Notes sur un Mai-68 cosmique à Washington D.C.

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Notes sur un Mai-68 cosmique à Washington D.C.

17 janvier 2017 – On s’attachera ici à un très court moment de télévision, dans le chef d’une interview de quelques minutes de la députée démocrate “de gauche” (étiquette) Tulsi Gabbard, partisane de Sanders, par Tucker Carlson, nouvelle très-grande vedette de la chaîne FoxNews, chaîne conservatrice célèbre pour soutenir (avoir soutenu) les neocons (étiquette) ; Carlson qui a évincé en quelques jours l’hyper-star de FoxNews Megyn Kelly partie à la fin de l’année 2016 sur le chaîne ultra-“progressiste” MSNBC après s’être vue refusé le nouveau salaire annuel de $25 millions qu’elle exigeait de FoxNews.

D’abord, un rapide coup d’œil sur le formidable succès de Carlson, l’une des très rares vedettes des grands réseaux-Système qui est partie en campagne depuis quelques semaines, avec une extrême alacrité et une combativité talentueuse,  contre la campagne anti-Trump permanente qui anime la quasi-totalité de la presse-Système depuis plus d’un an. (Il faut dire, mais c’est un signe des temps bien significatif, que Carlson vient de la presse antiSystème puisqu’il est venu à FoxNews depuis le site The Daily Caller, dont il est le co-fondateur et dont il assurait la direction. Après Bannon, de Breitbart.News, nommé conseiller de Trump, on voit que la presse antiSystème investit les structures du Système, dont la presse-Système avec Carlson.)

On lit, ci-après, les premiers résultats d’audience, comparés à son avantage dans une mesure éblouissante avec ceux de Kelly, et d’autre part avec ceux des réseaux concurrents durant le même segment-vedette de diffusion (prime time de l’information). (Sur Accuracy in Media, le 11 janvier 2017.) « Fox News’ Tucker Carlson got off to a roaring start in his primetime debut Monday night [9 January] by easily outdistancing both MSNBC and CNN, proving at least for now that the decision to slide him into Megyn Kelly’s old timeslot was an excellent one. Carlson averaged 493,000 viewers in the key 25-54 demo, beating out CNN’s town hall special with Bernie Sanders (414,000) and The Rachel Maddow Show (324,000). Overall, Tucker Carlson Tonight averaged 2.699 million total viewers, nearly beating the combined total of MSNBC’s The Rachel Maddow Show (1.369 million) and CNN’s town hall special (1.357 million).

» Compared to Kelly’s numbers on the same day last year, Carlson was up 27 percent in total viewers and a whopping 45 percent in the key 25-54 demographic, showing that Fox News may not wind up missing Kelly as much as everyone thought. »

On voit donc que l’interview Carlson-Gabbard, réalisée le 12 janvier, a elle-même bénéficié d’une énorme audience, d’autant qu’elle mettait en scène deux personnalités brillantes, que le dialogue fut enjoué, extrêmement complice et plein d’intérêt sur une question politique fondamentale. (Le sujet : la situation en Syrie et le militantisme de Gabbard pour stopper la politique anti-Assad des USA, notamment en proposant à la Chambre [avec Dana Rohrabacher comme co-sponsor] de vote une nouvelle loi contre le soutien en armement et en logistique de Daesh contre Assad, le ‘Stop Funding Terrorists Act’.)

Russia Insider publie un texte court pour présenter cette interview, avec la vidéo du dialogue Carlson-Gabbard, le 13 janvier, suggérant notamment que la loi Gabbard-Rohrabacher a toutes les chances d’être adoptée par la Chambre :

« Fox’s Tucker Carlson scored another great interview when he spoke to Hawaii's congresswoman Tulsi Gabbard. Rep. Gabbard talked about her meeting with President-elect Trump some weeks ago to discuss the danger of further neocon escalation of the war in Syria. She has also recently introduced a bill in congress aimed at preventing the US from funding terrorist groups like ISIS in the future. The bill is brilliantly named the “Stop Funding Terrorists Act.” Seems guaranteed to pass - who could possibly justify voting against it to their constituents? Having this on the books would be a useful tool to stop any further terror-funding operations. Something to watch. »

FoxNews et sa valse neocon-antineocon

Maintenant, détaillons les deux personnalités, et le réseau FoxNews lui-même, en commençant par ce dernier, par rapport à l’interview, à son contenu, etc., qui n’est nullement un accident mais doit être pris comme un symbole très court, très net et absolument significatif, suffisamment pour refléter clairement les orientations actuelles de la chaîne...

• FoxNews est une chaîne d’information lancée par Rupert Murdoch dans les années 1990 pour concurrencer le monopole de CNN, et qui y parvint assez vite. FoxNews se révéla aussitôt comme une chaîne conservatrice et pro-républicaine, mais surtout comme soutien inconditionnel de la tendance interventionniste et globaliste neocons, c’est-à-dire de la politique-Système qui est devenue la politique de tout l’establishment, des neocons aux progressistes-sociétaux, des républicains-Système aux démocrates-Système. FoxNews garda plus ou moins cette ligne durant les mandats Obama, mais en même temps s’engagea dans une ligne anti-Obama sur divers sujets intérieurs et sociétaux qui, d’un point de vue relatif, ont affaibli peu à peu la ligne-neocon du réseau dans la mesure où, justement, Obama poursuivit et accentua la politique-Système (neocon) développée dans toute sa surpuissance depuis 9/11. Cette position contradictoire éclata en pleine lumière lorsque FoxNews s’engagea à fond pour Trump (et surtout contre Clinton), c’est-à-dire pour le candidat perçu comme adversaire de la politique-Système des neocons, et contre la candidate affirmée de ces même tendance. Ainsi, en un peu plus d’un an, tout se passe comme si FoxNews avait basculé dans le camp anti-neocon en s’opposant à la ligne progressiste-sociétale, conservant tout de même une situation devenue une contradiction criante puis anachronique d’avoir comme super-vedette Megyn Kelly qui avait pris une position anti-Trump radicale au travers de ses positions ultra-féministes la poussant à être pro-Clinton puisque Clinton est une dame... Le départ de Kelly, marquée par l’ego considérable et les prétentions à mesure de la présentatrice, était dans l’ordre des choses, ainsi que son remplacement par Carlson.

• En appendice de ce qui précède, comme commentaire sur les forces qui mènent les sapiens tandis que les forces suprahumaine font leur travail, on notera que le binôme communication-fric mène à tout. La tribu des Murdoch dans le chef d’un des fils Murdoch qui dirige le réseau, a bien songé, il y a quelques mois, à remettre son FoxNews dans le droit-chemin-neocon en abandonnant la cause trumpiste, suivant en cela la voie ouverte par la superstar Kelly. Mais lorsqu’il s’est avéré que la superstar en question, avec la tête évoluant vers les dimensions d’une montgolfière, demandait un salaire qui la mettait sur le même pied que les 0,01% de la direction, la résolution a chancelé, – parce que, l’argent c’est l’argent, et point trop n’en faut pour les employés, même les plus médiatiques, lorsque le vertige les saisit. D’où le dénouement de la fin d’année, – départ de Kelly, son remplacement par Carlson, – et le succès foudroyant de Carlson, qui redonne à FoxNews une position prépondérante, avec le fric qui va avec... Alors, va pour la ligne-Carlson ! (Au reste, on retrouve cette ligne désormais très active sur FoxNews, comme le montre cette attaque fulgurante de Neil Caruto, du même réseau, contre CNN après l’incident de la conférence de presse Trump versusCNN-le-Maudit”.) La tentation idéologique-Système ne tient pas devant les succès d’audience. FoxNews est ainsi en train de devenir aussi bien la voix des “Deplorables” au cœur de la presse-Système. Savourez l’ironie et les voies de l’antiSystème qui restent impénétrables et ne cessent de nous surprendre.

L’entente Carlson-Gabbard

• Tucker Carson est donc la nouvelle superstar de la TV US, et il s’affirme par une personnalité brillante, particulièrement bien informée, dont l’activité principale est d’exécuter par des interviews ravageuses les adversaires progressistes de Trump. Carlson est donc une exception brillante et extrêmement influente au sein du troupeau anti-Trump de la presse-Système. Sa position politique est dans la logique de ce nouveau statut, favorable à un accord avec les Russes, adversaire du “Assad Must Go” et ainsi de suite. Sa rencontre avec Gabbard est naturelle par conséquent, et pourtant elle est complètement contradictoire si l’on s’en tient aux étiquettes (Carlson qu’on peut désormais qualifier de conservateur anti-interventionniste, assez proche des libertariens et soutien de Trump).

• En effet, l’entente que Carlson montre avec Gabbard peut paraître paradoxale puisque Gabbard, jeune femme extrêmement brillante qu’on connaît bien sur ce site puisque nous avons un penchant pour elle, est une démocrate “de gauche” remarquable par sa probité. S’imposant elle-même en deux ans comme une star de son parti, elle est devenue en une ascension fulgurante (elle est à la Chambre depuis 2013) vice-présidente du DNC (Democratic National Committe), avant de démissionner de cette position en mars 2016 parce qu’elle avait décidé de soutenir Sanders contre Clinton et estimait ne pouvoir continuer au DNC prétendument neutre... Elle a dû observer avec une certaine ironie l’implosion réglementaire de ce même DNC, avec démission de sa présidente Wasserman-Schultz en juillet 2016, lorsque la corruption du Comité et de sa présidente sabotant la candidature Sanders au profit de Clinton fut mise à jour par les livraisons WikiLeaks prestement transformées en “complot russe”. En attendant, la démocrate de gauche Gabbard a acquis une réelle notoriété en s’opposant avec un courage exemplaire, comme on l’a vu, à la politique-Système neocon puis progressiste-sociétale défendue par Clinton, le parti démocrate et le “féminisme guerrier” développé sous Obama.

La valse chaotique des étiquettes

Lorsqu’on compare toutes ces données en tenant cet épisode comme exemplaire parce qu’il l’est en vérité, on en déduit que les “étiquettes” politiques, à Washington D.C., sont aujourd’hui l’objet d’une valse effrénée, partant dans tous les sens pour se reconstituer dans des factions et des alliances absolument inattendues. Cette explosion de communication est la conséquence, d’ailleurs plus indirecte que directe, du fait de l’effet-Trump, du surgissement de nombre de vérités-de-situation entrant violemment en collision avec la narrative générale, narrative-de-situation elle aussi. Nous disons bien “conséquences d’ailleurs plus indirectes que directes” car nous ne savons pas si Trump est de lui-même et volontairement ce levier brutal mettant sciemment à jour des vérités-de-situation, et nous penserions plutôt qu’il sème ces choses autour de lui simplement parce qu’il progresse comme un bulldozer en ayant comme seul but de déstabiliser l’establishment dans la mesure où il voit dans cette déstabilisation un avantage politique, une mise à jour sensationnelle à son profit, un défi à la fois exaltant et amusant, une satisfaction intime de son caractère volcanique et de son affection sans borne pour la philosophie de l’offensive à outrance (analogie-Stuart-Patton)...

Peu nous importe finalement, car lorsque nous voyons et écoutons le dialogue Carlson-Gabbard, ce que nous goûtons d’abord c’est ce spectacle totalement antiSystème sortie d’un réseau qui fait organiquement partie de la presse-Système, qui réalise, et de loin, la meilleure audience en prime time du bras audiovisuel de la presse-Système. Comme inversion vertueuse de la Bête, du Système qui est lui-même inversion pure, il faut chercher loin pour trouver mieux, si l’on arrive même à en trouver trace.

Ainsi et quoi qu’il en soit par ailleurs, l’on s’est attardé sur ce morceau de roi Carlson-Gabbard parce qu’il le vaut en lui-même, mais également pour sa valeur exemplaire et symbolique de débat et de mise en cause de la politique-Système, sur un média de grande diffusion et à l’heure de la plus grande écoute. En soi, cela n’a rien à voir directement avec Trump et la mise en place de son pouvoir et de son administration, mais tout à voir avec les effets de ce que nous nommerions le “chaos-Trump” qui s’est déchaîné à partir de l’“exlosion-Trump” et qui balaie Washington D.C.

Les étranges ambiguïtés de l’administration Trump

Mais encore et bien que déjà fort complexes à ce point, les choses ne sont pas, pour autant, “aussi simples”... Pro-Trump, anti-Trump avec les engagements politiques que cela semble supposer, certes, mais Trump lui-même ? Le fait est que, ces derniers jours, au moins depuis une décade sinon une quinzaine, Trump lui-même a varié dans ses déclarations, notamment sur l’essentiel : la véracité du “complot russe”, les perspectives de la politique russe de son administration. On en connaît tous les détails, qui sont partout dans les commentaires, qui pour s’en réjouir, qui pour accentuer sa pression, qui pour s’en défier, qui pour dénoncer, qui pour trop bien comprendre ou pour n’y rien comprendre du tout... Car ceci est précisément assuré : personne ne peut être vraiment précis ni assuré...

Les divers ministres désignés, commençant le défilé devant les commissions du Congrès pour leur confirmation aux fonctions qu’ils ont été sollicités d’occuper, ont fait entendre des voix discordantes ou bien des tons incertains par rapport à ce qu’on envisage comme devant être la politique de Trump. (Le secrétaire à la défense Mattis Tillerson fait sa liste des “menaces” contre les USA avec la Russie en tête de liste, le secrétaire d’Etat Tillerson parle de bloquer l’accès aux Chinois des îles artificielles qu’ils ont établies en Mer de Chine du Sud, avec réactions à mesure des Chinois [« Prospective US Secretary of State Rex Tillerson better watch his mouth, angry Chinese media said Friday [13 January], warning President-elect Donald Trump's nominee that his threats to block China in the South China Sea were fighting words »].)

En un sens, les Russes semblent beaucoup plus sereins que les Chinois, un peu à l’image de ce parlementaire, président de la Commission des affaires étrangères de la Douma, Lonid Sloutski, pour qui ces déclarations sont de pure convenance, destinées à permettre une confirmation aisée par un Sénat emporté dans un maximalisme sans retenue. Sloutski parle précisément de Tillerson parce qu’il le connaît et qu’il a déjà discuté avec lui des divers problèmes abordés devant le Sénat. On fera une place importante à ces déclarations, qui sont détaillées, très substantivées et fondées sur une connaissance réelle, et des dossiers, et de Tillerson lui-même, et des conceptions des dirigeants russes dans le chef deSlutski. (Déclarations faites à Tass, le 12 janvier.)

« “I’d rather refrain from assessing the declarations that Donald Trump and Rex Tillerson have made on Russia as the ones that determine the Russian vector of the incoming Administration’s foreign policy,” [Sloutski] said. “Tillerson appeared at the hearings in the Senate where he the approval of his candidature for the top post at the Department of State is to take place and the latest events show the strength of anti-Russian sentiments among the Senate’s Democrats and Republicans likewise. That’s why the statements made by Tillerson were, in most probability, aimed at pleasing that audience."

» Along with it, he singled out Tillerson statement on Crimea. "If you take a deeper look at it, I got interest not only in the declarations on sanctions, cyberattacks and the like stuff, as they were quite expectable. I took note of the Crimean issue.” He recalled Tillerson’s words that the U.S. would recognize Crimea’s reunification with Russia only if the situation around the peninsula would be settled in a way Ukraine would find suitable. "He said the only way to make this possible would be a broader arrangement respecting the interests of the Ukrainian people but it’s known perfectly well Ukraine is a territory under external administration and Washington is handling a remote for it... Does this mean the start of a process of recognition instead of the ‘Return Crimea’ categorical demand?"

» “Also, Tillerson doesn’t deny essentiality of a dialogue with Moscow,” he said. “In spite of the tough rhetoric, this leaves an opportunity for the restoration of constructive aspects of Russian-American relationship. »

Trump pris au piège ou Trump-qui-s’en-fout ?

Mais Trump se soucie-t-il vraiment de tout cela ? Se sentant obligé de commenter ces diverses déclarations à contre-sens ou à contre-courant, – si l’on admet que tout cela suit un courant et est conduit à suivre un véritable sens, – il en revient à son arme favorite, le tweet bien entendu... Ainsi, le 13 janvier, cette affirmation selon laquelle “tous les membres de son cabinet, sont en bonne forme, font un très bon travail. Je veux qu’ils soient eux-mêmes et expriment leurs propres opinions, et non pas la mienne !”

« All of my Cabinet nominee are looking good and doing a great job. I want them to be themselves and express their own thoughts, not mine! »

Si l’on met à part l’interprétation de Sloutski comme tentative de rendre compte d’une façon cohérente d’une situation en apparence si contradictoire, et si l’on s’attache effectivement à la situation de Trump par rapport à ses ministres à partir de ce tweet, deux interprétations s’offrent à nous :

• L’une, classique, qui rend compte de la toute-puissance de l’“État profond”, de la capitulation de Trump, de la nomination de ministres qui ne seront que des délégués de l’État profond auprès de lui... Certes et pourquoi pas, mais dans ce cas pourquoi tant s’inquiéter de l’arrivée à la Maison-Blanche de Trump jusqu’à nous conduire au bord de l’abîme en détruisant quasiment l’architecture et la légitimité du pouvoir américaniste ?... En d’autres mots, si Trump est un simulacre de l’État profond, pourquoi l’État profond gâcherait-il ainsi son simulacre en risquant dedétruire la structure elle-même du pouvoir ? Il est à considérer que certaines expressions ont un aspect attractif irrésistible, et il en est ainsi de l’expression “État profond” : elle vous conduit souvent à tirer des conclusions qui ont d’abord pour but de rendre grâce à ce qu’on imagine être la puissance de cette entité.

• Une autre, moins classique mais également incertaine, fait la part belle à Trump : celle qu’on dirait empruntée d’une certaine façon au “Prove di Orchestra” de Fellini, telle que reprise par Adam Gurrie, de TheDuran.com, qui se réfère justement à des chefs d’orchestre : laissez-les parler (jouer de leurs intruments pour les accorder) et être ce qu’ils sont (« I want them to be themselves and express their own thoughts ») ; quand il le faudra, ils s’inclineront devant la baguette du maestro...

« The clear implication is that ultimately he will hear out all views, without imposing a censorship regime, but ultimately his decisions will be his own. So far his views have remained far more consistent than that of many of his predecessors at the same point in their careers. I doubt his mind will be changed anytime soon.

» Trump is neither a one-man band nor is he going to be led by the tail. I sense that his leadership style is similar to that of a non-authoritarian orchestral conductor like Rafael Kubelík or Hans Knappertsbusch, someone who is friendly with his musicians and allows them to express their own artistic interpretations during the rehearsal process, but that ultimately it is the maestro’s orchestra and the overall musical portrait will be his. If there comes a time when someone tries to stop Trump from being the ultimate decision maker, as he himself promised, they will be fired. »

“Mon Dieu, ô ministres intègres, protégez-nous du Monstre”

Ainsi a-t-on observé, dans le camp trumpiste, un grand désarroi et un désordre à mesure, ou bien un montage qui se découvre et se défait à la fois... Tout cela, sous les yeux de l’“État profond”, ou bien du Système, ou bien du Monstre si l’on veut faire antique et ancien. Cela suppose que, du côté “de l’‘État profond’, ou bien du Système, ou bien du Monstre”, l’on est bien organisé, extrêmement structuré et frappant à tout coup avec une grande sûreté ; cela suppose effectivement une telle situation, que ce soit ou pas une vérité-de-situation, du côté des démocrates qui sont pour le moment les meilleurs représentants possibles, disons du Monstre pour rester dans l’antique et permettre l’enchaînement...

... Eh bien pas du tout, et même au contraire. D’abord et surtout, sinon essentiellement, les démocrates ont peur, et secondairement et logiquement, ils sont inorganisés à mesure. Il y a un texte intéressant du Washington Examiner, il y a trois jours, non pour ce qu’il dit mais pour ce qu’il suggère et aurait dû dire plus clairement. Curieusement, on trouve l’idée la plus brillante dans le titre et le sous-titre, tandis que le texte, qui examine plusieurs auditions de ministres de Trump, auditions qui satisfont en général les démocrates puisque les ministres comme on l’a vu désavouent un peu, beaucoup, passionnément, etc., les tweet et les emportements de leur président, – tandis que le texte, disons-nous, n’approfondit pas ce que le titre nous promet, sauf cette phrase laconique de conclusion : “N’ayant aucun moyen de repousser la confirmation de ces ministres, les démocrates comptent sur eux (les ministres) pour tenir en main, pour ‘contrôler’ l’homme qui les a nommés” (« Lacking any filibuster power over these appointees, Democrats are now counting on them to hold back the very man who nominated them »).

Le titre, de façon bien différente, plus imagé, dit ceci : “les démocrates aux membres du gouvernement Trump : Sauvez-nous – Les démocrates du Sénat ont une requête pour les ministres du gouvernement Trump : s’il vous plaît, protégez-nous de votre chef” (« Democrats to Cabinet picks: Save us from Trump – Senate Democrats have a request for President-elect Trump's Cabinet nominees: please save us from your boss ») ; ou bien encore, “ô ministres intègres, protégez-nous du Monstre qu’est l’homme qui vous a désignés”. Le plus étrange de cette inversion est bien de s’adresser à des hommes, dont certains pourraient être jugés “incontrôlables” par leur emportement guerrier et leur maximalisme, par rapport inverti à la “mission” constitutionnelle qui leur est confiée, de veiller à réfréner décisivement l’incontrôlabilité de leur commandant-en-chef à eux tous, et donc de leur demander d’une certaine façon de désobéir et ainsi d’éroder, encore cette idée fondamentale, d’une façon fort dangereuse pour le pouvoir américaniste et précisément pour la légitimité de la fonction suprême elle-même (Trump ou pas Trump).

Tout cela (la peur des démocrates, etc.) paraît bien enfantin, ou bien assez pathologique, mais le fait est là, sorti de l’interprétation qu’on doit avoir de ces échos. Les démocrates, ces représentants les plus parfaits pour cette séquence du Système, – du Monstre, disons-nous, – eux qui possèdent une puissance si grande et l’exercent sans vergogne tous les jours dans les machinations les plus extrêmes et les plus grossières, tous ces gens-là ont peur de Trump, – du Monstre, — comme les enfants ont peur du noir ou un notaire de l’inconnu qui n’est ni répertorié ni contresigné. Il s’agit effectivement d’une pathologie qui, par ailleurs, explique bien des emportements et l’espèce d’hystérie qui animent les anti-trumpistes depuis plus d’un an.

Il résulte de cette pathologie que, finalement, les démocrates qui tiennent toute la puissance du Système, ne parviennent pas à organiser une résistance efficace contre le Monstre, en s’en remettant à une sorte de “clémence d’Auguste” inversée, consistant à demander à des ministres de “retenir leur chef”, comme pour le calmer et éventuellement de le trahir ; c’est-à-dire, si l’on va au principal, d’éviter qu’il (Trump) ne développe une politique d’apaisement avec la Russie, – comme s’ils s’exclamaient ; “vous rendez-vous compte, avec Trump on risque la paix !” (comme l’on dirait “on risque la guerre !”, donc inversion parfaite). D’où leur désorganisation et ces contradictions dans leur camp qui s’expliquent par le poids effrayant du déterminisme-narrativiste que leur impose le Système, leur Monstre à eux.

Le cas Sanders

Enfin, pour terminer avec un appendice sur le cas étrange (si l’on écarte l’évidence de l’asservissement au Système) des démocrates, on citera à l’intérieur d’eux-mêmes le “cas Sanders”, cet homme qui a presque provoqué une révolution pour se replier piteusement sous la tente de l’incertaine et démoniaque Hillary dont il avait dit pis que prendre pendant six mois. Voilà que Sanders se réveille, – plutôt que se révéler car, décidément, il est bien difficile de placer en un caractère si incertain quelque espoir que ce soir. (Nous lui préférerions Gabbard, celle par laquelle nous avons commencé, qui possède tout le courage et tout le caractère qu’il n’a pas.)

Infowars.com en profite donc pour faire un titre à mesure, en parlant d’un “défi” lancé par Sanders aux siens (bien qu’il ait quitté le parti démocrate pour redevenir indépendant, mais l’on sait bien de quoi l’on parle) : « Bernie defies Dems: I’ll work with Trump – Sanders sees value in some of Trump's proposals. » Suivent diverses déclarations récentes de Sanders, qui découvre quelques vertus à Trump dont on sait que nombre de ses coreligionnaires voient en lui (Trump) rien de moins qu’un Hitler postmoderne

•  « “I don’t think it makes sense to say we aren’t going to work in any way, in any form, with the Trump administration,” Sanders said. “Trump has talked appropriately about our collapsing infrastructure – our roads, bridges, and water systems.” “If he is prepared to work with us on rebuilding America’s crumbling infrastructure, and creating millions of jobs, and doing it in a way that doesn’t privatize our infrastructure or give tax breaks to billionaires; yes, let’s work together.” [...] Sanders also noted that Trump is right in saying that US trade policy has become abysmal for the country due to globalist trade legislation like NAFTA and TPP. “If he is prepared to work with us on a trade policy which works for the American worker, not just the CEO of large, multinational corporations, let’s work together in those areas,” he said. »

• « ...These comments come after Sanders acknowledged earlier this week at a CNN town hall-style interview that Trump’s victory was “an extraordinary accomplishment.” “And it talks about perseverance, it talks about very strong political instincts, it talks about a way to connect with people,” Sanders said. “So I give Donald Trump his due.” »

Un Mai-68 cosmique de la communication

Il ne faut pas essayer de lier toutes ces nouvelles chaotiques, contradictoires, incompréhensibles, pourtant parfois parcourues d’interventions lumineuses (celles par laquelle nous avons commencé [Carson-Gabbard]), – « pleines de bruit et de fureur et qui ne signifient rien », – “qui ne signifient rien” jusqu’à l’heure où on les lit, mais qui construisent un climat, le cadre d’un événement cosmique dont le sens nous est dissimulé mais qui existe sans aucun doute. Il est devenu impossible de ranger d’une façon cohérente et significative cet ensemble de “nouvelles”... Nous choisissons et répétons ce mot plutôt que celui d’“événements” à dessein car, effectivement, séparés du reste et séparés d’une dynamique générale dont le sens et la structure nous échappent, ils sont trop incomplets pour signifier quelque chose.

Il reste que the fact of the matter, comme ils disent, est que Washington D.C. et le pouvoir américaniste plus généralement sont en train d’imploser presque silencieusement. (Ecoutez et admirez le silence fait effectivement autour de ce chaos qui secoue l’appareil politique américaniste, notamment silence dans la presse-Système européenne, chez nos commentateurs extrêmement “experts”, nos dirigeants politiques si plein d’humanisme, etc.). Cela signifie que les bornes et les contraintes du Système, les us & coutumes si l’on veut, les signes de reconnaissance comme les étiquettes, le Politically Correct aussi bien des pro-Système que des antiSystème, tout cela qui évoluait jusqu’ici dans un cadre de communication rationnel au moins dans sa forme (pour le contenu, c’est autre chose depuis longtemps), tout cela est absolument pulvérisé.

Plus encore que la trace d’un Silent Coup qui n’en finit pas de faire un bruit assourdissant, c’est à cette implosion que nous pensons lorsque, par exemple, l’on assiste à ces échanges surréalistes entre l’actuel directeur de la CIA Brennan (directeur-sortant) et le président-élu, où le premier estime (sur FoxNews) que le président-élu parle beaucoup trop, qu’il ferait mieux de mesurer ses paroles, “to watch what he says (“sinon...“, pense-t-on aussitôt comme l’on pense à Dallas-JFK) ; où le second riposte (à coups de tweets) que Brennan ferait lui aussi mieux de se taire puisqu’il s’avère qu’il est l’instigateur de tant de montages, et notamment la diffusion “fuitée” des fausses nouvelles et nouvelles fabriquées, dossiers-montages, FakeNews, etc., contre lui-même (Trump).

... S’il le faut, on convoque un arbitre dans cet affrontement : Bob Woodward, par exemple, le jeune homme brillant mais suspect du Watergate  devenu “vieille canaille” conformiste, qui a vieille sous l’amoncellement de dollars que lui ont procuré ses best-sellers et son accès privilégié à tous les présidents successifs. FoxNews l’a interrogé à propos des documents anti-Trump qui sont sortis ces dernières semaines. Il “comprend parfaitement” les réactions de Trump et explique : “J’ai vécu 45 ans dans ce monde où il y a ces choses et ces gens, eh bien ces documents sont des tas d’ordures” (« I’ve lived in this world for 45 years where you get things and people make allegations,” he continued. “That is a garbage document” »)... Et Woodward est toujours au Washington Post, comme membre éminent et honoré du board des directeurs, le même WaPo qui déverse des tombereaux de ces même ordures que dénonce Woodward sur Trump depuis d’assez nombreux moi. “Toujours opportuniste”, ricane le New York Post (« WaPo’s Always Opportunistic Bob Woodward Takes Trump’s Side »)...

Il s’agit d’une sorte de Mai-68 nécessairement cosmique puisqu’à Washington D.C., au cœur du Système, et essentiellement dans le champ de la communication plutôt qu’à coup de pavés (on verra plus tard). Il est évidemment, nécessairement et impérativement impossible, voire impensable sinon absurde, d’envisager une issue, de construire une perspective, etc. Tout l’édifice déjà branlant des structures du pouvoir américaniste est en train de trembler, secoué comme un prunier par la tempête, également comme sous l’effet d’une série ininterrompue de secousses tectoniques ; il est en train non pas de s’effondrer comme dans une “révolution” normale mais de voir au gré de ses mouvements furieux et de ses invectives en tous sens se dissoudre à très grande vitesse sous la forme de la destruction de son essence même ; c’est-à-dire sa légitimité et son autorité pour la maîtrise et la conduise de la puissance que sont les États-Unis d’Amérique... Cela se fait sous nos yeux, directement pour notre perception, sans autre forme de procès ni de contrôle du climat qu’entretiennent les actes, les emportements, les peurs et les fureurs elles-mêmes, et les nouvelles de chaque jours, – car l’on n’assigne ni ne contrôle le climat, comme nous l’a appris la crise climatique.