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3019Leur poignée de main ne valait que le temps de deux pâles sourires. Le “sommet” Poutine-Trump en marge de la conférence de l’APEP à Da-Nang, au Vietnam, s’est limité à cette pâle poignée de mains et à une déclaration commune sur la seule question de la Syrie, qui n’apporte rien à personne, qui ne mange pas de pain et qui n’engage à rien.
Adam Garrie, de TheDuran.com résume cette rencontre qui est une simple et fortuite rencontre lorsqu’on se croise, comme ça, à l’occasion d’une conférence... A cette occasion bien entendu, nous constatons aussi bien l’inexistence du président des États-Unis que la paralysie et l’impuissance caractérisant l’action du Deep State qui prétend manipuler ce président.
« The joint statement from Putin and Trump does not provide any answers to this. It merely demonstrates that Donald Trump was prohibited, by his own country, from having a wide ranging discussion with President Putin.
» Meeting at a pan-Pacific conference which includes the leaders of the US, China, Russia, South Korea and Japan, one would have thought that Putin and Trump would have made a statement that included a discussion about policy positions on North Korea. The fact that this did not happen demonstrates the unwillingness of the US to work with Russia on the subject. Instead, the results of the Putin-Trump meeting from July were simply rehashed, thus demonstrating that in a few short months, US-Russia relations have declined even further. »
Les Russes n’ont pas vraiment insisté pour obtenir une rencontre conséquente et fructueuse de Poutine avec Trump, justement parce qu’ils ont fini par reconnaître la situation de blocage et d’impuissance du pouvoir à Washington (“D.C.-la-folle”). Une source proche du gouvernement russe, une “source officielle” disons, expose qu’il s’agit « désormais d’un axe important de la politique de la Fédération : le “partenaire” américain n’est plus un acteur sérieux, c’est-à-dire plus du tout un “partenaire”. Non seulement il est imprévisible, mais en plus il n’a plus vraiment d’intérêt pour la politique extérieure, et il faut s’attendre à ce que tout acte de “politique extérieure” aux USA ne soit en fait que de la politique intérieure, c’est-à-dire un acte posé en fonction de ses effets intérieurs. »
Les Russes ont noté la déclaration assez peu ordinaire de cet officiel du Pentagone, du secrétaire de l’US Army qui s’interroge sur l’intérêt de déployer tant de troupes US à l’étranger (200.000 hommes dans plus de 150 pays), avec le nombre de bases à mesure, et dans quel but ; ou bien ces auditions qui vont avoir lieu au Sénat des États-Unis, qui sont tout de même extraordinaires, pour savoir si l’on doit ou non restreindre la décision de l’usage éventuel du nucléaire qui est confiée au seul président. En d’autres temps, il s’agirait de “pistes” remarquablement intéressantes, de signes de possibles développements importants voire révolutionnaires, – mais à “D.C.-la-folle”, aujourd’hui ? Comme l’écrit Justin Raimondo à propos d’une affaire extraordinaire et dérisoire de plus (la demande de Trump que le directeur de la CIA rencontre un “lanceur d’alerte”), dans un commentaire où le désabusement et la stupéfaction ont laissé place à l’ironie et à la dérision, « C’est l’effet-Trump ! Je me fiche de ce qu’ils disent de lui – il est fou ! Il est dangereux ! Il est ceci ! Il est cela ! Tant que durera “l’effet-Trump”, j’en suis pour rester assis et savourer avec le plus grand plaisir [l’absurdité] de ces scènes qui défilent... »
Il n’est pas sûr que tout cela procure “le plus grand plaisir” au président Poutine, ni ne l’incliner à “rester assis pour savourer”, etc. La situation américaniste n’arrange pas Poutine car il est finalement placé devant deux imprévisibilités : celle de Trump, c’est bien connu ; mais aussi celle du Système, qui ne cesse de s’affoler devant l’imprévisibilité de Trump, pour mieux déployer, par effet contraignant, sa propre imprévisibilité. Alors, Poutine en est réduit à prévoir et à s’attendre au pire, et il faut convenir qu’il n’a pas tort ; plus que jamais, “le pire est toujours possible”.
Pour lui, une rude bataille s’annonce déjà : celle des élections présidentielles... Non pas la bataille de sa réélection, s’il est une nouvelle fois candidat ; cela n’est pour l’instant pas notre propos. La bataille dont il est question est celle de l’ingérence des États-Unis dans l’élection présidentielle russe ; non pas possible ni même probable, mais assurée croirait-on en l’entendant. C’est effectivement une assurance parce que c’est de cette façon, dans le pire des cas qui est nécessairement probable, que le Système, qui s’en tient à sa narrative du simulacre du Russiagate, devrait se comporter vis-à-vis de cet événement. L’imprévisibilité entraîne l’hypothèse du “pire des cas”, et par conséquent pour Poutine la perspective d’une ingérence américaniste pour répondre à l’“ingérence” mille fois démentie par l’absence de preuves sur toutes les pistes déjà explorées de la Russie dans l’élection USA-2016. Trump n’y est et n’y sera pour rien, c’est la logique de surpuissance du Système qui fera son œuvre.
C’est donc, bien qu’il soit extraordinaire qu’un chef de l’État l’annonce publiquement, une occurrence également logique d’entendre le président russe avertir publiquement tous ceux qui l’écoutent de sa quasi-certitude d’une telle ingérence. Poutine a même précisé l’occasion qui sera choisie, et quand...
« Pour le président russe, il est très probable que Washington saisisse l'occasion des Jeux olympiques d'hiver de 2018 pour tenter de peser sur l'élection présidentielle russe, qui se tiendra juste après. “En réponse à notre supposée ingérence dans leur élection présidentielle, [les Américains] veulent perturber l'élection présidentielle russe”, a-t-il déclaré le 9 novembre à l'occasion d'une visite officielle dans la ville de Tcheliabinsk. Dans cette optique, Washington pourrait utiliser ses “vastes connexions“ et divers “mécanismes de dépendance” au sein du Comité international olympique pour arriver à ses fins.
» [Poutine] se dit “préoccupé” et “soupçonne fortement” que les États-Unis tenteront de créer une “atmosphère de mécontentement” dans la communauté du sport. [Il souligne] que les Jeux olympiques d'hiver 2018 se termineront quelques jours avant l'élection présidentielle russe. “Si cela devait être le cas, cela serait très dangereux, cela compromettrait le but même du mouvement olympique”, a-t-il prévenu.
» Poutine note que les organisations internationales, y compris le CIO, dépendent fortement de Washington, rappelant que les principales entreprises qui acquièrent les droits de retransmission télévisées, ainsi que les principaux sponsors et annonceurs, sont basés aux Etats-Unis. »
Ainsi le président russe annonce-t-il ce qui sera très probablement une crise de plus dès le début de l’année 2018, et une occasion de plus, et qui sera saisie sans nul doute, d’une aggravation de plus des relations entre les USA et la Russie. L’hypothèse évoquée par Poutine (manipulation des autorités olympiques en défaveur des Russes) n’en est qu’une parmi d’autres. Il y a des précédents récents pour les JO comme dissimulateurs ou détonateurs d’événements crisiques où la Russie se trouva confrontée à des crises, mais ces précédents concernant effectivement des effets ou des manœuvres de déflexion grâce aux Jeux. C’est durant l’ouverture des JO de Pékin d’août 2008 que fut déclenchée l’attaque de la Géorgie de Saakachvili contre l’Ossétie du Sud, amenant une riposte russe ; et c’est durant les JO d’hiver de février 2014, à Sotchi, en Russie, qu’eut lieu le “coup de Kiev”.
(Sur ce dernier “coup”, on rappellera comme un précédent intéressant qu’Obama avait, le 2 février 2015, indirectement confirmé George Friedman, alors directeur de Stratfor, sur le fait que le “coup de Kiev” était évidemment le fait du bloc-BAO et des USA précisément, et que les Russes n’étaient en rien impliqués dans les troubles menant à cet événement. Obama avait constaté que Poutine, qui craignait plutôt une attaque terroriste à Sotchi, avait été pris complètement par surprise : « ... et dès lors que Mr. Poutine prit sa décision concernant la Crimée et l’Ukraine, – non pas selon un projet de grande stratégie mais parce qu’il avait été pris de cours par les protestations du Maidan suivies de la fuite de Ianoukovitch après que nous ayons arrangé un accord de transition de gouvernement en Ukraine... »)
Cette année, les JO d’hiver ont lieu dans une petite ville de montagne, à Pyeongchang en Corée du Sud, du 9 au 24 février 2018. C’est une localisation intéressante puisqu’en Corée du Sud, nous ne sommes nécessairement pas loin de la Corée du Nord où nul n’ignore qu’il se passe bien des choses. Poutine attend une crise du côté des mécanismes olympiques aux ordres des tentacules américanistes, peut-être lui viendra-t-elle d’autre part... Si les Russes sont de formidables gestionnaires de crise et de fins stratèges consommés à cet égard, ils sont moins bons dans la précision, justement d’ailleurs parce que l’imprévisibilité règne. Elle était déjà présente, l’imprévisibilité, dès 2008 et bien sûr 2014 (chaque fois, ils ne virent rien venir) ; elle l’est, on s’en doute, encore bien plus en 2018. La seule chose qui importe, c’est qu’il faut s’attendre à tout, c’est-à-dire nécessairement à une crise de plus...
Mis en ligne le 11 novembre 2017 à 16H31