Du tragique au bouffe, et retour

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Du tragique au bouffe, et retour

24 novembre 2020 – La situation aux USA oscille à une vitesse prodigieuse entre Washington D.C. et “D.C.-la-folle”. A peine sommes-nous alertés sur de possibles énormes prolongements, que nous apparaît la possibilité de dislocation et de dissolution du cirque dont Trump est le Monsieur Loyal. Je veux dire par là, sans doute un peu dépité mais aussi incrédule devant tant d’impudence de la part des événements qui se déroulent sous nos yeux, que l’alarme puissante lancée ces dix derniers jours par l’avocate Sidney Powell semble devoir être étouffée comme on écrase brutalement un incendie naissant.

Pour autant, on ne parlera ni de simulacre, ni d’entourloupe, ni de Fake-complot. Mon impression est bien qu’il y a eu, non pas un affrontement, mais une avalanche de possibilités (les fameux “prolongements”) bientôt suivie d’un probable désengagement, pour le dire aimablement, de Trump. Je parle ici à partir d’informations (sic), de perceptions et d’intuitions, et sous le contrôle de l’incertitude changeante de mon jugement subjectif, – parce que, dans cet univers privé de toute référence objective et nous montrant ainsi le vrai de son absence d’essence du fait d’une humaine insensée, il ne peut y avoir de jugement objectif. (*)

D’abord, il y a eu cette étrange ‘mise au point’ dans la soirée de dimanche, à 23H00, venue de Rudy Giuliani, qui (je suppose ?) dirige l’équipe d’avocats de l’équipe Trump, et de Jenna Ellis, également leader du groupe :
« “Sidney Powell pratique le droit individuellement. Elle n'est pas membre de l'équipe juridique Trump. Ce n'est pas non plus un avocat personnel du président”, ont ainsi déclaré dans un communiqué l'ancien maire de New York Rudy Giuliani, avocat personnel de Donald Trump, et Jenna Ellis, conseillère juridique du président américain. »

Déjà, cela sonnait étrange, disons par rapport à un tweet du 15 novembre, sept jours plus tôt, du président des Etats-Unis lui-même (gardons la langue originale mais soulignons d’un gras élégant les deux mots qui nous importent) :
« I look forward to Mayor Giuliani spearheading the legal effort to defend OUR RIGHT to FREE and FAIR ELECTIONS! Rudy Giuliani, Joseph diGenova, Victoria Toensing, Sidney Powell, and Jenna Ellis, a truly great team, added to our other wonderful lawyers and representatives! »

Tout cela (l’annonce de Giuliani/Ellis de la soirée du 22 novembre) fut suivi d’une avalanche de tweet, – on imagine autant que de les lire, dans tous les sens, de la désolation suicidaire à l’insulte nucléaire. Qu’en disait aussitôt l’avocate-vedette, Sidney Powell elle-même ? Eh bien, rien du tout parce que l’élégant et hirsute Jack Dorsey, avec sa petite colombe toute-bleue et lumineuse de paix en guise de vertu, est là et il veille, et il interdit que telle personne emploie le mot “fraude”, comme fait couramment Powell, à côté du mot “élections”. Ainsi, le général Flynn, dont Powell est l’avocate, tweeta-t-il, notamment pour expliquer le silence de Powell et sans doute après l’avoir contactée par téléphone :
« @SidneyPowell1 a été suspendue de et par Twitter pendant 12 heures. Elle comprend le communiqué de presse de la Maison-Blanche et l’accepte. Elle maintient le cap pour prouver la fraude électorale délibérée massive qui a volé #WeThePeople de nos votes pour le président Trump et les autres candidats républicains. » (Et l’on remarque que Powell fait dire à Flynn “le communiqué de la Maison-Blanche” et non “le communiqué de Giuliani/Ellis”, et qu’elle lui fait parler “des autres candidats républicains” en plus de Trump.)

Parmi l’avalanche de réactions suscité par cet épisode, je relève celle-ci, d’un nommé ou surnommé @SalValiani, commentant le tweet de Flynn : « Quelqu’un est allé secouer Trump ! Attendez-vous à ce qu’il reconnaisse sa défaite dans les prochains jours. » (« Some one got to Trump!  Watch he will concede in the next day or two. »)

L’agitation se poursuivit dans la journée d’hier, avec notamment un communiqué de Powell toujours sur le même ton (“Tout va bien, je suis d’accord avec Trump, continuons le combat que je mène, pour mon compte, pour le compte du peuple américain [‘We, the people’], nous triompherons, certes”). Giuliani, lui, poursuivit sa quête désespéré d’un grand écart, nous annonçant que “tout a changé” mais qu’en fait “rien n’a changé”, et que tout se poursuit selon le plan prévu... On laisse en version originale, qui fait mieux ressortir la majuscule aguichante :
« To confirm Sidney Powell currently is not apart of the Trump Legal Counsel. There’s lots of misinformation out there regarding this. There is a PLAN, don't WORRY. Please Retweet this to share this with people getting their information from FAKE NEWS. Make sure you're following. » (Il y eut tout de même un ironique Rick Clark pour commenter ce tweet avec cette simple question : « Apart ou a part ? »)

Enfin, le soir vint une annonce de la Maison-Blanche qui fait penser à tout le monde qu’il s’agit du “commencement de la fin”, mais bien dans la manière Trump puisqu’on peut traduire la décision par ceci : “Je vous rends quelques-unes de mes armes pour que vous l’emportiez mais je me bats plus fort que jamais pour l’emporter”. Quelques mots de Spoutnik-France, reprenant Reuters dont on peut s’assurer soi-même de la digne rectitude de pensée, – ce qui permet (Reuters) de relever ici et là quelques traces de contradiction dont la responsabilité va bien sûr à Trump, mais aussi à ceux qui interprètent les actes et décisions de Trump ; mais peut-être Trump parlait-il sous la torture puisqu’il est question d’aveu (« un aveu de défaite. ») :

« Donald Trump a autorisé lundi l’administration américaine à entamer le processus de transition du pouvoir à Joe Biden, lui donnant accès à des fonds et des comptes-rendus, alors même que le Président sortant a promis de continuer à contester les résultats de l'élection.
»Donald Trump a donné lundi soir son feu vert au processus de transfert du pouvoir à Joe Biden.
» L’actuel locataire Républicain de la Maison-Blanche dénonce sans preuve une vaste fraude électorale. S'il n’a toujours pas reconnu la victoire de son rival Démocrate, l’annonce effectuée lundi constitue un virage et ce qui se rapproche jusqu’à présent le plus d’un aveu de défaite. »

A ce point, dira-t-on enfin ce qui s’est passé, ce qui se passe et ce qui se cache ? Personnellement, je poursuis l’hypothèse que les propos de Powell, – qui n’a pas encore été internée pour démence, – ne sont pas vaines tartarinades mais recouvrent quelques solides réalités. Je n’écris pas cela a contrario mais, en tenant compte que le tourbillon charrie des simulacres et des FakeNews dans tous les sens, qu’il y a au moins deux faits objectifs à ma connaissance qui parlent assez clairement. Ils sont liés à la compagnie Dominion et à la conférence de presse des avocats de l’équipe Trump du 20 novembre, notamment avec Giuliani et Powell.

• Je reviens sur le commentaire de Jonathan Turley sur la conférence de presse, à propos de l’attitude de Dominion, gestionnaire des opérations de comptage des vote et mise en cause par les avocats de Trump durant cette réunion (dans ce cas, il faut dire la confiance qu’à mon avis on peut avoir dans le jugement de Turley, professionnellement comme du point de vue éthique) :
« Turley est très certainement un observateur impartial dans cet affrontement, outre d’être un très grand légiste et parce qu’il est un très grand légiste. Il se place essentiellement sinon exclusivement du point de vue du droit, sans chercher à favoriser l’un ou l’autre pour des raisons politiques et partisanes. Certaines remarques prennent alors une résonnance très particulière, notamment celles qui disent successivement :
» • il est certain que l’équipe Trump accuse Dominion de fraude massive pour une entreprise considérable de prise de contrôle des USA par un pouvoir globaliste et communiste ;
» • Dominion a immédiatement réagi en déniant toute activité de ce genre ;
» • pour Turley, il y a indéniablement diffamation s’il est avéré qu’il n’y a pas de culpabilité de Dominion, et il y aurait donc certainement un procès si Dominion portait plainte
»  • Turley précise bien qu’une déclaration publique (un communiqué dans ce cas) démentant catégoriquement que Dominion ait une activité de cette sorte n’a de crédit que si elle est suivie d’une plainte (“La société a nié les allégations, mais je mesure souvent la pertinence de ces dénégations à l’aune des poursuites engagées”).
» ... C’est-à-dire que si Dominion ne réagit pas, on serait fondé d’estimer que la société tend à reconnaître la validité des accusations, – cela sonnerait presque comme une des “preuves irréfutables” dont l’équipe Trump prétend disposer et que tout le monde réclame de voir, bien que cela n’en soit point une. »

• Le deuxième fait objectif est la décision de Dominion, jeudi dernier, de ne finalement pas se présenter à l’audition que ses dirigeants avaient d’abord acceptée, pour le 21 novembre devant la législature de Pennsylvanie :
« .. On peut observer que les représentants de la société Dominion Voting System, mise en cause par Powell pour la Grande-Fraude, ont annulé abruptement leur venue à une conférence convoquée par la législature de Pennsylvanie pour débattre des problèmes de comptage et de contrôle des votes et assurer le monde de leur vertu dans cette affaire. Cela ne plaide pas pour cette vertu et laisse de la place pour du soupçon. Le président de la Chambre du Congrès de Pennsylvanie a commenté que les 1,3 million de Pennsylvaniens qui votent grâce aux machines de Dominion ont été “brutalement agressés et giflés par cette décision. »

Pour mon compte et dans le climat général qui régnait la semaine dernière autour des accusations de Powell, la position deux fois montrée de Dominion, directement mise en cause, constitue un élément majeur de la perception que j’ai de la situation dans cette affaire. Certains commentateurs du tourbillon de tweets auquel nous avons assisté dans la nuit de dimanche à lundi et hier vont effectivement dans ce sens d’une accusation fondée de Powell, et peut-être susceptible de déboucher sur une énorme chose. Deux tweets montrant cette réaction, assez répandue du public :

• @Reid Beggs : « She’s got the elite ruling class rattled. Wouldn't surprise me if she became the ultimate target of the establishment replacing trump. » (« Elle fait trembler l’élite de la classe dirigeante. Je ne serais pas surpris si elle devenait la cible ultime de l'établissement qui veut liquider Trump. »)
• @ChickenGate : « She must be pushing some really big buttons to get suspended. Go Sidney! » (« Elle a dû tomber sur quelque chose de vrzaiment gros pour être suspendue. Vas-y Sidney ! »)

Dans ce cadre général et assemblant, dans ce qui est en ma possession, tout ce qui peut avoir une vertu d’indication sérieuse, je crois qu’on peut penser que de solides, sérieuses et graves pressions, allant jusqu’à l’élimination physiques, ont été exercées sur Trump. The-Donald n’est pas Allende, il ne tient pas à mourir une AK-47 à la main et un stupide casque qui décoifferait sa belle permanente sur la tête. Il commence donc à céder en empruntant la voie de la capitulation, tout en affirmant qu’il ne cède pas du tout et qu’il poursuit la bataille (qu’il gagnera, certes) jusqu’au bout; Trump préfère cette tactique au AK-47. Cela présenté comme hypothèse assez classique, nous restons, pour le reste, suspendus à la suite des événements. Encore une fois et en leitmotiv, il est impossible et inutile de s’aventurer dans l’exercice des prévisions à prévoir dans le but de savoir parce que nous sommes absolument dans la Mer des “Unknown Unknowns”, comme s’il s’agissait d’une Mer des Sargasses, une espèce d’énorme océan de mélasse dont il est impossible d’extirper la moindre prévision.

Quant au colonel Lang, qui nous a beaucoup guidés dans cette affaire, et dont je continue évidemment à penser qu’il pense, lui, tout à fait juste, avec toutes les conséquences qu’on doit tirer pour se faire une religion, – quant au colonel Lang, disais-je, il est, lui, de la graine des Allende (sans ironie lorsqu’on pense aux différences de conceptions et de visions de monde) ou des légionnaires de Camerone. Le 24 novembre, tout à l’heure, il a écrit ceci :

« Je reçois maintenant des commentaires qui sont des menaces de prendre des mesures à mon encontre si je n’annonce pas que je renonce à dénoncer la trahison de la fraude électorale traîtresse.  À tous ceux-là, je dis : “Allez vous faire foutre.” pl » (« I am now receiving draft comments that are threats to take action against me if I do not desist in resisting treasonous election fraud.  To all of these “I say, go f**k yourselves”.  pl »)

Note

(*) Ainsi s’explique également que, pour cette phase si incertaine, volatile et pleine d’effets-miroirdéformant, je préfère continuer à utiliser pour cette séquence  le Journal-dde.crisis en mon nom propre, je veux dire subjectivement, plutôt que la rubrique “RapSit-USA2020”. La responsabilité, et sa forme surtout, est mieux établie.