Une journée dans la vie de The-Donald 

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Une journée dans la vie de The-Donald 

16 septembre 2017 – C’est une chose épatante de cette époque sinistre et lugubre, un de ces petits points de lumière dans l’ombre crépusculaire de l’esprit abîmé dans son Mordor des Abysses qu’est la postmodernité, qu’une seule journée compresse les événements et les symboles à la fois pour éclairer tout un pan de la métahistoire en cours. Ainsi en fut-il de ce 15 septembre, entre matin et soir, parce que cette “époque sinistre et lugubre” est aussi celle de la communication, de l’histoire en accéléré et du Temps comprimé. (Pour les USA “D.C.-la-folle”, cela s’étend sur deux jours, cette différence étant due au décalage horaire.)

Je veux dire qu’en une journée pour nous, pour qui sait prendre quelques distances et observer, et interpréter, pour qui sait regarder, pour qui sait voir les choses et comprendre les symboles, entre matin et soir, nous avons vu exposées la situation politique à Washington D.C. (“D.C.-la-folle”), la situation du président Trump, la psychologie de l’homme (The-Donald) et, par conséquent nous avons pu mesurer la profondeur de la crise qui frappe les USA comme elle frappe toute notre contre-civilisation. Les événements et les symboles sont détaillés pour faire court et vite au travers de deux articles qui résument les affaires dont je veux vous entretenir, à partir du site ZeroHedge.com que nous connaissons bien entre nous. Les articles sont donc du 14 septembre 2017 (mais du 15 au petit matin pour nous) et du 15 septembre 2017 (du 15 septembre dans l’après-midi pour nous), et je les choisis parce qu’ils nous donnent un instrument qui condense et résume l’événement symbolique dont je veux parler sans en réduire en rien la substance de l’événement intellectuel qui importe, et en en suggérant ouvertement l’essence.

Le 14 septembre 2017 (du 15 au petit matin pour nous), un article est publié sur “la droite qui ‘explose de fureur’ à propos de la nouvelle politique d’immigration de Trump” (« Right “Explodes In Anger” Over Trump's New Immigration Push »). L’article expose les réactions de représentants iconiques ou symboliques de la base populiste de Trump, y compris du site Breitbart.News de Bannon, d’Ann Coulter, etc., à la suite de l’accord passé entre Trump et les démocrates sur le programme DACA – sans parler du “Mur” sur la frontière mexicaine, qui se désagrège sans faire de bruit. (DACA, amnistie et naturalisation de 800.000 immigrés illégaux aux USA, mineurs d’âge divers lorsqu’ils ont été identifiés comme tels et à qui le grand cœur humaniste d’Obama entendait donner l’onction de la Statue de la Liberté [« Garde, Vieux Monde, tes fastes d'un autre âge, crie-t-elle / Donne-moi tes pauvres, tes exténués.. », etc., on connaît le chanson, surtout quand on voit ce qu’on fait des “pauvres” et des “exténués”].)

Il s’agit en fait d’une capitulation complète de Trump sur la question de l’immigration face aux exigences progressistes-sociétales des démocrates, et de ce point de vue Trump rend furieux également un certain nombre de politiciens du parti républicain qui, pour faire partie de l’establishment n’en sont pas moins, pour des raisons diverses dont la démagogie n’est pas absente pour un bon nombre, des adversaires résolus du laxisme dans le domaine de l’immigration. Quoi qu’il en soit, conclusion des commentateurs : Trump a été complètement retourné par le Système dont il n’est plus qu’une marionnette, parce que dans cette occurrence, le Système est progressiste-sociétal et soutient la politique des vannes grandes ouvertes à toutes les migrations déstructurantes et dissolvantes du monde ; voire même ceci : Trump était dès le départ une marionnette placée par le Système (une des thèses complotistes souvent rencontrées).

(Mais faut-il parler de “capitulation complète” dans le cas de Trump, comme si cet homme menait un combat, comme s’il était vraiment un candidat populiste et qu’il trahissait cet engagement par opportunisme, ou par faiblesse politique, ou que sais-je ? Déjà, ma réponse est absolument négative car Trump n’est rien de tout cela : il n’était pas un “candidat populiste”, il n’est donc pas politiquement “un traître à ses engagements”. Trump n’est rien de tout cela parce qu’il est le Rien en politique, et c’est de cette sorte de sapiens dont nous avons besoin... Mais j’anticipe.)

Le 15 septembre 2017 (15 septembre dans l’après-midi pour nous), un article est publié sur le “mécontentement de la Première ministre britannique à la suite des interventions malencontreuses des tweets du président US” concernant l’attentat du métro de Londres (« “Unhappy” British Prime Minister Blasts “Never Helpful” Trump Over Controversial Tweet »). Il y a eu un attentat à Londres, dans le métro, avec bombe, blessés, panique, etc., spectacle habituel de cette sorte d’événements qui reste très sensible pour la population selon ce que les politiciens croient connaître de la population, selon ce que leur en disent leurs conseillers en com’. Donc, on marche sur des œufs...

Trump, lui, il les écrase les œufs ! Il se déchaîne à coups de tweets, as usual. Il dénonce les terroristes-losers, il critique les gouvernements qui ne sont pas assez répressifs et affirme que les auteurs de l’attentat étaient connus de Scotland Yard, et donc pas assez surveillés, etc. La Première ministre est très ennuyée et “mécontente” de ces interventions de Trump, dont certaines pourraient trahir des informations secrètes de sécurité nationale, et elle le fait savoir ; elle le lui dit même ouvertement lorsqu’il lui téléphone pour lui présenter ses condoléances. Les opposants anti-Trump, progressistes-sociétaux et Antifa éclatent en imprécations, affirmant que Trump, s’il n’a pas dit le mot “islamiste”, l’a évidemment pensé en écrivant ce qu’il a écrit puisqu’il est, puisqu’il ne peut être qu’“islamophobe”.

Trump est à nouveau ce maverick, ce fasciste, ce xénophobe-islamophobe, ce raciste-suprémaciste placé à la tête de America the Beautiful par pure imposture ; celui que les autres chefs d’État et de gouvernement ont de la peine à appeler au téléphone de crainte de tomber sur un torrent d’imprécations. Je vous concède qu’il a évité d’employer le mot “islam”, mais c’est pour ne pas avoir à subir les interminables leçons de son conseiller McMaster et surtout les reproches acides de sa fille, la très belle et très sophistiquée Ivanka. Pour le reste il a foncé, comme d’habitude n’écoutant que son “instinct”, celui de président jouant le rôle de président dans une sitcom de télé-réalité dont la première loi, et sans doute la seule loi, est de figurer au-delà et au-dessus de tous les autres par ses foucades, ses excès, ses rudesses de langage, ses agitations, à mille lieues des bouches pincées en forme de cul de poule des professionnels du service du Système.

Toute cette description est développée pour faire observer, d’abord que Trump est incorrigible, qu’il se range ou se vende aux consignes du Système un instant, qu’il explose selon les règles de la télé-réalité l’instant d’après ; ensuite que, agissant d’“instinct” comme il fait, Trump représente le Rien en matière d’idées politiques, d’idéologie, de “ligne”, etc., parce qu’il ne connaît que les lois du spectacle et que ses alignements vont vers ce qui lui facilite la participation au spectacle (y compris quand il se fait marionnette du Système en trahissant tous ses engagements de campagne qui, de leur côté, constituaient pour lui le spectacle du moment) ; qu’enfin, d’“instinct” également, ceux qui haïssent ou méprisent Trump, qu’ils soient directement au Système ou servent indirectement sinon inconsciemment le Système, ne parviendront jamais à accepter son ralliement pour du comptant. Toujours, il restera suspect, et dénoncé au premier écart, et rien ne viendra vraiment contredire cette attitude, de ce même point de vue de la défense furieuse anti-Trump qui s’est développée ces deux dernières années.

Ainsi voit-on confirmée, en une seule journée et dans des occurrences si différentes, la position “philosophique” fondamentale du président : homme-lige de la télé-réalité, du spectacle pour le spectacle, il se trouve où il est par un caprice étrange des circonstances où je ne vois rien de sérieux sinon de vertueux comme explication et analyse que celles de Michael Moore. (Dieu sait pourtant que Moore sert bien le Système par son maximalisme anti-Trump, qui lui profite quasi-directement [au Système] par la voie de ses courroies de transmission, les démocrates, Soros, la déstructuration du courant progressiste-sociétal, etc.) Moore disait l’année dernière, en pleine campagne électorale, que Trump était un “cocktail Molotov humain” que l’électorat préparait pour le jeter à la figure de Washington D.C., c’est-à-dire du Système certes.

Moore estime que les Américains voit Trump comme un ‘cocktail Molotov humain’. “Dans le Middle West, dans les régions anciennement industrialisées, j’ai bien vu pourquoi les gens sont en colère”, dit-il. “Et ils voient Trump comme leur cocktail Molotov humain qu’ils vont mettre dans les urnes le 8 novembre, pour le balancer dans la figure de notre système politique. [...] Je crois qu’ils adorent l’idée de faire exploser notre système. ” »)

Cela a été fait et le “cocktail Molotov humain” fait son travail avec un naturel à ne pas croire : alimenter sans arrêt le désordre. Trump ne réussit rien, il trahit tout, il met tout le monde en fureur et introduit un effet de blocage dans toutes les politiques du fait de ce désordre, une paralysie par excès d’humeur dans “D.C.-la-folle”. Le Rien continue son œuvre de déstructuration par ses semailles sans fin des graines du désordre.

Je pourrais m’arrêter à ce point puisque, pour mon compte, l’essentiel de la démonstration que j’avais à l’esprit est fait. J’ajoute pourtant une prolongation qui doit servir d’amorce pour de nouvelles réflexions. Lorsque j’écris que “Trump représente le Rien en matière d’idées politiques, d’idéologie, de ‘ligne’”, et lorsque ce Rien réussit, en polarisant sur lui des sentiments extrêmes, à neutraliser les politiques courantes, il tend également à réduire à “Rien” les idées politiques, les idéologies, les “lignes”, etc. C’est là que se trouve, involontairement dans son chef bien entendu, le plus important du service qu’il est en train de nous rendre.

... Et même au-delà : en fait, Trump ne “réduit pas à ‘Rien’” “les idées politiques, les idéologies, les ‘lignes’”, il révèle par simple effet mimétique de réverbération que “les idées politiques, les idéologies, les ‘lignes’” ne sont plus rien aujourd’hui que des simulacres. Le Rien qu’est Trump éclaire le Rien qu’est le champ politique où il s’ébat. Ainsi nous trouvons-nous débarrassés des simulacres, justement, que constituent les étiquettes, les rangements politiques, et tout ce qui va avec : il reste le principal affrontement qui est justement, à considérer ces simulacres, de les affronter tous pour les annihiler et faire surgir à leur place, ou faire renaître, la réalité comme servante exemplaire de la vérité, ou comme premier pas vers une vérité également retrouvée. La seule bataille qui vaille devient alors à nos yeux celle du simulacre, fait de nombreux simulacres dont certains qui se prétendent antiSystème, contre la vérité que nous permettrait de distinguer une réalité réincarnée en découvrant des vérités-de-situation. C’est l’ultime grande bataille, effectivement opposant le Rien qui est le déchet monstrueux d’un idéal de puissance complètement perverti et inverti, à la Lumière qui est la création évidente de l’idéal de perfection