L’Amérique? Terminé, pfffuittt…

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L’Amérique ? Terminé, pfffuittt…

25 janvier 2007 — Comme nous nous permettons de l’écrire par ailleurs, d’ailleurs avec des sentiments vrais, “la solitude du président US qui ne sert plus à rien, avec sa ‘Long War’ qui fait antiquité, nous ferait presque naître un sentiment de compassion”. GW Bush va désormais apparaître nu comme un ver, style-“le roi est nu”, avec sa pensée trop courte, ses allures de faux-Texan mal dégrossi, ses poses faraudes qui agacent désormais…

Suzanne Goldenbeg, dans le texte du Guardian déjà référencé, constate cruellement, après la piètre performance de GW, ce mardi au Congrès :

«The last two years of a two-term presidency are a challenge for all US leaders, but Mr Bush is at a particular disadvantage when it comes to remaining relevant to American political life.

»He has lost the support of nearly two-thirds of the country. Democrats control both houses of Congress and are in no mood to support his plan to deepen America's military commitment to Iraq at a time when their grass roots are so strongly opposed to the war.

»With the election season heating up, even fellow Republicans are balking at Mr Bush's plans to send 21,500 more troops to Iraq. Meanwhile, the race for the White House in 2008 is already well under way, with five Democrats and Republicans declaring their candidacy within the last week.

»“I wonder whether the clock has already run out,” Susan Collins, a Republican senator from Maine who opposes the war plans, said yesterday.

»Mr Bush has more than 700 days to run in his presidency, but he is beginning to look like history.»

Au reste, des nouvelles qui nous viennent de Davos, outre l’absence douloureuse de Sharon Stone et le triomphe de Sir Nicholas, nous parvient la révélation que l’heure de l’Amérique, sous la direction de GW qui semble y être pour quelque chose, — que cette heure a passé après avoir sonné. Nathan Gardels, homme-clef du commentaire sur la globalisation, nous annonce abruptement que «America no longer owns globalization»… De l’introduction à la conclusion de son article, nous avons la confirmation du nouveau conformisme (“conventional wisdom”), ou du nouveau paradigme si vous voulez, — qui est la fin de l’“Amérique hyperpuissance”.

Introduction : «This year's theme at the World Economic Forum annual meeting here — “the shifting power equation” — confirms the view of many participants that power is draining away from the United States…»

Conclusion : «That's a big power shift indeed. And when the participants leave Davos next week, it will be the new conventional wisdom.»

Tous les grands intellectuels transatlantiques et globalisés de notre temps sont là, au garde-à-vous, nous disant chacun, d’une façon originalement solidaire, exactement la même chose… Timothy Garton-Ash vaut bien Nathan Gardels, et il le vaut d’autant plus qu’il titre sa chronique du Guardian du 24 janvier : «Davos 07: how power has shifted — The unipolar moment of US supremacy has passed. Power is now diffused between multiple states and groups.»

Puis il enchaîne, sans réelle pitié, lui qui chantait encore la gloire de l’empire il y a peu… «…Remember the hubris of six years ago? After the bipolar world of the cold war, we were told that we now lived in a unipolar world. The United States was the only superpower —no, the hyperpower, as an envious French foreign minister observed. It had the most powerful military in the history of humankind. It would create its own reality. It could afford to be unilateralist. After Iraq, it's goodbye to all that. This is not just about the failure of one particular hubristic American foreign policy. It's about profound structural shifts, which the Davos camera is trying to map.»

En route pour la terra incognita

Ainsi donc, GW, l’innocent, la marionnette dans la main de Dieu (Lequel lui a soufflé tant de conseils qui furent autant de pièges, — mais puisque les voies du Seigneur sont impénétrables…), — ainsi GW semble être sur le point de pouvoir dire : “Mission Accomplished”. Il a effectivement liquidé la puissance d’influence de l’Amérique. «…Bush's unilateralism, the war in Iraq, the warrantless wiretaps, the revelation of racism and inequality after Katrina and the aggressive religious right have all tarnished America's luster» (Gardels).

Ils sont donc tous à Davos, ramassant les morceaux épars de la puissance américaniste dont il est de bon ton, aujourd’hui, de sourire avec un air de commisération. Le fait est que, parallèlement à la puissante affirmation conformiste qui place la crise climatiqueat the top of the agenda”, l’Amérique subit, dans la même perception conformiste, une dégringolade tout aussi puissante, également confirmée par les appréciations conformistes du tout-Davos. Il est désormais également de bon ton d’affirmer la vertu de la multipolarité. (Garton-Ash : «The horizontal shift, towards a new multipolarity, is the more obvious one. Of course, for most of human history the world has been multipolar. […].The interaction of these two major trends — Asian renaissance and energy race — shapes the new multipolarity.»)

Alors, quoi de neuf ? Pour notre part, nous avons toujours grandement douté de la puissance et de la vertu impériales de l’Amérique, c’est-à-dire de l’“unipolarité”. Nous n’avons par contre jamais douté de la puissance de l’Amérique comme “empire de l’information, jusqu’au phénomène du virtualisme impliquant effectivement une affirmation impériale dans un système de réalité différent du nôtre. Le fait est que c’est cette tentative-là (le virtualisme) qui a échoué et dont les penseurs de Davos ramassent les morceaux aujourd’hui, avec une plume quelque peu méprisante pour le pauvre GW, — celui qu’ils adoraient hier avec plume trempée dans l’admiration mouillée de larmes d’émotion.

Pour autant, ne sombrons pas, à notre tour, dans l’écueil du mépris ou de la distorsion de l’événement, — même s’il s’ébroue dans le système du virtualisme. Cette chute de la puissance virtualiste de l’Amérique, il s’agit d’un événement et il est de taille. Outre la confirmation, une fois de plus, de l’enfermement des esprits dans un conformisme qui doit être considéré aujourd’hui comme une pathologie proche de la névrose, les affirmations de Davos nous annoncent la nécessité d’un réajustement colossal des alignements et des servilités conformistes. Même si les échines sont souples, ce n’est pas si simple ni exempt de souffrances.

Bien entendu, les Américains ne sont pas au courant de ce qui se passe à Davos, car s’il est une chose qui est au-delà de leur compréhension c’est qu’on puisse douter de la toute-puissance de l’Amérique. De ce point de vue s’installe un quiproquo qui devrait faire des vagues et du bruit. On va commencer à le comprendre lorsqu’on s’apercevra que la dictature virtualiste de la “longue guerre” contre la terreur est en train d’être remplacée, dans le registre des crises systémiques et apocalyptiques, par la mobilisation contre la crise climatique.

Veut-on être plus précis et savoir ce qui va remplacer l’hégémonie américaniste? Inutile de nous torturer les méninges. L’Histoire est plus que jamais imprévisible parce que plus que jamais hors de portée de l’influence des petits hommes qui croient aujourd’hui faire l’histoire alors qu’ils ne s’occupent que de “l’écume des jours” des séminaires et des cocktails. Comment prêter attention à leurs prévisions, eux qui ont cru si longtemps que l’Amérique était un empire et qui ont sollicité servilement son hégémonie en croyant qu’ils l’apprivoisaient avec habileté et que Tony Blair était un homme d’Etat? Que dire de la prévision d’un Garton-Ash qui nous propose ceci :

«According to a report in the International Herald Tribune, a couple of years ago the National Intelligence Council of the United States played through a number of scenarios for the world in 2020. The only reasonably attractive option was one in which multiple powers addressed global challenges jointly with non-state actors. They called it “Davos world”.» ?

Il nous paraît singulier de s’appuyer sur la prévision d’un organisme qui a dirigé une puissance si grande, et dont l’échec est si monumental, en moins de temps qu’il ne faut à César pour franchir le Rubicon. Essayons-nous à être conséquents. Après avoir constaté l’effondrement accéléré de l’“empire-bidon” des USA qui affirmait exister pour au moins un siècle de plus, faut-il aller pêcher dans ses archives de 2005 la prévision de ce qui va lui succéder, et qu’il ne désignait qu’accidentellement, et du bout des lèvres? S’agit-il de la meilleure source en la matière ? (Evidemment, la prévision du NSC permet au moins d’assurer la pérennité du World Forum annuel de Davos. C’est toujours ça de pris.)

Par conséquent, nous voilà en route pour l’exploration d’une terra incognita. Mais c'était déjà le cas hier, avant l'ouverture de Davos-2007.