BHO versus Netanyahou : pas de pitié

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BHO versus Netanyahou : pas de pitié

La violence des propos vis-à-vis d’Israël et de sa direction semble désormais devenue une habitude des dirigeants US. On a vu le cas du général Dempsey à la fin du mois d’août. Depuis, Obama lui-même s’est signalé par une dialectique et des décisions très fermes vis-à-vis des dirigeants israéliens, notamment avec l’annulation de la rencontre de Netanyahou du 28 septembre, en marge de l’Assemblée Générale de l’ONU, jusqu’à cette sortie du 23 septembre, lors d’une interview de la chaîne télévisée CBS. On y entend notamment le président Obama traiter la récente demande de Netanyahou d’établir des “lignes rouges” à l’encontre de l’Iran (impliquant l’obligation des USA d’agir contre l’Iran si l’Iran les franchit) de “noises”, terme assez méprisant exprimant une sorte d’équivalence de ce qui serait regardé comme des “bavardages sans importance ni conséquence”.

On citera le rapport que fait DEBKAFiles de cette intervention, ce 24 septembre 2012, parce qu’il est à la fois circonstancié et commenté, et qu’il exprime sans le moindre doute ce que doivent être les réactions des dirigeants israéliens, essentiellement Netanyahou et Barak. Le commentaire va jusqu’à faire s’équivaloir la déclaration d’Obama avec des déclarations courantes des dirigeants iraniens à l’encontre d’Israël, montrant un pessimisme complet quant à la position d’Obama par rapport aux intérêts d’Israël et, bien sûr, concernant les projets israéliens à l’encontre de l’Iran. Le rapport indique que Netanyahou envisagerait de ne pas faire le déplacement à New York pour l’Assemblée Générale annuelle de l’ONU, le 27 septembre.

«US President Barack Obama said Sunday night, Sept. 23 on CBS “60 Minutes” that he understands and agrees with Netanyahu’s insistence that Iran not be allowed to obtain nuclear weapons as this would threaten both countries, the world in general and kick off an arms race. But he then added: "When it comes to our national security decisions – any pressure that I feel is simply to do what's right for the American people. And I am going to block out – any noise that's out there." Obama went on to say: “Now I feel an obligation - not pressure but obligation - to make sure that we’re in close consultation with the Israelis on these issues because it affects them deeply.”

»So, consultation? yes; cooperation? forget it. His comments removed the last hopes Prime Minister Binyamin Netanyahu and Defense Minister Ehud Barak may have entertained of cooperation with the US for curtailing Iran’s nuclear designs by military force. The US president was crystal clear: By saying he will be ruled solely by American security interests, he showed them that they too were being left to be guided by Israel’s security interests. So forget about red lines for America, he was telling Netanyahu.

»His blunt verging-on-contemptuous dismissal of Israel’s concerns as “noise out there” was not much different from the way Iran’s leaders referred to the Jewish state. Their threats against Israel have different dimensions: On the one hand, they say that if Israel is even thinking of attacking Iran, it will be destroyed in a preemptive attack. On the other, Israel has neither the military capability nor the courage to strike Iran. Asked on CNN Sunday whether he feared a war with Israel was imminent, Iran’s president Mahmoud Ahmadinejad said: “The Zionists are very much, very adventuresome… They seek to fabricate new opportunities for themselves and their adventurous behaviors.” Obama’ “noises” are Ahmadinejad’s “fabrications.”»

Il est désormais manifeste que l’administration Obama, et le président d’une façon très personnelle, sont dans une ligne antagoniste dure à l’encontre de la direction israélienne. On peut commencer à dire d’une façon très claire que jamais les relations entre Israël et les USA, depuis qu’elles sont devenues très “privilégiées”, depuis 1967-1973, n’ont été aussi mauvaises. Les mots d’Obama pèsent d’un poids très spécifique et très remarquable, notamment lorsque le président US prend soin de séparer l’intérêt national des USA de tout autre intérêt, y compris l’intérêt national israélien. Cette démarche, qui peut sembler par ailleurs naturelle sinon évidente, représente, dans son affirmation, une révolution dialectique à Washington, dans tous les cas dans le Washington d’après-9/11. L’estimation implicite que les neocons, les extrémistes de l’administration GW Bush et le lobby sioniste AIPAC avaient réussi à imposer était justement qu’il n’y avait pas vraiment de distinction entre l’intérêt national des USA et l’intérêt national d’Israël. Cela ne fut évidemment jamais dit explicitement, parce qu’une chose pareille ne peut être dite explicitement, mais cela était très fortement implicite. Affirmer de façon aussi catégorique le contraire de cette situation implicite, c’est brusquement rendre explicite cette affirmation implicite (fusion des intérêts nationaux d’Israël et des USA), pour la démentir catégoriquement ; c’est mettre en évidence le côté infâme et imposteur de l’affirmation par rapport à une conception nationale normale, pour pouvoir mieux la dénoncer et la démentir.

Tactiquement, la chose a été rendue possible par les erreurs de Netanyahou, par exagération, par mauvais calcul, par aveuglement. Netanyahou a, ces dernières semaines, à plusieurs reprises, exprimé des positions concernant la campagne électorale où il favorisait nettement Romney contre Obama. Ces interventions publiques, très grossières, sont apparues comme des ingérences insupportables dans les affaires intérieures US, et ont été presque unanimement critiquées, y compris à Jérusalem, y compris chez certains membres de son gouvernement, y compris bien sûr dans la communauté juive US, etc. Netanyahou a agi au moins par mauvais calcul, s’il n’y a autre chose, et, dans tous les cas, par estimation faussée des capacités et de la volonté de réaction d’Obama, et aussi par réactions caractérielles qui sont pour beaucoup dans l’explication de sa politique. Au contraire, par son extrémisme inacceptable et par sa piètre considération de la souveraineté nationale des USA qu’il a montrée, il a ouvert la voie à une possibilité de très ferme riposte du président. Obama en a profité, ce qui n’était pas évident de son côté puisqu’il pouvait aussi bien choisir de rester prudent en songeant à l’électorat juif. Ce faisant, Obama est passé de l’occasion tactique à la dimension stratégique : ses prises de position et riposte ont désormais une importance qui devrait marquer la course de la politique israélienne des USA, dans le sens d’une modification très sérieuse.

Il y a des signes qui renforcent le jugement spéculatif du sérieux de l’hypothèse d’une “modification très sérieuse” de la politique des USA vis-à-vis d’Israël.

• D’une part, on constate une certaine inefficacité de l’énorme appareil d’influence israélien à Washington. Certes, le Sénat vote à une majorité grotesque, type-Politiburo (90 voix contre une, celle de Rand Paul) une résolution contre la disposition d’armes nucléaires par l’Iran (“a non-binding resolution that would prevent Iran from acquiring nuclear weapons”) que Rand Paul qualifie de “déclaration de guerre” de facto contre l’Iran. Mais il s’agit de la suite d’une politique de gesticulation du Congrès lorsqu’il est question de la politique générale des USA (une toute autre affaire est la politique des sanctions contre l’Iran, mais dans ce cas le Congrès travaille en accord avec l’administration Obama). Cette résolution peut évidemment passer comme un soutien à Israël, et le produit de l’influence d’Israël, mais elle n’est pas “contraignante” et constitue un acte plus symbolique qu’effectif. Par ailleurs, les critiques contre Obama, pour le traitement qu’il fait subir à Israël par rapport aux normes washingtoniennes, sont assez rares ; on aurait pourtant pu attendre, en référence au passé récent du soutien à Israël, des réactions furieuses et hystériques. Romney lui-même reste assez modéré dans ce champ, malgré sa réputation de soutien aveugle à Israël. Cela s’explique, à notre sens, par le fait que le soutien washingtonien à Israël, acquis par la corruption du lobbying, par l’automatisme du conformisme, auprès de parlementaires et d’hommes politiques qui sont de plus en plus impliqués dans leurs affaires intérieures (à commencer par les cycles électoraux qui demandent des financements), n’a pas une substance très solide, sinon de substance du tout. (On mettra à part les quelques activistes convaincus du type McCain, Lieberman et Graham, quoique même dans leurs rangs, comme avec McCain sur l’Afghanistan, on sent une certaine “fatigue psychologique”...) L’action pro-israélienne de cette communauté politique washingtonienne est, au fond, à l’image de l’état de la direction politique US : très déclamatoire mais sans substance et marquée par le désordre, l’inconsistance et l’irresponsabilité. Enfin, les excès et les erreurs de Netanyahou, permettant à Obama d’utiliser contre lui l’argument de l’intérêt national (de la sécurité nationale), complètent le tableau en rendant très difficile un soutien du type habituel à Israël.

• D’autre part, la position d’Obama n’est pas conjecturelle et relative à d’autres positions. Bien au contraire, si l’on considère par exemple les relations des USA avec l’Égypte. Autrement dit, Obama n’est pas intervenu dans le sens où il l’a fait parce qu’il se serait senti conforté par un renforcement des liens des USA avec le grand voisin égyptien d’Israël, alors qu’effectivement cette question des relations avec l’Eggypte est ouverte aujourd’hui. Au contraire, on constate un raidissement de ce côté. Là aussi, on en tire la conclusion qu’Obama a agi vis–à–vis d’Israël d’une façon fondamentale (stratégique) et non conjoncturelle et tactique, en fonction d’une autre évolution des relations internationales qui l’aurait poussé dans ce sens. Son intervention porte sur la valeur en tant que telle des relations entre les USA et Israël.


Mis en ligne le 25 septembre 2012 à 06H51

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