.

Disons-le tout de suite puisque, loin d’être clos, le débat sur la façon d’aborder le monde de l’après-11 septembre 2001 ne fait que commencer (et puisque c’est ce qui se fait quand on est adulte et courageux) : les Français avaient raison. Répétons-le : les Français – oui, ces “singes capitulards bouffeurs de fromage”, comme les surnommaient si méchamment leurs détracteurs aux Etats-Unis – avaient raison.

“Faites attention !” Telle fut la mise en garde catégorique qu’adressait le président français Jacques René Chirac à ses “amis américains” lors d’une interview sur CNN. C’était le 16 mars, quelques jours avant que le Pentagone ne lance son invasion de l’Irak. “Réfléchissez par deux fois avant de faire quelque chose qui n’est pas nécessaire et qui peut être très dangereux”, avait-il recommandé. Ce conseil n’était pas un coup de tête de dernière minute, mais l’aboutissement d’un raisonnement parfaitement documenté mettant en évidence les périls d’une intervention menée par les Etats-Unis, raisonnement que les Français avaient soutenu pendant des mois au siège new-yorkais des Nations unies et réitéré à l’occasion de différentes réunions, à Paris, à Prague et à Washington. Ils n’étaient bien entendu pas les seuls dans le monde à s’opposer à une guerre, mais personne n’a développé des arguments avec plus de conviction et de minutie que les Français, grâces leur en soient rendues.

Mais voilà : les Américains, ou du moins l’administration Bush, n’ont pas daigné écouter l’avis des Français, qui ne disaient pas simplement que la guerre était une mauvaise idée, mais que les conséquences d’une invasion pourraient nuire aux intérêts occidentaux et à la guerre contre le terrorisme dans son ensemble. Aujourd’hui, Washington connaît une situation de plus en plus délicate en Irak, son contingent de 130 000 hommes est pris pour cible par une guérilla bien organisée et meurtrière, menée par des combattants islamistes étrangers et des fidèles de Saddam Hussein. Sur le front intérieur, une majorité d’Américains désapprouvent le soutien du Congrès à l’initiative de Bush, qui a obtenu une rallonge de 87 milliards de dollars pour l’armée et pour la reconstruction de l’Irak et de l’Afghanistan. Entre-temps, la Maison-Blanche s’ingénie à expliquer pourquoi ses troupes n’ont toujours pas trouvé d’armes de destruction massive, alors que la présence présumée d’ADM en Irak avait été l’un des principaux motifs de la guerre. Les plus farouches partisans de la guerre eux-mêmes reconnaissent que les Etats-Unis se sont lancés dans “une longue et rude besogne” en Irak, comme l’écrivait le ministre de la Défense, Donald Rumsfeld, dans un mémo interne divulgué récemment. En un mot comme en dix, l’Amérique risque de se retrouver prise au piège d’un enfer qu’elle a elle-même créé. Jean-Paul Sartre, philosophe existentialiste de la Rive gauche, avait fort bien cerné l’issue de ce genre de situation fâcheuse : est-ce véritablement un hasard si Huis clos, sa pièce de 1944 sur les souffrances que l’être humain a tendance à s’infliger, est plus connue des Anglo-Saxons sous le titre de No Exit ?

A l’heure du bilan, à Washington, des esprits chagrins se demandent comment l’administration a pu se fourrer dans ce guêpier et comment elle a pu se tromper à ce point dans ses prévisions de l’après-guerre. Mais, au lieu de chercher à savoir pourquoi l’administration avait tort, il serait sans doute plus utile de se demander comment les Français ont réussi à voir juste.

S’interroger a posteriori sur la façon dont le camp Bush a pu dérailler revient à établir les responsabilités dans un accident de voiture : ce type d’investigation est généralement perverti par les inimitiés partisanes et sectaires. Mais, en cherchant à comprendre pourquoi les Français avaient raison, on replace le débat dans une perspective plus positive et plus constructive. Or cette question se pose avec plus d’urgence que jamais et vaut qu’on y réponde : non pas pour inscrire dans la pierre une quelconque prescience méritoire, mais afin de procéder à l’indispensable réexamen de la campagne irakienne, que l’administration, ravalant mal sa hargne, a déjà lancé en appelant à la rescousse les Nations unies et d’autres pays (dont la France) et en multipliant les initiatives pour impliquer davantage d’Irakiens dans le maintien de l’ordre.

Mais n’allons pas trop vite en besogne… Les Français avaient-ils vraiment raison ? Après tout, le dossier irakien n’est pas encore bouclé ; ce qui aujourd’hui ressemble à un bourbier peut encore être réglé. La plupart des partisans de la guerre persistent à croire dur comme fer que l’offensive était justifiée, malgré les difficultés qu’elle a soulevées. Pourtant, à ce stade, il est clair que les Français, et plus particulièrement Chirac et ses conseillers, disposaient d’une hauteur de vues qui a cruellement fait défaut à l’équipe de Bush.

Les Français défendaient trois grands arguments, tous plus ou moins vigoureusement réfutés par le gouvernement américain : premièrement, la menace que constituait Saddam Hussein n’était pas imminente, ce que confirment toutes les informations dont on dispose actuellement, et notamment le rapport de l’inspecteur en armement nommé par Bush, David Kay, qui a déclaré qu’aucune arme de destruction massive n’a été trouvée. Deuxièmement, construire une démocratie en Irak serait un processus long, difficile et meurtrier, la population irakienne risquant fort de considérer les Américains davantage comme des occupants que comme des libérateurs. Au-delà même de la recrudescence des attaques de divers fanatiques contre les soldats américains, cette prédiction se trouve vérifiée par les sondages, qui montrent qu’une majorité d’Irakiens souhaitent que les Etats-Unis se retirent. Et, troisièmement, les Français avaient correctement prévu qu’une intervention conduite par les Américains sans l’aval explicite des Nations unies serait perçue comme illégitime par le monde musulman – et attiserait d’autant plus sa colère à l’égard des Etats-Unis.

Dès le 7 février, Jean-David Levitte, l’ambassadeur de France aux Etats-Unis, alertait en ces termes l’Institut de la paix de Washington : “Une guerre en Irak risquerait d’exacerber les sentiments de frustration et d’amertume du monde arabe et, au-delà, du monde musulman.” Bien vu. “L’hostilité qu’inspire l’Amérique a atteint des niveaux effarants”, concluait récemment une commission nommée par le gouvernement américain et présidée par Edward Djerejian, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Syrie, dans son rapport sur les réactions du monde musulman au lendemain de l’invasion.
Les autorités américaines, qui n’ont pas pardonné à la France ses positions d’avant la guerre au sujet de l’Irak, ne sont certes pas d’humeur à saluer la clairvoyance des Français. Les démocrates, dont beaucoup ont soutenu la guerre, n’auraient politiquement rien à gagner en reprenant à leur compte le raisonnement honni des Français, même si les déclarations que multiplient aujourd’hui leurs représentants au Congrès et leurs candidats à la présidence ressemblent à s’y méprendre à ce que disaient les Français à la veille du conflit. (“Cette guerre était une guerre non nécessaire”, tranchait le général Wesley Clark le 5 octobre, avec des accents très chiraquiens.)

Côté gouvernement, même le secrétaire d’Etat, Colin Powell, pourtant relativement modéré, s’exaspère encore lorsqu’on lui parle des Français. A en croire l’un de ses assistants, il aurait sèchement coupé court à la polémique en septembre dernier, en lançant lors d’une réunion avec des responsables irakiens à Bagdad : “Nous avions raison, ils avaient tort, et moi, je suis là.”

La présentation du raisonnement français dans les médias américains était de la même veine. Le sobriquet de “bouffeurs de fromage” (encore faudrait-il savoir si c’est de brie ou de roquefort qu’il s’agit…) vient d’un épisode des Simpson vieux de huit ans, dans lequel un prof de français atrabilaire accueille ses élèves d’un tonitruant : “Bonjour, bande de singes capitulards bouffeurs de fromage !” Ce fut Jonah Goldberg, polémiste conservateur particulièrement friand de culture populaire, qui commet des chroniques à la National Review, qui popularisa l’insulte, en pleine surenchère de noms d’oiseau avant la guerre. The New York Post, pour sa part, persiste à traiter les Français de “fouines”.

A en croire les débats qui se poursuivent depuis Washington jusqu’au fin fond des Etats-Unis, on pourrait penser que l’Elysée s’oppose systématiquement à tout ce que peut dire la Maison-Blanche. L’obstination des Français est pourtant sélective. La France a été le seul pays, avec les Etats-Unis, à mener des frappes aériennes contre les talibans en Afghanistan, avec leurs Mirage et leurs chasseurs Super Etendard, atteignant plus d’une trentaine de cibles pendant l’opération Anaconda, en mars 2002. Les Français ont soutenu sans réserve la guerre en Afghanistan et n’ont rompu avec Washington que sur la question irakienne.

L’idée largement exploitée (aux Etats-Unis) qui voulait que les Français défendent leurs relations commerciales privilégiées et très rentables avec le régime de Saddam Hussein n’est guère plus convaincante. En réalité, la France n’avait que des liens économiques mineurs avec Saddam Hussein. Elle n’arrivait ainsi qu’en treizième position parmi les pays participant à l’ancien programme des Nations unies Pétrole contre nourriture, mis en place avec l’Irak. Les Etats-Unis achetaient plus de 50 % des exportations irakiennes de pétrole autorisées dans le cadre de ce programme, et la France à peine 8 %.

Pour savoir pourquoi les Français avaient raison, il faut donc commencer par reconnaître que leur intransigeance ne peut se résumer à une simple réaction épidermique ou à de mesquines considérations de défense de leurs petits intérêts. Au contraire, la fracture entre les deux alliés historiques – qui portent haut l’un et l’autre le flambeau des valeurs libérales occidentales depuis plus de deux siècles – relève davantage d’une profonde différence des méthodes d’analyse. Pour comprendre comment les Français en sont arrivés à la position qu’ils ont adoptée et s’y sont obstinément accrochés, ne lâchant même pas prise face à la grave dégradation de leurs relations avec Washington, il faut étudier la nature de l’analyse hexagonale et remonter à ses origines.

L’exercice ne promet certes rien de très réjouissant. Bien qu’ils s’en défendent, les Français jubilent déjà, ravis de la justesse de leurs prédictions, qui, avant la guerre, leur avaient valu tous les quolibets. Il y a toutefois une bonne nouvelle (et c’est vraiment une très bonne nouvelle) : l’une des grandes causes de la clairvoyance des Français tient à leur mode de raisonnement, totalement étranger à l’esprit américain – un raisonnement prudent et pragmatique, issu de leur propre expérience et de leurs erreurs passées en tant que puissance occupante qui a été chassée d’Algérie et également en tant que précurseur dans la lutte contre le terrorisme international, n’ayant pas attendu le 11 septembre 2001 pour affronter en première ligne les réseaux islamistes. L’équipe Bush, en revanche, a abordé la question irakienne avec la supériorité arrogante que l’on attribue souvent aux Français. Cette approche hautaine et purement théorique a été illustrée par la clique des cerveaux néoconservateurs, dont le raisonnement s’inspire – ironie du sort ! – de la pensée politique européenne. Or, à l’heure où l’administration reconsidère la question irakienne, c’est peut-être dans sa propre culture qu’elle trouvera une façon de faire machine arrière pour revenir à une position raisonnable, en puisant dans la grande tradition oubliée du pragmatisme américain. Ce qui aurait en outre le privilège de clouer le bec aux Français.

Le prisme de l’Algérie

Toute approche pragmatique est en premier lieu une affaire de mémoire et tient à la capacité de tirer les leçons d’expériences passées similaires. A ce titre, la partie n’est pas encore gagnée. Les antiguerre américains ont brandi le spectre du Vietnam, rappelant que cette expérience devait inciter à la prudence. Le parallèle pourrait convenir, en ceci que le conflit vietnamien était un choc des civilisations et que les Etats-Unis n’ont jamais saisi la singularité du milieu social et politique dans lequel opéraient leurs forces. Mais le Vietnam n’est ni un pays musulman ni un pays du Moyen-Orient. C’était un théâtre d’opérations de la guerre froide, où la guérilla antiaméricaine était soutenue par l’Union soviétique et la Chine. Un seul pays occidental sait exactement, pour l’avoir vécu il y a peu dans sa chair, ce que signifie être une puissance occupante dans un pays arabe et affronter une rébellion musulmane. Ce pays, c’est la France. La France, qui a accordé son indépendance à l’Algérie en 1962, après avoir échoué à écraser huit ans de rébellion conduite par des assassins de sang-froid qui n’hésitaient pas à poser des bombes dans les boîtes de nuit d’Alger fréquentées par des adolescents français.

Ce souvenir reste gravé dans la conscience politique française. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, aucun événement n’est plus lourd ni plus douloureux à porter pour la France que le soulèvement algérien. Située sur la rive méridionale de la Méditerranée, l’Algérie entretenait avec la France des liens bien plus étroits que ceux qui auraient jamais pu se tisser entre le Vietnam et les Etats-Unis. Depuis 1830 et pendant cent trente-deux ans, l’Algérie est restée, juridiquement et constitutionnellement, une région annexée de la France, et non une colonie. Les combattants indépendantistes ont déboulonné la IVe République en précipitant un coup d’Etat de l’armée française contre le pouvoir politique civil, jugé inepte. Cette rébellion s’est également imposée comme un point de référence central à partir duquel l’élite politique française analyse désormais le monde musulman en général, et les forces du nationalisme arabe et du militantisme musulman en particulier.

Plus encore, l’Algérie a contraint la France à envisager de manière différente ses relations politiques, économiques et culturelles avec toute la partie de l’humanité non occidentale. L’Algérie portait en elle la leçon d’un “échec” classique, écrivait en 1977 l’historien britannique Alistair Horne dans son excellente analyse du conflit : Histoire de la guerre d’Algérie . Il parlait d’un “échec à satisfaire, voir à comprendre, les aspirations du tiers-monde”.

Le monde musulman est devenu la grande priorité – et le problème le plus immédiat – des autorités françaises. Aux Etats-Unis, l’ouverture d’un dialogue avec la communauté musulmane n’est apparue urgente qu’au lendemain du 11 septembre 2001. La France, forte de son expérience algérienne, avait lancé le processus de rapprochement plusieurs décennies auparavant. “Les Etats-Unis sont encore un peu naïfs dans leurs relations avec les pays musulmans du monde”, fait remarquer Simon Serfaty. Ce Français né il y a soixante ans au Maroc, alors sous protectorat, est analyste au Centre d’études stratégiques et internationales de Washington. “Les Français connaissent mieux cette partie du monde”, ajoute-t-il.

Le soulèvement algérien a sans doute beaucoup marqué un jeune homme destiné à assumer la plus haute fonction de l’Etat français : Jacques Chirac. Mobilisé en 1956 comme officier de l’armée française, à 23 ans, Chirac s’est retrouvé à la tête d’une section dans une région montagneuse isolée d’Algérie. Il était chargé d’assurer le maintien de l’ordre. C’était là une mission impossible, car les populations locales protégeaient les fellaghas, combattants de la résistance armée du Front de libération nationale (FLN). Chirac lui-même n’a pas été blessé, mais certains de ses hommes l’ont été et d’autres y ont laissé leur vie. Dans un discours prononcé à l’Ecole militaire en 1996, il déclarait que son service en Algérie avait été la période la plus formatrice de sa vie.

Selon un vieil ami et conseiller du président, l’Algérie lui a surtout appris que toute occupation, fût-elle fondée sur les meilleures intentions possibles, est vouée à l’échec à partir du moment où la population se retourne contre l’occupant. “Il sait par expérience que, même si vous avez toute la bonne volonté du monde, quand vous êtes dans la position de l’occupant, quand vous êtes perçu comme un occupant : les populations locales n’attendent que de vous voir partir.” Si Chirac était certain d’une chose, poursuit ce proche du président, c’est bien qu’au bout du compte les Américains ne seraient pas perçus en Irak comme des libérateurs, mais comme des occupants. Il avait prévu un remake de la tragédie algérienne, ajoute-t-il, un “cercle vicieux” tel qu’aux actions de plus en plus violentes contre l’occupant répondraient des représailles de plus en plus dures – escalade qui ne peut qu’aviver le ressentiment des populations locales à l’égard de l’occupation.

Selon la version des Français, cette prévision fut à l’origine du désaccord entre Chirac et Bush, consommé en novembre 2002 lors d’un entretien privé à Prague, où les chefs d’Etat européens et américain étaient réunis pour débattre de l’élargissement de l’OTAN. (Il s’agissait d’une discussion téléphonique, qui fut leur principal échange avant que la guerre ne commence, six mois plus tard.) Un haut fonctionnaire français chargé de réviser une transcription manuscrite de cet entretien confie que Chirac n’a pas tant évoqué les risques liés à la grande phase des combats d’une campagne militaire – dont les Français pensaient qu’elle serait rapidement expédiée – que les périls de l’après-guerre et notamment le danger qu’il y avait à sous-estimer la force du nationalisme arabe et la prévalence de la violence dans un pays qui n’avait jamais connu la démocratie. Bush aurait rétorqué qu’il prévoyait l’émergence d’une résistance armée dans l’après-guerre, organisée par des éléments liés au régime baasiste de Saddam Hussein ; mais il estimait qu’il était très improbable que la population dans son ensemble en vienne à considérer les Etats-Unis comme une puissance d’occupation. Toujours selon cette même source, Chirac aurait alors déclaré à son interlocuteur que l’Histoire trancherait. La Maison-Blanche s’est récemment refusée à commenter cet entretien.

Sept mois après le renversement de Saddam Hussein, la conquête “des cœurs et des esprits” irakiens se poursuit. Un sondage de l’opinion irakienne, réalisé en août par John Zogby pour le compte de l’American Enterprise Institute (AEI), semble toutefois confirmer l’intuition de Chirac. Dans l’ensemble, il est vrai, les Irakiens se disaient très heureux d’être débarrassés de Saddam Hussein : 70 % pensaient que leur pays irait “beaucoup mieux” ou “un peu mieux” dans cinq ans. C’est ce résultat que l’administration américaine et l’AEI ont choisi de privilégier. Mais, lorsqu’on leur a demandé si les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne devaient contribuer à instaurer un gouvernement représentatif en Irak ou s’il valait mieux laisser les Irakiens se débrouiller tout seuls, 80 % des sondés se sont prononcés pour l’autodétermination des Irakiens. Pensaient-ils qu’au cours des cinq prochaines années les Etats-Unis aideraient l’Irak ou lui porteraient préjudice ? 36 % ont choisi la première réponse, et 50 % la seconde. “Ces résultats ne sont pas bons pour l’administration Bush. Quelque chose ne marche pas, et les sondages font ressortir de nombreux signes indiquant que quelque chose ne marche pas”, a commenté Zogby dans une interview, ajoutant que “les Américains ont mal évalué la situation : ils pensaient sincèrement que les Irakiens les accueilleraient à bras ouverts”.

Les expériences traumatisantes peuvent conduire à voir la réalité à travers un prisme déformant. Mais l’obsession française sur l’Algérie, si c’est de cela qu’il s’agit, semble ici opportune. Le soulèvement n’a pas simplement signé l’échec d’un pouvoir impérial vieillissant et corrompu. Il a aussi formé des rebelles dans la force de l’âge, comme Yasser Arafat, et il a inauguré la stratégie des militants islamistes consistant à manier la terreur pour réaliser d’ambitieux objectifs politiques.

Lors du conflit algérien, les Français ont eu affaire à de redoutables ennemis, qui étaient exactement du même type que ceux qu’affrontent aujourd’hui les forces américaines dans les rues de Bagdad. En septembre dernier – mieux vaut tard que jamais –, le Pentagone a convié les officiers des forces spéciales à une projection de La Bataille d’Alger. Sorti en 1966, ce film montre comment les parachutistes d’élite ont éradiqué les cellules terroristes dans la capitale algérienne, signant ainsi l’une de leurs rares victoires incontestables dans cette guerre. Le message est double : d’un côté, les parachutistes ont obligé les troupes du FLN à cesser les combats dans la capitale ; mais, d’un autre côté, la rébellion n’a pas été écrasée pour autant – et, en fin de compte, la débandade des Français fut le fait du terrible bilan humain des affrontements et de l’indignation que souleva en France la cruauté des méthodes de l’armée à l’égard de la population algérienne.

Si la suite des événements devait reproduire le drame algérien en Irak, le rideau tomberait sur un retrait précipité et désordonné des forces américaines, sur ordre d’un pouvoir qui aurait cédé aux pressions politiques. Bien que Bush se soit engagé à tenir le cap tant que l’Irak ne sera pas stable et démocratique, c’est exactement ce que redoutent les Français, au vu de la montée des mécontentements que suscite l’hécatombe en Irak dans l’opinion américaine. Encore qu’avec environ 400 morts le décompte est relativement modeste au regard de la moyenne des conflits armés de l’Histoire. A Paris, on craint que cela ne débouche sur un chaos monumental aux portes de l’Europe. A ce stade, expliquait l’ambassadeur Levitte à des journalistes qu’il recevait dans sa résidence de Georgetown, “le scénario catastrophe pour nous serait un retrait américain. Si vous voulez bâtir une démocratie en Irak, vous devez être prêts à en payer le prix.”

De l’apaisement à l’Afghanistan

Comme on le voit, en matière d’occupation, les Français ne sont pas nés de la dernière pluie – pas plus d’ailleurs qu’en matière de lutte contre le terrorisme international. Ils ont quitté l’Algérie déconfits et humiliés. Leur première stratégie politique face à la menace inédite du terrorisme islamiste optait pour la voie de l’apaisement – approche qui revenait en fait à autoriser les réseaux terroristes internationaux à utiliser le sol français comme base, à condition qu’ils ne frappent pas à l’intérieur du pays. Comme il fallait s’y attendre, l’Hexagone est devenu un repaire de terroristes internationaux. Mais, quelques décennies plus tard, Paris s’était doté d’une capacité de contre-terrorisme orientée vers la prévention des attentats, dont l’efficacité était inégalée dans le reste du monde occidental. Et les Mirage français larguaient des bombes sur l’Afghanistan.

Derrière ce revirement, il y a tout l’historique de l’apprentissage des Français au chapitre de l’antiterrorisme. Tout comme l’Algérie, cette expérience instructive a profondément influencé la vision française du monde de l’après-11 septembre et elle explique en partie pourquoi les Français étaient à ce point convaincus que l’Irak n’était qu’un élément secondaire dans la lutte contre le terrorisme. L’un des rares personnages qui, à Washington, ait analysé de très près cet apprentissage est un chercheur discret, Jeremy Shapiro. Ancien chercheur à la Rand Corporation, il est aujourd’hui chargé de recherche pour le groupe de réflexion des relations américano-françaises à la Brookings Institution. Cet homme qui parle couramment français cultive ses contacts parmi les spécialistes du contre-terrorisme, des services de sécurité, à Paris comme à Washington. Il publie dans des revues politiques confidentielles des articles aux titres aussi évocateurs que “Les Etats-Unis ont beaucoup à apprendre des Français dans la guerre contre le terrorisme”.

Lors d’une interview donnée dans son petit bureau de la Brookings, il attaque le sujet de front. “Les Français ont été parmi les premiers à comprendre que le terrorisme était un mouvement international.” Mais, pour en arriver à cette conclusion, ils sont passés par une longue traversée du désert. Dans les années 80, une vague d’attentats a frappé Paris, notamment des grands magasins et des stations de métro. Les autorités avaient non seulement été incapables de prévenir ces attentats, mais elles ne savaient absolument pas qui avait pu les commettre, ni pourquoi. Dans un premier temps, elles ont cru voir la main des groupuscules néonazis derrière un attentat contre une synagogue des beaux quartiers parisiens . Ce n’est que bien plus tard qu’elles devaient comprendre que ces actes étaient le fait des terroristes du Moyen-Orient.

Si les Français en étaient arrivés là, c’est à cause de ce que Shapiro appelle la “doctrine du sanctuaire”, une tentative moralement répugnante de mettre la France à l’abri du terrorisme international en adoptant une position de neutralité à l’égard des réseaux terroristes internationaux. Il s’agissait de ne donner aucune raison aux terroristes d’attaquer la France (il valait mieux qu’ils aillent frapper ailleurs).

L’idée n’a pas marché. D’autres pays activement engagés dans la lutte antiterroriste, comme l’Espagne et Israël, étaient bien entendu scandalisés que la France accueille ainsi leurs ennemis. De plus, quelques cellules terroristes dissidentes n’ont toutefois pas reconnu la “sanctuarisation” de la France et se sont attaquées aux intérêts français. Lorsque les attentats se sont multipliés à Paris, l’opinion française a réclamé un durcissement de la position officielle.

Les Français ont donc revu leur politique antiterroriste pour privilégier la répression et la prévention. La clé de cette politique est ce que Shapiro appelle “l’option Alan Greenspan” . En fait, la France a choisi de dépolitiser la lutte antiterroriste. “Les Français traitent le terrorisme de la même façon que nous traitons la politique monétaire – comme une affaire trop sérieuse pour être confiée à des politiques”, explique Shapiro. Au cœur de ce système français se trouve un groupe de magistrats parisiens qui disposent de pouvoirs d’investigation dont l’ampleur aurait de quoi faire pâlir d’envie le ministre de la Justice américain, John Ashcroft. Grâce à l’expérience accumulée au fil de leurs innombrables enquêtes, ces magistrats ont réussi à remonter à la source des filières internationales du terrorisme islamiste et à obtenir des informations sur les projets d’attentats dès qu’ils se tramaient.

Les résultats sont impressionnants. Ils ont d’ailleurs été aussi profitables aux Français qu’aux Américains. Shapiro en veut pour preuve le cas exemplaire de l’arrestation du terroriste Ahmed Ressam, intercepté à la frontière américano-canadienne en décembre 1999, avec une voiture dont le coffre était bourré d’explosifs qu’il envisageait d’utiliser pour attaquer l’aéroport international de Los Angeles. Bien qu’il n’eût que peu de liens avec la France, les responsables français de la lutte antiterroriste suivaient sa trace depuis plus de trois ans et avaient à plusieurs reprises signalé aux autorités canadiennes qu’il projetait de s’en prendre à des cibles nord-américaines. Les Français ont fourni au FBI un dossier complet sur Ressam, ont aidé les responsables américains à identifier ses complices et ont envoyé un expert pour témoigner lors du procès de Ressam - qui a été condamné.

Dans ce contexte, la réaction des Français aux attentats du 11 septembre 2001 a constitué la phase ultime de la répudiation de la doctrine du sanctuaire. L’illusion qui voulait que la France puisse échapper au terrorisme a laissé place à un élan de solidarité sans précédent – et d’autant plus remarquable que les milieux politiques français faisaient depuis longtemps leurs choux gras de l’antiaméricanisme.

“Nous sommes tous des Américains”, proclamait en manchette le journal Le Monde du 13 septembre 2001. Le Conseil de sécurité de l’ONU, présidé ce mois-là par Levitte (qui était ambassadeur de France aux Nations unies avant de prendre ses fonctions à l’ambassade française de Washington), déclarait pour la première fois de son histoire qu’un acte de terrorisme était équivalent à un acte de guerre. C’est sur ce postulat juridique que la France s’est alliée aux Etats-Unis dans la campagne visant à renverser les talibans.

Cette union sacrée s’est bien entendu effritée dès que la menace très réelle d’une guerre en Irak s’est précisée, à l’automne 2002. La grande priorité de la France était de continuer à se concentrer sur Al Qaida et ses réseaux, et de poursuivre ce qu’elle considérait comme la campagne inachevée contre les talibans et les combattants islamistes retranchés en Afghanistan et au Pakistan. Des citoyens français étaient désormais des cibles directes : le 8 mai 2002, un attentat d’Al Qaida avait tué onze ingénieurs français à Karachi. “C’est la que réside la principale menace”, assurait Levitte le 29 janvier, lors d’une réunion d’information avec le groupe de réflexion de l’European Institute de Washington. Parmi les renseignements dont ils disposaient sur Al Qaida et les réseaux islamistes associés, les Français n’avaient pas le moindre élément permettant d’associer le régime de Saddam Hussein à Oussama Ben Laden et consorts. En décembre 2002, ils avaient arrêté une douzaine de Maghrébins qui avaient des liens avec Al Qaida et auraient préparé des attentats à Paris. A la même époque, ils ont publiquement déclaré qu’ils soupçonnaient les rebelles tchétchènes d’être liés à Al Qaida, mais pas Bagdad.

Les Français n’excluaient pas encore pour autant l’usage de la force en Irak. Leur opposition à une frappe américaine sur l’Irak s’est davantage justifiée par une question de légitimité. De quelle autorité se prévaudrait-on, demandaient-ils, pour défendre l’usage de la force ? Il s’agit là d’un bras de fer entre les deux pays qui remonte au début de la guerre froide. Mais la question irakienne a amplifié ce différend, qui a dégénéré en un antagonisme sans précédent. Les Français rejettent toute idée d’“exceptionnalisme américain”, vénérable concept ancré dans la psyché politique américaine et tarte à la crème des discours présidentiels. L’exceptionnalisme voudrait que les Etats-Unis aient un rôle unique à jouer dans les croisades menées pour promouvoir la liberté dans le monde et qu’ils soient à la hauteur de cette destinée grâce à leur immense puissance militaire et à l’exemple spectaculaire qu’ils ont donné en créant chez eux une société démocratique dynamique.

Les Français qui, après leur révolution antimonarchiste du XVIIIe siècle, ont eux aussi revendiqué ce privilège d’exceptionnalisme libéral et visionnaire, n’acceptent absolument pas cette idée. Ils soutiennent farouchement que seules les institutions de la “communauté internationale”, c’est-à-dire le Conseil de sécurité, peuvent être source de légitimité, particulièrement pour ce qui est de l’usage de la force. “Je suis tout à fait contre l’unilatéralisme dans le monde moderne”, confiait Chirac au New York Times dans une interview du 9 septembre 2002.

Pour des Américains exaspérés, cela a pu passer pour une nouvelle diatribe française contre l’hégémonie mondiale des Etats-Unis. De toute évidence, en défendant le rôle décisif du Conseil de sécurité de l’ONU, la France tente de se ménager un rôle de premier plan, puisqu’elle figure elle-même parmi les cinq membres permanents disposant d’un droit de veto. Mais les Français sont peut-être mieux placés que les Américains pour apprécier l’image que le monde se fait des Etats-Unis et des institutions multilatérales comme l’ONU. L’exceptionnalisme américain ne marche que lorsque les étrangers y adhèrent. Dans le cas contraire, les Etats-Unis sont capables de se montrer absolument tyranniques pour arriver à leurs fins. Or l’opinion publique mondiale semble dire haut et fort : “Nous préférons l’ONU.” A commencer par l’Irak, où une majorité des citoyens interrogés par Zogby pensaient que les Etats-Unis porteraient davantage préjudice à l’Irak qu’ils ne l’aideraient, alors qu’ils répondaient le contraire pour l’ONU, 50 % des sondés estimant que l’organisation internationale serait utile, contre seulement 19 % qui craignaient qu’elle n’ait un effet négatif.

Dans le reste du monde musulman, ce sondage fait apparaître ce qui, pour les défenseurs de l’exceptionnalisme américain, ne peut être interprété que comme un paradoxe. D’un côté, l’intervention américaine en Irak a considérablement enflammé l’opinion musulmane. Selon une enquête du Pew Research Center for the People and the Press réalisée en juin dernier, l’antiaméricanisme a dépassé le Moyen-Orient pour se propager jusque dans des pays musulmans comme l’Indonésie, où, en l’espace de douze mois, la cote américaine a dégringolé, passant de 61 à 15 % d’opinions favorables. Il semblerait par ailleurs qu’une grande majorité des habitants des principaux pays musulmans voient les Etats-Unis comme une menace militaire potentielle. Parallèlement, ce sondage révèle aussi que, dans la plupart des pays musulmans, une large majorité d’individus aspire à une démocratie de type occidental. De toute évidence, si le produit que vendent les Etats-Unis plaît au monde musulman, le vendeur leur plaît beaucoup moins. Il préférerait se fournir dans une autre boutique et semble penser que l’ONU est celle qu’il leur faut.

Tout cela, bien entendu, est ce qu’ont dit et répété les Français, plus fort que quiconque. “Les Français disent parfois tout haut ce que les autres pensent tout bas”, constate Charles William Maynes, président de la Fondation Eurasie à Washington. Et c’est justement ce qui horripile depuis longtemps Washington. Maynes se souvient qu’à l’époque où il était diplomate, dans les années 60, il “était très difficile d’avoir une discussion raisonnable” sur la France ou l’Inde avec le département d’Etat. “J’en étais arrivé à la conclusion que c’était parce qu’il s’agissait de pays indépendants qui avaient une politique indépendante et leur propre vision du monde.”

Un peu de pragmatisme ?

Résumons : les Français ont eu raison sur l’Irak pour trois grandes raisons. D’abord parce que leur propre expérience leur a fourni le meilleur point de référence qui soit pour voir venir l’épreuve de force irakienne : l’Algérie. Ensuite parce qu’avec les progrès accomplis par leur politique antiterroriste ils étaient bien placés pour comparer en toute objectivité la menace posée par Al Qaida et les réseaux associés, et celle que posait le régime de Saddam Hussein. Enfin parce qu’ils ont de bonnes antennes et savaient parfaitement comment l’opinion publique mondiale, en particulier musulmane, percevrait la légitimité d’une intervention américaine. Ils ont surtout mieux su écouter que les Américains.

Washington, qui ne décolère toujours pas contre les Français, accuse Paris de se perdre en conjectures abstraites et creuses. “Il est facile de lancer de grandes théories sur la souveraineté, l’occupation, la libération et tout le tralala”, maugréait le mois dernier Colin Powell face à des journalistes, dans l’avion qui le ramenait d’un cycle de négociations avortées avec les Français sur l’extension des prérogatives de l’ONU en Irak.

Mais il s’attaque aux Français pour une mauvaise raison.

Le camp Bush a volé dans les plumes de Jacques Chirac – ce septuagénaire têtu que même ses amis ne considèrent pas comme un penseur conceptuel ou un grand stratège. (Il est plus enclin à la condescendance qu’aux vaines théories.) Mais, sur la question irakienne, il a montré à quel point il se sentait supérieur à Bush, un gamin de quatorze ans son cadet, entré à la Maison-Blanche sans jamais avoir touché aux affaires étrangères. Son ultime mise en garde – “Faites attention !” – venait après une déclaration du plus pur style chiraquien, autant dire pétrie de condescendance : “En ce qui me concerne, j’ai une certaine expérience de la vie politique internationale.”

Il est très difficile de réagir à une situation à laquelle on n’a jamais été confronté. C’est précisément dans ce cas qu’il peut être très tentant de raisonner sur de grands axes théoriques pour essayer de débroussailler un paysage inconnu et menaçant.

Il est sans doute encore trop tôt pour porter un jugement définitif sur la plus géniale des théories géniales proposée par l’entourage néoconservateur de Bush, à savoir qu’un changement de régime en Irak serait à même de déclencher une transformation démocratique de la culture politique autocratique de tout le Moyen-Orient arabe. Mais, pour l’heure, cette théorie relève très certainement du vaste champ des hypothèses non vérifiées.

Les néoconservateurs ne sont en rien des spécialistes du Moyen-Orient. L’un de leurs grands maîtres à penser est un obscur philosophe politique, Leo Strauss, réfugié juif de l’Allemagne nazie. A l’université de Chicago, il eut pour disciple Paul Wolfowitz, qui est aujourd’hui secrétaire adjoint de la Défense dans le gouvernement Bush et figure parmi ceux qui préconisent de faire de l’Irak un laboratoire de la démocratie dans la région. Les straussiens tendent à croire en la capacité des élites intellectuelles - les philosophes rois d’aujourd’hui - à discerner des vérités inaccessibles aux esprits inférieurs. “C’est une méthode à l’européenne pour obliger les paysans à faire ce que ‘nous’disons”, estime James Pinkerton, un opposant à l’intervention en Irak qui a travaillé à la Maison-Blanche sous Bush père.

Si l’Amérique ne peut s’en remettre à une quelconque mémoire collective pour aborder le monde de l’après-11 septembre, rien ne l’empêche de recourir à la bonne vieille tradition émotive du pragmatisme américain. Je dis bien émotive, car, comme le souligne l’essayiste américain Louis Menand dans son ouvrage couronné par le jury Pulitzer The Metaphysical Club, le pragmatisme américain moderne a été inventé après la guerre de Sécession comme antidote à des conceptions du monde par trop idéologiques et moralisantes. Les pragmatiques ont gagné du terrain grâce à leurs propres expériences difficiles et tragiques. A propos du penseur Oliver Wendell Holmes, l’un des pères fondateurs du mouvement, Menand écrit : “Il était parti au combat la fleur au fusil, porté par ses certitudes morales, qu’il soutenait avec une rare ferveur. La guerre ne lui a pas seulement ôté ses certitudes. Elle lui a fait perdre sa certitude des certitudes. Elle a laissé sur sa pensée la marque la plus graphique et indélébile qui soit, d’une certaine idée des limites des idées.”
Ce mode de pensée comporte un danger : qu’un excès de pragmatisme ne dégénère en cynisme et en pessimisme paralysant. Mais il y a aussi un danger à ce qu’un excès de théorie ne dégénère en imprudence. “Les limites des idées” - voilà bien un concept intriguant. Comme tout cela est loin de “ce-que-nous-Français-pensons”. Et le moment est sans doute venu que les Américains s’y intéressent à nouveau.

Paul Starobin

© 2003 by National Journal Group Inc. All rights reserved. Reprinted by permission

Auteur :
Paul Starobin”“”

2°)l’honnorable sénateur Robert.C.Byrd discourt devant le sénat le 07/04/2004.
“”“Robert C. Byrd est Sénateur démocrate de Virginie occidentale, Etats-Unis. Doyen du sénat, ancien leader du groupe démocrate (1977-1998), puis Président de cette assemblée (1989-1994 et 2001-2002).

Intervention en assemblée, Sénat des Etats-Unis d’Amérique

Le 7 avril 2004

C’est avec le cœur lourd et une appréhension montante, que j’ai vu, au cours des journées et des heures qui viennent de s’écouler, la très incertaine lutte pour amener la sécurité à l’Irak d’après-guerre prendre une tournure désespérée.

Tout comme tant d’Américains, j’ai été secoué par le carnage infernal de Falloujah et les violents soulèvements à Bagdad et ailleurs. Les images ont été la matière de cauchemars, avec ces corps carbonisés, méconnaissables, traînés à travers les rues sous les acclamations des habitants. Et à la vue d’images si décourageantes, d’aussi sinistres évènements, je me suis étonné encore une fois de l’obstination du Président à n’admettre aucune erreur ou à ne pas émettre le moindre doute quant à l’intervention injustifiée en Irak.

Depuis le week-end dernier, le prix payé en vies de militaires américains en Irak a atteint le nombre de 600 - y compris les 20 soldats tués au cours ces combats acharnés qui ont duré trois jours. Nombre de ces morts, la plupart peut-être, étaient de tout jeunes gens ayant à peine commencé la grande aventure de la vie. Mais, avant d’avoir pu réaliser leurs rêves, ils ont été appelés à la bataille par leur Commandant en chef, une bataille dont nous savons maintenant qu’elle a été fondée sur des informations erronées et sur la dénonciation très exagérée de l’imminence du danger.

Au fur et à mesure du déroulement de ces évènements en Irak, je ne peux m’empêcher de penser à une autre bataille, en un autre lieu et en un autre temps, où se virent précipités dans les bras de la mort plus de 600 soldats, sur une décision insensée de leur chef. Cela s’est produit à la bataille de Balaklava, le 25 octobre 1854, au cours de la guerre de Crimée, bataille qui fut ensuite immortalisée par Alfred Lord Tennyson, dans son poème « La Charge de la Brigade légère ».

En avant, la Brigade légère !
Y eut-il un homme en désarroi ?
Non, bien que le soldat ait vu
Que quelqu’un avait fait la bêtise :
Il n’y a pas à répondre,
Pas de raison, de pourquoi,
Il n’y a qu’à faire et mourir :
Jusque dans la vallée de la Mort
Les six cents chevauchèrent.

Tennyson l’avait bien vu - quelqu’un s’était trompé. Il serait temps pour nous de réaliser le fait que le Président et son gouvernement ont également commis une bévue quand ils ont mené la nation dans une guerre contre l’Irak, sans raison impérieuse, sans un appui largement international, sans même un appui régional, et sans projet pour répondre aux énormes problèmes qui devaient se poser sur la question de la sécurité et de la reconstruction de l’Irak après la guerre. Et ce sont nos soldats, nos propres six cents et quelque, qui payent le prix pour cette bêtise.

Durant la période préparatoire de la guerre, le Président et ses conseillers ont assuré le peuple américain que nous serions accueillis en Irak comme des libérateurs. Pendant une courte période, cette issue parut possible. Le 9 avril 2003, il y a pratiquement un an de cela, dans bien des endroits de la nation, l’humeur était à l’euphorie chez les Américains alors en train d’assister à la prise de Bagdad et au renversement jubilatoire de l’imposante statue de Saddam Hussein. Moins de quatre semaines plus tard, d’un coup de jet, le Président se retrouva sur un porte-avions ancré au large de la Californie pour claironner au monde la fin des opérations majeures de la campagne d’Irak.

Pour ceux dont la vision est tubulaire, l’affaire semblait bien se présenter. Bagdad était tombé, Saddam Hussein était en fuite et le nombre des pertes américaines était resté à un niveau relativement modeste, se montant à 138 entre le début des opérations et le premier mai.

Mais la guerre en Irak n’était pas destinée à suivre le script idéal du western, comme au temps de la jeunesse du président Bush, dans lequel le gentil héros s’éloigne sur sa monture vers un soleil couchant flamboyant, toutes luttes apaisées et tous torts redressés. La guerre est réelle en Irak, et comme le dirait tout soldat, la réalité est trouble et sanglante et effroyable. Plus personne ne se dirige vers le couchant de peur que, le soleil dans les yeux, on ne puisse plus distinguer l’ennemi alentour.

Ainsi la lutte continue en Irak, bien après la fin des opérations majeures de combat, et le nombre des victimes monte toujours. Car jusqu’à aujourd’hui, plus de 600 militaires ont été tués en Irak et plus de 3000 ont été blessés.

À présent, après un an d’un conflit incessant, on entend dire que le commandant des forces établies dans la région, songe à augmenter le nombre des troupes américaines sur le terrain, si nécessaire. Je ne suis certainement pas le seul à entendre, à ce stade-là, des échos du Vietnam. L’Administration va sûrement reconnaître qu’un accroissement de la présence militaire américaine en Irak ne fera que nous attirer plus profondément encore dans le maelström de la violence qui est devenu la marque de ce pays malheureux. Pour parler crûment, à ce moment-là, plus de soldats US équivaut à autant de cibles US de plus en Irak.

Ici encore, les mots de Tennyson lancent un avertissement qui vaut pour nous au présent :

Canon à leur droite,
Canon à leur gauche,
Canon devant eux,
Assaillis de salves en tonnerres,
De balles et d’obus en déluge,
Intrépides ils chargèrent,
Entre les portes de la Mort,
Jusqu’à la bouche de l’Enfer
Montèrent les six cents.

Comme la Brigade légère de Tennyson, les soldats américains ont montré de quoi ils sont faits. Face à insurrection impitoyable, semblant surgir de n’importe où, ils se sont comportés avec courage et détermination. Ils ont suivi les ordres du Commandant en chef, et en dépit du coût. Mais certains doivent certainement se demander pourquoi ce sont toujours les forces américaines qui portent la plus grosse part du fardeau en Irak, un an après la libération du pays. Où sont les Irakiens ? Qu’est-il advenu des programmes tant vantés, prévus pour la formation et l’équipement d’une police et d’une armée irakiennes afin de soulager les soldats américains de leur lourde tâche ? Se pourrait-il que nos attentes aient outrepassé nos capacités à développer ces forces ? Se pourrait-il, qu’une fois encore, les Etats-Unis aient sous-estimé la difficulté de faire que la paix l’emporte en Irak ?

Depuis que cette guerre a commencé, l’Amérique a englouti 121 milliards de dollars dans sa campagne armée et dans la reconstruction de l’Irak. Mais cet argent n’a pas permis d’acquérir la sécurité. On n’achète pas la paix avec ça. 121 milliards de dollars plus tard, c’est à peine si 2.324 sur les 78.022 policiers irakiens sont « pleinement qualifiés », selon le Pentagone. Près de 60.000 de ces mêmes agents de police n’ont reçu aucune formation - aucune ! Ce n’est pas étonnant que la sécurité soit si volatile. Le temps est venu de trouver une nouvelle approche en Irak.

La dure réalité est là : un an après la chute de Bagdad, les Etats-Unis ne devraient pas chercher le moyen d’envoyer des troupes supplémentaires en Irak. Au lieu de cela, nous ferions mieux de travailler sur une stratégie en vue de quitter la scène. Le fait que le Président se soit mis à dos ami comme ennemi avec son arrogance à vouloir « tout faire tout seul » en Irak, et qu’il ait rend l’internationalisation de l’Irak d’après la guerre une tâche terriblement difficile, ne devrait pas diminuer notre détermination.

Mettre toujours plus de troupes américaines en Irak, n’est pas le moyen de nous dégager de ce pays. Nous avons besoin du soutien et de la caution à la fois des Nations-Unies et des pays voisins de l’Irak, afin de vraiment promouvoir l’occupation internationale de l’Irak et de mettre les soldats américains à l’abri de la vindicte des Irakiens.

Et d’après les dépêches troublantes qui arrivent par flots d’Irak, il est clair que de nombreux Irakiens, aussi bien sunnites que chiites, sont entrés en effervescence sous le joug de l’occupation américaine. Le soulèvement récent des adeptes d’un imam radical chiite est, de loin, le fait le plus préoccupant en Irak depuis des mois, et pourrait annoncer le pire des cauchemars de l’Amérique, une guerre civile qui opposerait les chiites radicaux aux chiites modérés. Venant se superposer à la rébellion constante lancée par des sunnites contrariés et des agents islamiques radicaux, une guerre civile chiite pourrait bien être l’événement qui précipiterait un Irak déjà instable dans un chaos extrême.

Pour inquiétantes que soient ces perspectives en elles-mêmes, le fait qu’elles se déroulent tandis que les Etats-Unis s’avancent à grands pas vers le 30 juin, date de l’échéance prévue pour le passage du pouvoir à un gouvernement irakien d’intérim - un gouvernement qui doit encore être identifié, établi, ou revisité scrupuleusement - ajoute un autre élément d’angoisse à cette situation.

Où devrions-nous chercher des dirigeants ? Dans ce Congrès ? Dans ce Sénat ? Le Sénat, fondation de la République, n’a pas pris la peine de scruter vraiment le chaos qui règne en Irak. Des sénateurs ont encore une fois été intimés au silence et au soutien d’une politique, non pas parce que celle-ci est juste, mais parce que le sang de nos soldats et de milliers de personnes est sur nos mains. Des questions qui devraient être adressées à haute voix dans cette assemblée, sont au contraire chuchotées dans les couloirs. Ces quelques sénateurs qui ont le courage de se lever et de prendre la parole sont traités d’antipatriotes et accusés de semer les graines du terrorisme. Quelqu’un a même dit que ceux qui mettent la parole du Président en doute ne valent pas mieux que les terroristes eux-mêmes. Telles sont les allusions faites par ceux qui préfèrent ne pas voir la vérité en face.

Cette République a été fondée pour plusieurs raisons, et notamment à cause de l’arrogance d’un roi qui attendait de ses sujets qu’ils fassent ce qui leur était édicté, sans poser de questions, sans hésitations. Nos aïeux ont renversé ce tyran et ont adopté un système de gouvernement où la divergence d’opinion n’est pas seulement chose importante, mais aussi un devoir. Mettre en doute une politique imparfaite est une des nécessités de ce gouvernement. Manquer de questionner, manquer de dénoncer, c’est manquer le legs des Pères fondateurs.

Quand il parle de l’Irak, le Président dit que sa détermination reste ferme, et, de fait, les enjeux pour lui sont énormes. De même, pour les hommes et les femmes qui servent en Irak, les enjeux sont énormes, eux qui attendent et prient pour que vienne le jour où ils pourront rentrer chez eux, auprès de leurs familles, leurs rangs clairsemés mais leur mission accomplie avec honneur et dignité. Le Président a envoyé ces hommes et ces femmes en Irak et il est de sa responsabilité de mettre en place une stratégie pour les dégager de ce pays tourmenté, avant que leurs pertes ne deviennent intolérables.

Il est tout à coup évident que le gouvernement ne comprenait pas, il y a un an, les conséquences qu’allaient avoir l’invasion de l’Irak, et il est tout à coup évident que cette administration n’a aucun programme effectif pour gérer les contrecoups de la guerre et l’effondrement fonctionnel de l’Irak. Il est temps - plus que temps même - que le Président remédie à ces négligences et qu’il parle franchement au peuple américain de l’ampleur des erreurs commises et des leçons retenues. L’Amérique a besoin d’un ordre de route pour sortir de l’Irak, qui soit organisé et habile, sinon davantage de nos hommes et de nos femmes en uniforme connaîtront le sort tragique de la Brigade légère de Tennyson.”“””

Robert Byrd
http://byrd.senate.gov/

Les relations transatlantiques ne sont pas dans une crise majeure

Article lié : L’Allemagne nous intéresse…

jonas landzaat

  26/03/2007

Vous exagérez malheureusement presque toujours. Il ne faut pas méprendre des malentendus et des désaccords pour des crises “structurelles”.

Il faudrait rester plus sobres et désanchentés, je crois. L’analyse qui suit (du ViewsWire) est équilibrée et je crois que Vous devriez la commenter.

merci

U.S.-E.U. politics: The enduring strength of transatlantic relations
March 23rd 2007

COUNTRY BRIEFING

FROM THE ECONOMIST INTELLIGENCE UNIT

Four years ago, the US-led invasion of Iraq triggered the most serious rift in transatlantic relations since 1945 as well as among EU member states themselves. Although some fall-out from the split over Iraq remains, talk of the two continents drifting apart is misplaced. Indeed, relations between Europe and the US are returning to normal.

More to unite than divide

During the traumatic days of early 2003, a great deal of analysis and comment focused on explaining the divisions that had emerged by reference to attitudes towards the use of force, perhaps most vividly captured by US academic Robert Kagan, in his essay “Of Paradise and Power”. Mr Kagan (an advocate of the Iraq invasion) described Europeans as inhabiting the world of perpetual peace envisaged by the German enlightenment philosopher Immanuel Kant. As a result, they had become incapable of dealing with other states that did not play the international relations game by their rules, whereby disagreements are solved in the committee rooms of Brussels by grinding out reasoned compromise.

There was, and is, much to this analysis. Europeans countries spend far less on defence than the does US and they are often reluctant to engage in military activity even when they agree that such action is both justified and necessary. For example, many European members of NATO declined to participate in the 1999 conflict with Slobodan Milosevic’s Yugoslavia, while the US undertook the overwhelming majority of the military action. To the US, this unwillingness to use force, even in a region bordering the EU, remains a source of frustration. But it would be wrong to overstate this as a factor in undermining transatlantic ties, mainly because this difference has existed for decades—in the 1960s even the UK declined to involve itself in Vietnam, in the 1970s West Germany’s policy of “Ostpolitik” towards the Soviet Union was far too placatory for American tastes, and in the 1980s many Europeans feared that the US plan for a “star wars” missile defence system risked upsetting the strategic balance in Europe (an issue that has resurfaced today).

It is hard to argue, therefore, that there is a widening gulf between the sides on resort to force in international affairs. Rather it is one that they have managed to live with for decades. It would also be wrong to overstate European pacifism. Sizeable European contingents fought alongside the US in the first Gulf War in the early 1990s, 25 of the EU’s 27 member states have forces deployed in Afghanistan (although most not in the area of fighting) and 12 still have a presence in Iraq. Moreover, Germany, the EU’s largest member state, is gradually increasing its military engagement after decades of non-involvement. This makes the prospect of Europe punching up to its weight in the world more likely in the future.

And what of the US: is it becoming more belligerent and bullying as some in Europe and elsewhere claim? The case to be made that the US is becoming more aggressive is certainly stronger than the case for an ever more cowering and cowardly Europe, but this is based almost entirely on the Iraq war, which was an aberration rather than the start of a unilateralist trend. To see why, one need only consider briefly the context in which 9/11 took place.

Although the cold war had been over for a decade by September 2001, the US was still seeking to define a new posture in a world without a Soviet threat. Competing ideas existed, but the emergence of al-Qaida as a serious menace to the American homeland, and the rapid victory over the Taliban in Afghanistan, gave credence to the view that the US had underestimated and under-used its unique power. These neo-conservative voices persuaded President George Bush that the US’s military preponderance meant that the administration no longer needed to shore-up unpleasant regimes, but could sweep them away, leaving fertile ground for democracies to flourish. This, they argued, was the only way to guarantee American security in the long run because in democracies people are too busy enjoying freedom to engage in terror. But the neo-conservative account of the transformative potential of US power has been discredited by its failure to deliver stability in Iraq, and, to a lesser extent, by the electoral success of Hamas in the Palestinian territories and Hizbullah in Lebanon. Thus, the brief period in which America attempted to spread democracy through military means now appears over.

More humility and less hubris in Washington

This comes as a great relief to Europe, where even the staunchest Atlanticists in diplomatic circles were appalled by the hubris of some US officials at the height of the neo-conservative influence. In the second Bush term, the humility in foreign affairs that the president had promised when campaigning for election in 2000 has became evident, and a determined effort is being made to mend fences. Mr Bush’s first foreign visit after re-election, for instance, was to the EU. This was significant not only because he was the first US president to recognise the EU in this way, but also because it signalled a definitive rejection of “disaggregation”, a policy of divide and conquer towards the EU advocated by some in his first administration.

The American olive branch has been enthusiastically accepted. Those Europeans who opposed the war—arguing that it would open a Middle-East Pandora’s box feel—vindicated but are not gloating, in large part to avoid transatlantic relations again sinking to that 2003 low point. They are also determined to show that they are serious about tough security issues, which may explain their intense efforts at trying to halt Iran’s nuclear programme and their close co-operation with the US at the UN to impose sanctions on the Islamic Republic. Though there are differences—the US wishes to ratchet up those sanctions rapidly, while the Europeans prefer a more gradual approach—they have remained united in the face of the threat, despite Iran’s best efforts to divide them.

Economic interests are eternal

But because Europeans know that their clout in hard security issues internationally is limited they have often focused reconciliation efforts in other spheres, most notably in economic affairs. Current proposals by the German chancellor, Angela Merkel, to use her country’s presidency of the EU in the first half of 2007 to launch a major initiative aimed at deepening economic integration in the transatlantic space is only the latest example. Even without considering Ms Merkel’s big idea, huge energy is already being expended at the political and policy levels to remove many of the remaining obstacles to doing transatlantic business. Though disagreements are plentiful—some intractable, others merely technical—the two sides are talking about the Doha multilateral trade round, bilateral trade issues, competition policy, harmonisation of accounting standards, public procurement, aviation, financial services regulation and much more. Little illustrates the normality of transatlantic relations better than the daily interaction between European and American officials as they go about their problem-solving business.

Business as usual

If transatlantic relations are back on an even keel at the official level, the damage done by Iraq remains at the popular level. Positive European sentiment towards the US is far lower than it was before the Iraq invasion, according to opinion polls, and many of the continent’s media often display a visceral dislike of President Bush which distorts reporting of his administration’s actions and its dealings with other countries. Four years on, it seems unlikely that he will ever find a place in European hearts. But his term in office ends in less than two years, and a new president is expected to enjoy a rise in European support. Europeans know that in terms of values and interests, they are closer to the US any other part of the world. Although disagreements will inevitably persist, given the unique scope of the relationship, considerable political will exists to solve them. The portentous talk of Europe and America drifting apart has not occurred. Nor is it likely to in the foreseeable future. The ties stretching across the Atlantic are too many and too strong to allow that to happen.

Ca y est "le monde" parle des BMD!

Article lié :

Jean

  26/03/2007

Mon dieu que ce journal n’est plus ce qu’il était…

Donc Le Monde d’aujourd’hui nous parle BMD, chic alors on va avoir une analyse, des interviews, un petit édito d’un universitaire ?

Que nenni, c’est le monde façon presse MSN Transatlantique à l’ouest toute!
Le journaliste se contente donc d’annoner la dépeche AFP…qui se limite aux déclarations du sous secrétaire de la maison blanche, comme quoi tout va bien c’est juste fait pour éviter que les Iraniens ne tirent un missile balistique (qu’ils n’ont pas).

Un petit mot pour dire que les peuples Européens concernés par l’installation sont comme tout les peuples Européens à savoir rétif à cette généreuse aide…les ingrats.
Et de commentaires sur ce dernier point?
Et bien la aussi rien en fait, quedal, zéro, le néant.

Donc les généraux US viennent de faire un communiqué de presse dans “le Monde”!

Et tout ça est ici:

http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,39-30217206@7-60,0.html