Trump et le cri fou des mouettes dans la tempête

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Trump et le cri fou des mouettes dans la tempête

16 juillet 2025 (15H30) – Il est difficile de continuer à passer sous silence, disons 80% (estimations très prudentes) des comportements du président des Etats-Unis  dans les affaires transatlantiques, – pour s’en tenir à ce thème qui nous importe précisément, mais les autres c’est pareil ; difficile aussi de passer sous silence l’extraordinaire saga de la liste de tous ces braves gens des élitesSystème mentionnés sur la liste-qui-n’existe-pas du milliardaire des loisirs de ces élitesSystème Jeffrey Epstein, opportunément suicidé in illo tempore dans la prison de réputation la plus “sécurisé” du pays. La phrase est longue mais l’affaire n’est pas courte... Encore n’abordons-nous pas les affirmations de plus en plus solides, appuyées par Tucker Carlson, de l’appartenance d’Epstein à un réseau du Mossad israélien, qui fut une des premières hypothèses soulevées lors des multiples péripéties menant à l’arrestation puis au “suicide” de Epstein dans son lieu si hyper-sécurisé ; le Mossad, qui doit avoir une belle galerie de vidéos à nous faire visiter sur les loisirs de haute culture de ces messieurs-dame, alias ‘The Masters of Universe.

Ces remarques d’ordre général sur les agitations de Trump, – le personnage central de la pièce, malgré tout, – se prolongent de décisions extraordinaires concernant cette espèce de magmas nommé “politique étrangère”, comme cet ultimatum de 50 jours à la Russie, et le pseudo-projet particulièrement bienvenu (les Européens, autres gens de bonne compagnie, applaudissent discrètement) mais néanmoins qui doit grandement à la communication nécessairement mensongère du simulacre, de vendre des missiles ‘Tomahawk’ à portée stratégique et de type offensif à l’OTAN pour permettre à cet organisme connu pour ses œuvres de stabilisation des affaires de les livrer (vendus ? Offerts ?) à l’Ukraine, – ventes de missiles américanistes à l’OTAN payés en grande partie par le principal financier de l’OTAN, les États-Unis d’Amérique, etc... Si vous trouvez des affirmations de tourbillon crisique type dans ces épisodes qui comportent tant de narrative arrangeante, nul ne vous le reprochera. Tout cela est vrai mais c’est complètement faux, – tel est mon jugement.

Le but de cet homme (Trump) qui veut la paix à tout prix est d’offrir à un pays en déroute qui massacre ses propres hommes un moyen d’attaquer la Russie en une action provocatrice propre à susciter une escalade phénoménale de l’affrontement. Du pur neocon qui perd la tête recouverte d’un entonnoir fourni par l’intendance de l’établissement psychiatrique concerné ; mais du pur neocon sanctifié par une logique-Trump, qui se veut homme-de-paix (Prix Nobel de la Paix 2025, c’est comme si c’était fait) et que, pour faire la paix, c’est bien connu, il faut d’abord être en guerre.

Note de PhGBis : «  Dans son programme d’hier soir, Mercouris fait une remarque qui a des conséquences potentielles énormes. Il parle du ‘Tomahawk’ dont on sait qu’il est un engin stratégique qui peut éventuellement porter une arme nucléaire et dont la perspective d’ue  livraison à l’Ukraine relève aussi bien des neocon en java que d’ Alice qui aurait perdu ses règles à comptabiliser in Wonderland. Ce que dit Mercouris doit ajouter un peu de sel et de poivre sur l’atmosphère régnant à Washington under Trump... Je cite Mercouris :

» “Nous avons donc là un plan, un plan apparent, dont certaines parties sont actuellement mises en œuvre pour armer l'Ukraine par l'intermédiaire de l'OTAN. L'organisation, dont les Russes ont déclaré qu'elle constituait une ligne rouge si l'Ukraine rejoignait l'idée, circulant à Washington depuis plusieurs jours et apparemment brièvement soutenue par le président lui-même, de fournir à l'Ukraine des missiles Tomahawk, des missiles [stratégique et à éventuelle capacité nucléaire] capables de frapper Moscou et apparemment destinés à frapper Moscou. Dire que tout cela est alarmant est loin d'être la vérité. Et heureusement, quelqu'un à Washington semble avoir été conscient de ces implications, car ils ont clairement repoussé cette proposition. Je suppose que cette opposition est venue du Pentagone et que l'idée des missiles Tomahawk a été abandonnée. Pour l'instant, on ignore totalement quels missiles supplémentaires, des missiles offensifs à longue portée, seront fournis à l'Ukraine, s'il y en a, en plus des missiles défensifs Patriot que les États-Unis ne sont plus en mesure de fournir en quantité. Ce que cet épisode bizarre, extraordinaire et profondément alarmant démontre, c’est à quel point la situation devient imprudente et dangereuse, les responsables américains voyant clairement la ligne écrite en lettres de sang sur le mur pour l’Ukraine.” »

On demande la prochaine étape

On saisit ce moment avant que Trump vire soudain de 188°-189° pour cesser toute action de provocation au profit d’une main tendue pour obtenir un cessez-le-feu et la paix en choisissant de tout casser de ce qui peut l’être, en espérant avec sagesse que les Russes n’auraient pas l’idée saugrenue d’abattre tous ces ‘Tomahawk’ fantômatiques avec leur brillante défense aérienne, première du monde, et d’en tirer la conclusion qu’il est temps d’être sérieux, de franchir le Dniepr et de s’attaquer décisivement au gras de l’Ukraine qui reste encore debout.

On notera que les commentateurs de ces étonnants événements s’arment désormais de l’aide de contingents de psychiatres pour informer leurs lecteurs de ce qui se  passe vraiment puisque les simulacres jusqu’ici déployés se trouvent percés d’innombrables déchirures, contusions et déchiquetures qui l’ont dégonflé comme un dirigeable du temps de l’incendie de 1935 du ‘Graf von Zeppelin’. Pendant de temps, les USA récoltent les raisins de la déglingue ainsi déployée dans leur pauvre tête abritant les plaintes désespérés de Jefferson constatant ce qui reste du rêve des  Founding (« Tout, tout est fini », ses dernières paroles avant de mourir en 1825), – comme dit Paul Goncharoff, analyste financier chevronné et directeur de Goncharoff LLC.:

« La confiance envers les États-Unis s'effrite dans le monde entier...

» Les positions des États-Unis sur la scène nationale et, plus important encore, sur la scène internationale, à proximité comme à distance, fluctuent visiblement et changent de jour en jour.

» Menacer la plupart des nations de notre planète de sanctions ou de droits de douane irréalistes si elles négocient dans leur propre monnaie et non en dollar américain est une mauvaise façon de gagner la confiance. »

» Alors que la dette américaine explose, le dollar est « en bonne voie pour être traité comme un actif toxique. Un effondrement soudain de sa valeur est désormais une possibilité réelle.

Même monsieur Goncharoff, qui s’intéresse à la finance et à la monnaie, comme on le voit, fait une incursion dans le domaine clinquant des productions du complexe militaro-industriel à destination des Zelenski’s boys, mais aussi d’autres “théâtres:

« La question qui se pose est : où les États-Unis trouveront-ils les fonds nécessaires [et les armes, et les armées nécessaires] pour mener trois, voire quatre, conflits simultanément ?

» Quelle est la prochaine étape ?

« L’ère d’un système de tempêtes multiples parfait [un ‘perfect storm’] se dessine déjà, ce qui pourrait menacer de détruire les systèmes financiers et géopolitiques auxquels nous nous sommes habitués depuis des décennies. »

Que faire de l’American Way of Bluff ?

Ici, je deviens plus sérieux puisqu’on re-cite Mercouris ou on continuer à le citer à partir de son programme d’avant-hier au lieu de moquer ouvertement les contorsions cinématographiques de la ville (Washington D.C.) dont le prince est un enfant retardé, incohérent et insupportable. Il n’empêche qu’avec Mercouris, quoique sur un ton bien plus sérieux, on moque tout autant leur ‘block busters’ permanent avec un ‘Captain America’ omniprésent, qui finit par se cogner de gratte-ciel en gratte-ciel puisqu’il prend Pékin pour Washington.

On dit cela lorsqu’il s’agit de dire quelques mots sur leur puissance affirmée dans tant de discours, avec les projets stratégiques qui vont avec, comme si tout le monde tournait au rythme d’Hollywood...

« Revenons maintenant à cet article de Michael Brandon Diety. Il parle en fait de la folie de cette tentative constante de bluffer les ennemis américains en faisant croire que les États-Unis sont plus forts qu’ils ne le sont en réalité. Et il dit ceci : “Les faucons des deux partis ont soutenu que le seul moyen d'empêcher la Chine de tenter une attaque contre Taïwan et de briser la suprématie américaine dans le Pacifique est de soutenir l'Ukraine et Israël jusqu'au bout. Leur théorie est que nous pouvons dissuader Pékin en faisant preuve de volonté. Cette théorie de la dissuasion séduit évidemment les chroniqueurs moralisateurs dont les positions ne les exposent à aucun risque.” Mais Pékin fait certainement exactement ce que fait actuellement le Pentagone, considérant sérieusement ce que l'épuisement des stocks d'armes américains signifie pour lui. Son ministre des Affaires étrangères, Wang Yi, a tenu des propos cette semaine devant des diplomates européens, insinuant que la Chine voit un avantage stratégique dans un conflit prolongé en Ukraine. »

Ainsi en arrive-t-on au constat que font les Chinois, après avoir suivi l’avancée des forces russes en Ukraine. Les Chinois, à peine “en privé”, affirment désormais sans les moindres ambages qu’ils souhaitent que la Russie remporte une victoire retentissante contre l’Ukraine et qu’ils aideront les Russes si cela s’avérait nécessaire.

Recevant la Haute Représentante de l’UE venue à Pékin pour recommander à la Chine de ne pas (disons-pas trop) soutenir la Russie en Ukraine, le ministre des affaires étrangères chinois lui aurait répondu,  en mandarin certes mais tout aussi droitement : « Allez vous faire voir », lui expliquant aussitôt que les affaires de l’UE n’incluaient certes pas les relations entre la Chine et la Russie, ni d’ailleurs pas plus l’effondrement de la puissance US sous la conduite d’un Monsieur Loyal qui n’a plus de lions flamboyants et obéissants à montrer au reste du monde ébahi (11, autant que de porte-avions de l’US Navy dont 7-8 sont en radoub, en modernisation, surtout en réparations de divers ennuis des systèmes les plus avancés pour les plus modernes d’entre eux).

Dans ce passage, Mercouris cite “la volonté” qu’on entend citer chez les neocon comme force principale des USA, et argument essentiel des mêmes neocon pour les expéditions castratrices tous azimuts dont les USA sont coutumiers depuis des décennies. Mercouris observe que cette référence à “la volonté” lui rappelle le titre du formidable film de Leni Riefenstahl sur le Congrès de la NSDAP à Munich en 1934, ‘Le triomphe de la volonté’... Cela, pour observer aussitôt que “la volonté c’est bien, mais il faut avoir les moyens de la réaliser”, – et les américanistes du Monsieur Loyal, au contraire des robots de la NSDAP, n’en ont plus que quelques restes misérables. Ils n’ont même pas une Leni Riefenstahl à Hollywood...

« Cet article du South China Morning Post, dont j'ai parlé dans de précédents programmes, car il décrit le maintien des États-Unis, de leurs alliés et de leurs ressources bloquées en Europe, est une promesse grandiose. Ces prétendues démonstrations de volonté n'intimident pas la Chine. Surtout lorsqu'elles sont suivies de retards de livraison et d'une crédibilité entamée. C'est évidemment exact. Le simulacre hollywoodien peut alors faire ses comptes. Vladimir Poutine fait les siens. L'Iran aussi, soit dit en passant. Ils constatent que les États-Unis, notamment en matière de défense aérienne, sont de plus en plus démunis.

» Ils connaissent les réalités de la production d'artillerie et d'obus occidentaux, et plus particulièrement américains. Ils peuvent lire des articles comme celui paru il y a une semaine dans The Economist, dont j'ai parlé dans une autre émission, sur la façon dont les États-Unis n'ont plus de base industrielle et doivent se réarmer sans elle. Ils sont conscients de tout cela. L'idée qu'une démonstration de force, un exercice de volonté, puisse dissuader tous ces pays, revient à chercher à les tromper encore plus que ce qui a été le cas jusqu'à présent. Je crains que ce soit le genre de position qui plaise à ce président, qui a beaucoup de mal à admettre qu'il y a des limites à ce qu'il peut faire et à ce que les États-Unis peuvent faire. Même s'il nie continuellement tout point commun avec les néoconservateurs, qu'il a d'ailleurs vivement critiqués il y a quelques semaines à peine lors d'un voyage en Arabie saoudite, la réalité est que c'est là l'insistance sur la volonté, sur la force de la volonté, marque même des neocon. »

Un feu d’artifice au bouquet sans fin

Suivant les méandres du capitaine du ‘Titanic’, je me dis à moi-même, confident de chaque instant, que l’effondrement de ce monde est comme une sorte de feu d’artifice dont le bouquet tant attendu serait non pas comme une splendeur d’un instant mais comme une explosion sans fin, qui semble aller jusqu’à chercher le moindre recoin encore structuré pour lui faire subir le même sort de la désintégration finale. On parle ici, je parle ici, de notre monde occidental qui a dominé le monde pendant des siècles et des siècles, et qui maintenant s’emploie avec une fureur de dément à se dévorer la queue jusqu’à la cervelle et sa mémoire effacée, s’abîmant dans des litanies fuieuses et explosives (bouquet sans fin) de repentance et de terreur trouillarde pour avoir existé comme il a existé, sans vergogne, sans responsabilité, sans aucune mesure du monde dont il était en train d’accoucher grâce à la toute-puissance de la Machine, se piquant au technologisme comme un camé le fait de l’héroïne.

Les autres, ceux d’en face qui furent réduits à se taire pendant ces siècles de fureur, d’ailleurs beaucoup plus anglo-saxonne qu’occidentale, sont aujourd’hui sur leur garde. Ces pays, devant cette démence cosmique, savent ce qui les attend et ils sont décidés à ne pas attendre. Une petite preuve se trouve dans ce texte de Dimitri Trenine qui est resté de façon très inhabituelle  24 heures (14 et 15 juin) en manchette de RT.com, qui démarra sur un titre assez retenu pour poursuivre avec son titre définitif :

D’abord : « Oubliez la détente, Moscou doit se battre jusqu'au bout » ;

» Puis le titre qu’il faut retenir, celui que chacun de nos esprits forts a déjà écrit : « La Troisième Guerre mondiale a déjà commencé »

Pour le reste, pardonnez-moi, moi-même qui suis du Sud, de la race des nommés ‘pieds-noirs’, des à-cheval entre plusieurs civilisations, des drôles de Français (bien plus que les Arabes dits “Indigènes” qui se battirent magnifiquement, mais aujourd’hui régnant en France, parfaitement intégrés dans nos élitesSystème) qui sont venus sauver l’honneur de la France en 1943-1945 [*]) malgré la mauvaise humeur de De Gaulle qui ne nous aimait pas, – pardonnez-moi donc, vous autres, si j’emprunte l’avant dernier couplet du « Sud » de l’Italo-Français Nino Ferrer, –  qui est pour moi aussi bien le Sud de la Confédération que le Sud que fut l’Algérie pour la France :

« Un jour ou l'autre
Il faudra qu'il y ait la guerre
On le sait bien
On n'aime pas ça
Mais on ne sait pas quoi faire
On dit “c'est le destin”
 »

 

[*] Voyez la « Note retrouvée sur une circonstance fort peu atténuante », du texte « Permettez-moi de ne pas pleurer pour nous » du 18 juin 2024.