L’USAF en chute libre

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L’USAF en chute libre

• L’USAF, c’est le ciel, le “wild blue yonder” (le “bleu sauvage de l’au-delà”) qui donne à l’American Dream sa dimension ésotérique et sa vertu du simulacre de l’esprit que  représente ce rêve. • C’est aussi l’instrument privilégié de ce que l’Amérique est capable de faire dans le domaine de “la projection de la puissance”. • L’USAF est l’instrument de l’Amérique sur terre comme au ciel. • Mais l’USAF est en crise très grave : c’est le cas depuis près de vingt ans mais cela ne peut plus être caché. • Que reste-t-il alors de nos ambitions originelles ?

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La tendance expansionniste militarisée de la politique étrangère US, – qui est la véritable essence de cette politique qui fait qu’elle serait pulvérisée si elle l’abandonnait, – repose sur une donnée fondamentale : une supériorité aérienne totale. L’USAF avait même substitué à ce concept celui, encore plus absolue, d’“air dominance” (domination aérienne), justement au moment (2007-2008) où s’amorçait le déclin vertigineux dont on voit aujourd’hui les effets catastrophiques et déstructurants décisifs.

Que se passe-t-il ? Quelques articles dans des revues (des sites) spécialisées s’en expliquent sans en tirer la moindre considération philosophique ni la moindre esquisse de perspective réaliste. Les journalistes réagissent comme des automates, suivant les conclusion d’une enquête du Congrès sur l’état actuel de l’US Air Force et détaillant les mesures à prendre pour y remédier.

Breaking Defense’ expose dans ses deux premiers paragraphes d’introduction de son article du 29 octobre la situation actuelle de l’USAF : il lui faut 1558 avions de combat pour accomplir les missions qui lui sont assignées et elle n’en possède plus que 1271. Un trou de 300 avions de combat.

« L'USAF affirme devoir accroître considérablement sa flotte de chasseurs de plusieurs centaines d'avions opérationnels au cours de la prochaine décennie afin de faire face aux menaces attendues contre les États-Unis. Cette expansion massive des plans d'acquisition pourrait s'avérer irréalisable en raison des limites budgétaires et des contraintes de production.

Dans l'ensemble, un nouveau plan décennal non classifié relatif à la structure des forces de chasse, daté de ce mois-ci et soumis au Congrès, indique que l'armée de l'air a besoin d'un total de 1 558 avions de chasse opérationnels – près de 300 de plus que l'inventaire estimé actuel de 1 271 appareils pour l'exercice 2026 – afin de se conformer aux orientations stratégiques intérimaires de défense nationale de l'administration Trump. »

Interférences quantiques des avions de combat

Les avions qui doivent boucher ce trou sont le Boeing F-15EX et le Lockheed Marin F-35. Suivent de longues explications lourdes de toutes les complications de la bureaucratie du Pentagone et de la capacité de sous-production, des deux soi-disant “géants” (Boeing et LM) pour tenter d’atteindre les 1500 et quelques avions de combat et revenir à niveau.

D’innombrables interférences doivent être prises en compte pour avoir une idée de la folie que représente cette programmation dans un ministère dont le budget annuel dépasse le trillion de dollars (“mille milliards en échelle longue”) qui n’est en vérité d’aucune utilité pour les écarter. Celles de ces interférences qui sont officiellement admises et détaillées par ‘Breaking Defense’ sont mieux exposées sur une vidéo de ‘Time Of India’ (TOI) à la didactique simplifiée et clarifiée... En quelques mots :

• Les interférences des capacités de production des deux principaux concernés, notamment Boeing qui n’a pas brillé ces dernières années par son habileté industrielle. Boeing part de 24 F-15EX par an et promet de monter au double pour parvenir à boucler une production de 120-130 exemplaires en 2030.

• Les interférences des problèmes techniques qui peuvent se présenter dans les avions produits. Notre regard est bien entendu invinciblement attiré par le F-35 dans les modèles de production qui pullulent de différentes incorrections techniques.

• Les interférences des commandes à l’exportation qui doivent être absolument honorées pour maintenir le statut militaro-industriel et géopolitique des USA. Les deux appareils sont concernés et se trouvent dès lors affectés par les revers d’une “philosophie de la complexité”, ou d’incertitudes quantiques (voir plus loin) dans la mesure où leur acquisition par l’USAF serait constamment mise en cause par des acquisitions nécessaires à des statuts essentiels de la puissance américaniste.

Et encore, si toutes ces interférences sont dominées, nous sommes loin du compte car le délai que s’est donné l’USAF est de dix années, un temps suffisamment long pour laisser la porte ouverte à toutes les surprises. Le F-35 sait bien de quoi nous parlons..

« Pour atteindre l'objectif de 1 558 avions au cours des dix prochaines années, l'USAF affirme qu'elle doit acquérir des chasseurs à un rythme plus soutenu. L'objectif de 1 369 appareils pourrait être atteint “début 2030”, mais en raison de diverses demandes concurrentes en matière de modernisation, le rapport prévient que l’USAF pourrait ne pas être en mesure de financer la production nécessaire. »

Parmi les mauvaises surprises que recèle cette prospective, on trouve éventuellement deux obstacles majeurs :

• La prise en compte du vieillissement des avions les plus vieux actuellement en service, qui devront nécessairement quitter le service. Le chiffre actuel de 1271 avions de combat est d’ores et déjà jugé comme surévalué par l’USAF, selon certains critiques. On devrait plutôt se rapprocher du millier d’avions de combat en état d’accomplir leurs missions complètes sans entraves absolument insupportabless. Cela grossit considérablement le chiffre des nouveaux avions nécessaires.

Plus que jamais au rythme éblouissant de ses déconvenues, le F-35 est considéré comme la structure centrale de l’USAF. Puisqu’il ne marche pas, c’est donc que c’est bien lui... D’ailleurs, le chiffre de 120-130 F-15EX comme commande totale selon l’actuelle programmation situe son apport minimal dans le renforcement nécessaire, – alors que, selon notre point de vue, cela devrait être le contraire, et le F-15EX être le modèle commandé massivement parce que le plus sûr à produire. La part du lion va donc au F-35, c’est-à-dire un avion considéré comme de type quantique selon la définition envisagée hier. Pour paraphraser les déclarations générales de Poutine, on pourrait dire que le F-35 dépend complètement de la “philosophie de la complexité” (“les boucles rétroactives”) que Poutine attribue à Edgar Morin :

« Pour une action efficace, il faut une diplomatie quantique — comme Poutine l’a dit à Valdaï — qui prend en compte les boucles rétroactives d’Edgar Morin. La résolution d’un problème en crée un autre — économique, idéologique ou religieux. »

Mais le F-35 n’est pas “une diplomatie” mais un outil technologique fait de métaux divers et d’une forêt de cables et d’empilement de transmission et de communication qui ne peuvent être l’objet d’aucun arrangement diplomatique. Dans son cas, on peut dire que “la résolution d’un problème” identifié sur un F-35 de production, et donc reflet de tous les F-35 produits jusqu’à lui, en crée plusieurs autres qu’il faut s’atteler à résoudre à leur tour... Ou bien, l’USAF fait l’impasse sur cette simple production invertie et accepte de mettre en service des avions capables de n’accomplir que 25% à 33% de leurs missions. On arriverait alors à une USAF qui compterait bien ses 1500 avions en 2035, mais avec une efficacité de combat d’un ensemble de 750 avions au mieux.

La nature quantique de la prospective à rebours

La prospective qui nous est donnée ici pour nous convaincre que cette crise totale de l’USAF n’en est pas une et sera malgré tout résolue doit être confrontée à la prospective qui a précédé, concernant l’évolution de l’USAF. Cette mise en cause existentielle (selon nous) de l’USAF n’éclate pas comme un éclair dans le ciel bleu. Elle est présente dans nombre d’esprits et sous la plume de nombre de spécialistes depuis près de 20 ans, puisque nous datons le début de la phase paroxystique de cette crise à 2007-2008. A cet égard, on pourra consulter les textes archivés de ‘dedefensa.org’ depuis ce laps de temps. En veut-on quelques exemples ?

• Le 11 novembre 2007, « L’USAF vacille sur sa crise », où nous parlions déjà d’une crise de l’USAF de type structurel, comme reflet de la crise de la puissance américaniste :

« • La crise de l’USAF, en plus du sérieux qu’elle représente spécifiquement, est aussi, d’une façon plus générale et fortement symbolique, la crise de la puissance US.

• Le jugement d’Air Force Magazine, reproduit ci-dessus, est fondé. Il s’agit bien de la plus grave crise qu’ait connue l’USAF depuis sa fondation comme arme indépendante en 1947. Il s’agit d’une crise structurelle générale. La crise de la puissance US suit cette image comparative. »

• Le 9 novembre 2011, « Le JSF peut-il tuer l’USAF ? », où nous désignions, au travers d’une crise générale qui s’aggravait, le véritable responsable de cette crise, la catastrophe technologique, financière et opérationnelle qu’est le JSF, rebaptisé F-35 pour qu’on permette au coupable d’échapper à la vindicte publique. Au reste, tout le monde s’était entendu, du Pentagone au Congrès, aux bureaux cossus de Lockheed Martin, pour permettre au F-35 d’être repeint aux couleurs de la vertu des artistes de la communication du simulacre, qu’on puisse  enfin croire que cet avion était la merveille promise, si merveilleuse qu’il n’était pas question de lui faire prendre trop de risques dans cette activité qui fait des tâches et qui salit, qu’est la guerre, la vraie...

« …Mais plus encore, et c’est bien plus grave, la “death spiral” n’est-elle pas pour l’USAF elle-même ? Même retapés, même modernisés, les F-15 et F-16 n’en sont pas moins des avions des années 1970, ce qui ferait de la plus puissante force aérienne du monde, la plus vielle du monde, – donc la plus incertaine, la plus soumise à des accidents structurels pouvant entrainer des catastrophes en chaîne pour ces vieux modèles. Tout cela, en attendant Godot-JSF, dont on doute de plus en plus des capacités opérationnelles, jusqu’à accepter les points de vue russes selon lesquels le Su-35, déjà en service, est supérieur au JSF. (La même chose pouvant être dite d’autres avions modernes déjà en service, comme le Rafale français.) Cet ensemble de tristes constats entre donc dans ce qu’on pourrait désigner comme une sorte de programme d’effondrement des capacités militaires US, comme s’il s’agissait d’un programme bureaucratique effectivement conçu comme tel... »

Pour en terminer ici, nous dirons qu’il va être extrêmement difficile de dissimuler dans les années qui viennent la crise de l’USAF. Depuis qu’elle existe, cette crise, et se prend à lever la tête régulièrement, et qu’il faut lui taper dessus pour qu’elle la rentre, – le fait est qu’il faut taper de plus en plus fort. Cette fois, nous sommes dans des eaux dangereuses puisque la comptabilité s’y met et que l’hyperpuissance marche à cloche-pied comme si elle boitait des deux jambes : d’un côté Boeing est devenu un panier pourri qui ne cesse de montrer sa vénalité imbécile, type-Wall Street, aux dépens de ce qui fit sa puissance bien réelle de grand constructeur d’avions ; de l’autre, Lockheed Martin traîne son JSF-devenuu-F-35 comme une de ces choses qu’il ne faut jamais écraser du pied gauche, sans pouvoir s’en débarrasser, comme l’on dirait d’un sparadrap d’un capitaine Haddock devenu trop alcoolique pour dissimuler plus longtemps qu’il l’est jusqu’à se rendre insupportable à un Tintin-du-Pentagone.

Et il n’y a nulle part de quoi dissimuler ces bijoux de famille devenus complètement du toc. L’USAF est bien ce que nous disions plus haut, “La tendance expansionniste militarisée de la politique étrangère US, – qui est la véritable essence de cette politique qui fait qu’elle serait pulvérisée si elle l’abandonnait, – reposant sur une donnée fondamentale : une supériorité aérienne totale.” Si cette assurance sur la vie craque, alors plus rien ne tient vraiment. L’Amérique devient absolument ce cirque quantique qu’elle dissimulait et tout le monde comprend comment et pourquoi Trump en est devenu le président.

L’enjeu est à ce prix et ce n’est en aucun cas une question d’argent. Ca passe ou ça casse : si l’USAF casse, alors tout le reste s’en va à vau l’eau et le simulacre se dégonfle comme un ballon d’enfant voletant jusqu’à une couronne d’épines promise au fils de Dieu.


Mis en ligne le 3 novembre 2025 à 17H00