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• Après le sommet “annulé” de Budapest, – temporairement, fugitivement, pour toujours ? – quelques observations sur l’état des diverses situations. • Il sera beaucoup fait appel à la psychologie des principaux acteurs, notamment la procrastination du président Trump qui changer d’avis aussi vite qu’il construit une ‘Trump Tower’, pour retourner aussitôt sur sa position initiale. • Toute la « non-diplomatie » européenne (américaniste-occidentaliste) se trouve dans un cas similaire, encombrée d’innombrables blocages, idées fixes, obsessions. • On entendrait Kissinger ricaner dans sa tombe.
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RT.com, qui en est à son 20ème anniversaire d’une marche triomphale, reste un réseau à la fois prudent et réfléchi. Rendant compte du dernier volte-face de Trump, – ou devrait-on dire plutôt sa “dernière indétermination de son irrésolution”, – leur titre fut donc d’employer comme affirmation principale les guillemets dans « Rencontre avec Poutine “annulée”, – Trump ». Ces guillemets indiquent avec une force énorme bien que dissimulée le terrible handicap du président des États-Unis. Nous parlons bien entendu, dans une matière extraordinairement politique et urgente de sa terrible paralysie de la décision. Il faut s’adresser, pour s’en expliquer, au plus profond de sa psychologie, si surprenante chez cet homme qu’on affectionne de parer des caractères d’énergie, de volonté et de décision dans ses affaires courantes (les ‘Trump Towers’ et les $milliards) : cette petite chose qui semble frapper les affaires du monde en Occident, entre le simulacre et les narrative : la procrastination.
Ainsi RT.com présente-t-il dans son premier compte-rendu la “décision” de Trump, le 22 octobre au soir (ce matin à l’heure de Greenwich), après avoir été largement fuitée ; et l’on observera l’abondance des citations du président alternant un pas en avant, un pas en arrière, une apparence de décision et un zeste puissant pour l’accommodement des sympathies :
« Le président américain Donald Trump a annulé son sommet prévu avec le président russe Vladimir Poutine à Budapest, affirmant ne pas croire que les discussions produiraient les résultats escomptés à ce stade du dialogue. Moscou n'a pas encore fait de commentaires.
M. Trump a fait cette annonce lors d'une réunion avec le secrétaire général de l'OTAN, Mark Rutte, à la Maison Blanche mercredi, déclarant que le sommet prévu en Hongrie “ne semblait pas opportun”. “Nous n'avions pas le sentiment d'arriver au point où nous devions aller, alors je l'ai annulé”, a-t-il déclaré.
» Trump n'a toutefois pas exclu de tenir des discussions avec Poutine ultérieurement. “Mais nous le ferons [le sommet] à l'avenir”, a-t-il ajouté, sans préciser quand ni où une rencontre pourrait avoir lieu. »
En même temps, on apprenait que le département du Trésor annonçait des sanctions nouvelles contre la Russie, contre deux des plus grandes compagnies pétrolières russes, Rosneft et Lukoil, ainsi que contre leurs filiales. La raison ? Parce que ce pays, décidément, « manque d'engagement sérieux envers un processus de paix ». Trump n’a pas manqué évidemment de citer ces sanctions, pour aussitôt admettre in fine qu’elles n’auraient aucun effet, mais qu’elles feraient comprendre, – disons, “des choses”, – à la Russie ; et aussi, curieuse précision, à l’Ukraine également, à propos d’une danse fameuse...
« Espérons, explique (?) Trump, que [le président Poutine] deviendra raisonnable, et que [le président Zelenski] le sera aussi. Il faut être deux pour danser le tango. »
C’est juste... Pour danser la valse et la salsa, la samba, le rock acrobatique et le mambo, – également il faut être deux. Dans quel style classer une telle rencontre Poutine-Zelenski ? Finalement, Trump ne répond pas, il procrastine.
Dimitri Pechkov, porte-parole de Poutine, raisonnable et souvent dénoncé pour sa timidité suspecte, commentait prudemment (toujours les guillemets) un lieu commun qui avait sans doute été pompé sur une déclaration de Trump :
« La rencontre russo-américaine devrait être précédée de “préparatifs sérieux”, [car] un sommet entre les deux dirigeants “ne devrait pas être gaspillé”, parce que les deux présidents “ont l'habitude d'œuvrer pour un résultat”. »
Cette phrase est celle du titre de la vidéo de Mercouris du 22 octobre également, – décidément, les titres nous inspirent. Notre commentateur-diplomate préféré s’attarde en fait, en traduisant ce qu’il juge être le sentiment profond des Russes, sur le cas Trump, au regard de ses diverses entreprises diplomatiques. Il met en évidence, assez justement nous semble-t-il, le contraste remarquable existant entre la politique intérieure de Trump, menée tambour battant, comme ses affaires immobilières mais dans tous les domaines d’un pays en ébullition, et sa diplomatie pavée d’intentions réalistes et bienpensantes et encalminées dans des montagnes himalayesques de procrastination, d’intentions retenues, de décisions aussitôt retirées... Il est évident que Trump est bien un Américain-type, totalement ignorant du reste du monde dont il prétend régler les horloges, maladroit, velléitaire, naïf jusqu’à se laisser berner et pourtant sensible à des éblouissements momentanés, lorsqu’il rencontre Poutine et lui promet la lune pour ne pas le décevoir... Trump est un sentimental lorsqu’il sort de ses frontières, une sorte d’“Hitler pour midinettes” (l’expression plaira aux foules gaucho-milliardaires s’opposant au Roi des USA).
Lisez ce morceau de la diatribe de Mercouris, où l’on nous emmène , à partir du sommet “annulé” de Budapest, sur toutes les voies diplomatiques cochonnées de ces huit derniers mois. Lisant ces appréciations, vous êtes tenté de sourire ironiquement de toutes les manœuvres, pressions diverses, “marionnettisations” nombreuses dont Trump serait victime selon ses nombreux détracteurs et amateurs, et qui expliqueraient ses divers revirements dans tous les sens. Nous faisons bien plus confiance à l’homme et à ses défauts semblant réservés pour ses aventures extérieures, bien dans la manière des milliardaires et hommes de la communication pullulant dans ce grand pays qui prétend représenter le monde.
« Selon le compte-rendu de la conversation Rubio-Lavrov, si l'on se fie aux propos de Lavrov lui-même, on voit assez clairement ce qui s'est passé. Trump ne veut s'engager pleinement ni pour l'un ni pour l'autre. Il essaie constamment de trancher. Il sait depuis longtemps que ses limites vis-à-vis des Russes sont très... limitées.
» Elles sont quasiment inexistantes. Il vient d'admettre, soit dit en passant, qu'il n'imposera pas de droits de douane massifs à la Chine si celle-ci achète du pétrole russe. Il dit agir ainsi par complaisance envers la Chine. Il dit cela alors même qu'il menace la Chine de droits de douane de 157% le 1er novembre, à moins que la Chine ne retire sa récente décision d'imposer des licences aux acheteurs chinois de terres rares. Rien n'indique d'ailleurs que les Chinois le fassent. Soit dit en passant, Trump hésite et refuse de s'engager à rencontrer Poutine à Budapest la semaine prochaine, ou la semaine suivante, à un moment donné. Trump fait donc de même avec XiPing. À un moment, il va rencontrer XiPing au sommet en Corée du Sud. À un autre moment, il ne rencontrera pas XiPing à ce sommet. En l'état actuel des choses, les tout derniers rapports suggèrent que la rencontre entre Trump et XiPing est à nouveau incertaine. On pourrait à nouveau voir un président Donald Trump se sentir dépassé, incapable de décider quoi faire, confronté à diverses pressions, craignant d'être blâmé en cas de problème. et procrastinant et trouvant des excuses pour reporter les deux rencontres, alors même que la situation continue de dériver vers une conclusion inévitable. Dans chaque cas, une victoire militaire russe en Ukraine et une guerre économique avec la Chine.
» Je dois dire que le contraste est saisissant avec la célérité de Trump dans la conduite des affaires intérieures des États-Unis. Sa gestion, par exemple, de la fermeture du gouvernement, qu'il a réussi à faire tourner à son avantage, contraste fortement avec son incapacité totale à mener ces négociations avec la Chine et la Russie. J'ajouterais que son accord triomphal de la semaine dernière, le cessez-le-feu à Gaza, ne tient plus qu'à un fil. Israël a de nouveau bombardé Gaza. Ils prétendent rester fidèles au cessez-le-feu. J'ai moi-même de sérieux doutes à ce sujet. Je l'ai déjà dit très clairement. Mais, encore une fois, il est évident que rien n'a été définitivement conclu ni approuvé, car le président lui-même ne sait pas ce qu'il veut..
Revenant à l’affaire du sommet “annulé” et extrapolant à partir de ce constat l’attitude de Trump aux Européens de l’Ouest, Mercouris nous décrit l’Occident-convulsif parvenu à imposer « la non-diplomatie du moment ». Eux aussi, les Européens sont parvenus à une autre sorte du procrastination, avec l’impossibilité où ils se trouvent de sortir de leur plan absurde de guerre avec la Russie. Mercouris cite à leur propos un propos, – justement, – du vieux Kissinger au seuil de la mort, propos confidentiel car la vieille canaille entendait rester jusqu’au bout ce personnage impeccable, père spirituel de la diplomatie américaniste du temps de sa splendeur... Parlant des Européens et des l’administration Biden pêle-mêle, Kissinger s’exclamait n’avoir jamais imaginé qu’il pourrait exister un jour pour exercer la diplomatie occidentaliste “une telle bande d’incompétents et d’incapables aveuglés par des idées moralisatrices absolument infantiles”...
Nous y sommes pourtant, et toute cette agitation en un cercle fermé à double tour, comme enfermée dans une impasse qui s’avère être un cul-de-sac, avec une psychologie à mesure et un énorme simulacre pour animer leurs rêves et leurs illusions, – toute cette agitation vaine n’empêche nullement les événements d’avancer comme des monstres dévastateurs. Jamais en effet les moindres incidents qui se réglaient auparavant grâce à une vigilance constructive ne se sont aussi rapidement transformés en des sous-crises majeures alimentant directement la GrandeCrise. Aujourd’hui, on laisse un ministre des affaires étrangères (polonais, globaliste et neocon, bien entendu) affirmer que si l’avion transportant Poutine, en cas de sommet comme on dit “en cas de malheur”, entrait dans l’espace aérien polonais, il serait intercepté, sinon abattu dans la circonstance attendue avec ardeur où il refuserait d’obtempérer pour prendre la direction du Tribunal International d’Amsterdam ; on le laisse affirmer ceci, ce Sikorski qui porte beau les insultes et le “parler rude” chuchotés en petit comité et n’est nullement inquiété sur son siège de ministre, et cette perspective ne soulève aucune émotion, nulle part, de la part de personne dans l’UE, dans l’OTAN et toutes ces sortes de clubs...
Alors, en guise de cerise sur le gâteau américaniste-occidentaliste, revenons pour en terminer en beauté à Mercouris.
« ... Les Russes veulent toujours voir ce que Trump va faire. Mais je le répète toute la bonne volonté dont Moscou fait preuve envers Trump sera encore plus endommagée par cette expérience. Et il est d'autant plus probable, si la rencontre de Budapest a bien lieu, que Poutine insiste sur la réponse de Trump aux propositions, questions, accords ou perspectives d'accords que les Russes lui ont suggérés à Anchorage. Et lesquels ? Eh bien, Lavrov a au moins clairement indiqué sur un point : pas d'OTAN pour l'Ukraine et, sans l'ombre d'un doute, je pense que sur ce point, tout le monde est d'accord pour un retrait ukrainien du Donbass.
» Bref, voilà. Voilà la diplomatie, ou plutôt la non-diplomatie, du moment. C'est le chaos et la confusion. Et bien sûr, ceux qui ne veulent pas du sommet et qui refusent tout processus de négociation – les Européens et les Ukrainiens – sont occupés et ils élaborent leur plan de paix totalement inacceptable. Voici un autre exemple, soit dit en passant, du principe d'Eve Smith, selon lequel les puissances occidentales passent tout leur temps à négocier entre elles et ne prêtent aucune attention à ce que pense l'autre partie. Ainsi, lorsqu'ils présentent enfin leurs idées à l'autre partie, ils découvrent à leur grand étonnement que celle-ci ne s'intéresse pas à ce qu'ils ont consacré un temps démesuré à élaborer. »
Mis en ligne le 23 octobre 2025 à 17H15