Crépuscule afghan

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Crépuscule afghan

Il y a eu, la semaine dernière, des déclarations importantes de parlementaires US, habituellement faucons et guerriers sans mesure, pour un départ rapide d’Afghanistan, des forces US. John McCain est l’une des deux personnalités citées. Les opérations conjointes entre les forces alliées et les forces afghanes sont stoppées à cause des incidents nombreux ayant coûté la vie à des soldats alliés. L’attaque de Camp Bastion est également un élément nouveau, concernant la tactique et les capacités des talibans, qui pèse beaucoup sur les jugements. Le site Moon of Alabama (MoA, sous la plume de son éditeur qui se désigne sous l’initiale de “b”) estime, le 22 septembre 2012, qu’il s’agit d’un développement décisif, effectivement, vers un retrait accéléré des USA.

«The green on blue attacks in Afghanistan led to the collapse of the exit strategy in Afghanistan. Joint operations with Afghan forces on the most important lower level are halted. This and the recent audacious Taliban attack on the joined British U.S. Camp Bastion have changed the mind of even the most hawkish U.S. politicians. “I think all options ought to be considered, including whether we have to just withdraw early, rather than have a continued bloodletting that won’t succeed,” [Sen. John McCain (R-Ariz.)] said Wednesday.

»Mc Cain was joined by on of the leading warmongers in the House: [Rep. C.W. Bill Young, R-Fla., who chairs the House Defense Appropriations Subcommittee, ] is the longest-serving Republican member of Congress, and he has continuously voted against troop drawbacks from Afghanistan, or even for setting a timetable for troop withdrawal. But after Sitton’s death, Young noted a change of heart. “I think we should remove ourselves from Afghanistan as quickly as we can,” Young told the Tampa Bay Times this week. “I just think we’re killing kids that don’t need to die.”

»With even the hawks calling for an early withdrawal I expect the Obama administration to reveal its plan for an accelerated retreat from Afghanistan immediately after the November election. The implementation of such a plan will face some difficulties.»

Une analyse similaire est faite par Tom Engelhardt, le 23 septembre 2012, concernant effectivement une situation US en Afghanistan au bord de la désintégration. Ce constat se place dans un texte d’Engelhardt sur les chances de réélection d’Obama, et sur l’élection du 7 novembre, ces deux thèmes tendant à être intégrés par Engelhardt tant les chances de Romney lui paraissent réduites à néant… En fait, – c’est le thème de son analyse, – une des questions majeures, sinon la question majeure de cette élection du 7 novembre est de savoir si la politique extérieure des USA (celle du bloc BAO par conséquent) tiendra jusque là, tant elle se trouve sur la voie de la désintégration… Le passage sur l’Afghanistan rejoint donc le constat fait par “b” dans MoA.

«…When it comes to the disintegrating American position in Afghanistan, almost 11 years after victory was declared and the Bush administration decided to occupy the country rather than go home, the news is grim. The whole mission on which the withdrawal of U.S. combat troops is ostensibly based -– to train the Afghans to stand up and fight for their country – has essentially been put on hold. That’s hardly surprising, since Washington’s Afghan allies are now regularly standing up and, with the weapons and training U.S. mentors have given them, blowing those mentors away.

»Meanwhile, the actual enemy, the Taliban, supposedly surged into near nonexistence in its southern homeland, has just launched the most devastating attack on a military base of the war, resulting in at least $200 million in allied loses. (It’s their first attack that might even faintly be compared to those the Vietnamese launched against American bases in the 1960s.) The question once again is: Can Washington hang on in Afghanistan until November 7th, even if it has to put every Afghan training mission and joint operation on hold and confine American troops to their bases? The great advantage the Obama administration holds in this regard is that the American public has generally been paying next to no attention to the Afghan War. This, nonetheless, is a situation in which an American mission has a possibility of imploding (and unexpected voices are finally being raised on the issue of early withdrawal). And we haven’t even mentioned Afghanistan’s unsettled and unsettling nuclear neighbor Pakistan.»

L’un des points mis en évidence dans ces deux analyses est le poids que font peser sur les opérations le rôle et l’évolution des forces afghanes, et le recul décisif qui en découle de tout espoir d’aboutir à une situation contrôlable permettant un retrait gradué selon les plans initiaux. Ces forces afghanes “régulières” en sont désormais au point d’être considérée comme une unité générale hostile, une “armée ennemie” au coeur du dispositif, et le nombre d’incidents, voire d’attaques des forces afghanes contre des allié, n’a cessé évidemment d’augmenter ces dernières semaines jusqu’à instaurer une situation de blocage et de rupture. Cela a conduit effectivement à une halte des opérations combinées et à un repli des forces alliées sur elles-mêmes, dans les camps et les bases qu’on espère assez protégés des incursions ennemies. Un des lecteurs du texte de “b” signale un texte du site Military.com, faisant rapport (le 18 septembre 2012) d’un séminaire du Carnegie Endowment for Peace, le 16 septembre, où parlait notamment l’ancien (jusqu’en juillet 2012) ambassadeur US à Kaboul, Ryan Crocker. Le thème, évident pour notre propos, était l’infiltration des forces afghanes par les talibans. L’estimation de cette infiltration est fixée “officiellement” à 25%, ce qui est déjà un chiffre impressionnant ; Crocker la juge nettement minorée, si bien qu’on peut estimer que quasiment la moitié des forces afghanes régulières sont composées de talibans ou de sympathisants actifs des talibans en missions spécifiques. Il s’agit d’“agents dormants” qui attendent une occasion propice pour attaquer les forces alliées. Ce facteur a établi évidemment une complète rupture de confiance, et par conséquent de coopération, entre forces alliées et forces régulières afghanes. Les forces alliées se retrouvent dans la singulière situation de se trouver assiégées en Afghanistan, dans le système militaire qu’elles ont créé elles-mêmes pour pouvoir se libérer en toute sécurité et à leur avantage de leur engagement en Afghanistan.

«Taliban infiltration of the Afghan army and police is much worse than the U.S. military and NATO have admitted and was the main factor in the surprise move to limit contacts with Afghan security forces to curb insider attacks, former ranking U.S. officials in Afghanistan said. “I would put the percentage rather higher” than the 25% figure for enemy infiltrators and sympathizers that U.S. commanders have estimated, said Ryan Crocker, who stepped down as U.S. Ambassador to Afghanistan in July.

»Crocker, who said he held secret meetings with the Taliban in fruitless efforts at a peace settlement, described Taliban leaders as “tough, smart and resilient,” and noted that they have embraced infiltration as a main tactic. “I think we underestimate at our peril” the number of Taliban “sleepers” in the ranks of the Afghan National Security Forces that the allies have been pressing to take the lead security role, Crocker said in remarks Monday to the Carnegie Endowment for International Peace.

»A former senior advisor to the U.S. military in Afghanistan lined up with Crocker's assessment that Taliban insurgents were more widespread in the Afghan military and police than NATO would have it. “So do I. There was an explicit announcement by the Taliban that they were planning to infiltrate,” said Sarah Chayes, a senior associate at the Carnegie Endowment and a former advisor to the chairman of the Joint Chiefs of Staff. “When insider attacks increased sharply some months after that announcement (by the Taliban earlier this year), there is no reason to dismiss the idea that they executed their strategy,” Chayes said.»

Dans un autre article parallèle qui prend en compte les récents évènements, le New York Times rapporte que les talibans ont l’habitude de dire, d’une façon révélatrice de leur perception subtile de l’antagonisme des cultures et des psychologies : “Les Américains ont les montres, nous avons le temps”. Tout se passe comme si nous arrivions au bout du temps imparti par les talibans à la “coalition” du bloc BAO” pour mettre un terme à cette improbable mission. La marque de ce temps soudain accéléré à l’avantage des talibans est évidemment la complète absence de sens de cette guerre du côté du bloc BAO, et la complète inculture de l’entreprise, tant des caractères de cette entreprise que de la population concernée elle-même, et caractérisant notamment l’initiative paradoxale par aveuglement de la formation par ce bloc d’une force supposée amie et qui se découvre hostile à lui-même, c’est-à-dire aux envahisseurs du pays. Le bloc BAO a engendré ce qui est, de son point de vue, son propre monstre promis à le dévorer : une haute leçon de morale politique et d'appréciation des facteurs culturel et psychologique.

Dans son analyse, “b” envisage les conditions d’un retrait précipité et conclut que ce sera facile pour les hommes, mais une toute autre paire de manches pour le colossal empilement de matériels que suppose une invasion américaniste. Qui protégera alors les convois de véhicules et de matériels divers évoluant dans le désordre d’une retraite précipitée, sinon d’une déroute ? Pas de réponse, certes, parce qu’il n’y en a pas, sinon celle d’images de convois en flammes et du rééquipement des talibans en matériel de grand poids du bloc BAO. Se profile alors la possibilité d’une fin d’intervention ressemblant au désastre vietnamien de 1975, avec l’ambassade US évacuée dans la panique générale, par des hélicoptères venus des porte-avions en position au large des côtes vietnamienne. C’est désormais l’image qui hante Washington, alors que, selon Engelhardt qui se réfère également, bien entendu, aux événements de la “troisième vague” du “printemps arabe”, le “système” que représente la politique extérieure militariste des USA et du bloc BAO, «is, politely put, in transition, but possibly simply in a state of collapse…»


Mis en ligne le 24 septembre 2012 à 06H04