Un ami du genre humain, façon Mister Z

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Un ami du genre humain, façon Mister Z

21 décembre 2023 (10H55) – Je ne prétends pas que ce document changera, même de la plus petite manière, l’ordre des choses ni ne convaincra les grands esprits du néant des salons parisiens qui règlent tant de nos affaires du monde. Cioran notait que madame du Déffant, cette femme si brillante que notre philosophe jugeait comme « la femme le plus clairvoyante du siècle », avait montré toute la grâce de l’esprit du monde en parlant du néant qui régnait dans les salons où elle-même régnait :

« Je ne trouve rien en moi que le néant et il est aussi mauvais de trouver le néant en soi qu’il serait heureux d’être resté dans le néant. »

 « Le néant dans un salon, quelle définition du prestige ! », s’exclamait Cioran.

Donc, il (“ce document” signalé plus haut) se noiera sans doute dans la maelstrom, – aka, le tourbillon crisique de notre savoir et de notre perception, – qui nous sert de cadre néantiel, selon la Dudeffant, de nos connaissances et de nos sagesse. Mais, pour la pureté de mon âme, je prétends, moi, lui consacrer une page, – in memoriam...

D’ailleurs, on en a dit un mot hier, ce qui montre que la mémoire devrait en être fraîche, à moins que l’on n’ait point compris la signification de la chose. On a tant de machinations à arranger, tant de sottises à débiter : voici donc, à la mémoire et en l’honneur de ceux qui n’en sauront rien... C’était hier :

« Après tout, les propos de Poutine sont parfaitement corroborés par le document qui a fait surface, cette vidéo montrant le sénateur Lindsay Graham qui est l’un des super-porte-flingues républicain au Sénat de la nébuleuse neocon, avec son acolyte alors encore vivant McCain, haranguant les soldats ukrainiens en décembre 2016 et leur promettant la guerre (et la victoire de l’Ukraine sur la Russie, cela va sans dire et encore mieux en le disant, grâce au soutien indéfectible des USA cela va encore plus vite)... Tout cela est comme allant de soi, sans nécessité de complot et toute cette sorte de choses ; simplement, on passe de “la défensive” à “l’offensive” sous les yeux énamourés du “roi du chocolat”, le président Porochenko, les doigts chargés de l’encre de la signature des accords de Minsk... »

Effectivement, j’ai trouvé cette vidéo sur une ligne YouTube d’un ‘youtubeur’ nommé Glenn Beck, d’ailleurs au milieu d’un sujet qui n’est pas inintéressant, qui concerne les déplacements de population entre États de l’Union (je parle des USA, ‘What else ?’) du fait de l’orientation politique de chacun d’eux. La vidéo est ainsi présentée :

« Un clip datant de 2016 a refait surface et il est choquant. On y voit le sénateur Lindsey Graham dire à des soldats ukrainiens que “2017 sera l'année de l'offensive” contre la Russie. S'agit-il d'un mensonge ou le projet de guerre a-t-il été déjoué ? Glenn [Beck] s'interroge sur l'étrangeté du fait qu'avant l'entrée en fonction de Trump, les fauteurs de guerre américains parlaient d'une guerre entre l'Ukraine et la Russie et que, juste après le départ de Trump, la guerre a commencé. Les politiciens américains ont-ils planifié cette guerre pendant 7 ans ? La présidence de Trump l'a-t-elle retardé ? »

J’ignore comment ce Glenn Beck-là a obtenu cette vidéo, d’où elle vient, qui l’a filmé, qui l’a fakenewsée, – d’ailleurs j’ignore si elle est connue, déjà diffusée comme un brulôt chargé de corrompre les âmes pures, – quoiqu'en dernière minute (relecture bien nécessaire de 16H30) je découvre qu'elle a commencé à passer sur YouTube... Qu’importe tout cela, puisque seul le contenu nous importe, quel qu’il soit, fabriqué ou non, manipulé et peloté dans tous les sens, parce qu’au bout du compte il dit le vrai. Pour moi qui m’étonne de tout, il n’a rien de sensationnel car nul ne pouvait ignorer d’instinct, d’intuition et d’expérience qu’ils feraient tout pour lancer une guerre et que parmi ces “ils”, Graham et McCain étaient les plus fervents, –  ‘neocon’ dix mille jours, ‘neocon’ toujours.

L’on entend bien que l’excellent Lindsay entend bien faire passer toute cette valetaille ukrainienne armée qu'il apostrophe dans le genre Napoléon en campagne sénatoriale, du stade de la défense à celui de l’offensive. Destination, Moscou et pas seulement le Donbass. Vous voyez bien de quoi il s’agit, il n’est pas question de rétablir une pseudo-infamie (la résistance des ploucs, les russophones du Donbass, selon les conceptions de Porochenko, le président d’alors) mais bien de changer le monde en réduisant la Russie en miettes puantes. Pendant ce temps, en décembre 2016, Minsk-I allait accoucher de Minsk-II et tout serait enfin réglé pour le prochain KO debout.

La guerre était prévue pour 2017 si l’on manœuvrait bien le Trump (élu en novembre 2016), – ce qui serait chose simple, selon ces guerriers de salon. Il est vrai qu’à cette époque, nul ne savait précisément ce que serait la politique de Trump, et Graham avait de bonnes relations avec lui. Au reste, Graham a toujours de bonnes relations avec Trump, et il est, au contraire de son incroyable attitude de va-t’en-guerre pour l’extérieur, un allié de Trump sur le plan intérieur où il s’oppose souvent aux démocrates et à nombre de leurs entreprises extrémistes et semeuses de guerre civile.

On a déjà observé cette extraordinaire ambivalence chez Graham, que nous avons étudiée avec attention dans l’un ou l’autre précédent texte. Il s’agit d’une ambivalence qui dépasse la simple contradiction accidentelle ou d’ignorance. Il s’agit du produit d’une situation politique incontrôlable par les hommes et les  idées autant que par l’absence de toute raison politique, tout cela vous faisant soutenir une position d’un personnage politique dans tel domaine pour vous trouver en opposition complète avec lui dans tel autre.

On rappelle ici des extraits significatifs d’un texte sur Graham et son soutien à Trump face aux enquêtes et attaques du ‘Russiagate’ en même temps que la redite de sa défense de 2018 d’un candidat de Trump à la Cour Suprême. Il faut bien voir que ce texte, et les actes qu’il décrit, sont du 18 mai 2023, alors que Graham soutient à fond Zelenski tandis que Trump ne cesse de dénigrer la politique ukrainienne de Biden.

« On le dit ici et on le redit, car ce n’est pas la première fois que l’on rencontre cette situation, et particulièrement avec un homme comme Graham. L’un des plus portraits les plus significatifs de cette situation de contradiction donnée sur ce site, le fut par PhG dans son ‘Journal-dde.crisis’ du 28 septembre 2018, lors des auditions pour la nomination du juge Brett Kavanaugh comme Juge à la Cour Suprême. Ici ne figure pas l’ambiguïté et la contradiction politique, – dans tous les cas, pas directement, – et ce que nous observons essentiellement c’est la franchise et la conviction de la personne (Graham soutenant à fond un acte de Trump président contre les démocrates qui sont ses habituels coreligionnaires pour soutenir les guerres extérieures) : [...]

» Aujourd’hui, nous nous trouvons vraiment face à une contradiction politique considérable, pour le même homme qui peut être conduit à cette sorte d’emportement à la fois remarquable et producteur considérable d’influence :

» • Les parti-pris de Graham pour l’Ukraine sont parmi les plus violents, les plus hystériques à Washington ;

» • Trump est totalement indifférent au sort de l’Ukraine, comme il l’est du sort de l’OTAN, et s’il faut pourtant s’intéresser à cette guerre (s’il était à nouveau président), ce serait sans aucun doute Washington et sa politiqueSystème qu’il mettrait en accusation, d’ailleurs non sans un certain délice ;

» • Graham prend à fond parti pour Trump dans toutes ces affaires du ‘Russiagate’ lancées contre Trump, qu’il dénonce comme des montages alors qu’elles sont utilisées comme certaines des accusations les plus violentes contre les Russes.

» Nous nous trouvons à la croisée de plusieurs dynamiques : l’incontestable caractère maléfique, sinon satanique de la politiqueSystème de Washington, qui séduit des attitudes affectivistes ; les mystères des comportements individuels, notamment au travers de questions politiques dont les liens avec des engagements politiques contradictoires sont brouillés par l’affectivisme justement.

» Il est évident que l’intrusion d’acteurs incontrôlables, hors-Système pour les questions politiques, – un Trump ou un Kennedy, malgré leur appartenance évidente à l’establishment, – apporte un degré de désordre qui fait perdre le sens et l’orientation des choix à faire. C’est d’ailleurs bien un signe, non seulement de la décadence mais de la dégénérescence, du pourrissement par la perversité du Système, que de telles intrusions aient lieu et perdurent, – Trump est sur le devant de la scène depuis plus de sept ans !... Et Graham le belliciste antirusse le soutient plus que jamais ! »

Aujourd’hui, Graham est l’un des (rares) sénateurs républicains qui commence à prendre un parti favorable au processus de destitution de Biden en appuyant des points essentiels des accusations de la Chambre. Cela signifie qu’il se met clairement dans le camp favorable à Trump, même si l’on ignore quelles seraient les conséquences d’une destitution.

Au reste, et pour en savoir plus, vous noterez :

• Que le même Graham propose un plan de guerre pour renforcer la puissance de Taïwan et préparer des strratégies de “pré-invasion” si les sanctions qu’on appliquerait ne suffiraient pas à dompter la Chine continentale au pas cadencé de l'américanisation. Le but implicite de Graham est la reconquête de la Chine de Xi par Taïwan. (Dites cela lentement, calmement, sans excitation excessive, réfléchissez quatre ou cins fois dans votre tête en vous disant qu'il veut faire voter un projet de loi au Sénat dans ce sens,et allons boire un verre pour nous détendre.)

• Qu’il y a des gens pour vous dire que si Trump est élu, sa politique sera antirusse et pro-ukrainienne, dans un swing bien plus dévastateur que celle de Biden. Un autre verre ?