L’armée russe, ‘maîtresse des horloges’ ?

Bloc-Notes

   Forum

Il y a 2 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 3425

L’armée russe, ‘maîtresse des horloges’ ?

• Il ne faut surtout pas séparer l’attaque israélienne contre l’ambassade d’Iran à Damas des combats qui se déroulent dans les plaines d’Ukraine. • Ces deux événements catastrophiques font partie de la même GrandeCrise, bien entendu. • Simplement, on peut se demander si, en agissant comme il l’a fait contre un allié direct (SCO, BRICS) de la Russie, Netanyahou n’a pas lâché la proie pour l’ombre. • Actuellement en bien mauvais terme avec l’administration Biden électoralement aux abois, il se met les Russes à dos au moment de leur triomphe ukrainien.

_________________________


Ah, combien l’on affectionna cette expression, qui semblait venir de la gloire de l’Ancien Régime et des secrets des alchimistes suisses pour être plaquée sur la vélocité du “jeune homme bien sous tous les rapports” qui allait être élu président. Pensez-y, rappelez-vous : “Jupiter, maître des horloges”... Mais la Suisse n’est plus neutre et Lip n’existe plus. Quant au “jeune hommme”...

Cette expression, pourtant, le général Delawarde l’utilise à nouveau, àpropos, non pas de la Russie ni de Poutine, mais de l’armée russe (qui est tout de même une création de la Russie et de Poutine réunis). Il l’emploie dans un passage d’une interview qu’il donne à ‘Rivarol’ à propos de ce qu’il juge être les buts militaires des Russes en Ukraine et leur stratégie somme toute étrange pour certains cœurs bouillonnants de cette sorte de lenteur d’action de bulldozer au ralenti  alors qu’ils disposent d’une écrasante et incroyable supériorité. Cette idée a déjà été rencontrée (“Les Russes  ne se pressent pas” ou, plus osé, “Les Russes font durer le plaisir”) chez divers commentateurs, notamment chez Régis de Castelnau, – et peut-être bien chez nous , après tout?

...Mais Delawarde s’attarde là-dessus, s’explique, éclaircit l’expression (on la laisse en gras pour la lumière) et en précise d’une façon intéressante le sens évident :

« ...Moscou atteindra ses objectifs militaires lorsqu’il le voudra. Mais il n’a pas intérêt à en terminer trop vite. C’est sur l’opportunité qu’offre cette guerre d’Ukraine que s’accélère la construction de la multipolarité. C’est sur cette guerre d’Ukraine que se construit l’affaiblissement économique en cours de l’Union européenne qui devrait être durable et qui va rebattre les cartes de la hiérarchie des puissances en Europe. C’est sur cette guerre d’Ukraine et sur les sanctions occidentales illégales et boomerangs que se justifie la stratégie de dédollarisation qui devrait venir à bout de l’hégémonie US. C’est sur cette guerre d’Ukraine que se fonde, par obligation, le réveil d’une économie russe plus autarcique, plus autonome et plus souveraine.

» Arrêter trop tôt, alors que le temps joue en faveur de la Russie, avec une UE et des USA qui s’autodétruisent chaque jour un peu plus ne serait pas une bonne opération pour la Russie, si l’on veut bien prendre du recul et réfléchir …. L’armée russe n’est pas le moins du monde en difficulté. Elle est maîtresse des horloges. Elle pourra accélérer lorsqu’elle le décidera, attaquer à partir de, et dans de nouvelles directions, créer de nouveaux fronts en Ukraine, alors même qu’elle se renforce chaque jour et que son adversaire otano-kiévien s’affaiblit. Elle choisira le moment favorable pour tirer le meilleur parti géopolitique de sa victoire. »

En d’autres mots et pour faire un mot, l’Ukraine n’est pas le champ d’une bataille, c’est le champ de toutes les batailles ; par conséquent, elle est la matrice opérationnelle de la GrandeCrise (alors que les USA en sont la matrice psychologique et métahistorique). C’est, selon nous et selon le constat subjectif que nous faisons, la raison pour laquelle la crise ukrainienne, un moment éclipsée par la crise israélo-palestinienne du 7 octobre  2023, notamment dans le système de la communication et la “guerre de l'information”, a rapidement repris le dessus....

C’est parce que la crise de Gaza s'est inscrite dans la GrandeCrise qu’elle a naturellement fait partie du grand chambardement dont la “matrice opérationnelle” est en Ukraine. Ce que nous écrivions le 11 octobre 2024 à propos de Gaza esquissait cette appréciation, bien entendu sans aller jusqu’au terme puisque nous ne sommes décidément pas des devins mais de simples passeurs de l’immense fleuve grondant qu’est cette crise qui nous secoue jusqu’aux fondements :

« • Le drame du week-end en Israël doit désormais se poursuivre avec l’action de riposte que préparent les Israéliens, et qui peut être terrible. • En soi, la crise entre Israël et les Palestiniens répond toujours aux mêmes paramètres et blocages, et en cela l’attaque de dimanche ne change rien. • Ce qui peut amener un changement politique de nature, non pas de la crise elle-même, mais de l’importance de la crise, c’est justement la nature et, au-delà, la puissance de la riposte israélienne. • Dans ce cas, cette très vieille crise s’inscrirait dans la GrandeCrise. »

Netanyahou, une bombe de trop ?

Nous entendons ainsi expliquer ce que nous percevons comme étant une sorte d’intérêt moindre de la communication pour l’attaque des Israéliens contre l’ambassade d’Iran à Damas, avec les assassinats consécutifs des personnalités qui s’y trouvaient, protégée par l’immunité diplomatique, la souveraineté syrienne, et autres bla-bla-bla dont se fichent du tiers comme du quart les Israéliens. Nous entendons ainsi montrer que ce désintérêt relatif de la communication, contraste très fortement avec celui qu’accompagna l’assassinat du général Soleimani en janvier 2020. Jamais nous ne parlerions, aujourd’hui, d’un « assassinat métahistorique » : les événements nous ont très largement et si rapidement dépassés !

On peut observer aujourd’hui que l’attaque israélienne de Damas est loin d’avoir provoqué le même fracas que l’assassinat de Soleimani. Certes, on objectera : mais où iriez-vous trouver plus de fracas qu’il n’y a aujourd’hui, alors que, entre bien d’autres motifs d’explosion, les quatre cinquième des pays européens préparent une guerre de marionnettes, sans le montreur de marionnettes, contre le Grand Méchant Ours ? C’est exactement cela : l’attaque de Damas entre dans le schéma général de la GrandeCrise et ne vaut pas loin d’être comparable à l’attaque terroriste de Moscou, en tant que signification métahistorique, et en faisant sans guère de doute bien moins de vagues et de remous. Mais tout se retrouve, pour la grande explication, pour l’analyse, pour l’évaluation, autour du champ des batailles d’Ukraine où l’armée russe fait avancer les horloges à sa guise.

On notera essentiellement, pour cette attaque de Damas, que l’habile Netanyahou ne vaut finalement pas mieux que le gâteux Biden. En lançant cette attaque, il a fortement aggravé les risques d’une situation incontrôlable dans la région :

« Toutefois, Israël ne contrôle plus l'échelle de l'escalade, puisque son attaque audacieuse pousse l'Iran à répondre, au moins de manière symétrique, par sa propre attaque contre un consulat israélien quelque part. En fonction de cette réaction et de la gravité de l'attaque, Israël pourrait alors se sentir poussé à l'escalade en réponse, catalysant ainsi un cycle incontrôlable qui pourrait déboucher sur le scénario le plus pessimiste. » (Korybko)

Cette perspective n’arrangera certainement pas les USA, qui ne cherchent aujourd’hui qu’un apaisement pour tenter de sauver la Maison-Blanche de Joe Biden tout en ne montrant pas trop leur faiblesse dans leur capacité de renforcer leurs alliés. Mais surtout, cela achèvera un grand événement passé inaperçu : la dégradation accélérée des relations entre la Russie et Israël, – du fait de cet incontrôlable désordre causé par Israël et du traitement pratiqué par les Israéliens, – au profit de l’Iran, compagnon des BRICS désormais, avec le renforcement militaire venu de Russie qui s’ensuivra, largement supérieur à tout ce que les USA peuvent donner à Israël.

C’est que les deux superpuissances voient leurs arsenaux liés à la guerre en Ukraine, – les USA, pour voir dépérir catastrophiquement le sien, la Russie pour voir se renforcer démesurément le sien. Les Russes ne veulent rien tant que le calme au Moyen-Orient mais dès lors qu’Israël agit comme il le fait, alors la Russie appliquera la doctrine Poutine et aidera à fond l’Iran :

« Quand j’étais jeune, dans les rues de Saint-Petersbourg, dès qu’il devenait évident qu’il y aurait bagarre entre deux bandes, il fallait frapper le premier... »

Alors, peut-être que l’armée russe va se mettre à l’heure d’été en Ukraine en plus d’envoyer ses cargaisons à l’Iran, de façon à faire s’embraser des incendies similaires puisqu’il serait devenu évident que plus rien ne les empêcherait.

 

Mis en ligne le 3 avril 2024 à 12H20

Donations

Nous avons récolté 2638 € sur 3000 €

faites un don