Trenine, une détermination russe

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Trenine, une détermination russe

17 juillert 2025 (16H00) – Je suis tombé, avec une certaine grâce je le reconnais , sur un excellent segment du réseau de “Pascal” (j’ignore son nom mais je me fie à son allure et à sa voix qui respirent l’empathie) de ‘Neutrality Studies’, en version française. Pascal s’attache au plus récent texte de Dimitri Trenine, en rappelant qu’il avait organisé en 2021 sa première table ronde avec Trenine et Anatol Lieven.

Le texte de Trenine est paru en manchette les 14-15 juillet, comme on le signalait dans un texte d’hier où était signalée, – vieux réflexe du journaliste, le “plus vieux mêtier du monde”, –  la durée inhabituelle pour RT.com de cet emplacement, signe de l’importance extrême que lui accordent les gens du réseau russe (financé par le gouvernement russe, précisent nos fins limiers type Dupont & Dupond, débusqueurs de FakeNews dans les dirty piece of shit) :

« Les autres, ceux d’en face qui furent réduits à se taire pendant ces siècles de fureur, d’ailleurs beaucoup plus anglo-saxonne qu’occidentale, sont aujourd’hui sur leur garde. Ces pays, devant cette démence cosmique, savent ce qui les attend et ils sont décidés à ne pas attendre. Une petite preuve se trouve dans ce texte de Dimitri Trenine qui est resté de façon très inhabituelle  24 heures (14 et 15 juillet) en manchette de RT.com, qui démarra sur un titre assez retenu pour poursuivre avec son titre définitif :

» D’abord : « Oubliez la détente, Moscou doit se battre jusqu'au bout » ;

» Puis le titre qu’il faut retenir, celui que chacun de nos esprits forts a déjà écrit : « La Troisième Guerre mondiale a déjà commencé »

Pascal nous fait un grand éloge de Trenine, qui trouve chez nous un accueil extrêmement chaleureux. Je me souviens, grâce à notre brillant moteur de recherche, que nous avons pour la première fois parlé de Trenine le 6 juillet 2012 (« Une certaine dissolution »), pour noter que ce Russe, le plus pro-occidental qu’on puisse rêver, commençait à l’avoir mauvaise.

Puis, nous avons rencontré Trenine de façon assez régulière, se durcissant de plus en plus devant la l’épisode maniaque (voyez la maniaco-dépression, je la connais bien) hystérique et entropique de l’Occident à détruire la Russie comme productrice de “sous-hommes” sans grand intérêt pour le commerce.

L’Ukraine, à partir de février 2014, le tint désormais complètement mobilisée. Dans ce texte intitulé, je trouve, tout à fait à propos et sous une forme assez belle (le mot “lasse” résonne avec une grande force), – « De guerre longue et lasse », le  4 août 2014 :

« On signale ici une excellente analyse de Dimitri Trenine, qu’on a déjà rencontré sur ce site (voir le 4 mars 2014). Bien que directeur du Carnegie Centre de Moscou, ce qui devrait impliquer une orientation “occidentaliste”, sinon américaniste dans les élites moscovites, Trenine se montre au contraire comme un commentateur éclairé, qui sait définir une situation sans céder aux tropismes sans nombre qui caractérisent tout ce qui dépend trop des largesses du bloc-BAO dans le chef des organisations implantées en Russie dans ce sens. Cette fois, Trenine s’essaie à un exercice qui commence à faire florès chez les commentateurs et analystes, qui est la prospective des relations Russie-USA, c’est-à-dire de l’affrontement Russie-USA qui est désormais officiellement déclaré et institué, après la destruction du vol MH17, comme si cet événement constituait un symbole plus qu’un véritable événement. (Comme l’on sait, on n’a pas déterminé les circonstances de cet incident, et la probabilité que la Russie en soit l’instigatrice, comme le proclament unanimement la presse-Système et les dirigeants-Système du bloc BAO, est extrêmement minime, sinon inexistante. On écarte donc le poids disons opérationnel de cet événement totalement faussaire, à l’image de notre époque, et on le considérerait plutôt comme le symbole de l'achèvement accéléré de la réorientation radicale des relations internationales.) »

Pascal, lui, ne peut s’empêcher de s’exclamer au rapport de lecture qu’il fait de l’article de Trenine. Il le fait avec les meilleures raisons du monde, alors que la situation se détériore partout, alors que l’apparence de Trump se transforme et se détériore au gré de ses étranges sautes et changements d’humeur, alors que les complots ne cessent de pousser partout, comme champignons en un automne mouillé. Interrogé par Nima, de  ‘Dialogue Works’ (autre excellente adresse), John Helmer nous parle, se référant au fameux missile hypersonique qui n’a pas besoin de nucléaire pour anéantir nos points stratégiques, du

« Moment Orechnik qui ne cesse d’être de plus en plus proche »

Mais je reviens à Pascal et à sa fureur rentrée devant ce qu’il voit s’aggraver chaque jour, poussé par ce vent tempétueux du nihilisme qui nourrit notre hystérie maniaque (toujours elle) comme le vieux charbon dans les chaudières des locomotives de la conquête de l’Ouest... Tiens, rappelez-vous comment ils ont massacré les Indiens et les bisons !

Je lui laisse la plume aussi longtemps qu’il faudra.

« Parce que Trenine, contrairement à la plupart des penseurs occidentaux, est réellement capable de se mettre à la place de l'ennemi et d'expliquer aux Russes comment les Américains et l'Occident en général les perçoivent. Et je pense qu'il fait un travail tout à fait correct dans son analyse car comme il le dit, l'Occident considère ses ennemis comme des sous-hommes, comme n'étant pas dignes des normes fondamentales du droit international humanitaire ni des droits de l'homme parce qu'ils ne sont pas considérés comme humains par l'Occident, n'est-ce pas ?

» C'est ainsi que l'Occident traite les Palestiniens à Gaza. C'est ainsi que l'Occident traite les Libanais. Et c'est aussi ainsi que l'Occident a mené la guerre contre l'Iran, n'est-ce pas ? Dans laquelle l'Occident a célébré l'assassinat de scientifiques, l'assassinat de toute personne liée à la direction politique de l'Iran et même de leur famille. Et Trenine le dit.

» Regardez, ces gens nous considèrent comme des sous-hommes et ils nous tueront. Ils tueront n'importe lequel d'entre nous parce que tout l'effort de guerre de l'Occident vise à vaincre quiconque peut proposer un modèle alternatif non seulement des affaires mondiales mais de la civilisation elle-même. Dans cet article, il ramène tout au besoins d'hégémonies de l'Occident et il les regroupe à juste titre les Européens et les Américains comme ayant fondamentalement le même objectif.

» Et bien sûr, les Européens sont absorbés devenant les serviteurs, devenant les satellites de l'empire américain, mais des satellites parce qu'ils partagent les mêmes valeurs et la même vision du monde. À savoir que rien de moins qu'une domination totale, une domination hégémonique de leur vision du monde n'est acceptable. Et parce que la Russie et aussi la Chine  représentent une approche civilisationnelle différente de la gestion de l'humanité ou de la participation à l'humanité, cela en soi, l'existence même de ces approches alternatives devient une menace mortelle pour l'Occident. Ainsi, Trenine s'attend à ce que cette guerre soit une guerre totale, une guerre totale entre ces civilisations et que l'Occident utilisera tous les moyens disponibles et choisira toutes les cibles possibles pour atteindre ses objectifs.

» Et c'est pour cela qu'il ne considère plus cette situation comme une guerre froide. Car pendant la guerre froide, l'une des caractéristiques était que ces deux systèmes, bien qu'ils se détestaient, maintenaient un équilibre, une reconnaissance mutuelle de la coexistence de systèmes rivaux alternatifs. Et même si chaque système affirmait être meilleur que l'autre, il y avait une compréhension tacite qu'on n'attaquerait pas directement. On attaquait par procuration et il y avait une retenue stratégique concernant les armes les plus puissantes, bien sûr, les armes nucléaires. Mais aujourd'hui, cette compréhension a disparu. L'Occident par ses attaques contre les actifs nucléaires stratégiques, les bombardiers russes, a en gros déclaré, “Regardez, ce n'est plus le même jeu.” »

Pr curiosité, au fait, comment Trenine termine-t-il son texte ? Par une ultime affirmation de sa détermination russe, et bien russe, – et sa volonté de fer d’aller jusqu’au bout puisqu’il faut le faire... Comme court le bruit : “Dieu reconnaîtra les siens”. Sacré Dieu ! Il semble bien que nous ayons encore une fois besoin de Vous (ou de Toi, parlons entre copains) :

« Enfin, nous devons percer le bouclier informationnel de l'Occident. Le champ de bataille comprend désormais les narrative, les alliances et l'opinion publique. La Russie doit réapprendre à s'impliquer dans la politique intérieure des autres, non pas en tant qu'agresseur, mais en tant que défenseur de la vérité.

» Le temps des illusions est révolu. Nous sommes dans une guerre mondiale. La seule voie à suivre est une action stratégique et audacieuse. »