Salvini, le “coup de Kiev” et le Post

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Salvini, le “coup de Kiev” et le Post

Spoutnik-français annonçait le 21 juillet 2018 que le vice-Premier ministre et ministre de l’intérieur du gouvernement italien, Matteo Salvini, répondant à une interview du Washington Post, avait radicalement contesté la narrative-BAO officielle concerne la soi-disant “révolution du Maidan” en Ukraine. Salvini la qualifie de “fausse révolution en Ukraine, une pseudo-révolution financée par des puissances étrangères, – similaires aux révolutions du Printemps arabes”. A notre connaissance, c’est le premier ministre d’un pays de l’UE, de cette importance dans son gouvernement, et d’un pays aussi important que l’Italie dans l’UE, qui refuse de façon aussi nette la “version officielle”, ce que nous désignons comme la “narrative-BAO officielle”.

Bien entendu, ce n’est pas une révélation, et il doit exister un certain nombre de personnalités gouvernementales dans des pays de l’UE, et  fonctionnaires de l’UE, qui ont le même jugement. Ils s’abstiennent de le dire lorsque l’occasion leur en est donnée. Salvini ne s’est pas abstenu, et c'est là un événement d'importance ; il montre qu’il est une personnalité politique affirmée dans le personnel gouvernemental des pays de l’UE.

Nous donnons ici un extrait de l’interview du Post du 20 juillet 2018, remarquable d’une part par sa longueur, d’autre part par la brièveté des questions et des réponses qui le font plutôt ressembler à un affrontement qu’à une interview. (Là aussi, rien pour étonner selon ce qu’on connaît du caractère de Salvini, et ce qu’on sait du Post, racheté par Jeff Bezos pour devenir l’organe officieux-officiel de la CIA.)

Question : « Why do you want to lift the sanctions on Russia? »

Salvini : « Because they didn’t prove to be useful, and according to the data, they hurt Italian exports. »

Question : « You said that Russia had a right to annex Crimea?

Salvini : « There was a referendum. »

Question : « It was a fake referendum»

Salvini : «  [That is yourpoint of view. . . . There was a referendum, and 90 percent of the people voted for the return of Crimea to the Russian Federation. »

Question : « What kind of referendum was it with Russian soldiers there? »

Salvini : « Compare it to the fake revolution in Ukraine, which was a pseudo-revolution funded by foreign powers — similar to the Arab Spring revolutions. [Editor’s note: Independent fact-checkers have not found evidence for this claim, though it did spread widely after Russian news sources published it.] There are some historically Russian zones with Russian culture and traditions which legitimately belong to the Russian Federation. »

Maintenant, passons à la visite d’usage dans la ménagerie. Kiev a été stupéfié, furieux, scandalisé de ces paroles de Salvini. L’ambassadeur d’Italie à Kiev, par ailleurs qualifié d’“homme très gentil”, a été convoqué au ministère des affaires étrangères ukrainien aujourd'hui, ce lundi.

 « “Nous répondrons lundi, nous rencontrerons l'ambassadeur d'Italie, il est très gentil, je comprends qu'il ne peut pas être responsable des paroles de leurs politiciens, d'autant plus que ce politicien est allé en Crimée et vient de rentrer de Moscou, où, selon nos informations, il a rencontré Poutine,” Olena Zerkal, vice-ministre ukrainien des Affaires étrangères, a déclaré à la chaîne locale 5 vendredi.” [...] Zerkal a également minimisé les paroles de Salvini vendredi en disant qu’“il était difficile de s'attendre à une rhétorique différente de sa part”, à la suite de la récente visite de Salvini en Crimée en tant que législateur italien... »

Tout cela est bien entendu de l’agitation courante dans le cirque de “Kiev-la-folle”, directement liée à “D.C.-la-folle” et archétype presque parfait à l’échelle d’un pays, une sorte de répétition générale, de ce que devrait être l’effondrement du Système (« Le modèle collapsologique ukrainien »). Ce qui nous semble finalement très intéressant, dans un autre sens, c’est  l’intervention de l’intervieweur du Post dans la réponse de Salvini concernant la prise de pouvoir en Ukraine : “[Editor’s note: Independent fact-checkers have not found evidencefor this claim, though it did spread widely after Russian news sources published it.]” (“[Note de l’éditeur : des ‘vérificateurs de faits’ indépendants n’ont trouvé aucune preuve de cette affirmation, bien qu’elle ait été largement diffusée après que des sources d’information russes les aient publiées]”). Il est difficile de trouver autant de sottises et d’affirmations faussaires dans une “mise au point” venimeuse bien dans le style de la presse antiSystème de référence.

(Le “fact-chekers” consulté est le Pundit Facts, financé par la Ford Foundation et la Democracy Fund, ces divers acteurs dont on devine les liens et les tenants faisant partie du front “anti-FakeNews”du Système  établi ces dernières années pour protéger la narrative générale du Système et les différentesnarrative afférentes aux diverses crises où le Système est engagé. Le menteur s’appuie donc sur la référence d’une organisation financée par des menteurs pour protéger l’honorabilité du mensonge constitué de divers composants mensongers, eux-mêmes vérifiés par des organismes mensongers, etc.)

• La référence donnée pour contrer l’affirmation faite le 19 juillet 2018 par Salvini est une analyse de PunditFact datée du 19 mars 2014. Tout se passe comme si, entre le 19 mars 2014 et le 19 juillet 2018, aucun fait nouveau, information nouvelle, affirmation, etc., concernant le “coup de Kiev” du 21 février 2014 n’avait mérité d’être relevé.

• L’analyse développée concerne l’affirmation de Victoria Nuland selon laquelle les USA ont dépensé $5 milliards pour l’Ukraine depuis 1993. Cette affirmation, expliquée d’une façon vague et bureaucratique, est considérée dans l’analyse comme le seul argument de ceux qui affirment qu’il y a eu, pour faire court, “putsch” nécessairement soutenu par des puissances étrangères le 21 février 2014. Ce n’est absolument pas le cas, ce fait n'a jamais été présenté comme preuve directe de l'évidente responsavilité US dans “le coup de Kiev”. Peandant ce temps, nulle mention dans l'analyse du coup de téléphone entre Nuland et l’ambassadeur US à Kiev, Pyatt, piraté et diffusé publiquement le 6 février 2014, d’un autre coup de fil piraté, le 6 mars 2014d’un ministre estonien à Lady Ashton, sur les conditions très suspectes de la prise de pouvoir... Et puis nous nous arrêtons là, puisque la référence du Post est du 19 mars 2014 !

• Par conséquent, vue la chronologie choisie par le Post pour réduire Salvini à son état de frustre populiste-islamophobe, tout est établi, plié, emballé sur les événements de Kiev du 21 février 2014 par l’incontestable Vérité dès le 19 mars 2014, l’histoire est tranchée et inscrite dans  le marbre, “circulez, rien à voir”. C’est certes dérisoire mais cela révèle surtout la consternante stupidité de ces journalistes devenus journalistes-Système gavés comme des oies d’“éléments de langage”, les chiant sans souci de cohérence ni d’équilibre intellectuel (évidemment, une chiotte n’est pas le lieu le plus approprié pour cela) ; bref, ils pensent avec leurs excréments, autre nom pour “éléments de langage”. Mais l’on rétorquera que l’intestin est notre second cerveau...

• Il manque donc l’essentiel, ce que nous jugeons, nous, comme une preuve irréfutable de la justesse de l’affirmation de Salvini dans l’esprit de la chose et non pas en scribouillard appointé-Système. Il s’agit des déclarations de George Friedman, alors directeur de la société Stratfor qui peut être considérée sans la moindre hésitation comme une société “frontiste” de la CIA au-dessus de tout soupçon-Système ; un copieux interview donné par Friedman à Kommersant en décembre 2014, dont nous avons rendu compte de façon parcellaire le 22 décembre 2014, puis complète le 21 janvier 2015, avec traduction de l’interview le 22 janvier 2015 [accompagné d’un long commentaire ce même 22 janvier 2015] – et précisément ce passage :

George Friedman : « [...] ... La Russie définit l’événement qui a eu lieu au début de cette année [en février 2014] comme un coup d’État organisé par les USA. Et en vérité, ce fut le coup [d’État] le plus flagrant dans l’histoire.»

Kommersant : «Vous parlez bien de la liquidation de l’accord du 21 février [2014], c’est-à-dire du processus Maidan ?

George Friedman : «Tout le processus. Après tout, les USA ont soutenu ouvertement les groupes des droits de l’homme en Ukraine, y compris par des soutiens financiers. Pendant ce temps, les services de renseignement russes rataient complètement l’identification de cette tendance et sa signification. Ils n’ont pas compris ce qui était en train de se passer, et quand ils ont enfin réalisé ils se trouvèrent incapables de stabiliser la situation, et ils firent une mauvaise évaluation de l’état d’esprit dans l’Est de l’Ukraine.»

• Cerise sur le gâteau pour lequel le Post n’a semble-t-il aucun goût, des déclarations d’Obama le 2 février 2015 confirmant indirectement la version de Friedman...

Il s’agissait d’abord de marquer ce fait important d’un homme politique européen occupant de hautes fonctions gouvernementales, dans une position et avec un écho qui lui donnent une forte influence, et affirmant sans ambages que le “coup de Kiev” du 21 février 2014 est bien un “coup d’État” favorisé sinon machiné par des puissances étrangères dont la maîtresse d’œuvre est évidemment les USA. Il s’agissait également de montrer comment la presseSystème, à sa manière venimeuse habituelle, contredit son interlocuteur, mais à l’aide d’une référence faussaire, complètement dépassée, contredite par les voix les plus autorisées du système de l’américanisme. On peut mesurer ici la grotesque inefficacité des dispositifs anti-FakeNews dont ils firent si grand cas.

Tout cela est plutôt rassurant. Mr. Salvini a dit ce qu’il avait à dire, affirmant et renforçant encore plus sa position de force. Il est d’autant plus renforcé que sa déclaration est du genre qui  aurait été jugée sacrilège il y a quelques mois et aurait provoqué une tempête d’affirmations contraires et de protestations. Personne n’a pu le démentir sinon en se ridiculisant, personne n’a protesté sinon les clowns de “Kiev-la-folle” avec leur rigueur et leur habileté coutumière, et d’ailleurs ne croyant pas une seconde à leur tentative dérisoire.

L’on conclura une fois de plus, au vu de ces “détails”, – “Le Diable (ou le bon Dieu) est dans les détails”, – que, non seulement le Système n’est plus ce qu’il était, mais qu’en plus son effondrement se poursuit dans tous les domaines et dans toutes les procédures avec une accélération constante. Il est parfaitement servi par la médiocrité extrême de ceux qui se sont mis à son service, dont les capacités professionnelles ne cessent de s’éroder jusqu’à l’insignifiance.

 

Mis en ligne le 23 juillet 2018 à 10H54